Date de début de publication du BOI : 30/10/1999
Identifiant juridique : 12C2213
Références du document :  12C2213

SOUS-SECTION 3 LA SAISIE IMMOBILIÈRE

→ Consignation par les tiers titulaires d'un droit réel des sommes dues au saisi

80.Le tiers au profit duquel a été consenti, après le dépôt du commandement, soit l'aliénation de l'immeuble saisi, soit un droit réel, est en mesure d'obtenir la validation de son droit en procédant à la consignation des sommes dues au saisi. La somme ainsi consignée est affectée spécialement aux créanciers inscrits et au saisissant. (cf. art. 687 C. pr. civ.).

Toutefois, cette consignation ne doit pas intervenir après l'adjudication (cf. même article).

Il est admis cependant que la consignation entraîne la validation du droit lorsqu'elle est réalisée le jour même de l'adjudication, à condition qu'il y soit procédé avant l'adjudication proprement dite (Cass. com. 24 octobre 1949, S, 1950, I, 157).

L'article 687 précité vise aussi bien les ventes antérieures à la publication du commandement que celles qui lui sont postérieures. Un acquéreur est donc fondé, après consignation, à opposer au créancier saisissant la vente qui lui a été consentie par le saisi avant la publication du commandement et publiée après celui-ci (Cass. civ., 19 octobre 1962, Dalloz 1963, somm. 60).

81.La validation de l'acte, consécutive à la consignation des sommes dues au saisi, place le saisi, les créanciers et l'acquéreur dans une situation plus favorable et plus sûre que celle qui découlerait de la poursuite de la procédure de saisie.

En effet, le saisi peut vendre l'immeuble en cause et éviter ainsi les frais de la procédure de saisie.

Les créanciers voient ainsi leur dette garantie par la consignation des sommes dues prélevées sur le montant de la vente. Ces sommes sont affectées au paiement de leurs dettes et ils n'ont plus à craindre la manifestation tardive d'autres créanciers. La poursuite de la procédure de saisie ne s'avère donc plus nécessaire.

En cas de surenchère, l'adjudication est résolue et le saisi est replacé dans ses droits primitifs. En conséquence, le créancier hypothécaire auquel le saisi aurait consenti une hypothèque après la déclaration de surenchère est fondé, après la consignation des sommes dues, à demander la validation de son hypothèque et l'interruption de la procédure de saisie (Tribunal civil de BERGERAC, 6 mai 1960, JCP, II-11842).

Par ailleurs, il a été jugé que lorsqu'un immeuble saisi a fait l'objet de deux ventes successives et que seul le second acquéreur a procédé à la consignation des sommes dues, les droits de l'autre acheteur doivent être annulés, bien qu'il ait été le premier à transcrire son acquisition (Tribunal civil de CHATEAUDUN, 9 juin 1943, Dalloz 1946, p. 203).

• Actes antérieurs à la publication du commandement

82.Les actes d'aliénation d'immeubles ou de constitution de droits réels (hypothèques et privilèges) consentis avant le dépôt du commandement demeurent valables puisqu'ils ont été effectués alors que l'immeuble n'était pas frappé d'indisponibilité. Ces actes qui sont soumis à publicité, doivent être publiés avant le dépôt du commandement pour être opposables aux tiers (Cass. civ. 30 juin 1993, D. 1993, IR 196).

Toute publication, postérieure au dépôt du commandement, entraîne l'inopposabilité dudit acte aux tiers (Cass. civ., 23 juillet 1986, Bull. civ. III n° 133 p. 104 ; 8 janvier 1992, JCP 1993-II.22155 ; 28 janvier 1992, D. 1992, IR. 55). Les créanciers inscrits et les créanciers chirographaires doivent être considérés comme des tiers.

Cette solution est applicable, bien entendu, aux privilèges mais une réserve doit être faite pour le privilège du vendeur, du prêteur de deniers et du copartageant ; l'inscription de ces privilèges peut être opposable même si elle est postérieure à la publication du commandement valant saisie. Toutefois, l'opposabilité ne joue que si l'inscription du privilège est réalisée dans le délai de deux mois à partir de la vente ou du partage prévu aux articles 2108 et 2109 du Code civil (C. pr. civ. art. 686 2ème al.).

Il convient de rappeler que la consignation prévue à l'article 687 du Code de procédure civile valide les actes de dispositions consentis avant la publication du commandement mais publiés après lui.

