Date de début de publication du BOI : 26/06/2000
Identifiant juridique :

B.O.I. N° 118 du 26 JUIN 2000


CHAPITRE DEUXIEME

REGIME DES INDEMNITES DE CESSATION DES FONCTIONS DE MANDATAIRE SOCIAL OU DE DIRIGEANT


38.Le 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts pose le principe de l'assujettissement à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des traitements et salaires, de l'ensemble des indemnités versées aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80 ter du même code à l'occasion de la cessation de leurs fonctions. Par exception, ces indemnités sont toutefois exonérées, dans certaines limites, lorsque la cessation des fonctions revêt pour les intéressés un caractère forcé.


SECTION 1

Principe d'assujettissement à l'impôt sur le revenu



  A. PRINCIPE D'IMPOSITION


39.En application des dispositions du 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts, les indemnités versées aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l'article 80 ter du code général des impôts, à l'occasion de la cessation de leurs fonctions, constituent une rémunération imposable.

Cette règle d'imposition est applicable sans distinguer notamment selon :

- le mode de rupture du mandat social ou du contrat de travail (sous réserve de l'hypothèse, envisagée à la section 2 ci-après, de la cessation réellement forcée des fonctions) : démission, licenciement, départ ou mise à la retraite, non-renouvellement du mandat, atteinte de la limite d'âge, rupture négociée ou amiable... ;

- le fondement juridique des indemnités versées : il peut s'agir, par exemple, d'une indemnité contractuelle, c'est-à-dire négociée par le mandataire ou le dirigeant dès sa prise de fonctions, ou d'une indemnité transactionnelle 17 , c'est-à-dire versée par l'entreprise à l'intéressé dans le cadre d'un accord conclu en vue de régler les conséquences financières de la rupture, préalablement intervenue, du mandat social ou du contrat de travail.


  B. PERSONNES CONCERNEES


40.Les personnes concernées par cette règle d'imposition s'entendent de l'ensemble des dirigeants de sociétés visés à l'article 80 ter du code général des impôts, c'est-à-dire des dirigeants, de droit ou de fait, soumis au régime fiscal des salariés (documentation de base 5 F 1151 n° 29 à 32 ).


  I. Dirigeants de droit


41.Sont concernés :

- dans les sociétés anonymes (SA) 18  : le président du conseil d'administration, le directeur général, l'administrateur provisoirement délégué dans les fonctions de président, les membres du directoire et les administrateurs ou membres du conseil de surveillance investis de fonctions spéciales comme celles de directeur du service comptable, directeur commercial... (1° du b de l'article 80 ter du code général des impôts) ;

- dans les sociétés à responsabilité limitée (SARL) : les gérants minoritaires ou égalitaires (2° du b de l'article 80 ter du code général des impôts) ;

- dans les autres entreprises ou établissements passibles de l'impôt sur les sociétés (en particulier les établissements publics à caractère industriel et commercial) : l'ensemble des dirigeants soumis au régime fiscal des salariés. Seront à ce titre notamment concernés les gérants non associés et les gérants majoritaires 19 de SARL ainsi que les gérants non associés et les gérants associés commandités des sociétés en commandite par actions 19 (3° du b de l'article 80 ter du code général des impôts).


  II. Dirigeants de fait


42.Sont concernées les personnes, visées au 4° du b de l'article 80 ter du code général des impôts, occupant dans l'entreprise un emploi salarié à raison duquel elles perçoivent une rémunération supérieure à la plus faible des rémunérations servies aux dirigeants de l'entreprise.

La documentation administrative 5 F 1151 (n° 31 et 32 ) précise les conditions dans lesquelles un salarié peut être assimilé à un dirigeant de fait au regard des dispositions de l'article 80 ter précité et, par suite, pour l'application des dispositions du 2 de l'article 80 duodecies.

En particulier, les dispositions de ces articles ne sont pas applicables aux salariés qui, de toute évidence, ne sont pas des dirigeants de fait. Tel est notamment le cas, alors même que la rémunération du salarié est supérieure à celle du dirigeant de droit, s'il résulte de l'examen des circonstances d'espèce que ce dernier assume seul la direction de l'entreprise et que la faiblesse de sa rémunération s'explique seulement par un contexte particulier, par exemple l'exercice de fonctions dirigeantes dans plusieurs sociétés du même groupe.


SECTION 2

Exception : cessation forcée des fonctions


43.Conformément au 2 de l'article 80 duodecies, il est fait exception au principe général d'assujettissement à l'impôt sur le revenu des indemnités que les dirigeants de sociétés perçoivent à raison de la rupture du mandat social ou du contrat de travail, selon le cas, en cas de cessation forcée des fonctions, notamment de révocation.

