Date de début de publication du BOI : 01/10/1976
Identifiant juridique : 12C2214
Références du document :  12C2214
Annotations :  Lié au BOI 12C-41-85

SOUS-SECTION 4 COMPENSATION LÉGALE

SOUS-SECTION 4  

Compensation légale

La présente sous-section a pour objet, après un rappel des règles du droit civil qui gouvernent la compensation, de fixer les conditions dans lesquelles celle-ci doit être pratiquée dans le domaine du recouvrement des impôts de toute nature dont la perception incombe à la Direction générale des Impôts.

  A. NOTIONS GÉNÉRALES

  I. Définition de la compensation légale

1Aux termes de l'article 1289 du Code civil 1  : « Lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes... ».

2La compensation, mécanisme autonome d'extinction des obligations, réalise un apurement simultané, total ou partiel, de créances croisées, le débiteur de l'une étant créancier de l'autre et réciproquement. En dispensant chacune des parties d'un versement de fonds, elle apparait donc comme un double paiement abrégé analogue dans ses effets à une double saisie-arrêt gratuite.

  II. Conditions de la compensation légale

3La compensation ne peut se produire que moyennant la réalisation des quatre conditions ci-après :

1° Des obligations réciproques doivent exister entre deux mêmes personnes (Code civ., art. 1289).

4C'est la la condition essentielle à la mise en oeuvre de la compensation. Il faut que chacune des deux parties figure dans le double lien de créancière et de débitrice, et y figure personnellement ;

2° Les deux obligations doivent avoir pour objet des choses fongibles de la même espèce (Code civ., art. 1291, 1 er alinéa).

5Il résulte de cette condition que le domaine d'élection de la compensation est celui des obligations ayant pour objet une somme d'argent ;

3° Les deux obligations doivent être liquides (Code civ., art. 1291, 1 er alinéa).

6Une dette est liquide lorsqu'elle est certaine dans son existence et déterminée dans son montant ;

4° Les deux obligations doivent être exigibles (Code civ., art. 1291, 1 er alinéa).

7Une créance est exigible lorsque son titulaire est en droit de contraindre le débiteur au paiement sans qu'aucun obstacle, aussi bien temporaire que perpétuel, ne l'en empêche.

Ainsi, ne peuvent être compensées les créances dont le terme qui les affecte n'est pas arrivé à échéance.

  III. Obstacles à la compensation légale

8Bien que les conditions ci-dessus énoncées se trouvent satisfaites, la compensation se heurte dans certains cas à des interdictions qui, tendant à assurer, soit la protection des tiers, soit celle de l'une ou l'autre des parties, s'articulent autour des deux principes suivants :

9 a. La compensation n'a pas lieu au préjudice des droits acquis à un tiers (Code civ., art. 1298).

Il en est ainsi notamment :

1° En cas de saisie-arrêt intervenue à une date antérieure à celle à laquelle les conditions nécessaires à la compensation ont été réunies,

2° En cas d'ouverture d'une procédure d'apurement collectif du passif (règlement judiciaire et liquidation des biens), remarque étant faite, toutefois, que la compensation produit ses effets si les conditions requises ont été réunies antérieurement au jugement déclaratif, que ce soit avant ou pendant la période suspecte, quand bien même elle ne serait invoquée qu'après le jugement ;

10 b. La compensation n'a pas lieu lorsque l'une des créances est insaisissable (principe tiré par la jurisprudence des dispositions de l'article 1293-3° du Code civil).

Ce principe s'applique, en particulier, aux créances de l'État qui sont insaisissables.

C'est, en effet, une règle générale et absolue du droit public français que les particuliers ne peuvent opposer la compensation à l'État. Il a ainsi été jugé que les contribuables ne sauraient se prévaloir de leur qualité de créancier de l'État pour se soustraire au paiement de leurs impôts ou pour le différer (C.E., 3 mars 1956, D. 1956, Som. 135).

Mais l'interdiction dont il s'agit étant une mesure de protection du Trésor, il est normal que celui-ci puisse, lorsque tel est son avantage, y renoncer et invoquer la compensation pour retenir, dans les conditions fixées ci-après, sur les sommes qu'il doit aux contribuables, celles qui lui sont dues par ceux-ci.

  IV. Effets de la compensation légale

11En vertu des dispositions de l'article 1290 du Code civil, la compensation éteint les deux obligations en présence comme le feraient deux paiements réciproques.

