Date de début de publication du BOI : 09/03/2001
Identifiant juridique : 4A211
Références du document :  4A211

SECTION 1 DÉFINITION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE

2. Les opérations de toute nature.

8Il convient de tenir compte de l'ensemble des opérations effectuées.

Les opérations réalisées peuvent concerner l'objet même de l'entreprise ou n'avoir aucun lien direct avec son activité ; elles peuvent être effectuées à titre principal ou à titre accessoire.

9Il peut s'agir notamment :

- de ventes, de prestations de services, de travaux, mais aussi d'opérations de courtage ou de commission, de locations d'immeubles figurant à l'actif du bilan, de concessions de droits de la propriété industrielle, etc ;

- des cessions d'éléments quelconques de l'actif, immobilisé ou non. Il n'y a pas lieu, à cet égard, de rechercher si la cession résulte ou non de la volonté de l'exploitant ; aussi convient-il d'entendre par cession toute opération ou tout événement ayant pour résultat de faire sortir un élément de l'actif de l'entreprise (vente, expropriation, apport, échange, partage, donation, retrait d'actif, etc). Mais les plus ou moins-values réalisées lors de la cession de l'actif immobilisé sont soumises à un régime fiscal privilégié (cf. division 4 B )

En application de ces principes, le Conseil d'État a notamment jugé :

- dans le cas d'une société exploitant un fonds de librairie-papeterie et dont le gérant avait obtenu la concession d'un débit de tabac par un traité de gérance l'obligeant à exploiter personnellement les produits du monopole, que l'Administration était fondée à se référer à la situation de fait créée par la société elle-même et à en déduire que cette société comprenait en réalité deux branches d'activité différentes dont elle assurait seule l'exploitation.

En l'espèce, l'intéressé avait omis de se faire inscrire en qualité de gérant de débit de tabac au registre du commerce et il n'avait souscrit en son nom aucune déclaration de bénéfice. De plus, l'ensemble des recettes de la société et du débit de tabac étaient retracées sur un seul livre ouvert au nom de la société et il n'était tenu pour la librairie et le débit de tabac qu'un seul compte d'exploitation. Enfin, le compte bancaire ouvert au nom de la société servait également à l'exécution des opérations propres au débit de tabac (CE, arrêt du 12 juillet 1978, req. n°s 6330 et 6331) ;

- qu'une société qui exploite une entreprise de négoce de denrées alimentaires n'est pas imposable à l'impôt sur les sociétés à raison des profits résultant d'opérations réalisées par des gérants de succursales agissant pour leur propre compte à l'insu des dirigeants. En effet, ces profits non comptabilisés dans les écritures sociales et directement appréhendés par les gérants sont restés sans influence sur les variations de l'actif net de la société (CE, arrêt du 17 décembre 1976, req. n° 151) ;

- s'agissant d'une société imposée à l'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices que lui auraient procurés les opérations frauduleuses réalisées par son représentant auprès d'une tierce entreprise :

- d'une part, que les profits supplémentaires correspondant aux factures établies à des prix majorés, avaient été à bon droit imposés au nom de la société comme ayant été appréhendés par cette dernière puis laissés à la disposition de son représentant dès lors qu'il apparaissait, dans les circonstances de l'espèce, que celle-ci n'avait pas ignoré les agissements de ce dernier ;

- d'autre part, que les opérations correspondant aux factures fictives ne pouvaient être regardées comme réalisées par la société dès lors qu'aucune pièce du dossier ne permettait d'établir qu'elle avait pu avoir connaissance de ces factures fictives délivrées par son représentant.

Dans le même sens, cf. 3 CA div. E ; CE, arrêts du 17 décembre 1976 n° 152 et du 23 février 1979 n° 7307, rendus en matière. de TVA.

- que ne constitue pas le prix d'une cession d'élément incorporel de l'actif immobilisé relevant du régime des plus-values à long terme, mais un profit imposable au taux de droit commun, l'indemnité perçue par une entreprise en contrepartie de sa renonciation, avant son échéance, à une promesse contractuelle de concession de licence de fabrication qu'elle n'a pas utilisée et qu'elle ne s'est même pas mise en demeure d'utiliser (CE, arrêt du 29 juillet 1983, n° 28543).

