B.O.I. N° 29 DU 12 MARS 2012
INTRODUCTION
1.L'article 1 er de la loi relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (n° 2010-658 du 15 juin 2010) a créé et défini le régime juridique de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, dont le patrimoine professionnel est distinct du patrimoine personnel, sans qu'il y ait néanmoins création d'une personne morale. Ce nouveau dispositif est codifié aux articles L. 526-6 à L. 526-21 du code de commerce.
2.La présente instruction précise le régime fiscal applicable à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, organisé par l'article 1655 sexies nouveau du code général des impôts, tel qu'issu de l'article 4 de la loi relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée et modifié par l'article 15 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.
3.S'agissant des règles applicables aux différentes entreprises individuelles à responsabilité limitée (EIRL), les chapitres auxquels il convient de se référer, dépendent de la date de création de l'EIRL :
- pour les EIRL créées antérieurement au 30 juillet 2011 , il convient de se référer aux commentaires figurant aux chapitres 1 (Régime juridique), 2 (Régime fiscal), 4 (Règles particulières aux seules EIRL créées antérieurement au 30 juillet 2011) et 5 (Autres impôts et taxes) ;
- pour les EIRL créées à compter du 30 juillet 2011 , il convient de se référer aux commentaires figurant aux chapitres 1 (Régime juridique), 3 (Régime fiscal) et 5 (Autres impôts et taxes).
4.Par souci de simplification, l'entreprise individuelle à responsabilité limitée, l'entreprise agricole à responsabilité limitée et l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée sont respectivement désignées par les sigles « EIRL », « EARL » et « EURL » dans le corps de l'instruction.
Sauf mention contraire, les articles cités sont ceux du code général des impôts ou de ses annexes.
CHAPITRE 1 :
REGIME JURIDIQUE DE L'ENTREPRENEUR INDIVIDUEL A RESPONSABILITE LIMITEE
5.L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée reste propriétaire des biens qu'il a affectés à son activité professionnelle ; ceux-ci constituent la garantie des créanciers intervenant dans le cadre professionnel et la responsabilité de l'entrepreneur est limitée à l'actif ainsi affecté. Ce régime est avant tout un régime juridique, qui existe et s'applique indépendamment du régime fiscal applicable à l'entrepreneur individuel.
6.Le régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est accessible quelle que soit la catégorie préalable d'imposition à l'impôt sur le revenu de l'entrepreneur individuel (bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux, bénéfices agricoles), qu'il soit imposé selon un régime réel d'imposition (normal ou simplifié) ou forfaitaire (cf. n° 13 ).
Section 1 :
Champ d'application du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée
7.Tout entrepreneur individuel, quelle que soit son activité – industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole peut prétendre au statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, qu'il débute son activité ou qu'il l'exerce déjà.
Section 2 :
Composition du patrimoine affecté
8.Le patrimoine professionnel affecté à l'EIRL est composé de deux catégories de biens :
- les biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire et qui sont nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle : l'ensemble de ces biens, droits, obligations ou sûretés font obligatoirement partie du patrimoine professionnel affecté à l'EIRL.
Conformément aux dispositions de l'article R. 526-3-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'article 3 du décret n° 2012-122 du 30 janvier 2012 relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, cette première catégorie de biens correspond aux biens affectés par nature à l'exercice de l'activité professionnelle, c'est-à-dire aux biens ne pouvant être utilisés que dans le cadre d'une telle activité. Appartiennent notamment à cette première catégorie de biens, le fonds de commerce, le fonds artisanal ou le fonds agricole, le droit de présentation de la clientèle d'un professionnel libéral (cf. CE 27 mai 1983, n° 33486, 8 e et 7 e s.-s.), les outils d'un artisan, le matériel agricole, ou les droits à paiement unique 1 . ;
- les biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire et qui sont utilisés pour l'exercice de son activité professionnelle, sans pour autant y être nécessaires : l'entrepreneur individuel peut les affecter, ou certains d'entre eux seulement, à son patrimoine professionnel.
Cette seconde catégorie de biens correspond aux biens qui, n'étant pas affectés par nature à l'exercice de l'activité professionnelle, sont néanmoins utilisés dans le cadre de cette activité. Appartiennent notamment à cette seconde catégorie de biens ceux qui ont un usage mixte, professionnel et personnel, tels qu'un véhicule personnel utilisé pour des trajets professionnels ou un immeuble d'habitation au sein duquel a été aménagée une pièce pour l'exercice de l'activité professionnelle.