12Elle s'opère ainsi de plein droit et automatiquement, par le simple effet de la loi. Cependant, une manifestation de volonté est toujours nécessaire au déclenchement du mécanisme compensatoire. Si les conditions tenant aux créances se trouvent naturellement réunies, il suffit que l'une des parties fasse savoir qu'elle entend se prévaloir de la compensation légale.

13C'est de ce principe que découlent les règles pratiques de mise en oeuvre de la compensation légale dans le domaine fiscal.

  B. COMPENSATION FISCALE

  I. Distinction entre les compensations d'assiette et de recouvrement

14La présente sous-section traite de la compensation qui s'opère, au niveau du recouvrement, entre les dettes d'impôt des redevables et les créances sur le Trésor dont ceux-ci sont titulaires, à l'exclusion de celle qui est susceptible d'être pratiquée au stade de l'assiette (en application des dispositions des articles 1649 quinquies C et 1955 du Code général des Impôts) entre les insuffisances d'imposition et les surtaxes constatées au cours d'une procédure de redressement unifiée ou lors de l'instruction d'une réclamation.

15Outre qu'elles se situent à des étapes distinctes de l'exercice de l'action fiscale, ces deux compensations présentent, entre elles, les différences fondamentales suivantes :

161° La compensation « recouvrement » est susceptible d'être pratiquée entre des obligations de nature différente (exemple : taxe locale d'équipement et remboursement de crédits de T.V.A. non imputables), l'une d'elles pouvant d'ailleurs être étrangère à l'impôt ( exemple : T.V.A. et loyer dû au titre d'un immeuble occupé par l'Administration) tandis que la compensation « assiette » ne peut s'opérer qu'entre surtaxes et insuffisances se rapportant à un même impôt, droit ou taxe ;

172° La compensation « recouvrement » peut s'exercer quelle que soit la période à laquelle se rapportent l'un et l'autre de ses termes, alors que la compensation « assiette » ne peut jouer que dans le cadre d'une même période d'imposition, l'année ou l'exercice généralement ;

183° Si, comme il a été indiqué au n° 10 supra, la compensation « recouvrement  » ne peut être opposée par les redevables à l'Administration en raison du principe de l'insaisissabilité des deniers publics, en revanche la compensation « assiette » est susceptible d'être invoquée aussi bien par ceux-là que par celle-ci.

19 Remarque. - Crédit d'impôt déductible apparaissant à l'issue d'une vérification.

Lorsqu'à l'issue d'une vérification un crédit d'impôt déductible apparaît au bénéfice du redevable vérifié, ce crédit ne peut pas être imputé par le vérificateur sur le montant du rappel notifié.

En conséquence, s'il veut en obtenir le remboursement, le redevable vérifié doit obligatoirement formuler une demande de restitution dans les conditions prévues à l'article 242-0 A de l'annexe II au Code général des Impôts.

La créance ainsi acquise par le redevable devra alors faire l'objet de la procédure de compensation décrite à la présente sous-section.

Afin de permettre au receveur de déclencher une telle procédure, le vérificateur doit porter au cadre III de la fiche de prise en charge n° 3951 CA 3-V le montant du crédit d'impôt déductible constaté.

  II. Théorie de la compensation fiscale

20La théorie de la compensation fiscale résulte de la transposition dans le domaine du recouvrement des règles de droit commun énoncées ci-dessus.

1. Liquidité et exigibilité des créances.

21Pour la facilité de l'exposé sont examinés successivement, sous le double aspect de la liquidité et de l'exigibilité, les deux termes de la compensation, savoir :

- la créance de l'Administration sur le redevable ;

- la créance du redevable sur l'Administration.

a. Premier terme : créance de l'Administration sur le redevable :

221° Principes.

S'agissant par hypothèse d'une créance d'impôt, il y a lieu de considérer que la créance de l'Administration remplit :

- la condition de liquidité, dès lors qu'elle a été authentifiée par l'émission d'un avis de mise en recouvrement ;

- la condition d'exigibilité, qui suppose le droit de contraindre le débiteur (cf. supra,7 ), dès lors qu'une mise en demeure procédant de l'avis de mise en recouvrement susvisé a été notifiée au redevable et que celle-ci est restée sans effet pendant un délai de vingt jours à compter de sa notification.

23En définitive la compensation est susceptible d'être invoquée, dès l'instant que l'action en recouvrement forcé de l'impôt peut être engagée dans les conditions prévues par l'article 1916 du Code général des Impôts.