Remarque  : Extension d'activités.

10Il importe de noter que, conformément aux dispositions de l'article 155 du CGI, lorsqu'une entreprise industrielle ou commerciale non passible de l'impôt sur les sociétés étend son activité à des opérations dont les résultats entrent normalement dans la catégorie des bénéfices de l'exploitation agricole ou dans celle des bénéfices des professions non commerciales, il est tenu compte de ces résultats pour la détermination des bénéfices industriels et commerciaux à comprendre dans les bases de l'impôt sur le revenu (cf. 4 F 113 ).

Toutefois, cette règle de cumul ne trouve son application que dans le cas où les opérations agricoles ou non commerciales ne sont accomplies qu'à titre de simple extension de l'activité industrielle ou commerciale exercée par l'entreprise. En d'autres termes, les contribuables soumis à cette disposition sont ceux qui se livrent à des opérations relevant en principe de catégories différentes, mais constituant en fait l'exploitation d'une seule et même entreprise dans laquelle l'objet industriel et commercial demeure prédominant.

Tel n'est pas le cas d'un contribuable exerçant d'une part la profession de pépiniériste et, d'autre .part, celle d'entrepreneur de parcs et jardins qui,comporte outre la vente de végétaux, un ensemble de prestations de services pour lesquelles la fourniture de main-d'oeuvre est un élément important. Ainsi a-t-il été jugé que les bénéfices réalisés par l'intéressé dans sa profession d'entrepreneur de jardins qui présente un caractère industriel et commercial, doivent, en vertu de l'article 38-1 du CGI, être. déterminés compte tenu de l'ensemble des recettes procurées par cette activité, y compris par conséquent celles qui proviennent de la vente aux clients de l'entreprise commerciale des produits végétaux issus de pépinières appartenant au contribuable (CE, arrêt du 4 octobre 1978, req. n° 7665, RJ, IIe partie, p. 119).

Au cas particulier, il ne pourrait être fait application de l'article 155 du CGI dès l'instant que l'activité commerciale n'était pas prépondérante. Dans le cas contraire, c'est l'ensemble des ventes qui aurait dû être retenu pour la détermination du bénéfice commercial.

11Il est précisé que les dispositions de l'article 155 ne concernent que les exploitants individuels ainsi que les sociétés de personnes et assimilées n'ayant pas opté pour leur assujettissement à l'impôt sur les sociétés. En effet, les sociétés de capitaux et autres personnes morales passibles de ce dernier impôt sont imposables, sans distinction d'objet, conformément à l'article 205 du code précité, d'après l'ensemble des bénéfices ou revenus de toute nature qu'elles ont réalisés.

3. Opérations effectuées en cours ou en fin d'exploitation.

12Toutes les opérations réalisées par l'entreprise concourent, en principe, à la détermination du bénéfice imposable, qu'elles soient effectuées en cours ou en fin d'exploitation. Aussi les opérations qu'une entreprise accomplit tant au commencement qu'au terme de son activité doivent-elles être prises en compte d'une manière identique.

  II. Dispositions dérogatoires visées à l'article 38-1

13L'article 38-1 du CGI précise que les dispositions qu'il prévoit ne s'appliquent que sous réserve des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies du code précité.

Mais cette énumération n'est pas limitative. Un certain nombre d'articles du même code dont elle ne fait pas mention déroge également au principe général posé à l'article 38.

Ces dispositions dérogatoires sont étudiées, cas par cas, dans les divisions de la présente série consacrées aux domaines qu'elles concernent.

  B. DÉFINITION RÉSULTANT DE L'ARTICLE 38-2 DU CGI

14L'article 38-2 complète le contenu de la notion de bénéfice en disposant que celui-ci « est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés ».

L'actif net est défini comme « l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ».

15Il s'ensuit que le bénéfice net ne résulte pas seulement des profits et pertes - en revenu ou en capital - engendrés par des opérations de toute nature effectuées par l'entreprise, mais aussi, conformément aux pratiques du commerce et de l'industrie, de la comparaison des valeurs actives et passives inventoriées suivant le code de commerce.

