Date de début de publication du BOI : 14/06/1996
Identifiant juridique : 13N4231
Références du document :  13N4231

SOUS-SECTION 1 DÉLITS SPÉCIAUX EN MATIÈRE D'IMPÔTS DIRECTS

SOUS-SECTION 1

Délits spéciaux en matière d'impôts directs

À titre liminaire, il est précisé qu'en vertu de l'article 320 de la loi du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, les mentions concernant les minima des peines d'amende ou d'emprisonnement prévus par les différents articles du Code général des impôts cités dans ces développements sont supprimées.

Les délits spéciaux en matière d'impôts directs concernent :

- l'établissement ou le paiement de l'impôt (CGI, art. 1771 à 1779 ) ;

- le versement de la retenue à la source de 25 % sur les produits d'actions, parts sociales et revenus assimilés (CGI, art. 1783 A ) ;

- la déclaration des contrats de prêts (CGI, art. 1783 B ).

  A. INFRACTIONS COMMISES DANS L'ÉTABLISSEMENT OU LE PAIEMENT DE L'IMPOT

1Les articles 1771 à 1773 du CGI prévoient trois groupes d'infractions suivant leur gravité et l'importance des peines correctionnelles auxquelles elles peuvent donner lieu.

  I. Premier groupe

2Aux termes de l'article 1771 du CGI, toute personne, association ou organisme qui n'a pas effectué dans les délais prescrits le versement des retenues opérées au titre de l'impôt sur le revenu en vertu des articles 1671 A et 1671 B -c'est-à-dire au titre des revenus visés aux articles 182 A, 182 B et 182 C du CGI- ou qui n'a effectué que des versements insuffisants est passible, si le retard excède un mois, en sus de l'intérêt de retard et de la majoration prévus à l'article 1731 du CGI (cf. 13 N 2161), d'une amende pénale de 60 000 F et d'un emprisonnement de cinq ans au plus.

Le délit réprimé par l'article 1771 est un délit d'inaction instantané. Il est commis à la date prescrite pour le versement au Trésor de l'impôt retenu (Cour d'appel de Paris, arrêt du 15 juin 1949, RO, p. 241).

Pour cette infraction, les dispositions de l'article 1776 du CGI, qui prévoient la publication et l'affichage du jugement sont applicables (cf. ci-dessous n° 18 ).

En ce qui concerne l'application des peines aux dirigeants des sociétés ou associations, voir ci-après n° 19 .

  II. Deuxième groupe

3Conformément aux dispositions de l'article 1772 du CGI, sont passibles -indépendamment des sanctions fiscales qu'elles peuvent avoir à supporter au titre des majorations de droits ou des amendes fiscales (cf. 13 N 21)- d'une amende de 30 000 F et d'un emprisonnement de cinq ans ou de l'une de ces deux peines seulement, les personnes indiquées ci-après :

4 a. Personnes organisant de fausses comptabilités et personnes convaincues d'avoir opéré sciemment une inscription sous une rubrique inexacte des dépenses supportées par une entreprise. L'article 1772-1-1° du CGI punit tout agent d'affaires, expert et toute autre personne qui fait profession, soit pour son compte, soit comme dirigeant ou agent salarié de société, association, groupement ou entreprise quelconque, de tenir les écritures comptables de plusieurs clients et qui est convaincu d'avoir établi ou aidé à établir de faux bilans, inventaires, comptes et documents, de quelque nature qu'ils soient, produits pour la détermination des bases des impôts dus par lesdits clients.

En outre, l'article 1772-2 du CGI prévoit que les professionnels de la comptabilité convaincus des délits visés à l'article 1772-1-1° du même Code peuvent être déclarés solidaires de leurs clients pour réparer, en principal et pénalités, le préjudice causé au Trésor.

5De même, l'article 1772-3 du code précité sanctionne les personnes qui sont convaincues d'avoir opéré sciemment une inscription sous une rubrique inexacte des dépenses supportées par une entreprise en vue de dissimuler des bénéfices ou revenus imposables au nom de l'entreprise elle-même ou d'un tiers.

6Le délit prévu par l'article 1772-1-1° du CGI, qui concerne l'établissement par un technicien de la comptabilité ou de la fiscalité de faux documents pour déterminer les bases des impôts dus par ses clients, nécessite l'existence de l'élément intentionnel en la personne de son auteur.

