SOUS-SECTION 2 HYPOTHÈQUES PARTICULIÈRES À CERTAINS DROITS D'ENREGISTREMENT
SOUS-SECTION 2
Hypothèques particulières à certains droits d'enregistrement
Indépendamment de l'hypothèque légale du Trésor qui est une garantie commune à toutes les impositions, l'Administration dispose de sûretés particulières à certains droits d'enregistrement.
Il s'agit :
- d'une part, de l'hypothèque légale sur les immeubles de la succession pour garantir le paiement fractionné ou différé des droits de mutation par décès (CGI, art. 1929-2) ;
- d'autre part, de l'hypothèque légale en matière de bois et forêts, sur les immeubles du groupement forestier ou sur l'immeuble objet de la mutation, pour la garantie du paiement des droits complémentaire et supplémentaire éventuellement exigibles en cas de retrait des allégements fiscaux prévus par les articles 793-1-3° et 2-2° et 703 du CGI (CGI, art. 1929-3).
A. HYPOTHÈQUE LÉGALE SUR LES IMMEUBLES DE LA SUCCESSION
1En vertu de l'article 1701 du CGI, les droits des mutations par décès sont payés avant l'exécution de l'enregistrement, de la publicité foncière ou de la formalité fusionnée.
Toutefois, aux termes de l'article 1717-1 du même code et par dérogation à ce principe, le paiement des droits d'enregistrement et de la taxe de publicité foncière peut être fractionné ou différé selon les modalités fixées par les articles 396 à 404 G de l'annexe III audit code.
Outre les garanties générales de caractère conventionnel (cautionnement réel ou personnel, hypothèque conventionnelle) habituellement admises en matière de cautionnement de droits et qui doivent être constituées dans les trois mois de la demande de crédit, la garantie fournie peut consister dans l'inscription de l'hypothèque légale sur les immeubles de la succession prévue à l'article 1929-2 du CGI.
I. Champ d'application de l'hypothèque légale sur les immeubles de la succession
1. Créances garanties par l'hypothèque légale.
2Le fractionnement des droits, prévu à l'article 1717-1 du CGI, est applicable aux droits d'enregistrement, à la taxe de publicité foncière, aux taxes additionnelles à ces droits et taxes, perçues au profit des communes (CGI, art. 1584 et 1595 bis ), des départements (CGI, art. 1595) et des régions (CGI, art. 1635 bis E et 1635 bis F) exigibles à raison de toutes les mutations par décès, y compris les libéralités à cause de mort, quelles que soient la qualité des héritiers et la nature des biens transmis.
Le paiement différé prévu au même article 1717-1 s'applique aux droits de mutation par décès en raison des mutations de l'espèce :
- qui comportent dévolution de biens en nue-propriété ;
- qui donnent lieu à l'attribution préférentielle prévue à l'article 832-1 du Code civil ou à la réduction prévue à l'article 868 du même code, dans les conditions fixées par l'article 1722 bis du CGI.
Ces dernières mutations appellent les précisions suivantes :
1 er cas. - Article 832-1. - L'attribution préférentielle qui y est visée, et qui peut seule entraîner le bénéfice du paiement différé, est l'attribution préférentielle qui est de droit lorsqu'elle vise une exploitation agricole ne dépassant pas certaines limites de superficie ou de valeur vénale. Elle se différencie de l'attribution préférentielle facultative prévue par l'article 832 du même code et qui peut intervenir quelle que soit la nature de l'exploitation, agricole, artisanale, commerciale ou industrielle (dès lors qu'elle n'est pas exploitée sous forme sociale) et même s'il s'agit de la propriété ou du droit au bail d'un local à usage professionnel.
Le paiement différé ne peut en outre être accordé que si l'attributaire obtient des délais pour le paiement de la soulte, étant précisé qu'en tout état de cause ces délais, qui ne peuvent excéder cinq ans, sont limités à une fraction de cette soulte. égale au plus à la moitié.
2 e cas. - Article 868. - Le paiement différé peut être accordé dans l'hypothèse de réduction de libéralités ayant pour objet l'un des biens pouvant donner lieu à une attribution préférentielle, c'est-à-dire l'un de ceux énumérés à l'article 832 du Code civil. Son champ d'application est donc plus large que celui portant sur les droits exigibles en cas d'attribution préférentielle dans la situation visée à l'article 832-1.
Comme dans cette dernière situation, l'octroi du crédit n'est possible que si le légataire ou le donataire demande et obtient des délais pour le paiement aux héritiers de l'indemnité mise à sa charge. Ces délais peuvent aller jusqu'à dix ans comptés de l'ouverture de la succession.
L'augmentation ou la diminution ultérieure des sommes dues par application de l'article 833-1 du Code civil, auquel renvoie l'article 868, demeure sans incidence sur le crédit initialement accordé. En effet, celui-ci est déterminé en fonction des droits de mutation par décès exigibles sur la valeur des biens appréciée au jour d'ouverture de la succession quelles que soient les variations de cette valeur enregistrées par la suite.
