SOUS-SECTION 7 INDIVISIBILITÉ. ETENDUE
SOUS-SECTION 7
Indivisibilité. Etendue
L'étendue de la cassation se présente sous deux aspects différents :
- personnelle ;
- matérielle.
L'étendue du pourvoi en cassation se trouve expressément limitée par les termes de la déclaration faite au greffe (TGI, Cassation VI, indivisibilité ; étendue n° 32 ; Cass. crim., 25 mai 1944, RJCI 34, p. 68, Bull crim. 134).
A. ETENDUE PERSONNELLE
2Le problème vise à déterminer les personnes au profit desquelles la cassation est prononcée. Toutes les parties à l'instance devant la Cour de cassation sont affectées par sa décision annulant le cas échéant l'arrêt frappé de pourvoi.
I. Pourvoi formé par le ministère public
3Formé dans l'intérêt de la société, il est acquis à toutes les parties et peut donner lieu à un arrêt de cassation en faveur du condamné.
Il a été jugé que lorsque le ministère public ayant été débouté de son appel a minima ne s'est pas pourvu contre cette décision, celle-ci a acquis, à son égard autorité de la chose jugée.
La cassation prononcée sur le seul pourvoi du prévenu ne permet pas, alors, à la cour de renvoi de se saisir de l'appel du ministère public et d'aggraver les peines prononcées par les juges du premier degré. (TGI, Cassation VI, n° 23 ; Cass. crim., 3 août 1939, Bull. crim. 183).
II. Pourvoi formé par un condamné pénalement
4En cas de pluralité de condamnés, il arrive qu'un seul demandeur ait présenté un moyen de cassation et que la cour, l'ayant examiné, ordonne l'annulation de la décision. En principe, dans ce cas, la cassation concerne uniquement le condamné qui s'est pourvu, sous réserve d'indivisibilité.
En effet, lorsque l'objet de l'accusation forme un tout indivisible (fait unique), la bonne administration de la justice exige que l'affaire soit soumise dans son entier à la juridiction devant laquelle elle est renvoyée, à l'égard notamment de tous les accusés (Cass. crim., 25 février 1958, Bull. crim. 192, p. 324).
5Il a été également jugé :
- que l'annulation prononcée à raison d'un grief personnel à certains des demandeurs au pourvoi profite aux autres demandeurs lorsque l'accusation porte sur un fait unique (indivisibilité) auquel ils ont tous participé (TGI, Cassation VI, indivisibilité, étendue n° 44 ; Cass. crim., 19 juin 1957, Bull. crim. 501, p. 908) ;
- que l'annulation de la décision relative à une infraction prive la condamnation du civilement responsable de toute base légale (Cass. crim., 8 mai 1963, Bull. crim. 169, p. 344 et arrêts cités).
6Si le condamné pénalement a expressément limité son pourvoi à la condamnation pénale, la cassation ne s'étend pas aux intérêts civils.
Si le condamné a attaqué la décision dans son ensemble, la cassation s'étendra à la fois à la condamnation pénale et à la condamnation civile.
En général, d'ailleurs, la cour prononce la cassation totale sur le pourvoi du condamné, en déclarant qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les moyens présentés par la partie civile (Cass. crim., 21 janvier 1960, Bull. crim. 38, p. 75).
III. Pourvoi formé par une partie civile ou civilement responsable
7La cassation prononcée au profit du civilement responsable ne peut, en principe, bénéficier qu'à celui-ci (en ce sens : Cass. crim., 8 décembre 1960, Bull. crim. 579, p, 1134).
La cassation prononcée au profit de la partie civile ne saurait normalement bénéficier ni au prévenu ni au civilement responsable.
B. ÉTENDUE MATERIELLE
8Le problème consiste à déterminer si la décision doit être annulée entièrement 5cassation totale) ou en partie 5cassation partielle). L'arrêt de la chambre criminelle rendu précise les effets sur la procédure.
