Date de début de publication du BOI : 19/02/2007
Identifiant juridique :

B.O.I. N° 29 du 19 FEVRIER 2007


Section 2 :

Insuffisances, omissions ou inexactitudes relevées dans les déclarations souscrites ou les actes présentés à la formalité



  A. INFRACTIONS CONCERNEES


81.L'article 1729 du CGI sanctionne deux types de comportements :

- les insuffisances, omissions ou inexactitudes constatées dans les déclarations ou les actes comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (cf. n° 67 et 68 ) qui, lorsqu'elles sont réparées, se traduisent par un supplément d'impôt mis à la charge du contribuable.

Le supplément d'impôt peut ne pas être immédiat : ainsi, par exemple, un manquement délibéré ou un abus de droit se traduisant par une majoration de déficits fiscaux reportables se traduira par un impôt supplémentaire lors du premier exercice bénéficiaire. La majoration correspondante doit néanmoins être notifiée et motivée, même si son application effective est différée. La motivation sera réitérée au titre de l'année dont les revenus ou les résultats, impactés en conséquence de ce manquement délibéré, donneront lieu à une imposition.

Peu importe à cet égard que l'infraction soit relevée sur une déclaration souscrite ou un acte présenté à la formalité dans les délais ou hors délai (voir toutefois n° 97 et suivants ).

Dans le cadre du régime fiscal des groupes de sociétés prévu aux articles 223 A et suivants du CGI, des rectifications de résultats de sociétés intégrées déficitaires peuvent entraîner, au niveau du résultat d'ensemble, un supplément d'impôt. Dans cette hypothèse, les comportements exclusifs de bonne foi doivent être relevés et motivés au niveau de la société intégrée afin que les pénalités correspondantes puissent être mises à la charge de la société intégrante conformément aux dispositions de l'article 223 A du CGI.

Ces infractions sont constatées soit par la mise en oeuvre d'une procédure de rectification, soit à l'occasion du dépôt spontané par le contribuable d'une déclaration ou d'un acte rectificatif ;

- l'obtention indue du versement d'une créance de nature fiscale.

Sont ici visées les situations dans lesquelles le contribuable doit reverser au Trésor une créance de nature fiscale qu'il a indûment obtenue de l'Etat.

Par créance de nature fiscale, il convient d'entendre toutes les créances sur l'Etat liées à un impôt comme, par exemple, les crédits d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés ou la créance née du report en arrière d'un déficit prévue à l'article 220 quinquies du CGI. Sont également visés les remboursements de crédits de TVA ainsi que la prime pour l'emploi prévue par l'article 200 sexies du CGI.


  B. MAJORATIONS APPLICABLES


82.Les majorations sont applicables aux contribuables dont le caractère délibéré du manquement est établi par l'administration ou qui se sont rendus coupables de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du LPF ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat.

Le taux de la majoration des droits est de :

- 40 % en cas de manquement délibéré ;

- 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses, d'abus de droit ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat 9 .

Les majorations s'ajoutent à l'intérêt de retard et sont calculées sur les droits mis à la charge du contribuable ou sur le montant de la créance de nature fiscale dont le reversement lui est demandé.

L'article L. 80 E du LPF prévoit que la décision d'appliquer les majorations prévues à l'article 1729 du CGI est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret, qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités : l'article R. 80 E-1 du LPF prévoit que ce grade est celui d'inspecteur départemental.


  C. QUALIFICATION DES INFRACTIONS


83.Les omissions ou inexactitudes que peuvent commettre les contribuables dans leur déclaration sont présumées involontaires. Dès lors, quels que soient les impôts, droits, taxes ou redevances en cause, les majorations prévues par l'article 1729 du CGI ne peuvent être appliquées que si l'administration établit le caractère délibéré de l'omission ou de l'inexactitude.

S'agissant de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, il appartient au service de réunir tous éléments d'information ou d'appréciation utiles en vue d'établir que le contribuable ne pouvait pas ignorer les insuffisances, inexactitudes ou omissions qui lui sont reprochées et que l'infraction a donc été commise sciemment. De même, il appartient au service d'établir l'existence de manoeuvres frauduleuses, d'un abus de droit ou d'une dissimulation de prix, passibles de la majoration de 80 %.

Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État rendue à propos de la mauvaise foi et applicable à la nouvelle dénomination de « manquement délibéré », chaque chef d'insuffisance doit être apprécié séparément.

Les situations doivent être appréciées au cas par cas, en considération des circonstances particulières à chaque affaire.

Outre l'appréciation du caractère délibéré du manquement, sont examinés dans la présente sous-section la dissimulation juridique ou abus de droit ainsi que la dissimulation de prix.


  I. Appréciation du manquement délibéré


84.Le caractère délibéré du manquement résulte de l'ensemble des éléments de fait de nature à établir que les erreurs, inexactitudes ou omissions commises par le contribuable n'ont pu l'être de bonne foi. Il s'apprécie donc en fonction des circonstances propres à chaque affaire.

