SOUS-SECTION 3 EFFETS DE L'AVIS À TIERS DÉTENTEUR
SOUS-SECTION 3
Effets de l'avis à tiers détenteur
A. PRINCIPE : L'AFFECTATION IMMEDIATE AU PROFIT DU TRESOR
I. Portée de l'effet translatif
65.La loi du 9 juillet 1991 a conféré à l'avis à tiers détenteur le même effet d'attribution immédiate que la saisie-attribution et cela nonobstant l'existence d'un délai de contestation de deux mois ou d'une opposition régulièrement introduite devant le chef de service.
66.Dans cette dernière situation et dans l'hypothèse d'une issue du contentieux favorable au comptable, l'avis à tiers détenteur aura bien entendu produit ses effets dès sa réception.
67.L'avis à tiers détenteur confère aux comptables publics un droit exclusif sur les sommes saisies, opposable aux autres créanciers. Elle rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie envers le Trésor dans les limites de son obligation à l'égard du redevable.
Cet effet s'étend à l'ensemble des créances de sommes d'argent quelle que soit la date à laquelle ces créances deviennent exigibles. Il s'applique donc aux créances à terme ou conditionnelle, comme le précise l'article L 263 du LPF, ou à exécution successive.
Cela étant, lorsque les sommes saisies sont immédiatement exigibles, le tiers détenteur n'est tenu de les verser qu'à l'issue du délai de contestation de deux mois prévu par l'article L 281 du LPF.
II. Attribution de la créance et concours de saisies
68.L'avis à tiers détenteur, comme la saisie-attribution, transfère la créance saisie disponible au créancier le plus diligent. Le deuxième alinéa de l'article L 43 précise clairement que « la signification ultérieure d'autres saisies ou de toute autre mesure de prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés (...) ne remet pas en cause cette attribution ».
Par conséquent, les saisies signifiées ou les ATD reçus après la date qui figure sur l'accusé de réception postal du premier ATD sont inopérants à concurrence du montant qui figure sur cet acte de poursuite.
S'il reste des fonds, ceux-ci sont valablement appréhendés par le second saisissant.
69.Néanmoins, les saisies et prélèvements postérieurs ne sont pas frappés de nullité et produiront leurs effets à leur date s'il advient que le premier ATD ou la première saisie-attribution se trouve privé d'effet (cf. alinéa 4 de l'article L 43). L'annulation du transfert de propriété opéré au profit du premier saisissant produit donc un effet rétroactif.
70. En pratique, compte tenu de l'effet immédiat de la procédure de saisie-attribution, l'efficacité de l'ATD sera d'autant plus grande que sa notification, par simple voie postale, interviendra plus rapidement.
71.Les concours de saisies sont rares en pratique puisqu'ils supposent que la réception d'un ATD et la signification d'une saisie-attribution interviennent au cours de la même journée ou, s'agissant de deux ATD, qu'ils soient reçus le même jour (art. L 263 du LPF) par le tiers détenteur.
Cela étant, l'alinéa 3 de l'article 43 dispose que « si les sommes disponibles ne permettent pas de désintéresser la totalité des créanciers ainsi saisissants, ceux-ci viennent en concours ».
72.A la suite d'une demande d'avis, la Cour de cassation (Bull. civ., avis, mai 1996 n° 5) par une décision du 24 mai 1996, a estimé que conformément à l'alinéa 3 de l'article L 43 précité, lorsqu'un avis à tiers détenteur et une saisie-attribution intervenaient au cours de la même journée , le concours entre les créanciers devait se régler au prorata des créances respectives, sans qu'il y ait lieu de prendre en compte le caractère privilégié des créances, cause des saisies.
73.Dans tous les autres cas, c'est-à-dire lorsque leurs notifications interviennent à un jour différent, l'effet d'attribution immédiate attaché à cet acte de poursuite permet au comptable le plus diligent de revendiquer la totalité de la somme d'argent.