2° Limitation des droits du saisi.

83.Ainsi qu'il est exposé supra n°s 50 et suivants , la signification du commandement entraîne des restrictions aux droits du débiteur saisi en ce qui concerne les baux (C. pr. civ., art. 684).

La publication du commandement à la conservation des hypothèques restreint encore le droit d'usage et d'administration du débiteur saisi. En effet, tout en demeurant propriétaire de l'immeuble saisi, il devient comptable de l'administration du bien.

Les modalités de l'administration de l'immeuble par le saisi diffèrent selon que l'immeuble est occupé par le débiteur lui-même ou par un locataire. Toutefois, quel que soit l'occupant, le saisi ne peut faire aucune coupe de bois, ni dégradation, à peine de dommages-intérêts, sans préjudice, s'il y a lieu des peines portées dans les articles 400 et 434 du Code pénal [ancien] (articles 314-6 et 322-1 du nouveau Code pénal en vigueur le 1er mars 1994 ; C. pr. civ., art. 683).

• Le débiteur occupe l'immeuble saisi

84.L'article 681 alinéa 1er du Code de procédure civile dispose que « si les immeubles ne sont pas loués ou affermés le saisi restera en possession jusqu'à la vente comme séquestre judiciaire, à moins que, sur la demande d'un ou plusieurs créanciers, il n'en soit autrement ordonné par le président du tribunal dans la forme des ordonnances de référé, et sans recours ».

Le débiteur qui occupe l'immeuble le fait donc en qualité de séquestre. En cette qualité, il doit assurer la conservation de l'immeuble et devient comptable des fruits et pourra faire procéder à la coupe et à la vente, en tout ou partie, des fruits. Sa gestion est gratuite, mais il a droit au remboursement des dépenses utiles qu'il a pu faire pour conserver l'immeuble.

Si la qualité de séquestre conférée au débiteur ne paraît pas une garantie suffisante pour assurer la conservation de l'immeuble, le créancier, pour éviter toute dégradation, peut demander son expulsion des lieux par la voie d'une assignation en référé. Si le juge des référés ordonne l'expulsion, il rend une ordonnance non susceptible de recours (Cass. civ., 2e, 14 janvier 1987, D. 1987, somm. 615), contenant désignation d'un séquestre librement choisi par lui, lequel administrera l'immeuble et pourra faire procéder à la coupe et à la vente, en tout ou partie des fruits qui seront vendus aux enchères ou de tout autre manière autorisée par le Président, dans le délai qu'il aura fixé.

Le prix sera déposé à la Caisse des dépôts et consignations.

A noter que lorsque le saisi reste en possession des immeubles saisis, les créanciers eux-mêmes peuvent, après avoir été autorisés par ordonnance du président du tribunal rendue dans la forme des ordonnances de référé, et sans recours, faire procéder à la coupe et à la vente des fruits pendants par les racines.

Ceux-ci sont vendus aux enchères ou de la manière autorisée par le président et le prix est également consigné à la caisse des dépôts et consignations (Code de proc. civ., art. 681, 2ème et 3ème al).

• L'immeuble est occupé par un locataire

85.Sous réserve de l'annulation possible des baux qui n'auraient pas acquis date certaine avant la signification du commandement valant saisie, le locataire ne peut être expulsé de l'immeuble saisi.

Le saisi continue à percevoir valablement les paiements des loyers ou fermages et il est comptable comme séquestre judiciaire, des sommes qu'il a reçues (C. pr. civ., art. 685, 3ème al. - cf. n° 86 ci-après).

Mais si les créanciers doutent de la bonne foi du débiteur, ils peuvent faire opposition entre les mains des fermiers et des locataires par un acte d'huissier qui, aux termes de l'article 685 du code de procédure civile, « vaut saisie-arrêt ». En réalité l'acte représente une « défense de payer » qui s'impose aux fermiers ou aux locataires. Ceux-ci ne pourront se libérer qu'en exécution de mandements de collocations, ou par versements des loyers et fermages à la Caisse de dépôts et consignations ou entre les mains d'un séquestre nommé par ordonnance du président du tribunal sur requête et à la diligence de tout intéressé.

En cas de difficulté le président statuera en référé et son ordonnance ne sera pas susceptible d'appel (C. pr. civ., art. 685, 2ème al).

L'opposition faite entre les mains des fermiers et locataires par un premier créancier saisissant profite aux saisissants ultérieurs (C. pr. civ., art. 685-1).

