Date de début de publication du BOI : 01/06/2001
Identifiant juridique : 13K111
Références du document :  13K111

SECTION 1 DISTINCTION ENTRE LE DROIT DE COMMUNICATION ET LE POUVOIR DE VÉRIFICATION


SECTION 1

Distinction entre le droit de communication et le pouvoir de vérification



  A. INTÉRÊT DE LA DISTINCTION


1Le système fiscal français repose, pour l'essentiel, sur les déclarations souscrites par les contribuables que l'administration fiscale vérifie en se fondant sur les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi. Lorsqu'elle vérifie la situation fiscale d'un contribuable soumis, au plan fiscal, à des obligations comptables, l'administration doit pouvoir accéder à l'ensemble des documents détenus par ledit contribuable. Elle tient notamment des articles 50-0, 54, 98, 102 ter-4, 286-4° du CGI, le droit de se faire représenter par le contribuable lesdits documents et de procéder à leur vérification.

2Le droit de communication résultant des dispositions de l'article L. 85 du LPF a une portée encore plus étendue que le pouvoir de vérification puisqu'il permet non seulement de prendre connaissance des documents comptables d'un contribuable, mais, également, de recueillir auprès de tiers tous renseignements permettant de recouper, et ainsi de vérifier, les déclarations déposées par le contribuable lui-même.

Ces prérogatives de l'administration apparaissent très voisines puisqu'elles permettent l'une et l'autre de contrôler l'assiette de l'impôt. Il importe cependant de les distinguer de manière très précise car elles obéissent toutes deux à des règles de forme profondément différentes.

3En l'absence de toute disposition législative ou réglementaire, le droit de communication peut s'exercer sans formalité particulière (voir toutefois DB 13 K 114 ).

4Au contraire, l'exercice du pouvoir de vérification obéit à des règles strictes énoncées dans différents articles du livre des procédures fiscales, notamment dans les articles L. 47 et L. 52. L'article L. 47 du LPF prévoit que tout contribuable doit être informé au moyen d'un avis de vérification que l'administration envisage de procéder à une vérification et qu'il a la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix. Par ailleurs, sous réserve des exclusions prévues à l'article L. 52 A (cf. BOI 13 L-1-00), l'article L. 52 du LPF limite la durée de la vérification sur place de la comptabilité de certaines entreprises à trois mois. Le non-respect de ces dispositions entraîne la nullité de la procédure ou de l'imposition établie.

5Les garanties ainsi accordées aux contribuables qui font l'objet de vérification et les sanctions qu'encourt l'administration pour inobservation éventuelle des obligations corrélatives qui lui incombent mettent en évidence l'importance de la distinction à opérer entre une vérification (vérification de comptabilité ou examen contradictoire de la situation fiscale personnelle) et le simple exercice du droit de communication.

6En effet, les agents de l'administration sont fréquemment amenés, en usant de leur droit général de communication, à effectuer des interventions sur place sans, pour autant, procéder à une vérification. Il en est ainsi notamment lorsque des agents réunissent des renseignements utiles à la vérification d'un tiers : interventions chez les créditeurs ou débiteurs du redevable vérifié, recoupements, relevés des comptes en banque, etc. Le fait que ces renseigriements puissent, dans certains cas, servir ultérieurement à la Vérification du redevable chez qui ils sont recherchés ne suffit pas à leur donner le caractère de premier acte de la vérification, dès lors que celle-ci reste éventuelle au moment de la recherche du renseignement et nécessiterait, si elle était entreprise, une série nouvelle d'opérations qui obéiraient, en ce qui les concerne, aux formes strictes que les textes ont imposées aux vérifications.

7En conséquence, le champ d'application des articles déjà cités (L. 47 et L. 52 du LPF) est limité aux vérifications proprement dites. En sont donc exclues les recherches de renseignements effectuées, soit systématiquement, soit à l'occasion de la vérification.

8En d'autres termes, il doit être nettement entendu que l'exercice du droit de communication résultant des dispositions de l'article L. 85 du LPF est indépendant de celui du droit de vérification des déclarations. Toute autre solution entraînerait la conséquence, manifestement contraire à la volonté du législateur, que la recherche sur place du moindre renseignement priverait l'administration de la possibilité de procéder ultérieurement à la vérification de la comptabilité ou de la situation fiscale du contribuable, tout au moins au regard des impôts, taxes et périodes'sur lesquels a porté la recherche en question.

