B.O.I. N° 76 DU 12 AOÛT 2010
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
7 G-4-10
N° 76 DU 12 AOÛT 2010
INSTRUCTION DU 30 JUILLET 2010
MUTATIONS A TITRE GRATUIT - SUCCESSIONS - DONATIONS
COMMENTAIRES DES ARTICLES 28, 33, 35 ET 36 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2010
(N° 2009-1673 DU 30 DECEMBRE 2009)
NOR : ECE L 10 20370 J
Bureau C 2
PRESENTATION
Dans le cadre de la loi de finances pour 2010 (n° 2009-1673 du 30 décembre 2009), diverses mesures concernant les droits de mutation à titre gratuit ont été adoptées. Ainsi, les articles 28, 33, 35 et 36 de la loi de finances pour 2010 1 respectivement : - étendent le champ d'application de l'exonération de droits de mutation par décès prévue à l'article 796 du code général des impôts aux militaires décédés en opération extérieure (OPEX) ou, dans les trois années suivant la fin de celle-ci, des blessures reçues ou des maladies contractées pendant cette opération, ainsi qu'aux policiers, gendarmes et agents des douanes décédés dans l'accomplissement de leur mission et cités à ce titre à l'ordre de la Nation ; - permettent au bénéficiaire d'un pacte tontinier, lorsque la transmission porte sur l'habitation principale et que celle-ci a une valeur inférieure à 76 000 €, d'opter pour l'application des droits de mutation par décès ; - portent la condition d'âge du donateur, pour l'application de l'exonération des dons familiaux de sommes d'argent prévue à l'article 790 G du code général des impôts, de soixante-cinq à quatre-vingts ans lorsque le don est consenti à un petit-enfant, à un arrière-petit-enfant ou, à défaut d'une telle descendance, et par représentation de leur auteur, à un petit-neveu ou à une petite-nièce ; - ouvrent droit, lorsque les biens font retour dans le patrimoine du donateur en application du droit de retour légal des père et mère ou du droit de retour conventionnel, à restitution des droits de mutation à titre gratuit acquittés à raison de la donation résolue. La présente instruction commente l'ensemble de ces dispositions et apporte des précisions doctrinales relatives à la représentation en ligne collatérale. • |
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Remarque liminaire : les articles cités dans la présente instruction sont, sauf indication contraire, ceux du code général des impôts.
TITRE 1 :
DISPOSITIONS RELATIVES AUX SUCCESSIONS
CHAPITRE 1 :
EXTENSION DU CHAMP D'APPLICATION DE L'EXONERATION DE DROITS DE MUTATION PAR DECES PREVUE A L'ARTICLE 796 DU CGI
Section 1 :
Dispositif antérieur
1.Les 1° et 2° du I de l'article 796 exonèrent de droits de mutation par décès les successions des militaires des armées françaises et alliées, morts sous les drapeaux pendant la durée de la guerre, ainsi que les successions des militaires et anciens militaires morts de blessures reçues ou de maladies contractées pendant la guerre, dans les trois années suivant la cessation des hostilités.
2.L'application de ces dispositions a été étendue, dans certaines circonstances, aux militaires des armées françaises employés au maintien de l'ordre hors de métropole. Toutefois, cette extension ne s'applique que s'il existe un arrêté du ministre de la défense pris pour chaque circonstance, et après accord du ministre chargé du budget.
Ces dispositions ont ainsi été reconnues applicables aux militaires français qui ont trouvé la mort au Tchad, aux « soldats de la paix » français décédés au Liban et en ex-Yougoslavie (réponse ministérielle à la question écrite de M. Alain Marsaud, député de la Haute-Vienne, Journal officiel Assemblée nationale du 15 mai 1995, n° 22732, page 2487 - BOI 7 G-4-95) ainsi qu'aux militaires français tués lors de l'accident aérien survenu dans le Sinaï le 6 mai 2007 (décision ministérielle du 7 décembre 2007).
3.Le 3° du I de l'article 796 exonère d'impôt de mutation par décès les successions de toute personne ayant la nationalité française ou celle d'un pays allié dont le décès a été provoqué, soit au cours des hostilités, soit dans les trois années à compter de la cessation des hostilités, par « faits de guerre », suivant la définition qui en est donnée pour les réparations à accorder aux victimes civiles de la guerre. Les « faits de guerre », notion ancienne, se rattachent toujours à des opérations militaires conduites par les armées alliées ou ennemies.
4.Cette exonération a été appliquée aux personnes civiles de nationalité française, décédées dans le cadre de missions humanitaires effectuées en ex-Yougoslavie sous l'égide du Haut-Commissariat aux réfugiés (réponse ministérielle Marsaud du 15 mai 1995 précitée), sur présentation des éléments de fait établissant les circonstances du décès.
Il a également été admis que cette exonération s'applique aux militaires français qui ne pouvaient pas bénéficier des dispositions des 1° et 2° du I de l'article 796. Ainsi, cette exonération a été appliquée aux militaires décédés le 8 avril 1994 lors des événements insurrectionnels de Kigali et aux militaires décédés le 6 novembre 2004 lors des événements de Bouaké (décision ministérielle du 27 novembre 2006, BOI 7 G-1-07 ).
5.Le 8° du I de l'article 796 prévoit, par ailleurs, que sont exonérées d'impôt de mutation par décès les successions des sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires décédés en opération de secours, cités à l'ordre de la Nation.