Lorsque la publication du commandement intervient avant l'échéance du terme, les fruits civils étant réputés s'acquérir jour par jour (C. civ., art. 586), il y a lieu de considérer que seule la part de loyer calculée au prorata du temps écoulé depuis la publication du commandement est immobilisé au profit des créanciers.

3° Immobilisation des fruits et revenus de l'immeuble saisi.

86.Conformément aux dispositions des articles 682 et 685 du Code de procédure civile, les fruits naturels et industriels ou le prix qui en proviendra, ainsi que les loyers et fermages 1 recueillis postérieurement au dépôt du commandement au bureau des hypothèques aux fins de publicité, sont immobilisés pour être distribués avec le prix de l'immeuble par ordre d'hypothèque. Les fruits ainsi immobilisés perdent en effet leur qualité de meubles et sont considérés comme partie intégrante de l'immeuble saisi.

L'immobilisation des fruits peut donner lieu à quelques difficultés lorsque, avant la publication du commandement, certaines personnes ont déjà acquis des droits sur les fruits de l'immeuble saisi.

Tel est le cas notamment, de l'acquéreur d'une récolte sur pied, du créancier ayant pratiqué une saisie-vente sur les fruits parvenus à maturité, de celui ayant déjà pratiqué une saisie-attribution ou un avis à tiers détenteur sur les loyers ou fermages, ou encore du bénéficiaire d'une cession ou d'une quittance anticipée de loyers ou de fermages.

• Cession ou paiement anticipé des loyers ou fermages

87.Il faut distinguer selon que le terme est ou non échu avant la publication du commandement :

- le paiement ou la cession de loyers échus à la date de la publication du commandement est incontestablement opposable aux créanciers, l'immobilisation ne valant qu'à compter du jour de la publication ;

- en ce qui concerne les loyers ou fermages non échus à la date de la publication, le problème s'est posé de savoir si ceux-ci devaient ou non être considérés comme immobilisés et compris dans la distribution du prix de l'immeuble.

La jurisprudence s'est prononcée pour l'opposabilité de la cession des loyers non échus aux créanciers poursuivants, dès lors que la cession a acquis date certaine avant la publication du commandement qui restreint les pouvoirs d'administration du saisi. Ces fruits, en effet, ne peuvent être immobilisés. Mais l'opposabilité aux créanciers ne joue que pour les paiements anticipés ou les cessions de loyers ou fermages consentis pour une durée inférieure à trois années. Elle joue contre les créanciers inscrits, même si les paiements ont acquis date certaine après l'inscription de l'hypothéqué (Cass. civ., 29 décembre 1947, JCP 1948, II, p. 4131).

Si les paiements ou les cessions sont consentis pour une durée supérieure à trois années, ils ne peuvent être considérés comme des actes d'administration mais comme des actes de disposition. En tant que tels, ils sont obligatoirement soumis à la formalité fusionnée et sont opposables aux créanciers hypothécaires dans la mesure où ils ont été publiés avant l'inscription des hypothèques. Si le créancier a inscrit son hypothèque avant l'inscription de la cession et si cette cession a été publiée avant la publication du commandement, la jurisprudence estime néanmoins cette cession opposable au créancier inscrit mais seulement pour une période de moins de trois ans, le surplus lui demeurant inopposable (Cass. civ., 29 décembre 1947 précité).

• Vente d'une récolte sur pieds

88.Même si elle est postérieure aux inscriptions hypothécaires, la vente fait obstacle à l'immobilisation des fruits si la récolte a été détachée et le prix payé avant la publication du commandement, sauf cas de fraude.

• Saisie-vente sur les récoltes proches de la maturité et saisie-attribution des loyers ou - fermages, avant la publication du commandement

89.Dès lors que la saisie a été pratiquée avant la publication du commandement, elle met obstacle à l'immobilisation des fruits.

Il a été jugé que du fait de l'immobilisation provoquée par la publication d'un commandement de saisie immobilière, en application de l'article 682 du code de procédure civile (ancien), les effets d'un avis à tiers détenteur antérieur sont suspendus à raison des loyers échus postérieurement à la publication et cela en dépit de l'article L 263 du Livre des procédures fiscales. En effet, les loyers échus postérieurement à cette publication perdent leur nature mobilière et ne peuvent donc plus être saisis par voie d'avis à tiers détenteur ou de saisie-attribution (TGI, AVRANCHES, 20 janvier 1994, JCP 1994, éd. G, II 22345, note MARTIN). En conséquence, les loyers « immobilisés » seront distribués aux divers créanciers inscrits sur l'immeuble selon le rang de leurs inscriptions.