9Il convient donc de définir avec précision le sens à donner aux expressions « vérification » d'une part, « exercice du droit de communication » d'autre part, étant indiqué que le Conseil d'État qualifie, en cas de doute, les interventions de l'administration auprès des contribuables en fonction de leurs caractéristiques réelles et non de leur apparence.


  B. DÉFINITION DU DROIT DE COMMUNICATION ET DU POUVOIR DE VÉRIFICATION



  I. Définition du droit de communication


10Il est rappelé que le droit de communication est le droit reconnu à l'administration des impôts de prendre connaissance et, au besoin, copie de documents détenus par des tiers (entreprises privées, administrations, établissements et organismes divers...). Les renseignements recueillis peuvent être utilisés pour l'assiette et le contrôle de tous impôts et taxes à la charge, soit de la personne physique ou morale auprès de laquelle ce droit est exercé, soit de tiers à cette personne, sans qu'il en découle toutefois directement l'établissement d'impositions supplémentaires.

Ce droit a une portée plus étendue que le pouvoir de vérification puisqu'il permet non seulement de prendre connaissance des documents comptables d'un contribuable, mais, également, de recueillir auprès de tiers tous renseignements permettant de recouper, et ainsi de vérifier, les déclarations déposées par le contribuable lui-même.

Toutefois, le droit de communication est d'application moins formaliste que le pouvoir de vérification.

S'agissant des articles L. 83 à L. 95 du LPF, le droit de communication peut également être exercé par les agents des administrations chargés du recouvrement des impôts, droits et taxes prévus par le code général des impôts.

Il a été étendu, par l'article 90 de la loi de finances pour 1987 au recouvrement des amendes et condamnations pécuniaires qui ne sont pas de nature fiscale.

Cette dernière disposition, prise au profit des seuls comptables du Trésor, vise les contraventions de voirie.

Le droit de communication est réglementé par les articles L. 81 et suivants du LPF.


  II. Définition du pouvoir de vérification


Il faut distinguer la vérification de comptabilité et l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (cf. DB 13 J 431 et 13 J 432 ).

1. Vérification de comptabilité.

11La vérification de comptabilité est un ensemble d'opérations qui a pour objet d'examiner, sur place, la comptabilité d'une entreprise (individuelle ou instituée sous forme de societé ou d'une personne morale de droit public qui serait passible de l'impôt sur les sociétés ou soumise à la TVA) et de la confronter à certaines données de fait ou matérielles afin de contrôler les déclarations souscrites et d'assurer éventuellement les redressements nécessaires, qu'il s'agisse de revenus catégoriels soumis à l'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés, de taxes sur le chiffre d'affaires ou de droits d'enregistrement.

2. Examen contradictoire de la situation fiscale personnelle.

12L'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable s'entend des opérations de contrôle comportant la recherche d'une cohérence entre, d'une part, les revenus déclarés au titre de l'impôt sur le revenu, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie dont a pu disposer le contribuable et les autres membres de son foyer fiscal. Elle a pour but de vérifier la sincérité des déclarations du revenu global au titre de l'impôt sur le revenu.


  C. RÈGLES À RESPECTER POUR EXERCER LE DROIT DE COMMUNICATION


13Les recherches effectuées dans la comptabilité d'un contribuable et qui aboutissent à la collecte de renseignements qui seront utilisés non pas pour la vérification de ce contribuable mais pour la vérification de tiers ne doivent pas poser, en principe, de difficultés d'application. Mais la situation n'est pas aussi nette lorsque, par la simple consultation de la comptabilité du contribuable auprès duquel il exerce son droit de communication, l'agent qui effectue le recoupement est amené à constater ou même à présumer des erreurs, des omissions ou des dissimulations dans les déclarations souscrites par ce même contribuable. Dans cette hypothèse, en effet, si l'irrégularité constatée ou présumée est directement exploitée soit par ledit agent, soit même par un autre agent (vérificateur dépendant d'une brigade de vérifications générales, par exemple), le contribuable serait en droit de contester le bien-fondé des suppléments d'imposition mis à sa charge. Il lui suffirait pour cela de faire valoir que le redressement effectué résulte exclusivement du fait que le défaut de sincérité des déclarations souscrites n'a été découvert que par comparaison de ces déclarations avec ses écritures comptables et que, dans ces conditions, sa comptabilité a fait l'objet non d'un recoupement mais d'une vérification de comptabilité pour laquelle il n'a pas bénéficié des garanties prévues par la loi.