6.L'ensemble de ces exonérations ne concerne, toutefois, que les parts nettes recueillies par les ascendants, les descendants, ainsi que par les frères et sœurs ou leurs descendants.
7.Enfin, il est rappelé que ces exonérations ne dispensent pas du dépôt de la déclaration de succession.
Section 2 :
Aménagement du dispositif
A. MILITAIRES DECEDES EN OPERATIONS EXTERIEURES (OPEX)
8.Afin de mieux prendre en compte les modalités contemporaines d'engagement des forces armées, l'article 28 de la loi de finances pour 2010, modifiant à cet effet l'article 796, étend l'exonération de droits de mutation par décès aux parts nettes recueillies par les ascendants, les descendants, les frères et sœurs ou leurs descendants des militaires décédés lors de leur participation à une opération extérieure ou, dans les trois années suivant la fin de celle-ci, des blessures reçues ou des maladies contractées pendant cette opération.
9.Il est précisé qu'une opération extérieure est une intervention occasionnelle ou temporaire des forces armées hors du territoire national, résultant d'une décision politique déclinée au niveau militaire par un ordre du chef d'état major des armées ou, le cas échéant, du directeur général de la gendarmerie nationale dans un cadre national, multinational ou sous mandat international. En revanche, lorsque l'envoi de forces sur un territoire étranger a pour unique objet la participation à un exercice, ce déploiement ne peut être qualifié d'opération extérieure.
10.En tout état de cause, l'exonération de droits de mutation par décès est subordonnée à la condition que la déclaration de succession soit accompagnée d'un certificat de l'autorité militaire constatant que la mort a été causée par une blessure reçue ou une maladie contractée pendant l'opération extérieure.
11.Ainsi, les services fiscaux doivent appliquer l'exonération précitée lorsque le certificat de l'autorité militaire est joint à la déclaration.
12. Entrée en vigueur : cet aménagement s'applique aux successions ouvertes depuis le 1 er janvier 2008. Ainsi, si la déclaration de succession a déjà été souscrite et le paiement effectué à raison de décès survenus depuis cette date, les héritiers devront présenter une réclamation pour obtenir la restitution des droits de mutation à titre gratuit acquittés, celle-ci pouvant être déposée au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la publication de la loi, soit jusqu'au 31 décembre 2011 (livre des procédures fiscales, c de l'article 196-1).
B. POLICIERS, GENDARMES ET AGENTS DES DOUANES DECEDES DANS L'ACCOMPLISSEMENT DE LEUR MISSION ET CITES A L'ORDRE DE LA NATION
13.Afin de mieux prendre en compte les risques spécifiques encourus par certains agents de l'Etat dans le cadre de leurs missions, l'article 28 de la loi de finances pour 2010, complétant à cet effet l'article 796, étend l'exonération de droits de mutation par décès aux successions des gendarmes, policiers et agents des douanes décédés dans l'accomplissement de leur mission et, à ce titre, cités à l'ordre de la Nation.
14. Précision : il est admis que ces aménagements s'appliquent à l'ensemble des militaires décédés lors d'une mission intérieure de sécurité telle que le plan « Vigipirate » et non aux seuls gendarmes visés par le texte, sous réserve de la citation du défunt à l'ordre de la Nation 2 .
CHAPITRE 2 :
AMENAGEMENT DES DISPOSITIONS APPLICABLES AU PACTE TONTINIER
Section 1 :
Dispositif antérieur
15.L'article 754 A dispose que les biens recueillis en vertu d'une clause insérée dans un contrat d'acquisition en commun selon laquelle la part du ou des premiers décédés reviendra aux survivants, de telle sorte que le dernier vivant sera considéré comme seul propriétaire de la totalité des biens, sont, du point de vue fiscal, réputés transmis à titre gratuit à chacun des bénéficiaires de l'accroissement.
16.Cela étant, l'article précité prévoit que cette disposition ne s'applique pas à l'habitation principale commune à deux acquéreurs lorsque celle-ci a une valeur globale inférieure à 76 000 €. Dans cette hypothèse, le transfert de propriété est en effet soumis aux droits de mutation à titre onéreux.
Section 2 :
Aménagement du dispositif
17.L'article 33 de la loi de finances pour 2010 modifie l'article 754 A afin de permettre aux acquéreurs d'une habitation principale commune, dont la valeur est inférieure à 76 000 €, d'opter pour l'application des droits de mutation par décès.
18.Cet aménagement a pour objectif de mettre en cohérence le régime des pactes tontiniers avec les allègements de droits de mutation à titre gratuit résultant de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite « loi TEPA », notamment lorsque le bénéficiaire du pacte tontinier est une personne désormais exonérée de droits de mutation à titre gratuit (conjoint survivant, partenaire lié au défunt par un pacte civil de solidarité, frères et sœurs vivant sous le même toit).
Exemple : deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS) ont acquis, le 1 er février 2001, leur résidence principale commune pour une valeur de 75 000 €.
Le contrat d'acquisition contient une clause selon laquelle la part du premier décédé reviendra au survivant de telle sorte que le dernier vivant sera considéré comme seul propriétaire de la totalité de la résidence principale.
Le 2 février 2010, l'un des partenaires décède. Le partenaire survivant a désormais deux possibilités :
- acquitter les droits de mutation à titre onéreux
- ou opter pour l'application des droits de mutation à titre gratuit.
Dans la mesure où les transmissions par décès entre partenaires liés par un PACS sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit en application des dispositions de l'article 796-0 bis , le partenaire survivant a intérêt à opter pour les droits de mutation à titre gratuit.