  II. La procédure préparatoire à l'adjudication

90.La saisie proprement dite consiste d'abord à placer l'immeuble sous la main de justice afin de le rendre indisponible. Mais cette garantie, importante et indispensable, n'est pas suffisante pour le poursuivant dont le but est d'obtenir paiement de la créance sur les deniers dégagés par la vente de l'immeuble.

Cette vente ne peut être réalisée que sous la forme d'une adjudication : opération consistant à attribuer l'immeuble, après sa mise aux enchères, à la personne qui offre le prix le plus élevé.

Le Code de procédure civile, sous ses articles 688 à 700, a prévu une série de formalités qui constituent la procédure préparatoire à l'adjudication.

Cette phase préparatoire répond à un triple souci :

- protéger les intérêts des titulaires de droits réels sur l'immeuble en leur permettant de formuler leurs observations (créanciers) ou d'intervenir lors de l'adjudication (indivisaires) ;

- protéger, grâce à la purge des droits réels, l'acquéreur éventuel en lui assurant un droit de propriété affranchi de toutes charges ;

- protéger les créanciers dont l'intérêt consiste à voir la vente se réaliser dans les meilleures conditions et au meilleur prix.

Les formalités préparatoires comportent plusieurs phases qui seront examinées successivement :

* La rédaction du cahier des charges ;

* Le dépôt du cahier des charges au greffe ;

* La réquisition d'un état d'inscription ;

* Les sommations de prendre communication du cahier des charges ;

* Les dires et observations ;

* L'audience éventuelle ;

* La publicité préalable à l'adjudication.

1. La rédaction du cahier des charges.

91.Le cahier des charges est rédigé et signé par l'avocat du poursuivant sous sa propre responsabilité (Cass. civ. 15 juin 1994, Bull. civ. II n° 155), et sans qu'un pouvoir spécial soit nécessaire (AIX, 5 mai 1870, D. 1872, II, p. 139). II doit être rédigé avec soin, toute clause obscure ou ambiguë risquant d'être interprétée contre le vendeur (C. civ., art. 1602 ; trib. civ. LYON, 24 janvier 1863, Cass., req. 21 novembre 1911). Il est présenté sur papier libre en forme de minute, non « grossoyé » et signé par l'avocat (art. 688 C. pr. civ.).

Le cahier des charges n'est pas, par lui-même, un contrat. Il constitue d'abord un acte unilatéral contenant les clauses qui seront applicables à l'adjudication lorsqu'elle sera réalisée.

Lorsqu'aucune modification n'est envisagée, et après jugement, le cas échéant, à l'audience éventuelle, le document devient un acte définitif qui engage les parties. Il constitue alors une convention ayant force obligatoire entre le saisissant, les créanciers du saisi, le saisi lui-même et l'adjudicataire.

Il a ainsi été jugé qu'un adjudicataire n'était pas fondé à demander la nullité d'une clause du cahier des charges alors que cette clause, n'ayant pas été contestée avant le jour de l'adjudication, avait été implicitement acceptée par toutes les parties (Cass. civ. 14 janvier 1981, JCP 1981, éd. G, IV, 110).

Le cahier des charges n'est soumis au timbre de dimension qu'après la réalisation de l'adjudication et seulement si le prix excède 5 000 F (CGI, art. 902 1-1° b).

Conformément aux dispositions de l'article 688 du Code de procédure civile, le cahier des charges doit contenir les indications suivantes :

a. L'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées.

92.Il convient d'énoncer le titre avec une précision suffisante pour qu'on puisse s'y reporter. S'il s'agit d'un jugement définitif assorti d'une condamnation pécuniaire, il convient d'énoncer sa date, la juridiction dont il émane, le montant de la condamnation, en principal et accessoire, la partie condamnée et celle au profit de laquelle le jugement a été rendu.

L'énonciation du titre exécutoire est prescrite à peine de nullité (C. pr. civ. art. 715, 1 er al.). Toutefois, cette formalité n'est sanctionnée par la nullité que si l'irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts des parties en cause (même article ; Cass. civ. 14 mai 1997, Bull. civ. II n° 148 p. 86).

1   En ce qui concerne, les loyers et fermages, se reporter ci-avant au n° 85 .