Dès lors qu'il procède de l'accomplissement conscient d'une infraction, le manquement délibéré est suffisamment établi chaque fois que le service est en mesure de démontrer que l'intéressé a nécessairement eu connaissance des faits ou des situations qui motivent les rehaussements.

Le caractère délibéré du manquement peut également être considéré comme établi, chaque fois que le rehaussement porte sur une question de principe ayant déjà fait l'objet, à l'encontre du contribuable, d'une décision administrative non contestée par l'intéressé ou ayant acquis l'autorité de la chose jugée.

85.Ainsi le Conseil d'Etat a jugé que la bonne foi du redevable ne pouvait être admise dans les situations suivantes :

- le fait, en fin d'exercice, de minorer systématiquement les soldes des comptes clients par la passation d'écritures d'extourne, suivies de contre-passations du même montant au début de l'exercice suivant (CE, arrêt du 5 novembre 2003 n° 247309) ;

- lorsque, d'une part, la globalisation des recettes, l'absence de bordereaux de remise en banque de factures et l'encaissement de recettes sur comptes de tiers constatés au cours du contrôle fiscal avaient notamment pour objet de rendre plus difficile la vérification du chiffre d'affaires de l'intéressé et que, d'autre part, les recettes minorées sont importantes et les infractions sont répétitives (CE, arrêt du 25 avril 2003 n° 234812) ;

- contribuable qui ne pouvait ignorer le caractère imposable de sommes importantes qu'il a omis de mentionner dans ses déclarations (CE, arrêt du 29 juillet 2002, n° 220728) ;

- absence de caractère suivi et probant de la comptabilité et importance des minorations de recettes déclarées (CE, arrêt du 19 mars 2001, n° 197352) ;

- volonté délibérée de la société d'éluder une partie de l'impôt dû par le biais de pratiques comptables défectueuses utilisées pendant quatre ans pour minorer les recettes dans une proportion de 20 à 30 % du chiffre d'affaires déclaré et consistant, notamment, en un enregistrement global en fin de journée de recettes dont aucune pièce comptable ne permettait de justifier le détail (CE, arrêt du 10 décembre 1999, n° 180691) ;

- dirigeant d'une société faisant l'objet de rappels d'impôt sur le revenu en conséquence de la réintégration dans sa base d'imposition à titre de revenus distribués de recettes non déclarées par la société, dès lors que sont constatées des dissimulations répétées de recettes et que l'intéressé a personnellement et délibérément participé à ces dissimulations (CE, arrêt du 27 février 1998, n° 177991).

86.En revanche, le Conseil d'État a jugé que le manquement délibéré du redevable n'était pas établi s'agissant d'une entreprise nouvellement créée, que ses dirigeants ont regardée à tort comme une entreprise nouvelle au sens de l'article 44 quater du CGI, par le seul fait que l'un des gérants de la société créée était également chef des ventes de la société préexistante (CE, arrêt du 20 octobre 2004 n° 253089) ;

Bien que rendues à propos de la majoration pour mauvaise foi, ces décisions juridictionnelles sont transposables mutatis mutandis à la qualification du manquement délibéré prévu par la nouvelle rédaction de l'article 1729 du CGI issu de l'ordonnance du 7 décembre 2005.


  II. Notion fiscale de manoeuvres frauduleuses


87.Du point de vue fiscal, les manoeuvres frauduleuses peuvent être analysées comme consistant dans la mise en oeuvre de procédés ayant pour effet soit de faire disparaître ou de réduire la matière imposable, soit d'obtenir de l'État des remboursements injustifiés, lorsque ces procédés ne peuvent être considérés comme des erreurs excusables ou des omissions involontaires, mais sont, au contraire, le résultat d'actes conscients et volontaires destinés à donner l'apparence de la sincérité à des déclarations en réalité inexactes de leurs auteurs et impliquant l'intention d'éluder tout ou partie de l'impôt.

La notion de manoeuvres frauduleuses recouvre donc deux séries d'éléments :

- un manquement délibéré : des éléments intentionnels qui sont à la base de toute infraction fiscale commise de façon délibérée et qui consistent dans l'accomplissement conscient de cette infraction ;

- auquel s'ajoute la mise en oeuvre de procédés destinés à masquer l'existence de l'infraction ou à la présenter sous la forme d'une opération parfaitement régulière en créant une situation de nature à égarer le service ou à restreindre le pouvoir de contrôle et de vérification de l'administration.

La découverte par le service de tels éléments matériels suffit en règle générale à prouver l'existence des éléments intentionnels tant il est évident que la présence des premiers postule l'accomplissement conscient et volontaire des infractions.

