Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3312
Références du document :  13E3312

SOUS-SECTION 2 MISE EN MOUVEMENT ET EXERCICE DE L'ACTION

  II. Procédure

1. Procédure habituelle

a. Actlon publique (ministère public, partie principale)

56La partie poursuivante, à titre principal, est le ministère public.

57Les poursuites sont engagées par le ministère public au moyen d'une citation directe du contrevenant par assignation devant le tribunal correctionnel. Le ministère public exerce l'action publique pour la poursuite des deux infractions. La citation du ministère public suffit. Le Parquet requiert l'application de la loi tendant notamment à des sanctions pénales (Code de Procédure pénale, art. 31) 1 .

b. Action fiscale (Administration, partie jointe)

58Le Parquet avise l'Administration du jour et de l'heure de l'audience en temps utile.

L'Administration intervient dans les poursuites pénales et dépose, en général, le jour de l'audience, des conclusions tendant à obtenir la condamnation du prévenu aux peines fiscales pécuniaires. Son action est alors similaire à celle d'une partie civile (cf. ci-après n° 77 ).

59En effet, dans la pratique, l'Administration intervient comme partie jointe, dans les termes de l'article 3 du Code de Procédure pénale pour réclamer les amendes fiscales.

La poursuite ne saurait être divisée 2 et le ministère public, partie principale, exerce l'action dans son intégralité ; il requiert l'application des peines pécuniaires aussi bien que celles d'emprisonnement et l'Administration ne peut qu'intervenir dans la poursuite comme une partie civile ordinaire dans les termes de l'article 3 du Code de Procédure pénale.

60Deux situations doivent être distinguées : les fraudes commerciales et les autres cas :

En matière de fraudes commerciales, le procureur de la République, lorsque les poursuites sont décidées, doit faire connaître au directeur des services fiscaux ou à l'employé le plus élevé en grade en fonction au siège du tribunal, dix jours au moins à l'avance, le jour et l'heure de l'audlence à laquelle l'affaire sera appelée, pour permettre à l'Administration d'intervenir à cette audience ;

Dans les autres cas, les directeurs des services fiscaux doivent se concerter avec les parquets, afin d'être avisés en temps utile par ces demiers des infractions « mixtes » qui ont été portées par leurs soins devant les tribunaux, et de pouvoir ainsi prendre les dispositions nécessaires pour que le tribunal correctionnel statue «  simultanément » et par «  un même jugement  »sur les deux actions engagées.

61L'Administration, en agissant par voie d'Intervention dans les poursuites pénales, profite des preuves administrées par le ministère public pour établir l'existence du délit et se trouve dispensée de produire un procès-verbal constatant la contravention fiscale et la saisie de la marchandise en vue de sa confiscation. L'Administration est également dispensée de l'assignation préalable, la citation du ministère public étant suffisante.

Jugé que :

- Si, en règle générale, un procès-verbal dressé par les agents de l'Administration est le titre initial des poursuites exercées par celle-ci du chef d'une infraction fiscale, il cesse d'en être ainsi lorsque la juridiction correctionnelle a été saisie par le ministère public de la connaissance d'un fait comportant à la fois une sanction pénale, qui ne peut-être requise que par lui, et des pénalités fiscales. L'Administration, en agissant par voie d'intervention sur cette poursuite, profite de preuve administrées par le ministère public pour établir l'existence du délit et se trouve dispensée de produire un procès-verbal constatant la contravention et la Saisie de la marchandise en vue de sa confiscation 3 (Cass. crim., 3 octobre 1974, RJCI, p. 110 c ; BC 275, p. 704) ;

Jurisprudence constant :