L'étendue matérielle de la cassation dépend :
- de l'effet dévolutif du pourvoi, selon la personne qui a formé le pourvoi et les limites fixées dans sa déclaration (cf. E 3394 , effets du pourvoi) ;
- du caractère de la juridiction qui a statué ;
- de la nature de la décision attaquée ;
- des éléments de la procédure dont la nullité a entraîné la cassation, ou de l'effet attaché à l'arrêt.
I. Principe d'indivisibilité et cassation totale des décisions pénales
9Les décisions de caractère pénal (condamnation ou relaxe) rendues par les tribunaux correctionnels et de police, donnent lieu en principe à cassation totale, lorsque le pourvoi vise pour violation de la loi les cas suivants :
- décision viciée, dans son ensemble (composition irrégulière ou incompétence de la juridiction) ;
- déclaration de culpabilité contestée (ou de non-culpabilité) ;
- peine illégale prononcée.
En effet, lorsque les décisions forment un tout, il y a lieu d'appliquer le principe d'indivisibilité qui entraîne cassation totale.
Ainsi, il a été jugé que, lorsqu'il existe une étroite connexité entre les divers chefs d'accusation et.une impossibilité de les séparer dans l'examen que doit en faire la juridiction de jugement (faits indivisibles) l'annulation de l'arrêt de la cour d'assises doit porter aussi bien sur les faits qui ont été écartés que sur ceux sur lesquels la condamnation est intervenue.
L'affaire doit être renvoyée pour le tout devant les nouveaux juges (TGI, Cassation VI, indivisibilité, étendue n° 40, Cass. crim., 31 mars 1949, Bull. crim. 132).
10Si les faits sont indivisibles la cassation doit être totale. Il convient, par exemple, d'annuler entièrement une décision, frappée de pourvoi par le ministère public, qui, à l'égard d'un individu poursuivi de plusieurs infractions, avait prononcé relaxe pour les unes et condamnation pour les autres.
La relaxe seule était entachée de nullité, mais les faits étant indivisibles, la décision a été cassée dans son entier (Cass. crim., 1er février 1962, Bull. crim. 75, p. 157).
Une cassation partielle peut être prononcée toutes les fois qu'il est possible de distinguer les diverses parties de la décision rendue, sans dénaturer la pensée du juge du fond et le caractère de celle-ci.
II. Intérêts civils
11Diverses considérations délimitent l'étendue de la cassation quant aux décisions civiles rendues par les juridictions correctionnelles :
- qualité du demandeur ;
- effet déclaratif du pourvoi ;
- lien entre les divers éléments.
La cassation obtenue par un prévenu, en matière pénale, entraîne également l'annulation totale de la condamnation civile, sauf limitation expresse du pourvoi à l'action publique (Cass. crim., 18 février 1960, Bull. crim. 99 p. 202 ; Cass. crim., 26 décembre 1962, Bull crim. 387, p. 794).
En principe, le pourvoi introduit par la partie civile peut provoquer, quant aux intérêts civils seulement, une cassation totale ou partielle, suivant le vice qui affecte la décision, ou la portée assignée par la partie civile à sa demande.
III. Décisions en matière fiscale
1. Délit de droit commun et infraction fiscale
12En cas de poursuites du ministère public et de l'administration des Impôts, il peut y avoir cassation au pénal, mais rejet du moyen au fiscal ou inversement.
Dans une affaire relative à la coordination des transports, la cassation a été prononcée sur le plan pénal parce qu'un fait retenu contre le prévenu par le ministère public n'était pas celui visé dans la citation et constituait un fait nouveau, ne pouvant justifier la condamnation pénale. Le pourvoi du condamné, pour le même transport litigieux, a été rejeté en ce qui concerne les pénalités fiscales, car le tribunal avait été régulièrement saisi de l'infraction sur ce plan (Cass. crim., 20 décembre 1961, Bull. crim. 541, p. 1033, RJCI 1961, n° 39, p. 127).
