SOUS-SECTION 8 PROROGATION DU DÉLAI DE REPRISE EN CAS D'ACTIVITÉS OCCULTES
SOUS-SECTION 8
Prorogation du délai de reprise en cas d'activités occultes
1L'article 115 de la loi de finances pour 1997 porte de trois à six ans les délais de reprise prévus aux articles L. 169 , L. 174 et L. 176 du LPF lorsque le contribuable n'a pas déclaré son activité professionnelle auprès du centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce et n'a pas souscrit, dans les délais légaux, les déclarations fiscales qu'il était tenu de souscrire.
L'intention du législateur a été de permettre à l'administration de disposer d'un moyen de lutter plus efficacement contre les activités clandestines qui sont difficiles à identifier. L'allongement du délai de reprise est destiné à compenser le handicap qui résulte de l'ignorance de l'existence de telles activités.
Bien entendu, lorsque le délai spécial ne peut pas être appliqué du fait de l'absence de l'une des conditions légales ou de l'application de l'une des mesures de tempérament exposées ci-dessous, le service conserve tous ses pouvoirs d'investigation et de redressement sur la période comprise dans le délai normal de reprise.
A. CHAMP D'APPLICATION
I. Personnes concernées 1
2Pour que le délai de reprise de six ans puisse être mis en oeuvre, la loi prévoit deux conditions qui doivent être remplies cumulativement.
1. Le contribuable n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce.
3Les conditions de déclaration aux centres de formalités des entreprises sont exposées dans la DB 3 E 1122 et suivants.
Dans l'hypothèse où le contribuable a effectué la déclaration auprès d'un centre différent de celui dont il relevait (incompétent territorialement ou ratione materiae), le délai spécial ne s'applique pas.
4 Précision : établissement secondaire.
Lorsqu'un contribuable a déclaré un établissement principal et souscrit les déclarations fiscales correspondantes, Je fait de ne pas avoir déclaré un établissement secondaire se livrant à la même activité, au centre de formalités des entreprises, n'autorise pas l'administration à faire usage du délai de reprise de six ans pour la partie de l'activité qui n'a pas été déclarée.
Dans ce cas, en effet, l'activité exercée n'est pas occulte puisque l'établissement principal donne lieu à une déclaration fiscale. La situation s'analyse en une insuffisance de déclaration.
2. Le contribuable n'a pas souscrit de déclaration fiscale dans les délais légaux au titre de l'activité de nature industrielle, commerciale, non commerciale ou agricole non portée à la connaissance du centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce.
5Sous réserve des précisions apportées aux n os10 et 11 , l'absence de déclaration fiscale dans les délais légaux est la seconde condition requise pour pouvoir opposer au contribuable le délai spécial de reprise de six ans.
Cette condition recouvre indifféremment :
- le défaut de déclaration ;
- ou le dépôt tardif, y compris lorsque la déclaration est souscrite après mise en demeure.
6La souscription d'une déclaration après mise en demeure ne fait pas, en effet, obstacle à la mise en oeuvre du nouveau délai. Il résulte, en outre, du 2ème alinéa de l'article L. 68 du LPF que la procédure d'imposition d'office peut être mise en oeuvre sans l'envoi préalable de mise en demeure si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce.
Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article L : 73-1° et 2° du LPF, la procédure d'évaluation d'office trouve à s'appliquer quel que soit le montant du chiffre d'affaires.
7En revanche, lorsque l'une quelconque des déclarations (telles que visées aux n os10 et 11 ) incombant au contribuable a été souscrite dans les délais, et alors même que la déclaration au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce n'a pas été effectuée, le délai spécial n'est pas applicable.
II. Activités concernées
8Seules sont concernées les activités soumises à déclaration auprès des centres de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce. En sont donc exclues, notamment, les activités salariées.
III. Impôts concernés
9En se référant aux articles L. 169 , L. 174 et L.176 du LPF, l'article 115 de la loi de finances pour 1997 vise expressément l'impôt sur le revenu 2 , l'impôt sur les sociétés, la taxe professionnelle et les taxes additionnelles ainsi que les taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées notamment certaines taxes qui sont contrôlées comme en matière de TVA, comme la taxe d'apprentissage et la participation à la formation professionnelle continue.
