Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3352
Références du document :  13E3352

SOUS-SECTION 2 EXCEPTIONS ET AUTRES INCIDENTS

4. Décisions des juridictions administrative et civile. Absence d'autorité de la chose jugée par celles-ci sur la juridiction répressive (cf. 13 0 134, n°s 8 à 10)

30Sauf dans le cas où il s'agit d'une question préjudicielle exclue de la compétence de la juridiction répressive, les décisions de la juridiction civile n'ont pas l'autorité de la chose jugée au criminel.

31Il a été jugé en la matière que :

- les tribunaux correctionnels ne peuvent renvoyer des poursuites les prévenus de contraventions poursuivis en vertu d'un procès-verbal, sous le prétexte qu'un jugement du tribunal civil 1 a jugé que le droit auquel se rapporte la contravention n'est pas dû, et qu'ainsi il y a chose jugée. La décision sur une action civile ne peut avoir l'autorité de la chose jugée à l'égard d'une action correctionnelle (Cass. crim., 28 novembre 1840, Mém. des Cl 16, p. 47, Bull. Crim. 341, p. 485) ;

- lorsque l'action pénale exercée en suite d'un procès-verbal a précédé l'introduction d'une demande au civil portant sur les droits mêmes auxquels se rapporte la contravention, la juridiction correctionnelle demeure compétente pour statuer sur l'infraction qui lui était déférée et les décisions des tribunaux civils ne peuvent, à son égard, être considérés comme ayant l'autorité de la chose jugée (Cass. crim., 21 février 1946 2 , RJCI 18, p. 41, Bull. crim. 61, p. 85) ;

- il appartient au juge répressif d'apprécier souverainement la valeur des éléments de preuve soumis aux débats contradictoires sans être lié, à cet égard, par les décisions des juridictions administrative et civile qui, statuant dans les instances en recouvrement ou en restitution de droits différentes par leur nature et leur objet de l'action correctionnelle, ne s'imposent pas à eux (Cass. crim., 29 mai 1973, RJ n° I, p. 67 et les arrêts cités, Bull. crim. 245, p. 584).

5. Décision de la juridiction répressive. Autorité de la chose jugée par celle-ci sur la juridiction civile (cf. 13 0 1 34)

  II. Litispendance

32Si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d'office (nouveau Code de Proc. civ., art 100).

Bien qu'assez rare en matière répressive, le fait peut cependant se présenter puisque plusieurs tribunaux peuvent être compétents pour connaître les mêmes infractions (cf. 2 E 3322).

33Mais, pour qu'il y ait litispendance, il ne suffit pas que les deux affaires soient liées, qu'elles concernent des faits similaires ou que la même question se trouve à l'origine de chacune d'elles. Il est indispensable que les deux affaires soient identiques dans tous leurs éléments, qu'il n'y ait en réalité qu'un seul procès soumis à deux tribunaux différents.

L'exception de litispendance a pour but de charger un seul de ces tribunaux de trancher le litige.

Ainsi fait une juste interprétation des principes de litispendance, l'arrêt qui, pour rejeter les conclusions déposées par le prévenu de fraude à la taxe sur les maisons de tolérance et tendant à ce qu'il soit sursis à statuer jusqu'à décision sur une instance engagée devant le Conseil de préfecture (actuellement tribunal administratif), constate que les instances pendantes devant les juridictions administratives et judiciaires n'ont pas le même objet, qu'elles n'ont pas pour base le même fait et que le sort de l'une ne dépend pas du sort de l'autre.

Cette décision est d'autant mieux fondée qu'en matière de contributions indirectes, le procès-verbal servant de base aux poursuites détermine la compétence du tribunal correctionnel et le constitue définitivement juge tant de l'action que des exceptions qui s'y rattachent (Cass. crim., 26 avril 1951, RJCI 13, p. 29 ; cf. également Cass. crim., 3 janvier 1935, BCI 10, p. 98).

Au surplus :

- nouveau Code de Procédure civile, art. 100 à 107 ;

- documentation de base 13 0 441, n° 3.

  III. Connexité

Voir également : E 3312, n° 115 . Faits constituants à la fois une infraction de droit commun et une infraction fiscale (infractions mixtes) ; E 3312, n° 122. Infractions connexes procédant de faits distincts (droit commun et droit fiscal) ; E 3322, n° 10. Compétence territoriale ou ratione loci. Connexité et indivisibilité.

34La connexité est une dérogation aux règles normales de compétence qui permet de soumettre plusieurs infractions qui normalement auraient dû être jugées par des juridictions différentes à une seule et même juridiction parce qu'il existe un lien (de connexité) entre les contraventions. L'exception de connexité peut être proposée en tout état de cause, sauf à être écartée si elle a été soulevée tardivement dans une intention dilatoire (nouveau Code de Proc. civ., art. 103).