13La Cour suprême a également jugé :
- que, lorsque les faits incriminés constituent à la fois un délit de droit commun et une infraction fiscale, la cassation, basée sur un motif, qui n'affecte que la régularité d'une peine accessoire prononcée à la requête du ministère public, n'atteint pas les condamnations prononcées sur les conclusions de « l'Administration » lesquelles demeurent par contre expressément maintenues (TGI, Cassation IV, indivisibilité, étendue n° 16 ; Cass. crim., 8 avril 1933, BCI 13) ;
- que dans les affaires mixtes, la cassation, basée sur un motif qui n'affecte que la quotité des pénalités fiscales, sans toucher au principe même de la condamnation, ne doit pas s'étendre à la peine de droit commun (TGI, Cassation IV, indivisibilité, étendue n° 10 ; Cass. crim., 20 juillet 1916, BCI 23, Bull. crim. 158 ; cf. renvoi 3, Cassation, ci-après n° 17 ) ;
- que la cassation sur l'une des pénalités prononcées à la requête du ministère public entraîne nécessairement la cassation sur l'ensemble de ces pénalités en raison du principe de l'indivisibilité de la peine. Mais elle n'atteint pas les condamnations prononcées sur les conclusions de « l'Administration » pour la contravention fiscale, lesquelles, protégées par la chose jugée, demeurent expressément maintenues (TGI, Cassation VI, indivisibilité, étendue n° 17 ; Cass. crim., 2 février 1935, BCI 14) ;
- qu'en cas de poursuites pour délit de droit commun et contravention fiscale connexe, la cassation de l'arrêt, fondée sur une violation des règles relatives à la récidive en matière pénale, doit être limitée aux condamnations de droit commun, dès l'instant que le pourvoi du prévenu ne concerne pas l'infraction fiscale et qu'aucun moyen n'est produit au sujet de celle-ci (TGI, Cassation VI, indivisibilité, étendue n° 27 ; Cass. crim., 12 décembre 1941, BCI 1942, 23) ;
- qu'un arrêt peut rejeter le pourvoi du prévenu quant à la condamnation de droit commun, mais casser la condamnation en matière fiscale (Cass. crim., 5 février 1959, RJCI 1959, n° 18, p. 48, Bull. crim. 86, p. 159).
2. Indivisibilité
a. Faits et questions à résoudre
14Lorsque les faits sont indivisibles, l'annulation de la décision porte sur l'ensemble et la cassation profite à tous les prévenus.
Jurisprudence constante : TGI, Cassation VI, n° 40 ; Cass. crim., 31 mars 1949, Bull. crim. 132 ; TGI, Cassation VI, n° 44, Cass. crim., 19 juin 1957 ; Bull, crim. 501, p. 908. Dans le même sens : Cass. crim., 20 mai 1920, Bull. crim. 223, 21 juillet 1928, Bull. crim. 222 ; Cass. crim., 14 mai 1947, Bull. crim. 130, table id. n° 38 ; Cass. crim., 25 février 1958, Bull. crim. 192, p, 324.
S'il est vrai en général, que la cassation profite uniquement à la partie qui l'a demandée, il en est autrement quand les questions à résoudre ont entre elles un lien d'indivisibilité qui rend impossible la solution de l'une sans résoudre les autres (TGI, Cassation VI, indivisibilité, étendue n° 14 ; Cass. crim., 10 mai 1932, Bull. crim. 127).