Aussi, la Cour de Cassation estime-t-elle que les juges du fond doivent rechercher et préciser s'il y a eu volonté délictuelle de la part du professionnel de la comptabilité d'établir de faux documents ou de fausses déclarations.

En l'absence de constatations prouvant la volonté délictuelle, seule l'amende fiscale prévue par l'article 1767 du CGI, qui sanctionne le fait matériel en lui-même, peut être requise, à l'exclusion de toute sanction pénale, pour réprimer l'inexactitude des écritures comptables ( Cass. crim., arrêt du 4 février 1967).

Dans le même sens, il a été jugé que la volonté délictuelle d'un expert comptable condamné en application de l'article 1772-1-1° du CGI pour avoir passé en frais le montant d'une commission prétendument due à un intermédiaire qui n'existait pas, résultait du fait que postérieurement au dépôt des faux documents, son employé avait tenté de faire croire au paiement effectif de ladite commission ( Cass. crim., arrêt du 15 mai 1961).

7La jurisprudence a encore retenu, pour justifier la condamnation d'un comptable convaincu d'avoir établi, en connaissance de cause, de faux documents -bilans, comptes d'exploitation, comptes de pertes et profits- le fait que ce comptable avait mis en garde, à plusieurs reprises, le Président-directeur général de la société dont il tenait les livres, contre les dangers que présentait la fraude pratiquée, consistant à prendre en compte, sous la dénomination « fournitures et travaux » des rémunérations occultes, mais avait néanmoins continué de participer à la mise en oeuvre de la fraude ( Cass. crim., arrêt du 21 février 1973).

De même, a été confirmée sur le fondement des dispositions susvisées, la culpabilité d'un expert-comptable qui a pris l'initiative de rédiger sciemment une fausse déclaration de destruction de matériel, qu'il a fait signer par le dirigeant de la société, et a passé l'écriture comptable correspondante qu'il savait fausse (Cass. crim., 14 décembre 1981, X... Serge).

8D'autre part, il convient de noter que le délit est susceptible d'être commis non seulement par les professionnels de la comptabilité (experts comptables, comptables agréés, etc.) exerçant pour leur propre compte, mais aussi par les dirigeants ou agents salariés de toute société, association, groupement ou entreprise quelconque se livrant à la tenue de comptabilités pour plusieurs clients. Par suite, les administrateurs, gérants, directeurs et employés de telles entreprises, tombent, en cas d'infraction aux dispositions légales, sous le coup de poursuites correctionnelles. Mais, bien entendu, les employés salariés ne peuvent être poursuivis qu'à raison des irrégularités qu'ils ont personnellement commises.

Ainsi, a été condamné le professionnel, employé salarié d'un cabinet comptable, qui minorait les déclarations qu'il remplissait pour le compte des clients de ce cabinet. En effet, la production à l'administration fiscale des déclarations minorées constitue le faux document prévu par l'article 1772-1-1° du CGI dont l'usage a permis de déterminer les droits des contribuables intéressés et les bases de leurs impôts (Cass. crim., 20 décembre 1982, X... Gérard).

9Enfin, dès lors que les peines prévues à l'article 1772 sont applicables seulement aux personnes tenant les écritures comptables de plusieurs clients, les chefs comptables ou les simples comptables travaillant comme salariés pour le compte d'une seule entreprise ne sont pas concernés par ces peines. Ils peuvent toutefois être poursuivis pour complicité de passation d'écritures inexactes ou fictives (cf. 13 N 4221 ).

10Il est précisé que l'article 1775 du CGI prévoit une sanction particulière en cas de récidive ou de pluralité de délits constatée par un ou plusieurs jugements. Dans cette situation, la condamnation prononcée en vertu de l'art. 1772-1-1° entraîne de plein droit l'interdiction d'exercer les professions d'agent d'affaires, de conseil fiscal, d'expert ou de comptable, même à titre de dirigeant ou d'employé, et s'il y a lieu, la fermeture de l'établissement.

La violation de cette interdiction est sanctionnée, en vertu des dispositions du même article, par :

- une amende de 120 000 F ;

- un emprisonnement de deux ans au plus ou l'une de ces deux peines seulement.

Ces peines sont encourues aussi bien par la personne qui contrevient à l'interdiction en exerçant la profession qui lui est interdite, que par celle qui emploie sciemment les services d'un tiers auquel l'exercice de la profession est interdite en vertu de l'article 1775.