- L'Administration profite des preuves administrées par le ministère public (Cass. crim, rejet, 12 Juillet 1878, S. 79-1-187 ; Mém, des Cl, 20-2-19 ; Trescaze DJ, 1880-54 ; Bull. crim., 1878-152 ; Cour d'appel Lyon, 6 juin 1883 ; Mém. Cl, 21-391 ; Ann. des Cl, 85-87-362 ; Joumal des Cl, 9 octobre 1886 ; TGI poursuites correctionnelles, n° 45 ; Cass. crim., 19 novembre 1891, Gaz. du Palais, 92-1-56, S. 92-1-540, D. 92-1-193, Pandectes françaises, 1892-1-115 ; Cass. crim., 6 mai 1892 ; TGI poursuites correctionnelles, n° 50 ; Joumal des Cl, 1893, p. 34B, Bull. crim., 129 ; Gaz, du Palais, 92-2-47, S. 92-1-540 ; Pandectes françaises, 93-1-380, Bull. crim., 1892-129 ; Cass. part., 17 février 1912, Bull. crim., 97, p. 64, BCI, 6, p. 26 ; Cass. crim., 6 Juillet 1912 ; TGI poursuites correctionnelles, n° 60, Bull. crim., 382, BCI 21, p. 108 ; Cass. crim., 7 février 1913, BCI, 1913 n° 8, Bull. crim., 68 ; Cass. rejet, 15 novembre 1912, Bull. crim., 553, p. 1017 ; Cass. rejet, 4 mai 1917, BCI 21 p. 110 ; Cass. part., 15 décembre 1928, TGI poursuites correctionnelles, n° 78, Preuve des contraventions ; n° 60, BCI, 1924, 11, p. 122 avec note et Bull. crim., 438 ; Cass. rejet, 10 juin 1932, TGI poursuites correctionnelles, n° 90, BCI, 15, p. 247 ; Cass. crim., 30 novembre 1934, TGI poursuites correctionnelles, n° 94, BCI, 1935-12-143 ; Cass. crim., 26 Janvier 1939, TGI poursuites correctionnelles, n° 166, BCI, 7-122 ; Cass. crim., 12 juillet 1946, TGI poursuites correctionnelles, n° 130 ; RJCI 34, p. 76 ; Bull. crim., 163).

62 Jugé également que :

- Lorsque l'Administration intervient comme partie civile 4 dans les poursuites du ministère public et il en est ainsi lorsque le même fait constitue à la fois un délit de droit commun et une contravention fiscale, elle peut le faire sans citation préalable, la citation du ministère public étant suffisante (TGI poursuites correctionnelles, n° 63, Cour de Paris, 17 décembre 1915, BCI, 1915, p. 109).

63Il est toutefois recommandé, chaque fois que cela est possible, d'établir un procès-verbal et d'assigner à l'audience retenue par le Parquet.

Par ailleurs, il est nécessaire de connaître exactement la prévention pénale retenue par l'ordonnance de renvoi ou la citation du ministère public et il convient de veiller à ce que la qualification donnée à I infraction fiscale résultant du meme fait corresponde à la prévention de droit commun.

Il est en effet trop souvent perdu de vue que c'est seulement dans le cas où il y a identité absolue des infractions (cf. ci-dessus n°s 49 et 50 ) que l'Administration peut intervenir par voie de simples conclusions, comme partie jointe, dans les poursuites du ministère public.

Lorsque ces conditions ne se trouvent pas entièrement remplies, l'Administration ne peut poursuivre sans produire un procès-verbal et sans citer le contrevenant.

L'inobservation de ces principes ayant pour conséquence la nullité des poursuiles fiscales exercées, la plus grande attention doit être apportée à l'identité des éléments matériels constitutifs des infractions pénale et fiscale. D'ailleurs, pour prévenir toute difficulté à cet égard, il est instamment recommandé, dans tous les cas où un doute subsiste sur l'existence de la condition matérielle susvisée, d'observer les rèsiles (procès-verbal et citation) ordinairement appliquées pour l'exercice de l'action fiscale, quitte à demander au tribunal de se prononcer par un seul et mame jugement (cf. ci-dessus, n° 50 ).

c. Tribunal

64Le juge apprécie souverainement les sanctions qu'il convient de prononcer.

Le tribunal doit statuer sur la demande commune du ministère public et de l'Administration par une seule et même décision : il ne saurait diviser les poursuites. En effet, une personne déjà jugée pour un fait délictueux ne peut être poursuivie à nouveau pour le même fait, en vertu du principe de l'autorité de la chose jugée au criminel sur le criminel 5 (exprimée par l'adage non bis in idem) posé à l'article 6, alinéa 1er du Code de Procédure pénale (cf. E 3352 , chose jugée).

Le tribunal est, par la seule citation du ministère public, saisi de l'affaire tout entière et doit statuer par un seul et même jugement tant sur l'action du Parquet que sur celle de l'Administration (adage non bis in idem, Code de Procédure pénale, art. 6, alinéa 1er, autorité de la chose jugée) (cf. ci-après, E 3352 ).

Par conséquent, le Tribunal qui est saisi du délit est également saisi de la contravention (TGI, poursuites correctionnelles, n° 63 ; Cass. crim., 23 novembre 1913 ; BCI, 1914, n° 6, p. 2B, Bull. crim., 531 ; Cass. crim., même référence, n° 64, 23 janvier 1914, BCI, 12, p. 66).