24Toute compensation qui serait pratiquée avant le terme du délai précité de vingt jours suivant la notification de la mise en demeure serait donc nulle et de nul effet. Mais cette condition à l'exercice de la compensation, dès lors qu'elle est posée dans l'intérêt du redevable, puisqu'elle est destinée à lui permettre d'y faire opposition dans les formes prévues à l'article 1917 du Code général des Impôts, n'a plus de fondement lorsqu'il y renonce en demandant expressément que sa dette d'impôt soit apurée au moyen des sommes qui doivent lui être payées par le Trésor, reconnaissant ainsi implicitement que sa dette est exigible tout en laissant à l'Administration sa liberté d'appréciation.

La formulation d'une telle demande dispense donc de l'envoi de la mise en demeure mais, bien entendu, la notification de l'avis de mise en recouvrement doit être maintenue, si elle n'est pas déjà intervenue, sous réserve des cas visés aux numéros 86 à 90 et 91 à 93 , infra ;

2° Application au cas de contestation de la créance.

25Compte tenu des dispositions de l'article 1953 du Code général des Impôts, la réclamation contentieuse que le redevable a introduite pour contester le bien-fondé ou la quotité de l'imposition mise à sa charge n'est pas, en principe, de nature à faire obstacle à la compensation, sauf, bien entendu, si ce redevable a obtenu, dans les conditions fixées par ce texte, le bénéfice du sursis de paiement, celui-ci étant de droit pour les pénalités.

26Cependant, il appartiendra au directeur des Services fiscaux d'apprécier, dans chaque cas particulier, en fonction des circonstances - notamment moralité fiscale du redevable, crédibilité de la réclamation et issue prévisible de l'instance - l'opportunité de la mise en oeuvre de la compensation, remarque étant faite que rien ne s'oppose à ce que celle ci soit cantonnée dans ses effets.

3° Corollaire : opposition à la compensation.

27Dès lors que la compensation est assimilable à une mesure de poursuite, le redevable a la faculté d'y faire opposition dans les conditions prévues à l'article 1917 du Code général des Impôts, c'est-à-dire par voie de demande soumise au directeur des Services fiscaux dans le mois de la date à laquelle il en a eu connaissance (cf. infra 12 C 231).

28Cette faculté justifie, entre autres considérations, l'envoi de l'avis de compensation, étant précisé que l'opposition peut être fondée, non sur l'irrégularité de cet acte quant à sa forme, mais sur celle de l'opération qu'il relate, soit que la créance de l'Administration ne soit pas exigible (absence de mise en demeure), soit qu'elle soit éteinte (paiement).

b. Deuxième terme : créance du redevable sur l'Administration.

29La créance du redevable sur l'Administration peut résulter :

1° D'une décision de remboursement de droits ou assimilée prise par le directeur des Services fiscaux ou un agent délégataire, en matière notamment :

- de restitution de droits, taxes ou produits indûment perçus [cf. 12 B 381 2 ],

- de paiement d'intérêts créditeurs ou moratoires [cf. 12 B 3824] 3 ,

- de remboursement de T.C.A. aux exportateurs (cf. 3 A 333),

- de remboursement forfaitaire T.V.A. aux agriculteurs [cf. 3 T 1] 4 ,

- de remboursement de crédits T.V.A. non imputables (cf. 3 D 132) ;

2° D'un acte conclu dans le cadre des dispositions régissant l'équipement et le fonctionnement des services : marché de fournitures ou de travaux, contrat d'entretien, bail, etc.

30Elle répond aux conditions de liquidité et d'exigibilité requises :

- dans le premier cas, à la date de la décision ;

- dans le second cas, dès que la dépense est en état d'être ordonnancée au sens de l'article 31 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la Comptabilité publique.

1   Les articles du Code civil cités dans la présente instruction sont reproduits en annexe I.

2   Dans l'attente de la parution de la documentation de base, il convient de se reporter aux B.O.C.I. 1962 IV, 228 et B.O.E.D . 1963, 8752.

3   Dans l'attente de la parution de la documentation de base il convient de se reporter au B.O.C.I . 1962, IV-92, n os 38 à 58.

4   Dans l'attente de la parution de la documentation de base, il convient de se reporter au B.O.C.I. 1969, IV-1 et au B.O.D.G.I. * 3 T-5-71.