Dans l'un et l'autre des deux cas visés ci-dessus, c'est aux parties sollicitant le bénéfice du paiement différé qu'il appartient de justifier qu'elles remplissent les conditions requises tant en ce qui concerne l'objet du crédit que son terme, l'un et l'autre pouvant résulter soit d'un accord des parties, soit de l'intervention du tribunal, en cas de désaccord de celles-ci.
3En conséquence l'hypothèque légale sur les immeubles successoraux garantit les créances constituées par les impositions exigibles à raison des opérations mentionnées ci-dessus (n° 2 ).
Il est précisé que la garantie couvre non seulement le principal des droits mais également l'intérêt exigé en contrepartie du crédit dont le taux est égal au taux d'escompte pratiqué par la Banque de France au jour de la demande de crédit et qui s'ajoute aux versements fractionnés et éventuellement au paiement différé.
4Par ailleurs, bien que le crédit de paiement fractionné ou différé ne s'applique ni aux indemnités de retard éventuellement encourues, ni aux droits et pénalités susceptibles d'être réclamés du fait d'insuffisances ou d'omissions, l'hypothèque légale sur les immeubles de la succession peut être prise en garantie des sommes dues à ces titres 1 .
2. Biens atteints par l'hypothèque légale.
5Compte tenu de sa particularité l'hypothèque légale prévue à l'article 1929-2 du CGI ne peut être inscrite que sur les immeubles de la succession (voir toutefois ci-après n° 6 ).
II. Constitution de l'hypothèque légale sur les immeubles successoraux
6Pour bénéficier du crédit de paiement fractionné ou différé, le ou les héritiers, débiteurs de l'impôt, sont admis à présenter au comptable chargé du recouvrement des droits une offre de garanties sur les immeubles qui leur sont dévolus 2 .
Les successibles qui choisissent de fournir une garantie hypothécaire ont le choix entre faire porter l'inscription sur des immeubles quelconques, ou sur les immeubles de la succession, étant observé que, dans ce dernier cas :
- ils sont dispensés de l'établissement d'un acte d'affectation hypothécaire ;
- c'est au receveur qu'il appartient de faire diligence pour requérir l'inscription de sorte que le délai de trois mois prévu pour la constitution des garanties (cf. Infra n° 8 ) n'est pas opposable aux bénéficiaires du crédit.
Bien qu'il s'agisse d'une hypothèque légale, il est tenu compte de la volonté des héritiers demandeurs du crédit :
- en cas de pluralité d'Immeubles, les cohéritiers doivent désigner ceux de ces biens qu'ils entendent offrir en garantie ;
- dans tous les cas, la garantie par hypothèque légale ne peut être valablement constituée que si tous les successibles donnent expressément leur accord, soit dans la demande de crédit, soit distinctement.
L'offre de garanties, que le débiteur de l'Impôt s'engage à constituer à ses frais, est contenue dans la demande de crédit formulée, soit au pied de l'acte ou de la déclaration soumis à la formalité, soit jointe à l'un ou l'autre de ces documents.
7Cette offre doit, par ailleurs, être ferme et précise et comporter tous les renseignements et toutes les justifications susceptibles de permettre à l'Administration de se prononcer définitivement quant à l'acceptation ou au refus des garanties qui sont offertes. La valeur de ces garanties conditionne en effet l'octroi des délais de paiement. Si la garantie offerte porte sur des immeubles, il y a lieu de joindre les certificats délivrés par le conservateur des hypothèques établissant la situation hypothécaire des biens.
8Les garanties doivent être constituées dans un délai de trois mois à compter de la date de la demande d'admission au crédit.
Le comptable des Impôts statue sur cette demande et par suite, sur l'offre de garanties, dans le même délai. L'appréciation de la valeur des Immeubles sur lesquels porte la garantie appartient à l'Administration. Cette valeur doit être au moins égale au montant des sommes au paiement desquelles il est sursis.
Dans le cas où les immeubles de la succession sont déjà grevés de sûretés, c'est à leur valeur nette qu'il convient de s'arrêter ; les hypothèques inscrites avant le décès priment en effet celle que le Trésor est amené à requérir en garantie du paiement des droits fractionné ou différé. La valeur nette de la garantie est obtenue après déduction des créances inscrites, de leurs intérêts, des frais de recouvrement ainsi que des éléments qui sont susceptibles de réduire la valeur des immeubles offerts.