Sont donc notamment exclus du délai de six ans :
- l'imposition forfaitaire annuelle à la charge des personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés ;
- la retenue à la source sur les revenus de capitaux mobiliers ;
- le prélèvement sur les produits de placement à revenu fixe ;
- le précompte ;
- la taxe sur les salaires ;
- la cotisation au titre de la participation construction ;
- la pénalité instituée par l'article 1763 A du CGI ;
- ainsi que tous les prélèvements ou taxes qui tiennent lieu de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés tels qu'ils sont visés à l'article L. 169 A du LPF.
IV. Précisions en ce qui concerne les obligations déclaratives
10Le délai spécial de reprise ne peut concerner que les seuls revenus ou bases qui n'ont pas été portés, même sous une rubrique catégorielle erronée, dans l'une quelconque des déclarations souscrites dans le délai légal et afférentes aux activités concernées (cf. n° 8 ).
Compte tenu de l'intention du législateur qui est de n'opposer le délai spécial qu'aux activités réellement clandestines, il est également précisé que ce délai ne peut s'appliquer, s'agissant d'une activité déterminée, à un impôt donné pour lequel le contribuable est défaillant lorsque celui-ci a souscrit, dans les délais, des déclarations au titre d'autres impôts concernant cette même activité.
11Il résulte de ces principes que le délai spécial n'est donc pas applicable dans les cas suivants :
- le contribuable n'a pas souscrit la déclaration de revenu global mais il a déposé une déclaration spéciale professionnelle ;
- le contribuable n'a pas souscrit la déclaration spéciale professionnelle mais il a déposé la déclaration d'ensemble d'impôt sur le revenu faisant apparaître le revenu catégoriel correspondant ;
- le contribuable n'a pas souscrit la déclaration catégorielle afférente aux revenus litigieux mais a mentionné ces derniers sur sa déclaration d'ensemble d'impôt sur le revenu ou dans une déclaration spéciale professionnelle (exemple : déclaration BIC non souscrite mais déclaration BNC déposée) ;
- le contribuable a souscrit les déclarations de TVA afférentes à une activité professionnelle mais non celle se rapportant aux revenus catégoriels (IR) ou aux résultats (IS) correspondants ;
- le contribuable n'a pas déposé les déclarations dé TVA afférentes à une activité professionnelle déterminée mais il a souscrit des déclarations d'impôt sur le revenu, globales ou catégorielles, ou d'impôt sur les sociétés mentionnant les résultats générés par cette même activité.
B. CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE
I. Date d'appréciation
1. Principe.
12Le moyen tiré de la prescription se rattache au bien-fondé de l'impôt.
En conséquence, la réalisation de la condition relative à la démarche à effectuer obligatoirement auprès du centre de formalités des entreprises ou du tribunal de commerce s'apprécie à la date du fait générateur de l'impôt.
En revanche, s'agissant de la condition relative aux obligations déclaratives, il convient évidemment de se placer à la date limite de dépôt des déclarations en cause.
Exemple : Une activité BIC exercée en 1996 pourra donner lieu à des redressements d'impôt sur le revenu en 2000 si :
- elle n'a pas été portée à la connaissance du centre de formalités des entreprises avant le 1er janvier .1997
- et n'a pas donné lieu à la souscription des déclarations d'impôt sur le revenu dans les délais en 1997.
13Il en résulte que si les deux conditions sont réunies au titre d'une période d'imposition antérieure au délai normal de reprise, et alors même que le contribuable a régularisé sa situation au cours d'une année postérieure, comprise ou non dans le délai normal de reprise, le délai spécial s'applique en principe au titre de la période où l'activité était clandestine.