b. Peines
15Il a été jugé :
- que le principe de l'indivisibilité des peines s'applique aux amendes fiscales encourues à raison d'une unique contravention et, si la cassation est prononcée à raison du défaut d'application de l'une des amendes, cette cassation doit être totale (TGI, Cassation VI, indivisibilité, étendue n° 5 ; Cass. crim., 30 avril 1909, BCI 1911 7, Bull. crim. 236) ;
- qu'en raison du principe de l'indivisibilité des peines, la cassation d'un arrêt pour une partie des pénalités fiscales doit entraîner la cassation pour les autres parties desdites pénalités (TGI, Cassation VI, indivisibilité, étendue n° 7 ; Cass. crim., 13 décembre 1913, BCI 1914, 2, Bull. crim. 559. Dans le même sens, Cass. crim., 13 décembre 1914, même table n° 8, BCI 1915, 2) ;
- que les peines d'amende et d'emprisonnement prononcées sur exercice de l'action fiscale sont indivisibles et la cassation du chef de l'amende entraîne la cassation sur le tout (TGI, Cassation VI, indivisibilité, étendue n° 6 ; Cass. crim., 21 juillet 1911, BCI 20, Bull. crim. 376) ;
- que la cassation sur l'application de la peine doit être totale en raison de l'indivisibilité des peines (TGI, Cassation VI précitée, n° 45 ; Cass. crim., 28 octobre 1959, RJCI 82, p. 252).
3. Cumul des amendes fiscales
16En matière de contributions indirectes, le principe pénal du non-cumul des peines ne s'applique pas, au titre des amendes purement fiscales (réparation civile du préjudice causé à l'État). Une cassation totale est prononcée en cas de violation de cette règle (Cass. crim., 28 novembre 1962, Bull. crim. 343, p. 704, RJCI 35, p. 114).
En effet ces pénalités doivent être ordonnées autant de fois qu'il y a eu de droits de natures diverses lésés par la contravention (dans le même sens : Cass. crim., 23 mars 1944, Bull. crim. 80, p. 121).
4. Confiscation
17La cassation doit être totale lorsque le pourvoi émane du prévenu, en raison de l'indivisibilité des peines fiscales (TGJ, Cassation IV, indivisibilité, étendue n° 13 ; Cass. crim., 12 décembre 1930, BCI 1931, 4, Bull. crim. 304, p. 589 ; TGI, Cassation IV, indivisibilité, étendue n° 20 ; Cass. crim., 18 novembre 1937, BCI 1938, 1, Bull. crim. 209 ; TGI, Cassation VI, indivisibilité, étendue n° 28 ; Cass. crim., 17 juin 1942, BCI 64).
La cassation n'est que partielle lorsqu'elle concerne une disposition accessoire. La cour avait appliqué cette règle à la confiscation dans un arrêt du 25 juin 1852 (BCI 208). Mais elle considère actuellement que la confiscation en matière fiscale peut être assimilée aux peines pécuniaires.
Il convient d'appliquer, le cas échéant, l'indivisibilité et le cumul des peines fiscales (cf. note sous arrêt du 17 juillet 1942, TGI, Cassation VI précitée, n° 28 et Cass. crim., 6 octobre 1954, Bull. crim. 286, p. 495 ; RJCI 37 p. 93).
5. Pénalités proportionnelles
18La cassation sur l'application du quintuple droit entraîne la cassation totale en raison du principe de l'indivisibilité des peines (TGI, Cassation IV, indivisibilité, pourvoi n° 31 ; Cass. crim., 4 février 1944, BCI 13).
La règle du non-cumul n'étant pas applicable aux pénalités fiscales, la peine du quintuple droit doit être prononcée pour chacune des contraventions relevées à la charge des prévenus (TGI, Quintuple droit n° 21, cassation VI, indivisibilité, étendue n° 22 ; Cass. crim., 2 février 1939, BCI 9).
Lorsqu'une pénalité proportionnelle a été prononcée deux fois pour des faits constituant, dans leur ensemble, une infraction unique, la cassation qui intervient de ce chef est faite par voie de retranchement et sans renvoi -cf. arrêt précité, 2 février 1939, cassation n° 22 et quintuple droit n° 21).
La cassation doit être limitée à la partie de l'arrêt qui statue sur les infractions pour lesquelles le quintuple droit et la confiscation n'ont pas été prononcés (par erreur) [TGJ, Cassation, cassation VI, indivisibilité, étendue n° 24 ; Cass. crim., 25 septembre 1940, BCI 1941, 1. Voir également : TGI, Cassation VI, indivisibilité, étendue n° 19 ; Cass. crim., 16 juillet 1937, BCI 22].