L'énumération des infractions connexes, faite par l'article 203 du Code de Procédure pénale, n'est pas limitative et la connexité s'applique dans les cas où il existe des rapports étroits analogues à ceux spécialement prévus par la loi (cf. par exemple : Cass. crim., 6 janvier 1970, Bull. crim. 11, p. 22 ; Cass. crim., 7 août 1971, Bull. crim. 245, p. 607 ; Cass. crim., 13 février 1974, Bull. crim. 64, p. 155).

35La connexité s'applique en matière fiscale. Des infractions relatives à des similaires d'absinthe, relevées dans le ressort de plusieurs tribunaux pourront, par exemple, être soumises au seul tribunal du lieu où est établi le fabricant.

Lorsque les diverses infractions ne rentrent pas dans la compétence du même tribunal, la connexité entraîne une dérogation aux règles de compétence.

La connexité n'étant pas définie par la loi, il s'ensuit que la jonction des procédures est facultative ; les parquets et les tribunaux ont une très grande liberté d'appréciation pour admettre ou écarter la connexité selon qu'il paraît utile ou non à une bonne administration de la Justice de réunir ou de disjoindre les procédures intéressant plusieurs délits ou délinquants. La chambre criminelle à la Cour de cassation exerce cependant son contrôle pour empêcher qu'au motif de la connexité ne soit pas porté atteinte aux intérêts de la défense (Cass. crim., 3 juin 1959, Bull. crim. 296, p. 603).

36En droit commun, la connaissance des faits connexes appartient au tribunal le plus élevé. C'est ainsi que la cour d'assises connaîtra des délits connexes à un crime (Rapp. Cass. crim., 7 août 1971, Bull. crim. 245, p. 607).

En matière fiscale, malgré le lien de connexité pouvant exister entre un crime de droit commun et l'infraction fiscale, la cour d'assises ne peut par contre connaître de l'infraction fiscale qui reste dans les attributions spéciales du tribunal correctionnel.

L'Administration ne peut, en transformant son action répressive en une demande de dommages-intérêts accessoire à l'accusation principale, se soustraire ainsi aux formes spéciales de la procédure qui lui est imposée. .

L'Administration doit éventuellement saisir le tribunal correctionnel pour les sanctions répressives et le tribunal de grande instance statuant en matière civile (cf. 13 0 4).

L'Administration peut puiser dans l'instruction ou dans les débats devant la cour d'assises, la preuve des infractions fiscales qu'elle poursuit.

Il est de principe, en revanche, que l'arrêt de la chambre d'accusation qui n'a pas été attaqué est attributif de juridiction et qu'il fixe d'une façon irrévocable la compétence de la cour d'assises (plénitude de juridiction), alors même qu'il s'agirait de faits qui sont de la compétence d'un autre tribunal. Il en résulte que lorsque cet arrêt vise une infraction fiscale en même temps que le crime auquel elle est connexe, la cour d'assises doit statuer à la fois sur les deux infractions (renvoi 1, Cass. crim., cour d'assises 17 mars 1938, ci-dessous).

37La jurisprudence visée ci-dessous s'applique à ces cas en apparence contradictoires :

- La réclamation formée par l'administration des Impôts accessoirement à une poursuite criminelle et tendant au remboursement intégral des droits à percevoir sur des boissons, échappe à la compétence de la cour d'assises comme constituant, non une demande en dommages-intérêts, mais la réparation d'une contravention spéciale qui ne peut être soustraite à la juridiction spéciale destinée à en connaître (TGJ, cour d'assises n° 1 ; Cass. crim., 3 août 1878, Mém. Cl 20, p. 324, Bull. crim., 181, p. 317) ;

- lorsqu'une cour d'assises est saisie, par l'arrêt de renvoi, une infraction fiscale punie à la fois d'une peine d'emprisonnement et de peines pécuniaires, le ministère public exerçant l'action dans son intégralité, le juge doit prononcer, en même temps que la peine corporelle, les pénalités pécuniaires, soit sur la requête du ministère public, soit sur les conclusions de l'Administration intervenant comme partie civile, soit même d'office. Par suite, manque de base légale l'arrêt qui déclare la régie irrecevable à se constituer partie civile en la cour d'assises pour le recouvrement des droits et amendes (Cass. crim., 17 mars 1938, BCI 21, p. 583, Bull. crim. 81, p. 140).

  IV. Indivisibilité

(Voir également L 3322, 12 )

38Aux termes de l'article 382 du Code de Procédure pénale : la compétence du tribunal correctionnel s'étend aux délits et contraventions qui forment avec l'infraction déférée au tribunal un ensemble indivisible ; elle peut aussi s'étendre aux délits et contraventions connexes, au sens de l'article 203.

39La jurisprudence a constaté l'indivisibilité dans les cas suivants où il existe un lien entre plusieurs éléments constitutifs d'infraction ; les faits sont indivisibles :

- l'existence des uns ne peut se comprendre sans l'existence des autres (Cass. crim., 13 juin 1968, Gaz. Pal. 1968, 2, 246, Bull. crim. 196, p. 476) ;

- les uns sont la suite nécessaire des autres ;

- les faits sont commis par plusieurs personnes dans le même trait de temps, dans le même lieu et avec les mêmes mobiles. Dans ce demier cas, l'unité d'infraction entraîne l'indivisibilité du procès entre les différents prévenus qui en principe sont tous jugés par le même tribunal.

