SOUS-SECTION 4 PAIEMENT DES SOMMES FRAUDÉES OU INDÛMENT OBTENUES
SOUS-SECTION 4
Paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues
1En contrepartie de l'allégement de la pénalité proportionnelle, objet du premier alinéa de l'article 7 de la loi du 29 décembre 1977, le dernier alinéa du même article prévoit que le tribunal ordonne, en sus des pénalités prévues aux articles 1791 à 1804 A du CGI (amende, pénalité de une à trois fois le montant des droits fraudés ou compromis, confiscation) le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues à raison de l'infraction, c'est-à-dire, en premier lieu, les droits fraudés.
Cette dernière disposition est codifiée au CGI sous l'article 1804 B.
A. NOTION DE SOMMES FRAUDEES OU INDUMENT OBTENUES
2Par droits fraudés, il faut entendre ceux qui n'ont pas été ou qui n'auraient pas été acquittés par suite de l'infraction à l'exclusion, par conséquent, des droits seulement compromis.
Au titre des droits fraudés on peut citer, par exemple, le droit de consommation sur les spiritueux transportés frauduleusement, ou sur la dilution alcoolique fabriquée sans déclaration ou détenue en infraction à l'article 434 du CGI, la TVA exigible sur les opérations que les irrégularités découvertes en matière de billetterie ont ou auraient permis de dissimuler.
Mais le dernier alinéa de l'article 7 ne vise que les droits fraudés proprement dits. Les termes « sommes fraudées ou indûment obtenues à raison de l'infraction » recouvrent, par leur généralité, l'ensemble des taxes, redevances, soultes et autres impositions énoncées à l'article 1791 du CGI.
B. CARACTERES DE LA SANCTION
3L'Administration considère le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues comme une sanction ayant non seulement un caractère de réparation mais également celui de peine correctionnelle dont l'application ne doit, pas plus que pour la pénalité proportionnelle, être juridiquement subordonnée à inexigibilité des droit.
A l'appui de cette thèse, il convient au demeurant de constater que sous l'empire d'anciens textes qui faisaient déjà intervenir cette notion, la chambre criminelle de la Cour de cassation considérait qu'il y avait nécessairement des droits fraudés, ceux « résultant de l'application du taux légal aux quantités trouvées en situation irrégulière », du seul fait qu'une marchandise avait circulé sous le couvert d'un titre de mouvement inapplicable, sans qu'il y ait à rechercher si les droits légalement exigibles avaient ou non été acquittés (Crim. cass. 21 février 1946, RJCI, 22, p. 51, cf. également rejet 26 mars 1920 BCI, 17, p. 102 ; Bull. crim., 159, p. 259).
4Le caractère mixte de cette sanction comporte évidemment les mêmes conséquences que celles examinées ci-avant en matière d'amende ou de pénalité proportionnelle (cf. E 2222, n°s 3 et suivants et 2223, n°s 4 et suivants ) 1 .
A cet égard, il est notamment précisé :
- que le décès du prévenu n'entraîne pas l'extinction de l'action fiscale et que la procédure doit, dans cette hypothèse être poursuivie contre les ayants droit du contrevenant comme on le fait déjà pour la confiscation et l'amende proportionnelle ;
- qu'en application de l'article 1739 A du CGI, il convient de demander au tribunal de condamner conjointement et solidairement au paiement des droits fraudés tous ceux qui sont poursuivis du chef de l'infraction qui a ou aurait permis de les éluder (coauteurs, complices, etc.) ;
- que le montant de la condamnation au paiement des droits fraudés doit, bien entendu, entrer en ligne de compte pour la détermination de la durée de la contrainte par corps.
C. MODALITES D'APPLICATION
5Pour l'application de l'article 1804 B du CGI il convient d'établir une distinction selon que les droits fraudés sont des taxes sur le chiffre d'affaires ou des droits indirects proprement dits.
1. Taxes sur le chiffre d'affaires
6Sont visées sous cette rubrique les infractions résultant de l'inobservation des formalités prévues en matière de documents d'accompagnement ou de comptabilité-matière (articles 298 bis du CGI et 267 quater de l'annexe II au même Code).