Cette jurisprudence est basée sur le fait que l'intention frauduleuse doit être établie en droit pénal (cf. ci-dessous n° 70 , arrêt précité du 3 mai 1935) alors qu'elle n'est pas nécessaire en droit fiscal.

65Le juge d'instruction ne peut être saisi que de la recherche du délit de droit commun. L'ordonnance de non-lieu qu'il rend doit laisser intacte l'action de la Direction générale des impôts, qui dès lors conserve le droit de poursuivre devant la juridiction compétente la condamnation aux peines pécuniaires (en ce sens : Cour d'appel de Nimes, 19 janvier 1889) si ladite ordonnance n'a pas été signifiée à l'Administration (Cass. crim., 21 février 1946, BCI 2 D, Bull. crim. 63) (cf. ci-dessous, n° 69 ).

Remarque est faite que les régles légales particulière réglementent actuellement la poursuite, l'instruction (et le jugement) des infractions en matière économique et financière. Il résulte en effet des dispositions des articles 704 et 705-2 du Code de procédure pénale que dans le ressort de chaque Cour d'appel un ou plusieurs tribunaux de grande instance sont compétents pour connaître des infractions en matière fiscale douanière ou celles concernant les infractions financières avec l'étranger.

2. Procédures diverses

66La répression des faits constituant à la fois un délit de droit commun et une contravention fiscale peut donner lieu à l'exercice de l'action fiscale indépendamment de l'action publique.

En effet, lorsque le ministère public ne poursuit pas l'application de sanctions pénales, l'Administration a le droit d'exercer séparément l'action fiscale en vue d'obtenir une condamnation pécuniaire.

67En cas d'acquittement sur l'action publique, les tribunaux correctionnels et, en cas d'appel, les juges du second degré, restent compétents pour statuer sur l'action fiscale.

68 Jugé que :

-Lorsque l'Administration est intervenue dans la poursuite du ministère public pour une contravention fiscale fondée sur le même fait que le délit pénal, les tribunaux correctionnels restent compétents, en cas d'acquittement sur l'action publique, pour statuer sur l'action fiscale.

Dès lors, en effet, que l'article 90 de la loi du 5 ventôse an XII (L. 235 du LPF) attribue la connaissance de cette action à la juridiction correctionnelle, celle-ci demeure compétente alors même qu'elle n'aurait pas à constater l'existence d'un délit et à statuer sur l'action publique (Cass. crim., 15 décembre 1965) [cass. part.] RJCI, 27, p. 94, Bull. crim., 275, p. 620).

- L'action d'une partie civile ordinaire ne ressortit à la juridiction correctionnelle qu'à titre exceptionnel et lorsqu'elle découle d'un fait délictueux ; le juge correctionnel ne peut, dès lors, en connaître lorsqu'il ne constate pas l'existence d'un délit. Mais il n'en est pas ainsi au regard de la DGI qui, agissant comme partie civile, poursuit la réparation d'un préjudice causé par une infraction fiscale et exerce une action dont la connaissance appartient aux tribunaux correctionnels. Il en résulte que le juge correctionnel doit, malgré l'acquittement prononcé du chef du délit de droit commun, rechercher si le fait matériel continue de subsister et ne constitue pas une infraction fiscale (TGI poursuites correctionnelles, n° 35 ; cass. crim., 10 janvier 1931, BCI, 4, Bull crim, 9 ; rapp crim rej, 16 mars 1964, RJCI, 9, p 22)

- S'il est de principe, lorsqu'il s'agit d'une partie civile ordinaire que le juge correctionnel ne peut connaître de l'action civile quand il ne constate pas l'existence d'un délit, il ne saurait en être de même lorsque la Direction Générale des Impôts, en joignant son action à celle du ministère public, exerce une action dont la connaissance a été attribuée par la loi aux tribunaux correctionnels. Il en résulte que la Cour, qui, saisie de poursuites pour vente de vin falsifié, décide que l'intention frauduleuse n'étant pas établie les faits reprochés au prévenu ne constituent qu'une contravention de police pour laquelle elle se déclare incompétente, ne peut refuser de statuer sur la contravention fiscale 6 (TGI poursuites correctionnelles, n° 96, cass. crim., 3 mai 1935, BCI, 21, Bull crim, 57)

Pour le même motif, la Cour de cassation a toujours décidé que le Tribunal de grande instance, statuant au correctionnel, qui relaxe le prévenu du fait du délit, reste exceptionnellement compétent pour statuer sur l'action fiscale (Cass. crim., 10 décembre 1920, BCI, 1921, 6 ; 17 juillet 1930, Bull crim, 203 ; 10 janvier 1931, BCI, 4 ; 16 mars 1923, BCI, 14, et note).