11Bien entendu, les professionnels -officiers publics ou ministériels, experts comptables ou comptables agréés- encourent des sanctions disciplinaires indépendamment des sanctions pénales susvisées.

12 b. Personne encaissant directement ou indirectement des revenus à l'étranger qui ne les a pas mentionnés séparément dans sa déclaration annuelle de revenus, lorsque la dissimulation est établie.

L'obligation de déclarer séparément les revenus encaissés à l'étranger résulte des dispositions des articles 170-2 et 173-2 du CGI (cf. 5 B 42).

Les peines correctionnelles sont applicables seulement s'il est établi qu'en fait il y a eu dissimulation, c'est-à-dire s'il est prouvé que le contribuable s'est abstenu volontairement de comprendre dans sa déclaration les revenus encaissés par lui à l'étranger.

13 c. Personnes convaincues d'avoir encaissé sous leur nom des coupons appartenant à des tiers en vue de faire échapper ces derniers à l'application de l'impôt. Pour que le délit d'entremise prévu et puni par cette disposition soit juridiquement établi, il suffit qu'il existe des présomptions graves et concordantes que les tiers ont échappé à l'impôt grâce à cette entremise, sans qu'il y ait lieu de rechercher si la dissimulation de revenus commise par ces tiers a dépassé le dixième de la somme imposable ou la somme de 1 000 F (Tribunal de la Seine, jugement du 28 mai 1957, RO, p. 513).

Ce délit est caractérisé dès lors qu'un contribuable omet volontairement de déclarer des revenus de valeurs mobilières représentés par des coupons remis à un tiers et que ce dernier encaisse et déclare sous son nom des coupons détachés de titres ne lui appartenant pas ( Cour d'appel de Lyon, arrêt du 8 octobre 1971, RJ, n° IV, p. 217).

Le contrevenant et le propriétaire des coupons sont tenus solidairement au paiement des sommes, tant en principal qu'en pénalités et amendes dont la constatation a été compromise par leurs manoeuvres.

14 d. Personnes ayant produit des pièces fausses ou reconnues inexactes en vue de s'assurer en matière d'impôts directs ou de taxes assimilées le bénéfice des dégrèvements de quelque nature que ce soit.

15 e. Personnes publiant ou faisant publier, par tout autre moyen que celui prévu à l'article L. 211 du LPF, tout ou partie des listes de contribuables visées audit article. Il s'agit de la liste des personnes assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés dressée par la Direction départementale des services fiscaux pour les impositions établies dans son ressort. Les conditions dans lesquelles cette liste est établie et peut être consultée par les contribuables font l'objet des dispositions des articles R 111-1 à R 111-4 du LPF.

Bien entendu, la sanction pénale s'ajoute à l'amende fiscale prévue à l'article 1768 ter (cf. 13 N 2191).

En ce qui concerne les cas de récidive, la publicité des jugements et la mise en cause des dirigeants de sociétés, voir ci-après n°s 17 à 19 .

  III. Troisième groupe

16En vertu des dispositions de l'article 1773 du CGI, le contribuable qui a commis sciemment dans la déclaration des revenus de valeurs et capitaux mobiliers pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, une omission ou insuffisance excédant le dixième de son revenu imposable ou la somme de 1 000 F, est puni de l'amende prévue au 1 de l'article 1772 dudit code.

Le montant de cette amende est de 30 000 F.

Il est à noter que cette mesure peut se combiner avec celle qui punit l'encaissement sous son nom de coupons appartenant à un tiers.

  IV. Application des peines prévues aux trois groupes d'infractions

L'application des peines prévues pour sanctionner les infractions commentées ci-dessus donne lieu aux mesures suivantes :

17a Récidive (CGI, art. 1774 ). En cas de récidive dans le délai de cinq ans les personnes qui commettent les infractions visées dans le deuxième groupe ci-dessus (tenue ou production de fausses comptabilités, dissimulation frauduleuse des revenus encaissés à l'étranger, encaissement de coupons appartenant à des tiers, production de pièces fausses ou inexactes à l'appui de demandes de dégrèvements) et dans le troisième groupe (omission ou insuffisance de déclaration en ce qui concerne les revenus de valeurs et capitaux mobiliers) sont punies d'une amende de 360 000 F et d'un emprisonnement de dix ans. Ces personnes peuvent être privées des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 du nouveau Code pénal.