74. Cet avis de la Cour de cassation ne s'applique pas aux saisies de rémunérations (cf. infra n°s 117 et suivants ).
III. Survenance d'une procédure collective postérieure à l'avis à tiers détenteur
1. L'effet d'attribution n'est pas remis en cause.
75.L'effet d'attribution immédiate de l'avis à tiers détenteur est indépendant à la fois de l'écoulement du délai de deux mois édicté par l'article R* 281-3 du LPF pour présenter les contestations relatives au recouvrement et de l'existence d'une éventuelle opposition (CA GRENOBLE, 30 novembre 1994, RJF 4/95 n° 544 p. 312).
76. Par conséquent, l'ouverture d'une procédure collective pendant le délai d'opposition à poursuites de deux mois ne remet pas en cause l'attribution qui a été opérée (art. L 43, al. 2 - Cass. com. 16 juin 1998, Bull. civ. IV, n° 200 p. 166).
Le Trésor, propriétaire de la créance saisie avant le prononcé du jugement, ne peut être discuté dans les droits que lui a conférés l'avis à tiers détenteur dès sa réception par le tiers détenteur.
En d'autres termes, un avis à tiers détenteur devenu définitif à la date du jugement d'ouverture d'une procédure collective doit être exécuté nonobstant les dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 relatives à la suspension des poursuites.
Cette solution résulte de la jurisprudence (Cass. com. 2 octobre 1990 précité) de la Cour de cassation qui considère que les sommes dues par le tiers détenteur au redevable sont sorties du patrimoine de ce dernier au profit du Trésor public.
A cet égard, il a été jugé (Cass. com. 1 er mars 1994, Bull. civ. IV, n° 88 p. 67) qu'une créance en réparation de dommages corporels prenait naissance à la date du jugement constatant la responsabilité de l'auteur du dommage et pouvait être saisie par un ATD définitif avant l'ouverture d'une procédure collective, peu important que le jugement fixant le montant de la créance intervienne postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire.
D'une manière générale, toute créance saisie par voie d'avis à tiers détenteur, dont le fait générateur est antérieur à la procédure collective est acquise au créancier saisissant, indépendamment de sa date d'exigibilité, même postérieure.
Ainsi, il a été jugé que le fait générateur de la créance de commission d'un agent immobilier était le mandat confié à ce dernier aux fins d'achat d'immeuble et non l'acte passé en exécution de ce mandat (Cass. com. 17 février 1998, Revue des procédures collectives 1998-3 p. 293).
Des incertitudes subsistent cependant en ce qui concerne la saisie des créances à exécution successive (cf. infra n°s 157 à 163 ).
2. Déclaration de la créance fiscale.
77.Le droit exclusif que le Trésor acquiert sur la créance du redevable ne libère pas ce dernier qui reste débiteur du Trésor tant que le tiers détenteur n'a pas effectivement payé les impositions dont le recouvrement est poursuivi.
78.Le receveur a donc deux débiteurs, le tiers détenteur et le redevable.
Par conséquent, si le débiteur fait l'objet d'une procédure collective, le comptable doit, malgré le droit acquis dont il bénéficie, déclarer sa créance au passif de la procédure collective à titre définitif.
Bien entendu, si l'avis à tiers détenteur est contesté dans le délai d'opposition à poursuites de deux mois, il y a lieu de déclarer à titre provisionnel la créance dès lors que la validité de cette mesure de recouvrement et, par suite, son existence peuvent se trouver remises en cause.
79.Par ailleurs, l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire entraîne la remise immédiate, de plein droit, des pénalités mentionnées à l'article 1740 octies du CGI.
Dans ces conditions, toute somme appréhendée à la suite d'un avis à tiers détenteur antérieur au jugement d'ouverture mais versée après le prononcé de ce jugement ne pourrait être affectée à l'apurement de ces pénalités sous peine de constituer un paiement indu.
Dans ce seul cas, le remboursement du montant correspondant aux pénalités remises s'impose, que le paiement consécutif à l'ATD ait été effectué avant ou après la déclaration des créances par le comptable.
D'une manière générale, il apparaît utile de préciser au tiers saisi, dès la connaissance de l'ouverture de la procédure, que son obligation au paiement est ramenée aux montants des droits afin d'éviter toute restitution.