88.A titre indicatif -cette liste n'étant pas limitative-, les situations suivantes sont caractéristiques de manoeuvres frauduleuses :

- dissimulation systématique d'achats et de ventes, appuyée sur une comptabilité imprécise et fallacieuse (CE, arrêt du 24 septembre 2003, n° 237990) ;

- existence de factures d'achats fictives délivrées par une société, dont le contribuable était le président-directeur général, à l'entreprise exploitée par celui-ci en location-gérance, portant sur des matériels déjà cédés par une autre société que dirigeait le même contribuable (CE, arrêts du 15 décembre 1993, n° 84181-143226 et 143228) ;

- fait de se faire rémunérer des ventes en espèces en faisant appel à des prête-noms délivrant des quittances de complaisance moyennant commission et de dissimuler le stock dans une cache aménagée dans un coffre-fort (CE, arrêt du 22 janvier 1992, n° 466678) ;

- recours à une société-écran permettant à ses dirigeants de fait notamment de faire passer les dépenses de leur train de vie pour des charges sociales déductibles (CE, arrêt du 15 avril 1991, n° 63 885) ;

- inscription en comptabilité de prélèvements fictifs, de grande importance (CE, arrêt du 2 avril 1990, n° 41626) ;

- transfert de capitaux par montage fictif (CE, arrêt du 2 février 1987, n° 62352) ;

- non-comptabilisation des recettes et falsification de pièces justificatives de ces recettes, même s'il est établi qu'elles ont été partiellement le fait du comptable de la société (CE, arrêt du 24 février 1986, n° 50433) ;

- le fait, pour une entreprise, de s'abstenir d'inscrire en comptabilité une part importante de ses achats et de les faire régler, au moyen de mandats-poste, par son gérant, lequel encaissait par ailleurs sur un compte personnel les recettes sociales (CE, arrêt du 4 février 1985, n° 39600) ;

- exercice occulte d'une activité commerciale sous le couvert d'une société étrangère n'ayant aucune activité en France (CE, arrêt du 24 novembre 1982, req. n° 17946) ;

- demande faite aux clients de verser les honoraires dus à des tiers qui les reversent en espèces au véritable bénéficiaire après prélèvement d'un pourcentage (CE, arrêt du 20 octobre 1982, req. n° 24433) ;

- omission de déclarer des opérations taxables non inscrites en comptabilité mais retracées dans des cahiers formant une comptabilité occulte (CE, arrêt du 9 novembre 1981, req. n° 19500) ;

- dissimulation de recettes taxables encaissées sur des comptes privés avec une comptabilité portant des mentions fictives ou falsifiées (CE, arrêt du 6 mars 1981, req. n°s 20018 et 20376) ;

- participation d'un contribuable à l'émission de factures rédigées au nom d'un organisme inexistant dont ce contribuable a conservé personnellement le règlement sans faire figurer les sommes correspondantes dans ses déclarations (CE, 2 mars 1979, req. n° 5712, RJ IV, p. 13).

89.En revanche, ne suffisent pas à caractériser des manoeuvres frauduleuses :

- le seul fait d'avoir volontairement, soit omis de souscrire une déclaration, soit minoré les bases d'imposition, en l'absence de tout acte, opération ou artifice destiné à égarer ou restreindre le pouvoir de vérification de l'Administration (Cass. Com., arrêt du 8 octobre 1985, affaire SA Moulin Jacquot ; décision rendue en matière de taxe sur les véhicules des sociétés) ;

- l'inscription en comptabilité d'honoraires hors taxes au lieu de toutes taxes comprises (CE, arrêt du 19 janvier 1983, req. n° 16640) ;

- le fait de constituer une S.C.I. entre associés appartenant à la même famille, l'acquisition d'une villa utilisée par l'un d'entre eux comme résidence secondaire et la déduction des déficits fonciers y afférents dès lors que cette situation peut être aisément qualifiée par la loi fiscale (CE, arrêt du 7 juillet 1982, req. n° 30975) ;

- le fait de déduire une taxe (TVA) en prétendant l'avoir supportée (CE, arrêt du 24 avril 1981, req. n° 16349) ; dans ce même arrêt, le Conseil d'État a précisé que le juge de l'impôt doit, dans un tel cas, substituer à la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses la majoration de 40 % pour manquement délibéré (anciennement « mauvaise foi ») ;

- les négligences et anomalies constatées dans une comptabilité qui dégage des bases d'impositions minorées (CE, arrêt du 3 avril 1981, req. n° 19963) ;

- la souscription systématique de déclarations minorées lorsque la comptabilité est tenue régulièrement (CE, arrêt du 19 décembre 1979, req. n° 13072, RJ IV, p. 85) ;

- la condamnation pour fraude fiscale intervenue antérieurement. Celle-ci ne justifie pas, à elle seule, l'application a posteriori des majorations pour manoeuvres frauduleuses (CE, arrêt du 26 juillet 1978, req. n° 7132, RJ IV, p. 49).