Date de début de publication du BOI : 01/07/2002
Identifiant juridique : 13L1313
Références du document :  13L1313

SOUS-SECTION 3 LIEU DE LA VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ

SOUS-SECTION 3

Lieu de la vérification de comptabilité

  A. LIEU DE DÉROULEMENT DES OPÉRATIONS DE CONTRÔLE

  I. Principe

1Le législateur a défini la vérification de comptabilité comme un contrôle sur place permettant notamment à l'agent de l'administration, d'apprécier les conditions d'exploitation de l'entreprise et de recueillir les informations et observations de la personne vérifiée (cf. articles L. 13, L. 47 et L. 52 du LPF).

Le déplacement de la comptabilité d'une entreprise vérifiée en dehors de ses locaux est donc, en principe, proscrit : pour examiner les documents comptables, le représentant de l'administration doit se rendre « sur place », étant observé que cette expression s'entend généralement du principal établissement.

Ce principe s'applique aussi bien pour les opérations de vérification proprement dite qu'à l'occasion des visites sur place nécessaires à l'instruction des observations présentées par le contribuable en réponse aux notifications de redressements.

  II. Exceptions

2Par exception au principe susvisé, la jurisprudence a admis que l'examen des pièces comptables puisse exceptionnellement se dérouler hors de l'entreprise à la condition expresse que cette pratique n'ait pas pour effet de priver le contribuable des garanties prévues par la loi pour les contrôles sur place (assistance d'un conseil, possibilité de discussion avant toute notification de redressements, limitation dans le temps de la durée du contrôle).

Cette façon de procéder ne devrait trouver à s'appliquer que pour les entreprises de petite dimension qui n'ont pas toujours la possibilité matérielle d'accueillir, pendant une période excédant parfois plusieurs semaines, l'agent des impôts chargé de l'examen de leur comptabilité.

3L'examen peut être opéré soit dans les bureaux de l'administration, soit dans les bureaux du comptable de l'entreprise mais il ne peut en aucun cas se dérouler au domicile du vérificateur.

Le Conseil d'État a également jugé qu'une vérification pouvait se dérouler régulièrement au domicile du PDG de la société vérifiée dans la mesure où cette circonstance résulte d'une demande expresse de l'intéressé (28 novembre 1986, n° 66295).

1. Vérification au bureau du conseil du contribuable.

4Le Conseil d'État admet que les opérations de vérification puissent se dérouler au cabinet du conseil de l'entreprise à condition que le déplacement des documents ait été réalisé sur l'initiative du contribuable ou qu'il les ait lui-même transportés chez son comptable (arrêt CE, 29 mars 1978, n° 4460).

Dans cette hypothèse, le contribuable doit demander expressément au vérificateur que les documents soient examinés chez son conseil (RM Louvot, n° 5810, JO Sénat, 20 août 1987, p. 1319).

La vérification ne doit pas être entièrement conduite dans le bureau du conseil, mais doit comporter un minimum d'investigations dans l'entreprise permettant au vérificateur d'apprécier les conditions réelles d'exploitation.

Bien entendu, la possibilité d'un débat oral et contradictoire doit être offerte au contribuable (CE, arrêts des 29 mars 1978, n° 4460, 5 juin 1981, n° 20948 et 31 mai 2001, n° 178122).

2. Vérification dans les bureaux de l'administration.

5Les documents comptables, support des déclarations fiscales, sont également la traduction matérielle des obligations imposées aux entreprises par le code de commerce ou la nécessité de leur gestion, et sont la propriété des contribuables. Ces derniers peuvent donc en disposer et les confier temporairement au vérificateur, mais le juge de l'impôt est particulièrement attentif à la forme de cette démarche. Elle doit procéder de la seule volonté des redevables et être exclusive de toute pression, ou même incitation.

Les documents doivent être prélevés puis restitués dans des conditions qui n'autorisent aucune contestation sur leur nombre ou leur nature et permettent aux contribuables vérifiés d'assurer leur défense en toute connaissance de cause et au moyen de tous les éléments utilisés par le vérificateur.

