SOUS-SECTION 2 PROCÉDURE DE L'AVIS À TIERS DÉTENTEUR
SOUS-SECTION 2
Procédure de l'avis à tiers détenteur
A. CONDITIONS PREALABLES A LA DELIVRANCE DE L'AVIS A TIERS DETENTEUR
39.L'avis à tiers détenteur doit toujours. être précédé d'un avis de mise en recouvrement authentifiant la créance fiscale.
Cette créance doit être garantie par le privilège du Trésor.
L'avis à tiers détenteur ne peut être délivré qu'à l'expiration d'un délai de vingt jours qui suit la mise en demeure de payer prévue à l'article L 257 du LPF (cf. art. L 258 du LPF). Les deux ordres de juridictions ont affirmé, sans équivoque, le caractère impératif du respect de cette règle (CE 27 juillet 1984, req. n° 42701, RJF 1984, p. 552 ; Cass. com. 12 mai 1987, 15 juin 1993 et 15 novembre 1994 précités).
B. FORME DE L'AVIS A TIERS DETENTEUR
I. Règles générales
40. L'avis à tiers détenteur n'est soumis à aucun formalisme légal.
En particulier, il n'a pas à répondre aux conditions édictées par l'article D 56 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 précisant la forme et le contenu de l'acte de saisie-attribution.
La jurisprudence impose simplement qu'il soit notifié au redevable.
L'avis à tiers détenteur lui-même et la lettre de notification au redevable (cf. infra n°s 54 et suivants ) sont impérativement signés par le comptable public ou les agents bénéficiant d'une délégation de signature (Cass. com. 13 janvier 1998, Bull. civ. IV n° 20 p. 13).
41.D'une manière générale, l'avis à tiers détenteur ne doit jamais renfermer de précisions susceptibles de renseigner le tiers détenteur sur l'importance des affaires du redevable. Notamment, il ne doit pas spécifier la nature exacte des taxes dont le paiement est réclamé, les bases et la période d'imposition ni, éventuellement, les conditions dans lesquelles le redressement a été opéré.
Ce principe connaît toutefois quelques exceptions dans certains cas particuliers.
II. Cas particuliers
1. Opposition sur prix de vente d'un fonds de commerce.
42.Pour les impositions privilégiées authentifiées et exigibles, l'opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce peut être faite au moyen d'un avis à tiers détenteur.
Ce dernier devra être notifié dans le délai de dix jours suivant la dernière en date de la publication légale, conformément à la loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce.
Toutefois, la Cour de cassation a précisé que cet acte, même s'il est utilisé comme moyen d'opposition sur le prix de vente d'un fonds de commerce, est soumis aux règles prévues par la loi fiscale (Cass. com. 12 mai 1987, Bull. civ. IV n° 115 p. 88).
La Haute juridiction a ainsi affirmé la spécificité et l'autonomie des conditions d'utilisation de l'avis à tiers détenteur, de ses effets et de ses modalités de contestation, par rapport à la procédure d'opposition extrajudiciaire prévue par l'article 3 de la loi du 17 mars 1909.
La mise en oeuvre de l'avis à tiers détenteur est, dans tous les cas, subordonnée à l'émission préalable d'un avis de mise en recouvrement et à la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet pendant un délai de vingt jours (Cass. com. 15 juin 1993, Bull. civ. IV, n° 251, p. 178 ; 15 novembre 1994, ibid. IV n° 337 p. 276).
43.En. l'absence de mise en demeure ou lorsque le délai de vingt jours n'est pas écoulé, les comptables des impôts doivent recourir à l'opposition au paiement du prix de vente prévue par le 4ème alinéa de l'article 3 de la loi du 17 mars 1909, c'est-à-dire par acte extrajudiciaire.
44. En pratique, lorsqu'il existe, d'une part, des créances authentifiées par un avis de mise en recouvrement et d'autre part, des créances non encore établies, l'opposition sera pratiquée par un seul acte extrajudiciaire d'huissier pour l'ensemble des créances.
2. Avis à tiers détenteur délivré pour obtenir le paiement de sommes dues par une femme mariée.
45.Aux termes de l'article 221 du Code civil « chacun des époux peut se faire ouvrir sans le consentement de l'autre, tout compte de dépôt ou tout compte de titres en son nom personnel. L'époux déposant est réputé à l'égard du dépositaire, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôts ». Ce texte qui s'applique à tous les époux, quels que soient la date de célébration de leur mariage et le régime matrimonial adopté, permet à la femme mariée d'avoir un compte bancaire soit à son nom marital, soit à son nom de jeune fille.