- Lorsqu'une infraction fiscale constitue en même temps un délit de droit commun, l'ordonnance de non-lieu rendue sur la poursuite du Parquet n'est opposable à l'Administration que si elle lui a été signifiée (TGI poursuites correctionnelles, n° 129, cass. crim., 21 février 1946, BCI, 20, Bull crim, 63)

Les tribunaux correctionnels qui, en principe, ne sont compétents pour statuer sur l'action civile qu'accessoirement à l'action du ministère public, restent compétents en cas d'acquittement par ce dernier, pour connaftre de l'action fiscale exercée par la DGI lorsque celle-ci est intervenue dans la poursuite du ministère public pour une contravention fiscale basée sur le même fait que le délit pénal (TGI action fiscale, n° 19 ; cass. crim., 10 décembre 1920, BCI, 1921-6, Bull. crim., 478).

69Le ministère public, lorsqu'il agit seul à l'occasion d'un fait constituant à la fois un délit de droit commun et une infraction fiscale, doit être considéré comme représentant la DGI, en ce qui touche l'exercice de l'action fiscale.

Mais, dans le cas où l'Administration est intervenue comme partie civile 7 à l'effet d'obtenir les pénalités fiscales, l'action du ministère public n'a plus pour objet que l'exercice de l'action publique et l'action fiscale est exercée par la DGI qui peut, dès lors, quant à ses intérêts, interjeter appel ou former pourvoi, même s'il y a acquittement du prévenu passé en force de chose jugée au regard du ministère public.

Les amendes en matière de contributions indirectes sont moins une peine que la réparation du préjudice causé à l'État par la contravention.

Par suite, en cas d'infractions mixtes, l'Administration a le droit d'interjeter appel nonobstant l'absence de recours du ministère public, celle-ci n'ayant d'autre effet que de limiter les pouvoirs des juges d'appel aux seules condamnations pécuniaires (Cass. crim., 12 octobre 1966, RJCI, 20, p. 63).

Lorsque l'Administration n'a pas eu connaissance des poursuites pénales exercées par le ministère public, elle peut déférer le contrevenant à la juridiction correctionnelle après décision définitive sur l'action publique.

Il convient de noter qu'une partie civile ordinaire ne peut pas exercer l'action civile devant le tribunal correctionnel, ou les juges du second degré, indépendamment de l'action publique (Code de procédure pénale, art. 3).

Au contraire, le tribunal correctionnel demeure compétent pour connaître de l'action fiscale alors même qu'il n'aurait pas à constater l'existence d'un délit et à statuer sur l'action publique (LPF art. L 235),

1   Article 31 du Code de procédure pénale : « Le ministère public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi ».

2   Confirmation Cass. crim., 18 mars 1843, S 43-1-841 ; D. 43-1-369 ; Mém. Cl, 16-351 ; Ann. des Cl, 43-45-238, Trescaze chr., 1843-1-526.

3   Il faut que les deux infractions prennent leur source dans les mêmes agissements coupables. Le même fait est alors punissable sous son expression pénale et sous son expression fiscale. En effet, comme le précisent certains arrêts (Cass. crim., rejet, 4 mai 1917, cité ci-après en exemple), l'Administration agit alors en vérité comme partie civile dans les termes de l'article 3 du Code de Procédure pénale.

4   L'Administration, partie jointe, intervient pour exercer l'action fiscale comme une partie civile ordinaire (action civile).

5   Qui a été consacré dès la constitution de 1791.

6   cf. Cass. crim., 9 février 1912 ; Bull. crim., 83, BCI, 7, 16 mars 1939 ; Bull. crim., 11 ; TGI pousuites correctionnelles n° 108 et Débitants de boissons ; II Régime administratif, n° 47 ; Cass. crim., 23 décembre 1941, BCI, 1942, 26.

7   L'Adminsitration partie jointe intervient dans les poursuites pénales pour exercer l'action fiscale accessoirement à l'action publique. Une action civile odinaire intervient dans des conditions similaires pour exercer l'action civile (Code de procédure pénale, art. 3).