  B. CONDITIONS DANS LESQUELLES L'ADMINISTRATION PEUT DEVENIR DÉPOSITAIRE DE DOCUMENTS APPARTENANT À UN CONTRIBUABLE

6La jurisprudence a défini des conditions strictes permettant le déplacement de tout ou partie de la comptabilité d'une entreprise et à défaut desquelles le juge de l'impôt est amené à constater l'irrégularité de la procédure et à prononcer la nullité des opérations de contrôle et des redressements qui peuvent en découler même si certains d'entre eux ne sont pas directement fondés sur l'examen des documents emportés (cf. notamment CE, arrêts des 21 mai 1976, n° 94052, RJ, n° IV, p. 35, 18 mai 1977, n os 2387 et 2867, RJ n° IV, p. 35, 27 juillet 1984, n° 37491, 2 octobre 1985, n° 66522, 2 juillet 1986, n° 54642 et 26 juin 1987, n° 39008).

Jugé, toutefois, que le fait pour un vérificateur de prendre et de conserver des photocopies de documents comptables ou des copies de fichiers informatiques ne peut être considéré comme un emport de documents (CE, arrêt du 25 mars 1991, n os 87731 et 89752 [cf. n° 17 ] et 5 mai 1999, n° 197379).

1. Ces conditions, cumulatives, s'articulent autour de trois principes :

- les formalités préalables à l'emport des documents ;

- les conditions de leur restitution ;

- l'organisation des opérations pendant le contrôle.

a. Premier principe : l'emport des documents.

1° Le contribuable doit faire une demande écrite préalable.

7Le contribuable qui souhaite que l'examen de sa comptabilité s'opère dans les bureaux de l'administration, doit prendre l'initiative de proposer le déplacement des documents et remettre au vérificateur une demande écrite préalable à l'emport des pièces.

Aucune condition de forme n'a été posée par la jurisprudence. Toutefois, il est nécessaire que l'intéressé présente lui-même cette demande en mentionnant expressément avoir été averti que le contrôle devait normalement se dérouler dans son entreprise et y porte la mention « Fait le ... (date), à ... (lieu) » avant sa signature.

Aucune demande ne doit être faite sur un modèle préimprimé ou matériellement rédigée par le vérificateur (cf. CE, arrêt du 17 février 1986, n° 49920 et 21 octobre 1987, n° 60512).

Il est précisé que la demande ne peut être effectuée que par le contribuable vérifié ou son représentant légal, à l'exclusion des tiers, de membres de sa famille ou de son conseil. Le service est invité à vérifier que la signature de la demande correspond bien à celle qui figure sur les déclarations produites par l'intéressé ou à s'assurer de la qualité du mandataire.

La demande peut être révoquée par le contribuable à tout moment du contrôle. Après restitution, la vérification peut alors se poursuivre dans l'entreprise, dans les conditions habituelles.

2° Le caractère préalable de la demande est primordial.

8Ainsi le Conseil d'État a jugé que ne pouvaient être considérés comme des demandes écrites préalables :

- une autorisation donnée sur le reçu détaillé remis par le vérificateur (CE, arrêt du 7 mai 1982, n° 21872) ;

- un reçu détaillé établi par le vérificateur et signé par le gérant de l'entreprise avec la mention « bon pour autorisation sans réserve » (CE, arrêt du 17 mai 1982, n° 16999) ;

- une décharge signée par le contribuable à la fin de la vérification et selon laquelle c'est sur sa demande que les pièces ont été emportées (CE, arrêt du 9 janvier 1981, n° 19229 et 3 juillet 1985, n° 32294) ;

- la reconnaissance par le contribuable dans la réponse à la notification de redressements, qu'il avait autorisé le vérificateur à emporter tous les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission (CE, arrêt du 13 décembre 1982, n° 23871) ;

- un procès-verbal établi par les agents du service postérieurement aux opérations de contrôle (CE, arrêt du 5 novembre 1984, n° 34680).