14Dans ces conditions, toute intervention auprès d'un contribuable ou d'un assujetti en vue, soit de collecter des renseignements, soit de s'assurer de l'exactitude de renseignements déjà recueillis, doit impérativement obéir aux règles suivantes :

- il convient d'adresser ou de remettre un avis de passage au contribuable afin de lever toute ambiguïté sur la nature de l'intervention dont il est l'objet (cf. DB 13 K 114 ) ;

- le droit de communication doit être limité au relevé passif d'écritures comptables ou à la copie de documents ;

- l'agent qui intervient doit s'abstenir de tout examen critique de la comptabilité (recherche de la sincérité, de l'exactitude des écritures comptables ou de leur caractère probant notamment par évaluation du bénéfice brut réel résultant de la comparaison des prix de vente affichés ou pratiqués avec les prix d'achat correspondants, évaluation matérielle des immobilisations, des stocks de matières premières, de marchandises, etc.) et d'apposer tout visa, observation, mention de date sur les livres ou documents qui lui sont présentés ;

- lorsque le service procède à des recoupements, il y a lieu de considérer que leur mise en oeuvre doit répondre aux critères fixés tant par la jurisprudence que par la doctrine administrative : les recherches à opérer dans la comptabilité du contribuable doivent en conséquence être menées dans le strict respect des conditions d'exercice du droit de communication.

15Ces recoupements doivent, notamment, revêtir un caractère ponctuel. L'agent qui intervient doit procéder par sondage ; l'examen de l'ensemble des documents comptables sur la totalité de la période non prescrite est rigoureusement proscrit. Pratiquement, cet examen ne concernera qu'un nombre restreint de documents ou d'écritures comptables.

Le caractère ponctuel de la recherche doit ressortir de la rédaction de l'avis de passage. Il convient d'y préciser les dispositions légales en application desquelles est exercé le droit de communication, la période ainsi que les documents sur lesquels porte l'intervention.


  D. JURISPRUDENCE RELATIVE AU DROIT DE COMMUNICATION


16Le Conseil d'État a jugé, postérieurement à l'arrêt « Football-Club de Strasbourg » (CE, arrêt du 13 mars 1967, n° 62338, RJCD, IIe partie, p. 75) que l'inspecteur des impôts qui, en vertu des dispositions de l'article 1991 du CGI 1 , s'est fait communiquer des pièces comptables et a procédé à un examen rapide de ces pièces en présence du contribuable ne peut être considéré comme ayant procédé à un début de vérification alors, au surplus, qu'une procédure régulière de vérification a été mise en oeuvre ultérieurement (CE, arrêt du 6 mars 1968, req. n° 71446, RJCD 1968, IIe partie, p. 62).

17Lorsque, saisie d'un différend concernant l'évaluation du bénéfice assigné à une entreprise à la suite d'une vérification de comptabilité, la commission départementale des impôts a ordonné - comme elle en a le pouvoir- un supplément d'instruction aux fins que lui soient précisés les éléments de comparaison retenus en l'espèce par le service, l'enquête ainsi effectuée par l'administration et qui a eu pour objet la consultation, aux sièges de l'entreprise en cause et des autres entreprises choisies comme terme de comparaison, de certains documents comptables et statistiques, doit être regardée comme ayant le caractère, non d'une nouvelle vérification des écritures comptables au sens de l'article 1649 septies B du CGI 2 , mais d'une simple communication de pièces au sens de l'article 1991 dudit code. L'entreprise dont il s'agit n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'avis de la commission, basé sur les résultats du supplément d'instruction, a été rendu sur une procédure irrégulière (CE, arrêt du 8 mai 1968, req. n° 71777, RJCD 1968, IIe partie, p. 124).