18b. Publication et affichage du jugement (CGI, art. 1776 ). Conformément aux dispositions de l'article 1776 du CGI, dans tous les cas d'infractions visées dans les trois groupes ci-dessus, ou en cas de récidive, le tribunal ordonne, à la requête de l'Administration, que le jugement soit publié intégralement ou par extraits dans le Journal officiel ainsi que dans les journaux désignés par lui et affiché pendant trois mois sur les panneaux réservés à l'affichage des publications officielles de la commune où le condamné a son domicile et à la porte extérieure de l'immeuble de ce domicile et du ou des établissements professionnels du condamné.

Les frais de ces publications et de cet affichage sont intégralement à la charge de ce dernier.

Le même texte ajoute que les dispositions des six derniers alinéas de l'article L 216-3 du Code de la consommation sont applicables. Ces alinéas fixent les modalités de l'affichage -notamment des dimensions des affiches et des caractères- et les sanctions applicables en cas de suppression de dissimulation ou de lacération des affiches.

Il est précisé que les dispositions de l'article L 216-3 précité relatives à la fixation du délai d'affichage ne s'appliquent pas au cas considéré dès lors que l'article 1776 du CGI prévoit expressément que cette durée est de trois mois.

19 c. Responsabilité personnelle des dirigeants de sociétés (CGI, art. 1777 ). L'article 1777 du CGI dispose que dans le cas où les infractions des trois groupes ci-dessus -ainsi qu'en cas de récidive- ont été commises par une société ou une association, les peines prévues sont applicables personnellement aux présidents, directeurs généraux, directeurs, gérants et, en général, à toute personne ayant qualité pour représenter la société ou l'association.

20d. Peines applicables aux complices (CGI, art. 1778 ). L'article 1778 du CGI prévoit que -conformément aux règles des articles 121-6 et 121-7 du nouveau Code pénal- les complices des délits visés dans les trois groupes d'infraction visés ci-avant ainsi qu'en cas de récidive ou de responsabilité personnelle des dirigeants de sociétés, sont punis des mêmes peines que les auteurs des délits.

Il ajoute, en outre, que ces peines sont applicables sans préjudice des sanctions disciplinaires si les complices sont officiers publics ou ministériels, experts-comptables ou comptables agréés.

21e Circonstances atténuantes (CGI, art. 1779). L'article 1779 du CGI prévoyait, en ce qui concerne les peines prévues par les articles 1771 à 1775 , 1777 et 1778 du CGI, l'application des dispositions de l'article 463 du Code pénal relatif aux circonstances atténuantes. Ce dernier texte était donc susceptible de trouver à s'appliquer :

- pour les infractions des trois groupes visés ci-avant ;

- pour les récidives aux infractions des premier et deuxième groupes (cf. supra, n°s 2 à 15 ) ;

- pour l'application des peines aux dirigeants de sociétés (cf. supra,19 ) ;

- pour les complices des infractions (cf. supra,20 ).

La notion de circonstances atténuantes ayant été supprimée lors de la réforme du Code pénal, l'article 1779 du CGI est abrogé, conformément à l'article 323 de la loi d'adaptation, depuis le 1er mars 1994.

22 f. Engagement des poursuites (CGI, art. 1783 A  ; LPF, art. L. 228 à L. 232). Les règles relatives à l'engagement des poursuites faisant suite à la constatation des infractions spéciales en matière d'impôts directs sont identiques à celles régissant le délit général de fraude fiscale (cf. 13 N 4213 ).

Les poursuites sont engagées sur la plainte de l'Administration sans qu'il y ait lieu, au préalable de mettre l'intéressé en demeure de régulariser sa situation. Elles sont portées devant le Tribunal correctionnel dans le ressort duquel l'infraction a été commise.

C'est ainsi que la Cour de Cassation a censuré, pour défaut de plainte préalable de l'Administration fiscale, les juges du fond qui avaient disqualifié en délit de l'article 1772-1-1° du CGI, les faits de faux et usage de faux commis par un comptable qui avait falsifié les comptes de ses clients à leur insu et établi pour eux de fausses déclarations fiscales (Cass. crim., 10 novembre 1987, X... François ; Bull. crim. n° 397, p. 1045).

La plainte peut être déposée jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle l'infraction a été commise (délai prévu par l'article L. 230 du LPF qui reprend les dispositions de l'ancien article 1780 du CGI pour les infractions visées aux articles 1771 à 1779 du CGI).