La notion de variation de la valeur de l'actif net entre l'ouverture et la clôture de la période d'imposition appelle les explications suivantes.

  I. L'actif net

16L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs réelles d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés.

1. Les valeurs réelles d'actif.

17Les postes d'actif correspondant à des valeurs réelles de l'entreprise comprennent :

- les immobilisations corporelles, incorporelles, financières (prêts à plus d'un an, titres de participation, depôts et cautionnements) ;

- les valeurs d'exploitation (marchandises, matières ou fournitures, produits intermédiaires et finis, productions en cours et emballages commerciaux : cf ci-après 4 A 25 ) ;

- les valeurs réalisables à court terme ou disponibles à l'exclusion des frais d'établissement et bien entendu des pertes de l'exercice.

2. Les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés.

18Ces éléments à prendre en considération pour la détermination de l'actif net, sont :

- les créances des tiers ou, en d'autres termes, les dettes certaines et définitives, dans leur principe et dans leur montant, et qui sont à la charge effective de l'entreprise. Il s'agit, bien entendu, des seules dettes contractées pour les besoins de l'exploitation ou se rattachant à la gestion normale des entreprises. Il doit être fait abstraction, du point de vue fiscal, des dettes qui ne remplissent pas ces conditions, et les dépenses ou charges correspondantes doivent faire l'objet d'une réintégration extra-comptable dans les résultats imposables (cf. ci-après 4 A 213 et div. 4 C) ;

- les amortissements et provisions justifiés, c'est-à-dire les amortissements et provisions effectivement comptabilisés dans la limite de ceux déterminés conformément aux dispositions de la législation fiscale ; les amortissements et provisions excédant cette limite doivent être réintégrés dans les résultats imposables (cf. ci-après 4 A 213 et div. 4 D et 4 E).

19On notera que les dispositions de l'article 38-2 constituent le fondement de l'important principe de séparation du patrimoine fiscal de l'entreprise et du patrimoine « privé » ou « civil » de l'exploitant.

Le patrimoine d'une société et celui de ses associés sont également distincts, même lorsqu'il s'agit de sociétés soumises au régime prévu à l'article 8 du CGI et dont les bénéfices, dès lors, sont considérés comme appréhendés par les associés au fur et à mesure de leur réalisation. Toutefois cette distinction n'est pas fondée sur les dispositions de l'article 38-2 du code précité, mais bien sur le fait que société et associés constituent des sujets de droit distincts.

Ce principe, confirmé par de nombreuses décisions jurisprudentielles, consiste à considérer que le patrimoine d'un exploitant individuel exerçant des activités industrielles et commerciales, s'il est unique au regard des principes généraux du droit, doit être regardé, du point de vue fiscal, comme comportant :

- des éléments compris dans l'actif et le passif de l'entreprise, et dont les variations de valeur doivent être prises en considération pour la détermination des résultats imposables ;

- et des éléments composant le patrimoine « privé » (ou, selon une terminologie équivalente, le patrimoine « civil ») de l'exploitant.

Sont également considérés comme ne faisant pas partie du patrimoine « privé » ou « civil » du contribuable :

- les éléments faisant partie de l'actif ou du passif d'une exploitation agricole dont les résultats sont déterminés d'après un régime du bénéfice réel ;

- les éléments considérés comme affectés à l'exercice d'une profession non commerciale.