Dans cette dernière hypothèse, la banque est susceptible de ne pas donner suite, de bonne foi, à un avis à tiers détenteur ne mentionnant que le nom d'épouse de la redevable.
46.Aussi, compte tenu de l'obligation dans laquelle ils se trouvent d'exécuter les avis à tiers détenteur qui leur sont notifiés lorsqu'ils détiennent, à quelque titre que ce soit, des fonds pour le compte des personnes désignées sur ces avis, les établissements bancaires sont placés dans une situation délicate qui pourrait être à l'origine de litiges.
Afin de prévenir toute difficulté dans ce domaine, il convient s'agissant d'une femme mariée, de faire figurer le nom patronymique suivi du nom marital.
3. Saisie des rémunérations.
47.Les receveurs qui procèdent à des saisies de rémunérations doivent joindre à l'avis à tiers détenteur une feuille destinée à informer l'employeur des conditions dans lesquelles il doit effectuer les retenues sur les salaires du débiteur (cf. infra n° 121).
La procédure de saisie des rémunérations est décrite dans la DB 12 C 2213 .
4. Avis à tiers détenteur aux comptables publics.
48.L'avis à tiers détenteur délivré à un comptable public ne comprend ni les mentions de la loi du 9 juillet 1991 et du décret du 31 juillet 1992 ni les références à la procédure d'opposition à poursuite (art. L 281 et R* 281-1 et suivants du LPF).
Toutefois, celui-ci doit être aménagé en faisant référence à l'article 3 du décret n° 93-977 du 31 juillet 1993 qui impose la désignation précise de la créance visée par la mesure de poursuite.
49.Lorsque la saisie est effectuée par un comptable des impôts, ce dernier établit en double exemplaire une « demande tendant à faire exercer une retenue sur la pension d'un redevable reliquataire » à l'adresse du trésorier-payeur général sur la caisse duquel est assigné le paiement de la pension. A cet envoi doit être jointe une copie des avis de mise en recouvrement et mise en demeure notifiés au redevable. La nature et les caractéristiques de la pension doivent être indiquées.
Ces renseignements relatifs à l'existence d'une pension et aux caractéristiques de cette dernière peuvent être demandés au Service des pensions.
C. NOTIFICATION DE L'AVIS A TIERS DETENTEUR
I. Notification au tiers saisi
50.L'avis à tiers détenteur est en règle générale notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal. Toutefois cette forme de notification n'est pas exigée par les textes fiscaux.
Lorsque le pli recommandé n'aura pu être délivré au tiers détenteur, il y aura lieu de suivre les règles suivantes :
51.Premier cas. - Le pli recommandé a été renvoyé par le service des Postes avec la mention « N'habite pas à l'adresse indiquée ».
La notification devra être réitérée au tiers détenteur par pli recommandé avec avis de réception postal à l'adresse exacte, dès que celle-ci aura pu être déterminée ;
52.Deuxième cas. - Le pli recommandé a été renvoyé par le service des Postes avec la mention : « Non réclamé » ou « refusé ».
53.Dans ce cas, la notification est régulière.
Par ailleurs, les textes relatifs à la réforme des procédures d'exécution prévoient que les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation des créances. Celui qui sans motif légitime, se soustrait à ces obligations peut être condamné au paiement des causes de la saisie (art. L 24 de la loi du 9 juillet 1991).
Dès lors, lorsque le comptable envisage avec certitude d'exercer des mesures d'exécution forcée contre les tiers, il conviendra de faire application des principes rappelés infra n°s 223 et suivants.
II. Notification au redevable
1. Règles générales.
54.Dans une décision de principe (Cass. com. 13 novembre 1973, Bull. civ. IV, n° 326 p. 291) la Cour de cassation, statuant en matière d'impôts directs a estimé que la notification de l'avis à tiers détenteur pouvait être opérée selon les formes simplifiées autorisées par l'article 1843 du Code général des impôts (transféré sous les articles L 255, L 258 et L 259 du LPF) pour la notification des commandements.
