Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3321
Références du document :  13E332
13E3321

SECTION 2 JURIDICTION COMPÉTENTE

SECTION 2

Juridiction compétente

GÉNÉRALITÉS

1En général, la compétence est le pouvoir d'instruire et de juger.

La compétence en matière répressive est l'aptitude d'une juridiction déterminée à connaître de l'instruction et du jugement des infractions dont la répression est poursuivie.

En matière civile, les règles de compétence n'ont pas toutes un caractère d'ordre public. Les règles de compétence territoriale, par exemple, établies dans l'intérêt des parties peuvent être écartées.

En revanche, toutes les règles de compétence, en matière répressive, sont d'ordre public car elles ont été instituées pour la bonne administration de la justice pénale.

2Du caractère d'ordre public des règles de compétence en matière répressive il résulte que :

- les parties au procès pénal ne peuvent jamais par un accord déroger à ces règles ;

- l'exception d'incompétence, puisque l'ordre public est en jeu, peut être soulevée par les parties en tout état de cause : en appel, si elle ne l'a pas été en première instance et même pour la première fois devant la Cour de cassation, si elle ne l'a pas été en appel à la condition que le moyen soulevé conteste directement la compétence et ne soit pas mélangé de fait et de droit (Cass. crim., 3 mars 1964, Bull. crim. 78, p. 181 : Cass. crim., 3 fév. 1965, Gaz. Pal. 1965, p. 1291) ;

- le caractère d'ordre public des règles de compétence entraîne en cas de violation, la nullité de la procédure et de la décision rendue. Il s'ensuit que toute juridiction répressive doit vérifier sa compétence, et que même si aucune des parties (Ministère public, inculpé, prévenu, partie civile) n'a soulevé l'exception d'incompétence, le tribunal doit, au cas particulier, la relever d'office et se déclarer incompétent (Cass. crim., 3 janv. 1970, Bull. crim. 4, p. 6 ; Cass. crim., 1er déc. 1971, Bull. crim. 331, p. 831 ; Dall. 1972, somm., p. 18, JCP 1972, 11, 16987).

Il en est autrement toutefois lorsqu'il y a chose jugée, par exemple lorsque le tribunal s'est déclaré compétent par un jugement avant dire droit et que le prévenu a acquiescé à ce jugement en plaidant au fond, sans avoir manifesté son intention d'interjeter appel dudit jugement, l'exception d'incompétence ne peut plus, alors, être soulevée en appel. « Doit être rejetée comme tardive et contraire au principe de l'autorité de la chose jugée, l'exception d'incompétence soulevée en appel, alors que le prévenu a exécuté, en plaidant au fond, la décision par laquelle le tribunal s'est déclaré compétent » (Cour de Pau, 2 juin 1922, BCI 1923, 23, p. 203).

3La loi détermine la juridiction à saisir selon les considérations suivantes :

- la compétence matérielle ou ratione materiae désigne l'ordre de la juridiction (administrative, civile, criminelle), le degré (tribunal de police, tribunal correctionnel, Cour d'appel, Cour d'assises, Cour de cassation), la nature (juridiction de droit commun ou d'exception), en fonction de la nature de l'infraction et de sa qualification légale : Tribunal de grande instance, par exemple, statuant en matière répressive (chambre correctionnelle) ;

- la compétence territoriale ou ratione loci, fixe, uniquement, d'après le lieu de l'infraction, de la résidence, de l'arrestation du délinquant, la juridiction compétente pour statuer sur le litige (par exemple, Tribunal correctionnel de Lyon) ;

- la compétence personnelle ou ratione personne déroge à la compétence ratione materiae en fonction de la qualité personnelle du délinquant : tribunal pour enfants, par exemple.

4En matière de répression des infractions aux lois sur les contributions indirectes, le tribunal compétent est :

- au premier degré, le tribunal correctionnel (cf. E 3321- 7 et suiv. et 3324- 1 et suiv. ) ;

- en demier ressort, la chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel (cf. E 3323- 5 et suiv. et 3324 - 20 et suiv. ).

Par ailleurs, les jugements pris en violation de la loi sont susceptibles de pourvoi en cassation à la condition qu'ils soient en dernier ressort et définitifs.