44.En effet, lorsque le dirigeant justifie ainsi du caractère forcé de la cessation de ses fonctions, les indemnités perçues au titre de la rupture du contrat de mandat ou de travail correspondant ne sont imposables que pour la fraction excédant les limites prévues au deuxième alinéa du 1 de l'article 80 duodecies pour les indemnités de licenciement, c'est-à-dire excédant la limite la plus élevée du double de la rémunération annuelle brute du dirigeant concerné ou la moitié des indemnités perçues et, en tout état de cause, la fraction des indemnités supérieure à la moitié de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune (soit 2,35 millions de F pour les indemnités perçues en 1999 et 2000).


  A. DEFINITION DE LA CESSATION FORCEE DES FONCTIONS


45.La cessation forcée des fonctions du dirigeant s'entend notamment, comme l'indique expressément le 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôt, de sa révocation.

46.Toutefois, s'agissant d'une exception au regard du principe général, d'abord posé par le législateur, d'imposition de l'ensemble des indemnités perçues à raison de la cessation de leurs fonctions par les mandataires sociaux et autres dirigeants de sociétés, l'appréciation du caractère forcé de la cessation des fonctions au sens du 2 de l'article 80 duodecies déjà cité repose, au-delà des apparences juridiques, sur l'examen des circonstances de fait.

47.Aussi, s'il résulte de cet examen que la révocation dissimule en réalité un départ négocié ou à l'amiable, le dirigeant concerné ne pourra se prévaloir des dispositions précitées pour obtenir, dans les limites applicables, l'exonération des indemnités d'éviction perçues en exécution, par exemple, des clauses du contrat de mandat ou du contrat de travail ou des termes d'une transaction.

48.A cet égard, il est rappelé que certains mandataires sociaux, notamment le président du conseil d'administration, le directeur général, les administrateurs et les membres du conseil de surveillance de sociétés anonymes sont révocables ad nutum par l'organe social compétent 20 (conseil d'administration ou assemblée générale ordinaire, selon le cas), c'est-à-dire sans préavis, ni précision de motifs, ni indemnité. Toutefois, la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation reconnaît aux intéressés le droit à des dommages-intérêts lorsque cette révocation intervient dans des conditions abusives, peu important la nature des griefs formulés par la société, c'est-à-dire dans des circonstances, notamment vexatoires ou injurieuses, de nature à nuire à l'honneur ou à la réputation du dirigeant concerné ou si elle a été décidée brutalement sans respecter le principe du contradictoire, c'est-à-dire sans que l'intéressé n'ait été mis en mesure de présenter ses observations 21 .

49.Inversement, et dans des situations exceptionnelles, s'il apparaît que, sous les apparences d'un départ de plein gré, le dirigeant a en fait été contraint de quitter ses fonctions, le « départ volontaire » pourra être assimilé à une cessation forcée des fonctions au sens des dispositions du 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts. Bien entendu, il appartient alors au contribuable qui prétend avoir cédé à la contrainte d'apporter toutes justifications à cet égard.

50.En d'autres termes, l'exonération prévue au 2 de l'article 80 duodecies est susceptible de s'appliquer aux indemnités versées à un dirigeant :

- faisant l'objet d'une révocation dans les conditions prévues par la loi du 24 juillet 1966, qui constitue une cessation forcée des fonctions de l'intéressé, sauf preuve contraire apportée par l'administration au vu des circonstances de fait ;

- lorsque, en l'absence de révocation formelle par l'organe social compétent, le dirigeant concerné peut apporter la preuve de la cessation forcée de ses fonctions, par exemple si, en raison du changement de contrôle de la société, il ne peut être maintenu dans ses fonctions pour des raisons objectives explicitées par les parties, ayant ainsi cédé à la contrainte en présentant sa démission.


  B. MODALITES D'APPLICATION DES REGLES D'EXONERATION



  I. Règle générale


51.Dès lors que la cessation de ses fonctions revêt pour le dirigeant concerné un caractère forcé, le total des indemnités versées, de la part, le cas échéant, non seulement de l'entreprise dont l'intéressé est mandataire social ou salarié mais également d'entreprises tierces 22 , au titre de la rupture du mandat social ou du contrat de travail est exonéré dans la limite la plus élevée de :

- deux fois la rémunération annuelle brute perçue au cours de l'année civile précédant la cessation forcée des fonctions ;

- 50 % du montant des indemnités perçues ;

- mais sans que la fraction exonérée ne puisse en tout état de cause excéder un plafond en valeur absolue, égal à 50 % de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune fixé à l'article 885 U du code général des impôts et qui s'établit à 2,35 millions de F pour l'imposition des revenus des années 1999 et 2000.