55.Par ailleurs, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, en matière d'impôts locaux, a expressément confirmé dans un arrêt du 18 juin 1996 (Bull. civ. IV, n° 181 p. 156) que le défaut de dénonciation de l'avis à tiers détenteur au débiteur constituait une nullité de forme.
56.Transposée au recouvrement des taxes sur le chiffre d'affaires, cette jurisprudence conduit à considérer que la procédure de l'avis à tiers détenteur comporte obligatoirement une notification au redevable, celle-ci pouvant être effectuée dans les formes prévues à l'article L 257 du Livre des procédures fiscales pour la notification des mises en demeure.
57.Les juridictions de l'ordre administratif ont adopté une position identique (CAA PARIS 26 septembre 1991, n° 697, RJF 5/92, n° 750 ; CAA PARIS 4 juin 1992, n° 105, RJF 8-9/92, n° 1258).
58.Dès lors que c'est à la réception de la notification de la procédure d'avis à tiers détenteur que le délai de contestation ouvert au redevable pour contester la poursuite commence à courir, il convient d'y procéder le jour même de l'envoi de l'avis à tiers détenteur.
59.La notification au redevable suit les même règles que l'avis à tiers détenteur lui-même. Elle doit, en règle générale, être envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception.
60. REMARQUE :
L'omission de la mention du tiers détenteur sur la notification adressée au redevable est un vice de forme qui doit être considéré comme une inobservation d'une formalité substantielle, comme l'envoi même de ce document (rapp. Cass. com. 18 juin 1996 précité).
Il appartient au redevable qui l'invoque de prouver l'existence d'un grief (art. 114 du nouveau code de procédure civile) en démontrant que ce défaut d'indication l'a empêché de contester utilement cet ATD.
L'existence du grief est apprécié souverainement par les juges.
61.Toutefois, la notification de l'envoi d'un avis à tiers détenteur constituant le point de départ du délai imparti au contribuable pour former opposition aux poursuites, la notification d'une copie de l'original devrait suffire à régulariser la contestation contentieuse dans la phase préalable au dépôt du mémoire au directeur.
En effet, aux termes de l'article 121 du nouveau code de procédure civile, dans le cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.
2. Cas particuliers.
a. L'avis concerne un redevable dessaisi de la gestion de son patrimoine dans le cadre d'une procédure collective.
62.En matière de procédure collective, les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur, aux termes de l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985, qui le désigne ainsi comme représentant légal du débiteur dessaisi.
Sa qualité de représentant légal du débiteur n'est pas contradictoire avec sa qualité de tiers détenteur de fonds pour le compte du débiteur.
S'agissant des poursuites par voie d'avis à tiers détenteur, il est donc indispensable de dénoncer la mesure au liquidateur, même s'il est destinataire de l'avis en qualité de tiers saisi.
63. REMARQUE :
Dans des cas limités, la procédure de redressement judiciaire peut également entraîner le dessaisissement du débiteur au profit de l'administrateur désigné par le tribunal avec mission d'administration et de gestion totale de l'entreprise (art. 31 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985).
Dans ce cas seulement, il convient de lui dénoncer la mesure de saisie.
IMPORTANT : Dans un arrêt du 19 janvier 1999 (Bull. civ. IV n° 17 p. 15), la Cour de cassation a jugé que lorsque le jugement de liquidation judiciaire est prononcé au cours du délai ouvert pour contester une saisie-attribution, il interrompt le délai et un nouveau délai commence à courir à compter de la dénonciation faite au liquidateur.
Cette jurisprudence est transposable à l'avis à tiers détenteur ; il en résulte que, dans l'hypothèse où un jugement de liquidation judiciaire (ou un jugement de redressement judiciaire avec dessaisissement) intervient avant l'expiration du délai ouvert au débiteur pour contester un avis à tiers détenteur, les comptables doivent renouveler la dénonciation auprès du mandataire.
b. L'avis porte sur un compte joint.
64.Lorsque l'avis porte sur un compte joint, il doit être dénoncé à chacun des titulaires (alinéa 1 de l'article D 77).
Le comptable effectue lui-même la dénonciation aux cotitulaires du compte.
Toutefois, le second alinéa de l'article D 77 permet à l'huissier de justice qui ignore les noms et adresses des autres titulaires du compte de demander à l'établissement qui tient le compte de les informer de la saisie et du montant des sommes réclamées.
Dans une situation identique, le receveur peut formuler la même demande auprès de la banque.