SOUS-SECTION 1

Compétence matérielle ou ratione materiae

  A. PRINCIPE

1La compétence matérielle ou ratione materiae est déterminée en fonction de la nature de l'infraction et de sa qualification légale.

  I. Distinction entre le droit commun et le droit fiscal

(Cl)

1. En matière de droit commun

2En droit commun, le tribunal correctionnel connaît, en première instance, des délits correctionnels, infractions punies par la loi d'une peine, d'emprisonnement ou d'une peine d'amende supérieure ou égale à 25 000 F (art. 381 du Code de Proc. pén.).

Le tribunal de police connaît des contraventions, infractions punies d'une peine de police, c'est-à-dire d'une amende n'excédant pas 20 000 F (art. 521 du Code de proc. pén.).

2. En matière de contributions indirectes

3 Le tribunal correctionnel connaît des infractions en matière de contributions indirectes (art. L. 235 du LPF).

Les dispositions de droit commun ci-dessus n° 1 sont sans incidence sur l'attribution de compétence du tribunal correctionnel pour en connaître exclusivement (cf. ci-dessous n° 6 , Cass. crim., 31 janv. 1967 ; Bull. Crim., 43, p. 104 ; RJCI, p. 12 ).

Les infractions aux lois sur les contributions indirectes doivent toutes être portées devant le tribunal correctionnel même si, ne comportant pas de peine de prison, elles sont passibles, confiscation non comprise, de peines pécuniaires inférieures à 25 000 F (cf. Jurisprudence ci-dessous).

3. Textes légaux

a. Code de procédure pénale

4 Art. 381. Le tribunal correctionnel connaît des délits. Sont des délits, les infractions que la loi punit d'une peine d'emprisonnement ou d'une amende.supérieure ou égale à 25 000 F.

Art. 521. Le tribunal de police connaît des contraventions.

Sont des contraventions les infractions que la loi punit d'une peine d'amende n'excédant pas 20 000F qu'il y ait ou non confiscation des choses saisies et quelle qu'en soit la valeur.

b. Livre des procédures fiscales

5 Art. L. 235. (loi du 5 ventôse an XII, art. 90 ; arrêté du 5 germinal an XII, art. 19 ; décret du 30 juillet 1935, art. 49 ; DC n° 81-859 du 15 septembre 1981, art. 1er et 2 du CGI). Les infractions en matière de contributions indirectes et de législations édictant les mêmes règles en matière de procédure et de recouvrement sont poursuivies devant le tribunal correctionnel, qui prononce la condamnation.

4. Jurisprudence

6Les dispositions de l'article 31 de l'ordonnance n° 58-1297 du 23 décembre 1958, qui abroge toutes les dispositions dérogatoires au droit commun donnant compétence aux tribunaux correctionnels pour le jugement des contraventions de police, ne sont pas inconciliables avec celles de l'article 1867 du CGI 1  : l'action dirigée contre l'auteur d'infractions à la réglementation des contributions indirectes demeure, quel que soit le montant des pénalités encourues, une action correctionnelle aux termes de l'article 624 du CGI qui n'est pas un texte de compétence et que l'article 31 de l'ordonnance du 23 décembre 1958 n'a pu modifier. Il en résulte, en premier lieu, que l'action en matière de contributions indirectes se prescrit toujours par trois années révolues, mais aussi, en second lieu, que cette action ne pourrait être portée devant un juge autre que le juge correctionnel que par une disposition expresse de la loi (Cass. crim., 31 janv. 1967, RJCI, p. 12 ; Bull. crim., 43, p. 104).

Cf. dans le même sens :

- Cass. crim., 28 mai 1964, RJCI, 14 p. 45 ; Bull. crim., 183, p. 393 ;

- Cass. crim., 18 mars 1965, RJCI, 11, p. 36 ;

- Cass. crim., 11 juin 1965, RJCI, 20, p. 67 ; Bull. crim,. 153 p. 340 ;

- Cass. crim., 6 décembre 1961 ; Bull. crim,. 502, p. 961.