40Jugé à l'égard des mineurs en matière de contributions indirectes que : lorsqu'une loi fiscale a prononcé une peine, les tribunaux ne peuvent se fonder, pour la réduire, sur l'age peu avancé du contrevenant et les dispositions générales du Code pénal à cet égard ne sont pas applicables dans une matière qui est régie par des lois particulières (Cass. crim., 15 avril 1819, Mém. XI-148, Bull crim. 47).

La Cour a édicté cette jurisprudence après avoir constaté que le Code pénal n'a apporté aucune modification aux lois spéciales, qu'au contraire il les maintient et ordorine même formellement la pleine exécution.

Il précise que ces lois particulières veulent, d'une manière générale et absolue, et sans exception, que lestribunaux ne puissent se dispenser de prononcer les peines qui y sont établies, lorsque le fait de la contravention est resté constant : que, si dans quelques cas, la raison et l'équité demandent, en considération, soit de l'âge, soit de l'ignorance ou de la bonne foi des prévenus, il soit usé d'indulgence à leur égard, c'est à l'Administration seule (à l'époque) qu'il appartient d'exercer le droit qui lui a été donné, de remettre ou modérer les condamnations pécuniaires.

41Etant donné le lien entre plusieurs éléments délictueux, la jonction des procédures, facultative s'il y a connexité, est obligatoire en cas d'indivisibilité.

Les conditions de l'indivisibilité ressortent de la jurisprudence ci-après :

- il n'y a indivisibilité entre les divers éléments d'une prévention que lorsqu'ils sont rattachés entre eux par un lien tellement intime que l'existence des uns ne se comprenne pas sans l'existence des autres (TGJ, Connexité n° 2 ; Cass. crim., 11 avril 1891, Bull. crim. 84, renvoi TGJ, Indivisibilité n° 1) ;

- pour qu'il y ait indivisibilité, il ne suffit pas que plusieurs actes aient été inspirés par le même mobile : il faut de plus, que ces actes soient rattachés les uns aux autres par un lien tellement intime que l'existence des uns ne puisse se comprendre sans l'existence des autres (TGJ, Indivisibilité n° 2 ; Cass. crim., 7 mars 1895, Bull. crim. 76 ) ;

- il y a lieu de considérer un crime ou un délit comme rattachés l'un à l'autre par les liens de l'indivisibilité lorsqu'ils ont été commis dans le même trait de temps, dans le même lieu, qu'ils ont été déterminés par le même mobile, qu'ils procèdent de la même cause et qu'en outre, l'indivisibilité de l'accusation comme de la défense sur l'ensemble des faits commande de les soumettre simultanément à l'appréciation d'un même juge (Crim., rejet, 15 octobre 1959, Bull. crim. 435, p. 845) ;

Voir égalemen t : infractions formant un ensemble indivisible ; compétence territoriale ou ratione loci à l'égard de l'une (Cass. crim., 29 novembre 1967, RJCI 2e semestre, 1ère partie, 1967, II, p, 62, arrêt précité. E 3322, n° 14).

  V. Exception dilatoire de garantie

42L'action en garantie appartient en principe au plaideur qui a la faculté de se retourner contre un garant, lequel voit, au cas particulier sa garantie mise en oeuvre dans un procès ultérieur.

Il y a exception dilatoire de garantie lorsque la partie poursuivie demande au tribunal de surseoir pour lui permettre d'appeler en cause une autre personne qu'elle prétend devoir la garantir des suites de la poursuite (Cf. nouveau Code de Proc. civ., art. 108 et suiv.).

En principe, la personne poursuivie par l'Administration comme détenteur, transporteur, etc., ne peut rejeter la responsabilité de l'infraction sur le propriétaire des marchandises ou sur toute autre personne qu'elle prétendrait être responsable de la contravention fiscale.

L'exception dilatoire de garantie ne peut donc être invoquée par le prévenu devant le tribunal correctionnel.

C'est ainsi que le recours en garantie formé par un contrevenant contre un co-prévenu est irrecevable (Cass. crim., 17 décembre 1931, BCI, 3).

Cependant, l'article 13 de la loi du 21 juin 1873, codifié sous l'article 1806 du CGI prévoit que les transporteurs ne sont pas considérés, eux et leurs préposés ou agents, comme contrevenants lorsque, par une désignation exacte et régulière de leurs commettants, ils mettent l'Administration en mesure d'exercer utilement des poursuites contre les véritables auteurs de la fraude.

Au surplus, E 2333 Transporteurs, expéditeurs, destinataires.

Il s'agit au cas particulier d'une exception dilatoire de garantie en matière de contentieux répressif des contributions indirectes.

1   Actuellement, tribunal de grande instance, statuant au civil.

2   A la même date, la chambre criminelle a rendu trois autres arrêts dans le même le sens.