3° Le vérificateur remet au contribuable un reçu détaillé des documents emportés.

9Il appartient au vérificateur de prendre la décision d'accéder à la demande du contribuable ou de refuser, mais elle doit être exclusivement inspirée par des considérations touchant à la bonne exécution des opérations de contrôle. En effet, l'agent des impôts n'est nullement tenu, quelle que soit la demande qui lui est faite, de prendre la responsabilité d'emporter des documents comptables. Dans l'hypothèse où le déplacement de la comptabilité apparaîtrait inopportun ou difficile et où il ne serait pas possible de parvenir à un accord avec le contribuable refusant d'accueillir le vérificateur dans son entreprise, il y aurait lieu de l'informer par écrit, et éventuellement de mettre en oeuvre la procédure d'évaluation d'office prévue par l'article L. 74 du LPF en cas d'opposition à contrôle fiscal.

S'il accède à la demande du contribuable, le vérificateur lui remet un reçu détaillé des documents dont l'administration devient temporairement dépositaire. Ce reçu doit être signé par le vérificateur et par le contribuable (CE, arrêt du 21 octobre 1987, n° 60512). Le vérificateur en conserve une copie au dossier.

Le service est invité à s'assurer de l'inventaire exhaustif et précis des pièces énumérées sur ce reçu avant de les emporter.

En aucun cas, les documents prélevés ne doivent être transportés au domicile du vérificateur.

b. Deuxième principe : la restitution des documents.

10Lors de la restitution des documents, le vérificateur doit exiger une décharge qui corresponde strictement au reçu qu'il a délivré lors de l'emport.

Cette restitution doit avoir lieu en temps utile pour que le contribuable soit en mesure de discuter les premiers résultats de la vérification avant la clôture des opérations sur place. Il est donc indispensable qu'il y soit procédé avant la dernière intervention sur place du vérificateur laquelle constitue la date de clôture de la vérification proprement dite.

Il est rappelé, par ailleurs :

- que la restitution doit obligatoirement être effectuée avant l'envoi de la notification de redressements ou d'une demande de renseignements portant sur les documents en cause ;

- et avant l'expiration du délai de trois mois lorsque la garantie prévue par l'article L. 52 du LPF trouve à s'appliquer.

c. Troisième principe : possibilité d'un débat oral et contradictoire.

11Le déplacement des documents comptables en dehors des locaux de l'entreprise ne doit pas avoir pour effet de priver le contribuable vérifié de la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur. D'où la nécessité de restitution des documents déplacés avant la dernière intervention sur place.

Le respect de ce principe tenant à la possibilité pour le contribuable d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur est indispensable pour que le juge de l'impôt admette qu'il soit dérogé à la volonté du législateur de voir les opérations de vérification de comptabilité se dérouler dans l'entreprise. Il a ainsi été jugé qu'était irrégulière la vérification au cours de laquelle le vérificateur ne s'était rendu que deux fois au siège de la société pour emporter les documents comptables de l'entreprise puis pour les restituer (arrêt CE, 27 juillet 1979, n os 9101 et 8682) ou trois fois, dès lors qu'une visite intermédiaire n'avait duré qu'une heure pour permettre l'examen d'un problème relatif aux soldes pratiqués par l'entreprise (arrêt CE, 7 décembre 1983, n° 36722).

De même, le Conseil d'État a jugé qu'est irrégulière une vérification, alors même que l'emport des documents comptables d'une entreprise aurait respecté les conditions de forme propres à en assurer la validité, dès lors que ces documents n'ont été restitués qu'à une date postérieure à la fin des opérations de contrôle et que le vérificateur n'est pas retourné, durant celles-ci, au siège de l'entreprise, la privant ainsi de la faculté d'engager un débat oral et contradictoire sur place (CE, arrêt du 25 septembre 1989, n° 59495).