9.En revanche, les biens, droits, obligations ou sûretés qui ne sont ni nécessaires à l'exercice de l'activité professionnelle, ni utilisés pour l'exercice de celle-ci, ne peuvent être affectés au patrimoine professionnel.
Les dispositions du 2 ème alinéa du I du D de l'article 38 sexdecies de l'annexe III s'agissant du maintien des terres agricoles appartenant à l'exploitant dans son patrimoine privé sont applicables aux EIRL exerçant une activité agricole.
10.Jusqu'au 31 décembre 2012, un entrepreneur individuel ne peut constituer qu'un seul patrimoine affecté ; à compter du 1 er janvier 2013, il peut en constituer plusieurs. Mais dans tous les cas, un même bien, droit, obligation ou sûreté ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté, y compris lorsque ce bien est commun ou indivis.
Section 3 :
Obligations déclaratives à la charge de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée
11.La constitution du patrimoine affecté résulte du dépôt d'une déclaration effectuée :
- soit au registre de publicité légale auquel l'entrepreneur individuel est tenu de s'immatriculer, par exemple le registre du commerce et des sociétés pour les commerçants ou le répertoire des métiers pour les artisans ; en cas d'immatriculation possible à deux registres, l'entrepreneur individuel choisit celui où il dépose sa déclaration ;
- soit, pour les exploitants agricoles, auprès de la chambre d'agriculture compétente ;
- soit pour les personnes qui ne sont pas tenues de s'immatriculer à un registre de publicité légale (principalement les professionnels libéraux), à un registre tenu au greffe du tribunal statuant en matière commerciale du lieu de leur établissement principal.
12.
Cette déclaration comporte un état descriptif de la composition du patrimoine affecté (nature, qualité, quantité et valeur) et l'objet de l'activité professionnelle exercée. En cas d'affectation de biens postérieurement à la constitution du patrimoine affecté, une déclaration complémentaire est effectuée, sauf si ces biens sont des liquidités ou des biens meubles non communs ou indivis d'une valeur inférieure ou égale à 30 000 €. Dans tous les cas, qu'il s'agisse d'une affectation initiale ou d'une affectation complémentaire, l'entrepreneur individuel attribue une valeur à chacun des biens, droits, obligations et sûretés composant le patrimoine affecté ; pour les biens autres que des liquidités, dont la valeur déclarée est supérieure à 30 000 €, cette valeur est déterminée selon une procédure particulière d'évaluation prévue, au vu d'un rapport établi par un commissaire aux comptes, un expert-comptable, une association de gestion et de comptabilité ou, pour les immeubles, un notaire désigné par l'entrepreneur individuel, qui reste néanmoins libre de déclarer une valeur différente de celle figurant dans le rapport 2 .
Section 4 :
Obligations comptables à la charge de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée
13.Dès lors qu'il constitue un patrimoine affecté, l'entrepreneur individuel doit, en application de l'article L. 526-13 du code de commerce, tenir une comptabilité propre à ce patrimoine affecté, établie selon les règles de la comptabilité commerciale. Cette comptabilité est déposée chaque année au registre où il s'est déclaré, et ce quand bien même son activité n'aurait pas relevé des règles de la comptabilité commerciale en l'absence de constitution d'une EIRL (activité non commerciale par exemple). Lorsque l'entrepreneur individuel est imposé de manière forfaitaire – régime des micro-entreprises (« micro-BIC »), régime déclaratif spécial (« micro-BNC »), forfait agricole –, y compris lorsqu'il a opté pour le régime fiscal de l'auto-entrepreneur (articles 151-0 du code général des impôts et L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale), les obligations comptables auxquelles il est tenu au titre de son EIRL sont simplifiées ; ces obligations sont définies par l'article R. 526-10-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'article 16 du décret n° 2010-1706 du 29 décembre 2010.
14.Cette comptabilité est propre à l'EIRL : lorsque l'entrepreneur dispose à la fois d'une EIRL et d'une entreprise individuelle pour laquelle il tient également une comptabilité commerciale, il doit tenir une comptabilité distincte pour chacune de ses deux entreprises.
CHAPITRE 2 :
RAPPEL DU REGIME FISCAL APPLICABLE ANTERIEUREMENT A L'ENTREE EN VIGUEUR DE L'ARTICLE 15 DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2011
15.L'article 1655 sexies, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'article 15 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, pose le principe de l'assimilation, sur le plan fiscal, de l'EIRL à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) ou, lorsque l'activité est de nature agricole, à une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) dont l'associé unique serait l'entrepreneur individuel ayant constitué le patrimoine affecté.