La découverte d'une fraude à l'une des réglementations concernées est en principe suivie de la vérification de la situation fiscale du contrevenant au regard des taxes sur le chiffre d'affaires et de l'impôt sur le revenu ou sur les bénéfices, et les droits éventuellement éludés font l'objet d'un redressement. Pour cette raison, et bien que l'action correctionnelle de l'Administration soit indépendante de son action en répétition, il apparaît possible - par souci de simplification - de renoncer purement et simplement à demander la condamnation du contrevenant au paiement de la TVA fraudée, et ce, quels que soient les résultats de la vérification et alors même qu'il n'aurait pas été procédé à une telle vérification. Les autres pénalités légalement encourues sont du reste le plus souvent suffisantes pour sanctionner les manquements constatés.
2. Droits indirects
7 a. Cas d'application. La sanction prévue à l'article 1804 B du CGI s'applique de plein droit aux infractions commises en matière de contributions indirectes.
Les agents ayant la possibilité de relever par procès-verbal les infractions commises au cours des trois dernières années, les juges doivent ordonner le paiement des droits fraudés du fait de ces infractions ; par suite, on devra, par exemple, demander au tribunal d'ordonner le paiement du droit de consommation éludé sur de l'alcool transporté frauduleusement, alors même que l'infraction aurait été constatée après le 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle l'enlèvement a été effectué.
8Mais, bien entendu, il n'y a pas lieu de demander aux tribunaux de condamner le prévenu au paiement des droits fraudés lorsque manifestement il ne peut exister de sommes fraudées ou indûment obtenues à raison de l'infraction. Il en est ainsi :
- en cas d'infraction aux dispositions de l'article 502 du CGI pour défaut de déclaration de profession du nouvel exploitant d'un débit de boissons lorsque la licence a été régulièrement acquittée par le prédécesseur ;
- en cas d'infraction à la réglementation des spectacles (art. 1559 et 1560 du CG !, réunions sportives) lorsque les irrégularités relevées n'ont pu avoir pour effet de soustraire à l'impôt tout ou partie des recettes (par exemple, irrégularités de pure forme affectant les billets) ;
- en cas d'infraction aux dispositions du dernier alinéa de l'article 126 C de l'annexe IV au CGI pour défaut de représentation, par le détenteur d'un appareil automatique, du récépissé de la déclaration de mise en service, lorsqu'il est certain que la taxe a été acquittée.
9Par ailleurs la sanction ne trouve pas à s'appliquer :
- lorsqu'aucun droit n'est en jeu (infraction en matière d'anéthol par exemple) ;
- lorsque la pénalité proportionnelle est calculée en vertu de l'article 1794 du CGI sur la « valeur des appareils, objets,produits ou marchandises sur lesquels a porté la fraude » ;
- aux infractions commises en matière de céréales.
10Enfin il convient de renoncer à l'application de l'article 1804 B du CGI lorsque l'infraction de défaut de paiement de l'impôt éludé est poursuivie distinctement, en tant que telle, comme c'est généralement le cas, par exemple, pour le droit de licence et la taxe spéciale dont sont éventuellement passibles les débits de boissons ouverts sans déclaration.
Cas particulier : Infractions connexes.
11Lorsqu'un contrevenant est poursuivi, du chef d'une même fraude, pour plusieurs infractions connexes, la condamnation au paiement des droits fraudés ne doit être réclamée qu'une fois, au titre de la seule contravention directement génératrice du dommage subi par le Trésor. C'est ainsi, par exemple, que si l'exploitant d'un appareil automatique non déclaré se voit reprocher à la fois la mise en service de cet appareil sans déclaration et la non-représentation du récépissé, on ne demandera qu'une fois le paiement des droits fraudés en rattachant cette demande à la première des deux contraventions.
b. Rôle du juge
12Lorsque l'Administration demande au tribunal de condamner le prévenu au paiement des droits fraudés le juge est tenu de prononcer cette condamnation.
Le juge correctionnel n'étant pas le juge de l'impôt, n'a pas à rechercher si le prévenu est le redevable légal des sommes fraudées ; dès l'instant où il est reconnu coupable de la contravention à raison de laquelle ces sommes n'ont pas ou n'auraient pas été acquittées, le tribunal est tenu de le condamner au paiement de ces sommes (tel serait le cas, par exemple, du dirigeant d'une société, celle-ci étant seule redevable de l'impôt fraudé, d'un simple préposé, etc.).
1 On notera cependant que, dans un arrêt du 15 octobre 1979 (Bull. crim., 279, p. 755), la Cour suprême considère que le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues, que les juges sont tenus d'ordonner en sus des pénalités, « n'a pas le caractère d'une sanction pénale mais celui d'une réparation civile ».