Cette exigence d'un débat oral et contradictoire procède en effet de l'idée que seule la possibilité d'un dialogue évolutif et constructif sur place est de nature à permettre, d'une part, à l'agent des impôts de recueillir les informations nécessaires au contrôle, d'apprécier concrètement les conditions d'exploitation de l'entreprise et d'informer l'exploitant de ses obligations fiscales, et d'autre part, au contribuable de présenter utilement ses premières observations. Cette potentialité de dialogue est présumée par le juge lorsque le vérificateur a eu une présence suffisante dans l'entreprise, rien ne s'opposant alors à ce que le contribuable entre en contact avec lui (arrêt CE, 26 mai 1982, n° 26230, 28 janvier 1987, n° 48571).

12En pratique, les périodes d'examen matériel des documents comptables hors du siège de l'entreprise doivent donc alterner avec des interventions effectives du vérificateur chez le contribuable. En outre, les documents emportés doivent être restitués suffisamment tôt pour qu'indépendamment des rencontres qui ont lieu lorsque le contribuable est dessaisi de sa comptabilité, celui-ci soit en possession des documents qui lui appartiennent lors de la discussion sur les premiers résultats du contrôle, avant la clôture des opérations sur place.

Il est précisé à cet égard

- que le vérificateur ne doit pas s'opposer à la présence du conseil du contribuable dans les locaux administratifs lors de l'examen matériel des documents prélevés. Mais les échanges « techniques », qui peuvent avoir lieu avec le conseil, ne dispensent pas le vérificateur d'informer directement le contribuable ;

- que le contribuable doit avoir la possibilité d'un dialogue avec le vérificateur, quelle que soit la procédure de redressement qui sera ultérieurement applicable (procédure contradictoire ou procédure d'imposition d'office) ;

- que les entretiens et échanges de correspondances qui peuvent avoir lieu au cours de la procédure de redressement qui suit la vérification, sous la forme du dialogue contradictoire prévu par l'article L. 55 du LPF, ne peuvent être retenus au titre du débat oral et contradictoire propre aux opérations de contrôle sur place (arrêt CE, 7 décembre 1983, n° 36722 et RM Bourg-Broc, n° 21014, JO AN, 1er juin 1987, p. 3171) ;

- mais que l'exigence d'un dialogue dans les locaux de l'entreprise n'exclut pas la possibilité pour le vérificateur d'adresser également des demandes d'information écrites au contribuable (arrêt CE, 20 mars 1985, n° 52477).

13Dès lors qu'à l'évidence un dialogue reste immatériel et informel, l'attention du service est appelée sur les précautions à prendre afin de se ménager, en cas de contentieux ultérieur, la preuve de la réalité de la discussion ou, à tout le moins, des propositions faites en ce sens au contribuable.

Lorsque l'attitude de ce dernier laisse craindre l'engagement ultérieur d'un contentieux, les interventions sur place peuvent utilement être précédées d'une lettre ou d'un avis de passage informant l'intéressé de la date de la visite sur place et l'invitant à une discussion dans l'entreprise, en présence, le cas échéant, de son conseil. Dans l'hypothèse d'un refus du contribuable, une confirmation écrite de ce refus doit être demandée. Il en est de même si le contribuable préfère, de sa propre initiative, qu'un entretien se déroule au bureau du vérificateur ou chez son conseil.

Rien ne s'oppose non plus à ce que le vérificateur mentionne expressément dans la décharge qui lui est remise lors de la restitution des documents, les dates des visites, les opérations effectuées et les observations auxquelles elles ont donné lieu, tant de sa part que de celle du contribuable vérifié.

Ces faits peuvent également être rappelés dans la notification de redressements.

Enfin, le vérificateur doit être particulièrement attentif à consigner dans le rapport de vérification les divers éléments permettant de prouver l'existence d'un dialogue ou de constater que le contribuable s'y est volontairement refusé.