Ainsi, les indemnités perçues par l'ensemble des dirigeants visés à l'article 80 ter du code déjà cité sont toujours imposables, même en cas de cessation forcée des fonctions au sens de l'article 80 duodecies du même code, pour leur montant qui excède le plafond en valeur absolue précité. Il en est ainsi, s'agissant des salariés qui, eu égard au niveau de leur rémunération, sont assimilés, dans les conditions et sous les réserves rappelées au n° 42 ci-avant, à des dirigeants de fait pour l'application de l'article 80 ter, même dans l'hypothèse où l'excédent constaté provient de l'indemnité de rupture du contrat de travail prévue par la convention collective de branche, l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.


  II. Cas particuliers du cumul d'un contrat de travail et d'un mandat social ou de l'exercice d'une pluralité de mandats sociaux


52.Lorsque le contribuable exerce au sein d'une même société ou de plusieurs sociétés d'un même groupe 23 à la fois des fonctions de mandataire social et de salarié 24 25 , les limites définies ci-dessus s'appliquent au montant global perçu au titre de la rupture de l'ensemble de ces fonctions. Il en est de même en cas d'exercice d'une pluralité de mandats sociaux auprès de sociétés d'un même groupe.

Aussi, dans ces hypothèses, c'est ce montant global qui doit être comparé au double des rémunérations perçues à la fois au titre du contrat de mandat social et du contrat de travail, l'année civile précédant la rupture de ces contrats, pour, le cas échéant, limiter l'exonération à la moitié de la première tranche du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune (soit 2,35 millions de F pour les indemnités perçues en 1999 et 2000) 26 .


  III. Définitions


  1. Date de rupture du mandat social

53.La date de rupture du mandat social s'entend de la date à laquelle l'organe social compétent (en général l'assemblée générale ordinaire des associés) prend la décision de révoquer le dirigeant, ou la date à laquelle ce dernier présente sa démission à cet organe lorsqu'elle constitue une cessation forcée de ses fonctions ;

  2. Rémunération annuelle brute de référence des mandataires sociaux

54.Il s'agit de l'ensemble des sommes perçues par les intéressés l'année précédant la rupture du mandat social, imposables dans la catégorie, ou selon les règles, des traitements et salaires, notamment les rémunérations correspondant aux fonctions de direction, les jetons de présence spéciaux lorsqu'ils sont imposés dans la catégorie des salaires. Ces sommes figurent dans la zone 20 A de la partie fiscale de la déclaration annuelle des données sociales (DADS).


  IV. Exemples d'application


55.Exemple 1

Le P.D.G. d'une société anonyme, dont la rémunération annuelle brute de l'année civile précédente s'établit à 900 000 F, a perçu, dans le cadre d'une transaction conclue suite à sa révocation, une indemnité de 2 millions de F.

La limite d'exonération la plus élevée correspond à deux fois la rémunération annuelle brute, soit 1,8 millions de F (50 % de l'indemnité correspondent en effet à 1 million de F).

Aussi l'indemnité est exonérée à hauteur de 1,8 million de F et imposable 27 pour le surplus, soit à hauteur de 200 000 F.

56.Exemple 2

Un salarié, dont la rémunération annuelle brute de l'année précédente s'établit à 800 000 F, a perçu une indemnité de licenciement de 2 millions de F dont 1,7 million de F correspondant à l'indemnité prévue par la convention collective dont il relève.

Eu égard au niveau de sa rémunération par rapport à celle des dirigeants de droit (P.D.G., DG...), l'intéressé a la qualité de dirigeant de fait au sens des dispositions du 4° du b de l'article 80 ter du code général des impôts.

La limite d'exonération la plus élevée correspond à deux fois la rémunération annuelle brute, soit à 1,6 million de F (50 % de l'indemnité s'établissent en effet à 1 million de F).

Aussi l'indemnité est exonérée à hauteur de 1,6 million de F et imposable 27 pour le surplus, soit à hauteur de 400 000 F 28 .

57.Exemple 3

Le P.D.G. d'une société anonyme exerce des fonctions de mandataire social ainsi que des fonctions techniques, ces dernières étant dans un état de subordination à l'égard de la société, à raison desquelles il a respectivement perçu au titre de l'année civile précédant la rupture de ses contrats de mandat et de travail une rémunération annuelle brute de 1 million de F et 700 000 F.

L'intéressé a perçu en 2000, dans le cadre d'une transaction conclue suite à sa révocation et à son licenciement, une indemnité d'un montant de 3,3 millions de F, dont 2 millions de F au titre sa révocation et 1,3 million de F au titre de son licenciement.

Le montant global de l'indemnité perçue sera exonéré au cas particulier dans la limite de la moitié de la première tranche du tarif de l'ISF soit 2,35 millions de F : le double des rémunérations annuelles brutes perçues au titre de l'année civile précédente, soit 3,4 millions de F, qui est supérieur à 50 % du montant global de l'indemnité (1,65 million de F) est limité à 2,35 millions de F. Le surplus, soit 950 000 F, est imposable 27 .