SOUS-SECTION 3 LIEU DE LA VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ
d. Cas particulier : documents apportés par le contribuable au bureau du vérificateur.
14Le dépôt spontané de documents comptables auprès des services de l'administration ne vicie pas, en principe, la vérification (CE, 2 juillet 1986, n° 55961).
Afin d'éviter toute contestation ultérieure sur l'origine d'une telle démarche, le vérificateur doit s'abstenir de demander au contribuable de lui apporter et de lui confier des documents qu'il a la possibilité de consulter dans les locaux de l'entreprise.
Dans l'hypothèse où le contribuable prend l'initiative d'apporter certaines pièces comptables lui appartenant, l'agent des impôts doit exiger une décharge mentionnant que le contribuable a effectué, de lui-même, le transport des documents et précisant la teneur exacte des documents qui lui sont remis. Lors de la restitution, une seconde décharge doit être demandée. Celle-ci peut préciser les éléments qui ont fait l'objet d'observations tant de la part du vérificateur que du contribuable afin de pouvoir démontrer que cette pratique n'a pas privé l'intéressé de la possibilité du débat oral et contradictoire portant sur ces documents.
2. Documents concernés par la garantie.
15Le Conseil d'État a jugé que ne pouvaient faire l'objet d'un déplacement en dehors des locaux de l'entreprise sans que soient respectées les conditions sus rappelées :
- un tableau des amortissements qui, s'il ne fait que reproduire en les centralisant des écritures qui figurent dans d'autres comptes de l'entreprise, n'en constitue pas moins un document comptable dont la tenue facultative est prévue par le plan comptable et dont le transfert par le vérificateur hors des locaux de l'entreprise, sans délivrance de reçu et sans l'accord du contribuable, était susceptible de priver ce dernier des possibilités qui lui sont garanties d'un débat oral et contradictoire sur place (arrêt CE ; 29 juillet 1983, n os 27794, 27795 et 27797) ;
- un inventaire des stocks (CE, 2 juillet 1986, n° 54642) ;
- des relevés de compte bancaire, qui constituent des pièces justificatives des recettes et dépenses professionnelles (CE, arrêt du 2 juillet 1986, n° 55961), même s'ils retracent également des opérations étrangères à l'activité professionnelle (CE, 5 mars 1986, n° 47877) ;
- un contrat d'association conclu par un contribuable avec des confrères en vue de l'exercice conjoint de la profession de vétérinaire et qui définit les relations financières entre les associés. Le vérificateur ayant estimé cette pièce « nécessaire à l'accomplissement de sa mission et de nature à l'éclairer sur les modalités de l'activité professionnelle du contribuable », ce document, qui avait effectivement été utilisé pour établir l'impôt, devait être regardé comme une pièce justificative de la comptabilité (arrêt CE, 6 juin 1984, n os 42802, 42803, 42804 et 42805) ;
- un bail afférent à des locaux commerciaux et un projet de révision de ce bail (CE, 26 juin 1987, n os 39008 et 40437).
16On remarque que ces décisions fournissent une définition très large des documents protégés par la garantie jurisprudentielle. Il s'agit, en fait, indépendamment des documents comptables au sens strict, de toutes les pièces qui sont utiles au vérificateur pour effectuer le contrôle et, par conséquent, au contribuable pour assurer sa défense. Sont ainsi visées par la garantie toutes les pièces utiles à la gestion de l'entreprise.
17Par ailleurs, le fait d'emporter des copies ou des photocopies fournies par le contribuable ne peut en lui-même constituer une irrégularité de la vérification (cf. ci-dessus n° 6 ).
Lorsque les copies sont réalisées pour être remises au vérificateur et que le contribuable reste en possession des originaux, ce dernier sera invité à indiquer sur les documents fournis leur caractère de copies destinées à être conservées par le service.
Mais, lorsque les documents fournis'en copies ou photocopies constituent en fait pour le contribuable des pièces originales, leur emport doit s'effectuer dans les conditions strictes posées par la jurisprudence. En tout état de cause, l'emport de copies ne doit pas avoir pour effet de priver le contribuable de la possibilité de discuter utilement et contradictoirement des conséquences que le vérificateur entend tirer des documents qui lui ont été remis (cf. dans ce sens CE, arrêt du 2 octobre 1985, n° 66522).
18Enfin, ne constitue pas un emport irrégulier de comptabilité susceptible de vicier la procédure de vérification :
- le fait que le contribuable ait lui-même apporté les documents litigieux au bureau du vérificateur' (CE, arrêts des 17 juin 1985, n° 34257 et 2 juillet 1986, n° 55961 [cf. n° 14 ]) ;
- l'emport de documents étrangers à la comptabilité professionnelle (CE, arrêts des 28 mars 1984, n° 38737 et 9 juillet 1982, n° 27410 ; dans la première affaire, il s'agissait d'un échéancier de prêts et dans la seconde de carnets sur lesquels un contribuable imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux mais ne tenant pas de livre-journal inscrivait seulement le nombre d'actes journaliers) ;
- le fait pour le vérificateur de demander au contribuable de venir dans son bureau pour un entretien en y apportant des documents comptables dès lors qu'un débat oral et contradictoire a pu avoir lieu dans l'entreprise, que l'essentiel du contrôle y a été effectué, que le contribuable est libre de refuser et qu'il remportera ses documents à l'issue de l'entretien sans en avoir été à aucun moment dessaisi (CE, arrêt du 10 janvier 2001, n° 211966).