2. Mesure de tempérament.
14Dans l'esprit de la loi et afin de favoriser la réinsertion dans la légalité des contribuables exerçant une activité clandestine, il a été décidé de ne pas opposer au contribuable le délai de six ans lorsque les trois conditions suivantes sont cumulativement réunies :
- le contribuable a régularisé spontanément sa situation auprès du centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce entre l'année du fait générateur de l'impôt et le moment où l'administration engage la procédure de contrôle ; en outre, en cas de cessation de l'activité occulte, la régularisation doit intervenir avant le 1er janvier de la troisième année suivant la réalisation de cet événement ;
- il a rempli l'intégralité de ses obligations fiscales déclaratives depuis lors, dans les délais, et sans que l'administration ait dû intervenir, notamment par l'envoi de mises en demeure ;
- le contrôle exercé sur la période comprise dans le délai normal de reprise n'a donné lieu qu'à des redressements pour lesquels la bonne foi a été intégralement reconnue.
15Si une seule de ces conditions fait défaut, au titre de l'un quelconque des impôts dus par le contribuable et visés par l'article 115 de la loi de finances pour 1997, le service met en oeuvre le droit de reprise sur le délai de six ans prévu par le nouveau texte.
16Pour l'application de ce dispositif, la situation s'appréciera par année ou exercice, sans tenir compte des périodes d'imposition plus courtes, par exemple en matière de TVA.
17Cette mesure de tempérament ne peut concerner que les périodes excédant le délai normal de reprise et entrant dans le champ d'application de l'article 115 de la loi de finances pour 1997. Elle est sans influence sur l'exercice du droit de reprise dans le délai normal, même si la « régularisation » est intervenue au cours de cette période.
Exemple : Le contribuable a commencé une activité occulte en 1994 mais n'a procédé à la « régularisation » de sa situation que le 1er juin 1996.
En principe, lors d'un contrôle exercé en 1999, le droit de reprise fondé sur le nouveau texte pourrait s'exercer au titre des années 1994 et 1995 en matière d'impôt sur le revenu et de TVA.
Dans ce cas, il est admis que les années 1994 et 1995 ne feront pas l'objet de reprise si :
- la situation a été régularisée depuis lors, ce qui est le cas dans l'exemple ;
- le contribuable a respecté ses obligations déclaratives au titre des années 1996 à 1999 ;
- le contrôle des années 1996 à 1999 ne révèle pas de redressement pour lesquels la mauvaise foi est démontrée.
En revanche, si des manquements aux obligations déclaratives sont constatés depuis le 1 er juin 1996 ou si la vérification des années 1996 à 1999 révèle des dissimulations pour lesquelles la mauvaise foi est démontrée, le droit de reprise s'exercera également sur les années 1994 et 1995.
II. Procédures de contrôle applicables
18S'agissant d'appréhender des activités professionnelles demeurées occultes, la procédure de contrôle la mieux adaptée est constituée par la vérification de comptabilité.
Toutefois, la voie du contrôle sur pièces n'est pas à exclure dès lors que les défaillances du contribuable sont dûment établies et les droits éludés déterminés avec suffisamment de précision.
19En revanche, la procédure d'ESFP, qui ne concerne que le revenu global, ne peut jamais donner lieu, en tant que telle, à la mise en oeuvre du délai de six ans.
Ainsi, lorsqu'à la suite d'un ESFP les revenus non déclarés auront été imposés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée (LPF, art. L. 16 et L. 69), il ne sera pas possible d'étendre cette procédure au-delà du délai de trois ans (sauf application éventuelle du délai spécial prévu à l'article L. 187 du LPF en cas de dépôt de plainte ; cf. DB 13 L 1216 ).
Cependant, lorsqu'à l'occasion de cet ESFP, l'administration est en mesure de rattacher les revenus de l'activité occulte à une catégorie donnée soumise à une obligation déclarative auprès du centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce et que les déclarations correspondantes n'ont pas été souscrites (BIC, BNC, BA, TVA), le droit de reprise étendu à six années pourra être mis en oeuvre.
Dans une telle hypothèse, il conviendra toutefois de veiller, le cas échéant, au respect des dispositions de l'article L. 50 du LPF 3 .
1 Cf. n os28 et suivants pour le cas particulier des associations.
2 Mais les seules catégories de revenus relevant d'une activité professionnelle.
3 Ainsi, en cas d'ESFP déjà clôturé par une notification de redressements ou un avis d'absence de redressements, le service ne pourra ultérieurement envisager de réhausser les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu qu'en établissant le caractère incomplet ou inexact des éléments fournis par le contribuable lors de cet ESFP.