IV. Survenance d'une contestation d'assiette postérieure à l'avis à tiers détenteur
80.Une réclamation d'assiette assortie d'une demande de sursis de paiement n'a pas pour effet de remettre en cause l'effet d'attribution immédiate des sommes dont l'exigibilité est intervenue avant la demande de sursis de paiement, même lorsque le versement effectif s'opère postérieurement (CE 15 octobre 1997, req. n°s 175722 et 175798, RJF 11/97 n° 1060 P 706).
81.En application de ce principe, une créance à terme, conditionnelle ou à exécution successive peut être appréhendée à la condition toutefois que la créance du débiteur sur le tiers détenteur soit exigible avant la demande de sursis de paiement.
Dans ces conditions, un avis à tiers détenteur antérieur à une demande de sursis de paiement peut appréhender les sommes encore entre les mains du tiers détenteur lorsque notamment la condition est réalisée avant la demande de sursis de paiement ou lorsque la livraison ou la prestation de service est intervenue auprès du client avant cette même date.
B. APPLICATIONS PRATIQUES
I. Avis à tiers détenteur sur les comptes de dépôt
82.La loi de 1991 et le décret de 1992 sur les procédures civiles d'exécution ont défini des règles particulières en ce qui concerne la saisie-attribution des comptes de dépôt, notamment sur les obligations des établissements teneurs de comptes et sur les règles de prise en compte des opérations en cours (art. L 47 et D 73 à D 79).
Par ailleurs, les régimes de protection dont peuvent bénéficier certaines sommes versées sur un compte bancaire ou postal ont été précisés (art. L 15 et D 44 à D 49).
Ces diverses mesures sont décrites ci-dessous, compte tenu des spécificités de la procédure d'avis à tiers détenteur.
1. Les comptes susceptibles d'être appréhendés par voie d'avis à tiers détenteur.
83.Tous les comptes enregistrant des dépôts de fonds sont concernés (art. D 74). Une énumération ne saurait être exhaustive, le concept légal de compte de dépôt étant volontairement générique.
84.Il est toutefois possible de distinguer entre les comptes à vue et les comptes affectés de modalités.
- compte à vue : compte de chèque, compte courant, compte sur livret ;
- comptes affectés de modalités : compte à terme, compte ou plan d'épargne logement, plan d'épargne populaire (PEP), compte en numéraire affecté à un plan d'épargne en action (PEA).
85.S'agissant du compte ou plan d'épargne logement, la Cour de cassation a jugé que les sommes immobilisées sur le compte correspondant pouvaient être saisies sans attendre le terme du plan. Ces sommes sont rendues disponibles par la volonté du créancier saisissant d'agir sur le patrimoine de son débiteur, les fonds correspondants n'étant pas déclarés insaisissables par la loi. Par ailleurs, le retrait des sommes par le fait de la saisie entraîne la résiliation du plan (Cass. civ. 29 mai 1991, Gaz. Pal. 1991, 2, somm. 468).
Cette jurisprudence est d'autant plus applicable sous l'empire de la loi du 9 juillet 1991 que cette dernière a expressément déclaré saisissables les créances conditionnelles, à terme ou à exécution successive (art. L 13, 2ème alinéa).
86. REMARQUES :
- les comptes de titres ou valeurs mobilières sont exclus du champ d'application de l'avis à tiers détenteur comme de la saisie-attribution. Ils relèvent de la procédure de saisie des droits d'associé et des valeurs mobilières prévue aux articles L 59 et 60 et D 178 à 193.
- les autorisations de découvert accordées par les banques ou les ouvertures de crédit ne peuvent pas être saisies (PARIS, 16 novembre 1983, D 1985, 1R 339, obs. M. VASSEUR), il n'existe pas dans ce cas de créance sur l'établissement de crédit.