  II. Compétence générale du tribunal correctionnel

7La compétence générale du tribunal correctionnel pour prononcer les sanctions applicables aux infractions en matière de contributions indirectes entraîne les conséquences suivantes.

a. Le tribunal correctionnel peut prononcer sur simple requête la confiscation des objets de fraude saisis sur inconnus (cf. ci-dessus DB E-1523, E-2225 ).

8Les dispositions de l'article 182 du Code d'Instruction criminelle (actuellement art. 388 du Code de Proc. pén.) sur la manière de saisir les tribunaux, ne sont point conçues dans des termes restrictifs ; lorsque le mode employé pour saisir un tribunal, d'ailleurs compétent, n'est pas prohibé par la loi, il ne saurait être repoussé alors surtout qu'il est dicté par la nécessité.

Il s'ensuit que les tribunaux correctionnels, seuls compétents pour statuer sur la confiscation d'objets trouvés en fraude ou en contravention sur les individus restés inconnus peuvent être saisis par voie de requête (Cass. crim., 8 juillet 1841, Mém. Cl., 16, p. 141 ; Dall., 41.1.318, 41.1700).

Cf. également, Cass. crim., 22 avril 1959, RJCI 45, p. 139.

La confiscation est, en effet, une sanction attachée au corps du délit, indépendante de toute condamnation de l'agent (cf. Cass. crim., 29 octobre 1973, RJ 1, p. 93 ; Bull. crim. 386, p. 949 arrêt n° 2 ; Cass. crim., 23 novembre 1981, analyse au BODGI 2. L. 3-82).

b. Le tribunal correctionnel peut prononcer la confiscation des objets de fraude après décès du prévenu.

9« La peine de la confiscation n'a rien de personnel ; elle n'affecte que l'objet de fraude, abstraction faite du propriétaire et il suffit, pour qu'elle soit prononcée, que la contravention ait été commise sur la chose même qui est assujettie à cette peine. Il s'ensuit qu'au cas de décès du contrevenant au cours de l'instance, la juridiction correctionnelle légalement saisie de la poursuite, en raison de la contravention, demeure compétente pour prononcer la confiscation ».

Cass. crim., 24 juin 1942, RJCI 65, p. 113.

Cf. également : Cass. crim., 7 juillet 1949, RJCI 19, p. 47 ; Cass. crim., 16 mars 1950, RJCI 13, p 35 ; Cass. crim., 6 mars 1952, RJCI 4, p. 14 ; Cass. crim., 23 juillet 1953, RJCI 30, p. 78 ; Cass. crim., 1er mars 1956, RJCI 19, p. 299 ; Bull. crim. 215, p. 391 ; Cass. crim., 14 janvier 1959, RJC 16, p. 18 ; Cass. crim., 18 mai 1960, RJC 151, p. 145 ; Bull. crim. 271, p. 556 ; Cass. crim., 2 novembre 1960, RJC 174, p217 ; Cass. crim., 26 avril 1961, RJCI 17, p. 53 ; Bull. crim. 223, p. 426 ; Cass. crim., 12 décembre 1962, RJCI 38, p. 125 ; Bull. crim. 371, p. 761.

c. Le tribunal correctionnel peut condamner l'Administration à des dommages-intérêts, en cas de poursuite indûment intentée.

10Le tribunal correctionnel est compétent, bien qu'il s'agisse de se prononcer sur une action civile, pour statuer sur les demandes en dommages-intérêts pour saisie mal fondée lorsque ces demandes sont déposées sous forme de demandes reconventionnelles au cours d'un procès correctionnel.

C'est l'application, pure et simple, des règles de droit commun et des dispositions du CGI selon lesquelles :

1° Droit commun

Dans le cas prévu par l'article 470 2 , lorsque la partie civile a elle-même mis en mouvement l'action publique, le tribunal correctionnel statue par le même jugement sur la demande en dommages-intérêts formée par la personne acquittée contre la partie civile pour abus de constitution de partie civile (CPP art. 472).

2° Droit fiscal

« Si le tribunal juge mal fondée la saisie effectuée lors de la constatation de l'infraction, il peut condamner l'Administration non seulement aux frais du procès et aux frais de garde mais encore à une indemnité représentant le préjudice que la saisie pratiquée à pu causer... » (art. 29 du décret du 1er germinal an XIII et art. 22 de la loi du 6 août 1905 codifiés sous l'art. L. 241 du Livre des Procédures fiscales).