16.Cette assimilation n'est pratiquée, cependant, que dans les cas où l'EIRL relève d'un régime réel d'imposition (normal ou simplifié). Il en résulte que, sur le seul plan fiscal, l'EIRL est réputée constituer une personne morale distincte de l'entrepreneur individuel qui l'a constituée : dès lors, par assimilation, le passage d'un bien du patrimoine non affecté au patrimoine affecté doit être traité comme une cession ou un apport ; par assimilation également, le retrait de liquidités du patrimoine affecté doit être traité comme un revenu professionnel ou une distribution de dividendes.
17.En revanche, cette assimilation n'est pas opérée lorsque l'EIRL relève d'un régime forfaitaire d'imposition (micro-BIC, micro-BNC, forfait agricole), y compris celui de l'auto-entrepreneur. La création d'une EIRL par un entrepreneur individuel soumis à un régime forfaitaire d'imposition est considérée comme un non-événement sur le plan fiscal. Si cette création emporte des conséquences sur le plan juridique, elle n'en emporte aucune sur le plan fiscal ; l'entrepreneur individuel soumis à un régime forfaitaire d'imposition qui crée une EIRL continue d'être traité sur le plan fiscal comme s'il ne l'avait pas constituée.
Section 1 :
Régime d'imposition de l'EIRL
Sous-section 1 :
Règles applicables aux EIRL relevant d'un régime réel d'imposition
A. PRINCIPE : IMPOSITION COMME UNE SOCIETE DE PERSONNES
18.Du fait de son assimilation, sur le plan fiscal, à une EURL ou à une EARL à associé unique, l'EIRL soumise à un régime réel d'imposition est imposée comme une société de personnes, dans les conditions prévues à l'article 8.
19.Les résultats de l'EIRL sont ainsi en principe imposés à l'impôt sur le revenu au nom de l'entrepreneur individuel qui l'a constituée, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles suivant la nature de l'activité exercée. Le fait que l'EIRL soit soumise à une obligation de tenue de comptes est sans incidence sur la détermination de son résultat imposable : lorsque l'activité relève de la catégorie des bénéfices non commerciaux, le résultat imposable doit être déterminé selon les règles de la comptabilité de caisse et dans les conditions et limites posées par les articles 92 et suivants, quand bien même cette activité ferait par ailleurs l'objet d'un suivi selon les règles de la comptabilité d'engagement.
20.Comme pour tout entrepreneur individuel ou associé de société de personnes, les rémunérations ou appointements que l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée s'attribue ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de l'EIRL 3 .
21.Si, jusqu'au 31 décembre 2012, un même entrepreneur individuel ne peut constituer qu'un seul patrimoine affecté, en revanche, rien n'interdit à une EIRL d'exercer plusieurs activités. Dans ce cas, son bénéfice imposable est déterminé dans les conditions de droit commun, c'est-à-dire, lorsqu'elle relève de l'impôt sur le revenu, après application des articles 75 et 75 A lorsque l'activité principale est de nature agricole, de l'article 155 lorsque l'activité principale est de nature industrielle ou commerciale, ou de la doctrine administrative (DB 5 G 1112 en date du 15 septembre 2000, n° 10, et bulletin officiel des impôts 5 E-3-04 du 18 août 2004, n° 28) en cas d'activité non commerciale prépondérante.
L'assujettissement obligatoire d'une EARL à l'impôt sur les sociétés, prévu au deuxième alinéa du 2 de l'article 206 en cas d'activité agricole principale et d'activités industrielles et commerciales ou non commerciales accessoires excèdant les plafonds prévus aux articles 75 et 75 A, n'est toutefois pas applicable à l'EIRL, dès lors que pour l'application du 2 de l'article 206, l'EIRL n'est pas assimilée à une EARL.
22.De même, si l'entrepreneur individuel ne peut exercer une même activité à la fois dans le cadre d'une EIRL et d'une entreprise individuelle (puisqu'il est obligé d'inscrire dans son patrimoine affecté tous les biens nécessaires à son activité), rien ne lui interdit de constituer une EIRL pour exercer une première activité et simultanément d'exercer une autre activité dans le cadre d'une entreprise individuelle. Lorsqu'il relève d'un régime réel d'imposition, l'entrepreneur individuel est imposé, d'une part, sur le résultat de son entreprise individuelle et, d'autre part, dans les conditions de l'article 8, sur le résultat de l'EIRL.