- bien entendu, la saisie ne saurait appréhender que des fonds appartenant ou devant revenir au débiteur, à l'exclusion des sommes dont il n'est que dépositaire pour le compte de ses clients (Cass. com. 25 février 1992, Bull. civ. IV n° 92 p. 66 ; RJF 8-9/92 n° 1261). Sont ainsi visés les comptes spéciaux ouverts par certains professionnels habilités à recevoir des sommes en dépôt (notaires, avocats, conseils juridiques, agents immobiliers...).
87. Cas particulier : Comptes à titulaires multiples.
- compte indivis : il s'agit par exemple d'un compte ouvert pour enregistrer des opérations d'une société de fait ou d'un compte devenu indivis entre les successeurs au décès du de cujus.
En principe ce compte est insaisissable en application de l'article 815-17 du Code civil qui impose une action en partage préalable.
Mais dans la plupart des cas, les mécanismes de solidarité entre co-titulaires en matière commerciale permettront de saisir la totalité du compte en évitant le partage.
- compte joint : les dispositions du décret (art. D 77) prévoient la possibilité de saisir un compte joint pour la dette personnelle d'un des titulaires du compte.
La dénonciation de l'avis à tiers détenteur aux autres titulaires est obligatoire. Il appartient donc au comptable de s'informer auprès de la banque des noms et adresses des autres titulaires du compte saisi.
Le titulaire non concerné par la saisie pourra ainsi demander la ventilation de ses droits propres dans le compte en saisissant le juge de l'exécution, afin de lever partiellement l'indisponibilité qui résulte de la saisie.
Il appartient au titulaire du compte, non débiteur du saisissant, de prouver que les sommes saisies sont sa propriété (jurisprudence rendue dans l'ancienne saisie-arrêt : Cass. civ. 24 avril 1985, D 1986 IR 315, obs. VASSEUR).
88. Cas particulier : Convention d'unité de comptes
Les différents comptes ouverts par un établissement à un client sont en principe indépendants, même si ces comptes sont tenus dans la même agence, de sorte qu'aucune compensation ne peut être pratiquée entre leurs soldes créditeurs et débiteurs respectifs. Dans une telle situation, l'avis à tiers détenteur saisit les soldes créditeurs, sans tenir compte des soldes débiteurs (Cass. com. 14 avril 1975, Bull. civ. IV n° 98 p. 82 ; 3 octobre 1989, ibid. IV n° 238 p. 159).
Ce principe d'indépendance des comptes bancaires peut toutefois être écarté par des conventions expresses intervenues entre les parties :
- Convention de fusion ou d'unité de compte
La convention d'unité de comptes est une lettre de fusion de comptes ou de compte courant global au profit du client de l'établissement bancaire.
Le calcul du solde résultant de la fusion des comptes s'impose aux comptables publics saisissants.
Mais la fusion n'est opposable que si elle résulte d'un accord écrit préalablement conclu entre le client et la banque. Cette dernière doit être en mesure d'en fournir la copie.
- Inclusion des comptes à terme dans une convention d'unité de comptes
Un compte à terme peut être inclus dans une convention d'unité de compte ; dans la mesure où il s'agit d'une créance à terme, les modalités propres à ces obligations s'imposent au créancier saisissant (cf. art. L 13, 2ème alinéa). Par conséquent, dans la mesure où l'existence de ce compte à terme dans la convention d'unité de compte a pour effet de reporter à l'échéance du terme les effets de cette fusion, le comptable ne peut prétendre au versement des fonds avant cette échéance.
Cela étant, si le versement est reporté, le montant saisi doit toutefois être calculé en fonction de la situation des différents comptes au moment de la notification de l'avis à tiers détenteur.
Ainsi, dans l'hypothèse où le compte courant compris dans la convention, présente un solde débiteur à la date de l'avis à tiers détenteur, c'est ce montant seul qui sera pris en compte pour calculer, en fonction des sommes figurant sur le compte à terme, le montant définitif de la saisie.
En revanche, dès lors que la compensation entre comptes compris dans la convention de fusion de comptes, à l'exclusion du compte à terme, produit un montant positif, il y a lieu de considérer que le solde est immédiatement appréhendable, le terme affectant l'un des comptes ne pouvant retarder le versement des sommes saisies sur les autres comptes.