18Il a été jugé que l'intervention chez un contribuable relevant du régime du forfait 3 qui avait été précédée d'un avis de passage l'invitant à tenir à la disposition du représentant de l'administration ses documents comptables, factures d'achat et copies des factures de vente des années 1971 à 1974, ainsi que ses relevés bancaires, et qui s'était étendue sur une période excédant deux mois, avait permis à l'agent des impôts tant d'examiner sur place les documents comptables et de les confronter avec des renseignements recueillis chez les fournisseurs que d'établir, à partir des pièces bancaires, une balance de trésorerie de l'intéressé. Cette intervention devait donc ; eu égard à sa durée et à son étendue, être regardée comme une vérification de comptabilité et non comme l'exercice du droit de communication prévu par l'article 1991 du CGI (actuellement L. 85 du LPF). L'intéressé n'ayant pas été avisé préalablement à cette vérification qu'il pouvait se faire assister d'un conseil, celle-ci était irrégulière (CE, arrêt du 9 juillet 1982, req. n° 26309).

19Dans un arrêt du 18 mars 1981 (n° 17336), le Conseil d'État, après avoir rappelé qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne s'oppose à ce que l'administration exerce son droit de communication préalablement à la mise en oeuvre de la procédure de vérification, a précisé que, dans le cadre de ce droit, le service était fondé à demander au contribuable.de lui fournir la liste de ses clients et de ses fournisseurs et à se faire présenter les documents comptables de l'intéressé, puis à opérer des recoupements entre ces différents éléments (le service ne s'était fait présenter, en l'espèce qu'une copie des documents comptables annexés aux déclarations de résultats ; cf. également arrêt du 3 décembre 1982, req. n° 19735).

20Toutefois, l'intervention d'un agent enquêteur qui s'est livré d'abord sur place, contradictoirement avec le contribuable, à un examen critique de sa comptabilité, avant de procéder, au moyen des pièces comptables qu'il avait déplacées (les pièces comptables avaient été emportées sans que le contribuable en ait fait la demande expresse et sans que l'agent enquêteur lui ait délivré un reçu), au relevé systématique de toutes les factures d'achat non passées en comptabilité, doit être regardée, eu égard à ses modalités, à sa durée et à son étendue, non comme l'exercice du droit de communication, mais comme une vérification de comptabilité, alors même qu'un avis de passage adressé au contribuable précisait qu'il ne s'agissait pas d'une opération de cette nature (CE, arrêt du 3 juin 1983, req. n os 34253 et 34254).

Un arrêt du Conseil d'État du 22 mai 1989 (n° 66523, plénière) va dans le même sens. Un contribuable avait refusé les forfaits 3 de bénéfices et de chiffre d'affaires que l'administration lui avait proposés au titre de la période biennale 1979-1980. Le désaccord ayant été soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, le service a adressé à l'intéressé un avis de passage et a procédé, en vue de la réunion de cette commission, à l'examen sur place des copies des factures qu'il remèttait à sa clientèle. Jugé que :

- cet examen avait en fait pour objet de contrôler la sincérité des déclarations souscrites par le contribuable, en vue de l'établissement des forfaits ;

- et qu'en conséquence il constituait une vérification de comptabilité irrégulière, le contribuable n'ayant pas été préalablement informé de la faculté qu'il avait de se faire assister d'un conseil de son choix.

Nota : Cette décision a infirmé la doctrine administrative qui était fondée sur la jurisprudence antérieure du Conseil d'État. Celle-ci considérait, en effet, que, lorsque l'examen des documents comptables d'un contribuable relevant d'un régime forfaitaire d'imposition, après le dépôt de la déclaration correspondante, avait pour objet de fixer le montant du forfait 3 ou de l'évaluation administrative 3 , l'intervention du service ne s'analysait pas comme une vérification de comptabilité, mais comme une opération d'assiette.

21Dans un arrêt du 16 novembre 1999 (n° 1811 D), la Cour de cassation a jugé que les droits d'enquête (articles L. 80 F à L. 80 H du LPF) et de communication (articles L. 81 à L. 88 du LPF) ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et peuvent être exercés de façon complémentaire de sorte que l'administration peut, dans le cadre d'une procédure d'enquête, demander aux personnes qui réalisent des opérations définies au 6° de l'article 257 du CGI communication d'un document visé par l'article L. 88 du LPF (cf. DB 13 K 423, n° 10 ).

 

1   Arrêt rendu sous l'empire de l'article 1991 du CGI qui a été remplacé par l'article L. 85 du LPF.

2   Codification antérieure à la publication du LPF.

3   Les régimes du forfait et de l'évaluation administrative ont été supprimés à compter de l'imposition des revenus de l'année 1999 (article 7 de la loi de finances pour 1999).