9Le comptable des Impôts, chargé du recouvrement des droits pour lesquels le crédit de paiement est sollicité, peut à tout moment s'il l'estime nécessaire (par exemple si les immeubles successoraux sont déjà grevés par des hypothèques), exiger un complément de garantie qui est susceptible de consister, soit dans des nantissements de fonds de commerce ou de valeurs mobilières, soit dans des hypothèques sur des immeubles quelconques. Ce complément de garantie peut consister également dans une affectation hypothécaire du droit de l'usufruitier lorsque les héritiers n'ayant recueilli que la nue-propriété d'un Immeuble, sollicitent le paiement différé des droits dus. Dans ce cas, bien entendu, la signature de l'usufruitier est indispensable sur l'acte de constitution de l'hypothèque (réponse, Duflot, JO, Débats AN du 18 décembre 1963, p. 7960, n° 4112 ; Borocco , JO, Débats AN du 8 février 1964, p. 885, n° 6199 ).
Les garanties complémentaires doivent être constituées par le bénéficiaire du crédit dans un délai d'un mois compté de la demande qui lui est adressée à cet effet, par lettre recommandée avec avis de réception.
III. Inscription, effets et radiation de l'hypothèque légale sur les immeubles successoraux
1. Inscription et radiation de l'hypothèque.
10L'inscription de l'hypothèque légale et sa radiation s'opèrent selon les mêmes modalités que celles concernant l'hypothèque légale commune à toutes les impositions prévue à l'article 1929 ter du CGI. En conséquence il y a lieu de se reporter aux commentaires concernant cette dernière (cf. supra C 5221, n os19 à 48 et 69 à 71 ). Toutefois le crédit correspondant au paiement fractionné ou différé ne pouvant être accordé sans garantie, il y a lieu de requérir l'inscription hypothécaire quel que soit le montant de la créance du Trésor.
11Il est en outre précisé que l'inscription :
- ne peut être requise qu'après que l'offre de garanties a été faite pour un montant au moins égal à celui des sommes à recouvrer (cf. supra n os7 et 8 ) :
- qu'elle est requise en vertu non d'un avis de mise en recouvrement, mais d'une décision prise conformément à l'article 1717 du CGI autorisant le paiement fractionné des droits de mutation par décès ;
- qu'elle ne prend rang que du jour de son inscription à la conservation des hypothèques.
Par ailleurs, l'inscription doit être requise pour chacun des légataires ayant sollicité les délais de paiement puisqu'ils ne sont liés par aucune solidarité.
En ce qui concerne les héritiers solidaires, la demande de délai de paiement profitant à tous, une seule inscription peut être requise.
2. Effets de l'hypothèque.
12L'hypothèque légale sur les immeubles successoraux confère au Trésor un droit de préférence et un droit de suite identiques à ceux conférés par l'hypothèque légale prévue à l'article 1929 ter du CGI. On se reportera donc utilement aux développements ci-avant concernant ces derniers (cf. supra C 5221, n os49 et suiv. ).
IV. Dépenses occasionnées par l'inscription et la radiation de l'hypothèque légale sur les immeubles successoraux
13Les frais occasionnés par l'inscription et la radiation de l'hypothèque légale sur les immeubles successoraux sont à la charge du redevable des droits.
Les articles 844 et 845 du CGI plaçant l'hypothèque légale hors du champ d'application de la taxe de publicité foncière, les frais en cause sont constitués par :
- les droits de timbre et d'enregistrement pour les actes constatant la constitution ou la mainlevée des garanties ;
- les salaires du conservateur.
Il est à noter que, compte tenu de l'abrogation des articles 1130 du CGI et 399-5 de l'annexe III audit code par l'article 16-I du décret n° 77-498 du 11 mai 1977 :
- les actes constatant la constitution et la mainlevée des garanties prévues à l'article 1717 ne sont plus exonérés des droits de timbre et d'enregistrement ;
- les salaires du conservateur ne sont plus réduits de moitié pour ce qui est de l'inscription et de la mainlevée des hypothèques inscrites en garantie du recouvrement des droits de mutation par décès.
Les salaires du conservateur sont liquidés dans les conditions analysées précédemment (cf. supra 5221, n os 72 et suiv.).
Il est à remarquer que l'utilisation de la procédure de l'hypothèque légale du Trésor pour garantir le paiement fractionné ou différé des droits de mutation présente l'avantage pour les redevables de réduire les frais de constitution de la garantie hypothécaire car s'agissant d'une hypothèque légale :
- la taxe de publicité foncière n'est pas exigible ;
- l'Inscription peut être requise sur simples bordereaux rédigés par le service comptable, sans qu'il soit nécessaire de supporter les frais d'un acte notarié ainsi qu'il en est pour la constitution d'une hypothèque conventionnelle.
1 Bien entendu ces sommes peuvent, le cas échéant, être garanties par l'hypothèque légale commune à toutes les impositions prévue par l'article 1929 ter du CGI.
2 Il est rappelé que les garanties peuvent revêtir toutes les formes réelles ou personnelles habituellement admises en matière de cautionnement des droits (cf. supra n° 1 ).