20Seuls peuvent être considérés comme faisant partie de l'actif ou du passif d'une entreprise industrielle ou commerciale individuelle :

- les biens qui ont été inscrits par le contribuable à l'actif de son bilan, soit en vertu de dispositions légales, soit par une décision de gestion opposable à l'Administration ;

- les biens qui n'ont pas été inscrits à l'actif du bilan mais font partie de l'actif de l'entreprise en raison même de leur objet. Il s'agit essentiellement des éléments incorporels du fonds de commerce qui, par nature, font partie de l'actif immobilisé (sur le point de savoir quand des biens appartenant à l'exploitant individuel doivent être regardés comme faisant partie de l'entreprise, cf. division 4 B , titre 1 ) ;

- les dettes qui ont été inscrites au passif du bilan. La jurisprudence résultant des arrêts du 19 novembre 1976, req. n°s 97386 et 97391, RJ n° II, p. 92, rendus par les trois sous-sections fiscales réunies, étend aux éléments du passif la liberté reconnue à l'exploitant individuel d'inscrire ou non à l'actif du bilan de son entreprise les biens mobiliers ou immobiliers lui appartenant (CE, arrêt du 24 mai 1967, req. n° 65436, RJCD, 1re partie, p. 141).

Mais cette jurisprudence ne saurait bien entendu faire obstacle à l'exercice du droit appartenant au service d'écarter, pour la détermination des résultats imposables, des dépenses en capital ou en intérêts qui seraient étrangères à l'intérêt de l'exploitation (cf. 4 C 11 ).

Ainsi, dans le cas d'une société qui faisait figurer au passif de son bilan le solde créditeur d'un compte-courant ouvert au nom d'une association qui avait pour objet de servir diverses prestations au personnel de l'entreprise, la Haute Assemblée a jugé que le solde créditeur de ce compte-courant n'avait pas le caractère d'une créance de tiers alors même que l'association était dotée de la personnalité morale, et que les sommes correspondantes devaient être rapportées aux résultats imposables. Au cas particulier, le comité de direction de cette association était en majorité composé de personnes désignées par le gérant de la société qui y siégeait lui-même. Comme ce comité décidait discrétionnairement du volume des prestations servies au personnel et par voie de conséquence de celui des sommes, d'ailleurs minimes, qui devaient être prélevées sur le compte-courant, c'est en fait l'entreprise elle-même qui réglait à son gré, par l'intermédiaire de ses représentants, les mouvements du compte-courant (CE, arrêt du 20 mai 1981, req. n° 16284).

Dès lors, lorsqu'une personne physique qui exploite individuellement une entreprise industrielle et commerciale (régime d'imposition d'après le bénéfice réel) contracte une dette à l'égard d'un tiers, elle peut, en prenant une décision de gestion qui lui est opposable :

- soit regarder l'opération comme étrangère à l'exploitation de son entreprise et ne point la retracer dans ses écritures comptables ; dans ce cas, tout événement ultérieur, tel que le paiement des intérêts ou l'extinction de la dette par voie de remboursement ou autrement, survenant dans les rapports entre le débiteur et le créancier, reste sans influence sur les bénéfices imposables de l'entreprise ;

- soit, au contraire, regarder l'opération comme effectuée par l'entreprise et faire figurer en comptabilité l'encaissement de la somme prêtée et le montant de la dette contractée ; tout événement affectant les droits et obligations de l'entreprise à l'égard du créancier doit alors être pris en compte et peut influer sur le bénéfice net de l'exercice correspondant.

Dans ce second cas, le fait que la créance du tiers en cause, qui figurait au passif du bilan d'ouverture, ne se retrouve pas au passif du bilan de clôture traduit la réalisation d'un profit à moins que l'extinction ainsi constatée d'une dette de l'entreprise ait pour contrepartie, soit une diminution des valeurs d'actif par suite, par exemple, du remboursement, soit un supplément d'apport effectué par l'exploitant (cf. sur ce dernier point, ci-après n° 26 ).

Modifications intervenant après la clôture de l'exercice.

21Pour le calcul du résultat, il convient de considérer l'actif net à l'ouverture et à la clôture de la période d'imposition.

Ainsi, une société ne peut modifier rétroactivement les comptes de tiers qui doivent exprimer la situation débitrice ou créditrice de ces derniers telle qu'elle résulte, à la date du bilan, des opérations de l'exercice écoulé. En conséquence la remise de dette consentie par ladite société à une tierce entreprise doit rester sans influence sur les résultats de l'exercice dès lors qu'elle avait été décidée par une délibération des associés postérieure à la clôture de l'exercice (CE, arrêt du 14 mars 1979, req. n° 7360).