Il a été ainsi jugé que l'article 29 du décret du 1er germinal an XIII (actuellement art. L. 241 du LPF) n'a pas pour effet de restreindre, en ce qui concerne l'administration des Contributions indirectes, au seul cas de saisie mal fondée, le principe général de responsabilité civile.

Cette administration peut d'autant moins se soustraire à la condamnation aux dommages-intérêts, en cas de poursuite indûment intentée, qu'elle est seule juge de l'opportunité des poursuites (Cass. crim., 22 août 1845 : Mém. Cl. 17, p. 253 ; Cass. crim., 15 juin 1872 ; Mém. Cl. 20, p. 260 ; Bull. crim. 144, p 241).

d. Le tribunal correctionnel peut trancher une question préjudicielle sur l'exigibilité des droits.

11Bien que les contestations relatives à l'exigibilité des contributions indirectes soient de la compétence du tribunal de grande instance, le tribunal correctionnel demeure compétent pour trancher une question préjudicielle de cette nature.

C'est une application de la règle selon laquelle le juge de l'action est juge de l'exception, règle maintenant formulée sous l'article 384 du Code de Procédure pénale aux termes duquel : « Le tribunal saisi de l'action publique est compétent pour statuer sur toutes exceptions proposées par le prévenu sur la défense, à moins que la loi n'en dispose autrement, ou que le prévenu n'excipe d'un droit réel immobilier ».

Ayant pour attribution de statuer sur les faits qui leur sont déférés, les juridictions répressives sont par la même compétentes pour connaître de toutes les excuses qui tendent à les justifier comme de toutes les circonstances qui peuvent en modifier le caractère.

En matière de contributions indirectes, les prévenus ont assez souvent discuté, devant la juridiction correctionnelle, l'exigibilité de l'impôt, dont dépendait le sort de la poursuite, et soutenu que le juge civil était seul compétent pour en décider. Après une courte période de flottement, la jurisprudence s'est résolument fixée dans le sens de la règle susénoncée, à laquelle elle est, depuis lors, demeurée fermement attachée. S'il en était autrement, l'action de la juridiction correctionnelle serait le plus souvent paralysée. Ainsi, les tribunaux correctionnels sont-ils amenés à se prononcer sur des difficultés incidentes qui échapperaient, par leur nature, à leur compétence si elles se posaient à titre principal (voir une application en matière de contributions indirectes dans Cass. crim., 11 mai 1839, Bull. crim. 157, p. 240 ; Mém. des Cl., vol. 15, p. 326). Il est cependant essentiel de préciser que la règle dont il s'agit ne vaut qu'à l'intérieur du même ordre juridictionnel.

Le tribunal correctionnel peut donc trancher une question préjudicielle de cette nature au cours d'une instance relative, par exemple, à un procès-verbal qui relève une infraction et contient une déclaration de saisie.

Par contre, le tribunal correctionnel ne peut connaître de l'action en garantie ou de l'action récursoire dirigée par le prévenu condamné contre une tierce personne à qui incomberait la responsabilité de la fraude (nouveau Code de Proc. civ., art. 334 à 338 ; cf. DB 13 0 444).

Il a été jugé en ce sens que : la demande en garantie formée contre un tiers par le prévenu de contravention en matière de contributions indirectes est irrecevable devant la juridiction correctionnelle (CA Grenoble, 12 juillet 1873 ; Cass. crim., 15 janvier 1867, Ann. des Cl, 66-68, p. 225 ; CA Lyon, 14 avril 1884 ; TGI, Compétence judiciaire n° 22 ; Mém Cl 21, p. 395 ; D 86-278).

12 Une formation spéciale du tribunal de grande instance, comprenant des magistrats spécialisés, est compétente pour connaître des infractions en matière économique et financière, notamment en matière fiscale, dans les affaires d'une grande complexité (Code de Proc. pén., art. 704 et suiv.) ; cf. ci-dessous E 3323, n°s 2 à 4 , les modalités d'application de cette procédure exceptionnelle.

1   Actuellement article L. 235 du Livre de procédures fiscales.

2   Prévenu acquitté.