Date de début de publication du BOI : 01/10/1999
Identifiant juridique : 7S3311
Références du document :  7S3311

SOUS-SECTION 1 PREMIÈRE CONDITION LES BIENS DOIVENT ÊTRE UTILISÉS DANS LE CADRE D'UNE PROFESSION INDUSTRIELLE, COMMERCIALE, ARTISANALE, AGRICOLE OU LIBÉRALE

SOUS-SECTION 1

Première condition
Les biens doivent être utilisés dans le cadre d'une profession
industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale

1Cette condition relative à l'activité professionnelle appelle des précisions tant en ce qui concerne la nature de l'activité que les modalités suivant lesquelles celle-ci doit être exercée pour avoir le caractère d'une profession.

  A. NATURE DE L'ACTIVITÉ

2La profession doit présenter un caractère industriel, commercial, artisanal, agricole ou libéral.

D'une manière générale, et sous réserve des précisions et exceptions indiquées ci-après, les activités professionnelles à prendre en compte s'entendent de celles qui entrent dans le champ d'application de la taxe professionnelle.

La définition par nature de ces activités ne présente pas de difficulté, sous réserve des remarques ci-après.

  I. Activités industrielles

3L'activité industrielle ne se distingue pas de l'activité commerciale en droit privé.

  II. Activités commerciales

4En raison des termes employés par le législateur (la loi ne fait pas référence, à cet égard, aux dispositions du CGI), les activités commerciales doivent normalement s'entendre de celles revêtant ce caractère en droit privé.

Toutefois, il y a lieu de prendre également en considération les activités qui sont regardées comme telles au sens du droit fiscal. Il s'ensuit que, pour la mise en oeuvre de l'article 885 N du CGI, présentent un caractère commercial les activités dont les résultats sont classés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application des articles 34 et 35 du CGI, y compris notamment :

- les activités des concessionnaires de mines, des amodiataires et sous-amodiataires de concessions minières, des titulaires de permis d'exploitation de mines ou de recherches minières pétrolières ou gazières ;

- les activités de marchands de biens et de construction d'immeubles en vue de la vente ;

- les activités de loueurs d'établissements commerciaux ou industriels munis d'équipements nécessaires à leur exploitation ;

- les activités exercées par les membres de copropriétés de navires.

  III. Activités agricoles

5Les activités agricoles doivent s'entendre, au regard de l'impôt de solidarité sur la fortune, de toutes celles dont les revenus relèvent de la catégorie des bénéfices agricoles en application de l'article 63 du CGI.

Il s'agit notamment :

- des activités d'élevage ou de culture exercées par les exploitants ;

- de la production forestière ;

- des exploitations avicoles, apicoles, piscicoles, ostréicoles et mytillicoles ; de l'exploitation des champignonnières et des marais salants, ainsi que des activités exercées par les obtenteurs de nouvelles variétés végétales.

  IV. Activités libérales

6Il s'agit en principe de celles procurant des revenus imposables au titre des bénéfices non commerciaux (CGI, art. 92).

Cependant, les activités relevant de cette catégorie ne sont susceptibles d'ouvrir droit au régime de l'article 885 N du CGI que lorsqu'elles présentent un caractère professionnel (cf. n°s 9 et suiv. ) 1 .

Par ailleurs, les revenus tirés de certaines activités libérales peuvent être, sous certaines conditions, soumis à l'impôt selon les règles prévues en matière de traitements et salaires. Il s'agit :

- des commissions versées aux agents d'assurances et à leurs sous-agents par les compagnies qu'ils représentent, es qualités (CGI, art. 93-1 ter) ;

- des produits de droits d'auteur perçus par les écrivains et compositeurs, intégralement déclarés par les tiers (CGI, art. 93-1 quater) 2 .

Ce mode particulier d'imposition n'a aucune incidence sur le caractère libéral de l'activité exercée.

  V. Exclusion des activités salariées et des activités civiles

1. Activités salariées.

7Les professions salariées ne sont pas énumérées par le texte légal 3 . Toutefois, il est admis que constituent des biens professionnels au regard de l'impôt de solidarité sur la fortune les biens, droits ou valeurs nécessaires à l'exercice d'une profession salariée, lorsque ce lien de nécessité, soit résulte d'une obligation légale ou réglementaire faite au salarié (parts des pilotes maritimes par exemple), soit découle intrinsèquement et directement des conditions de fait d'exercice de la profession sans résulter d'un choix individuel ou d'une simple commodité (véhicules, locaux, matériels nécessaires à l'exercice de l'activité et non fournis par l'employeur, droit de présentation pratiqué dans certaines professions, etc.).

En ce qui concerne :

- les parts ou actions de sociétés de presse détenues par les salariés de celles-ci, cf. DB 7 S 3432, n° 4  ;

- les parts ou actions acquises à la suite d'un rachat d'entreprise par les salariés (RES) [cf. DB 7 S 3322, n°s 59 à 61 ].

2. Activités civiles.

8Les activités civiles -autres qu'agricoles, libérales ou assimilées fiscalement à des activités commerciales- ne peuvent être retenues au titre des activités professionnelles pour l'application de l'article 885 N du CGI. Par suite, les biens affectés à l'exercice de telles activités sont exclus de la catégorie des biens professionnels pour l'application de l'impôt de solidarité sur la fortune. Tel est le cas notamment :

- des titres détenus par un particulier qui gère son portefeuille de valeurs mobilières 3  ;

- des immeubles donnés en location, à l'état nu, par un contribuable dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé 4 , sauf dans les cas particuliers qui seront mentionnés plus loin (cf. notamment DB 7 S 3312, n°s 5 et suiv. ).

Les immeubles à usage industriel et commercial donnés en location ne constituent pas des biens professionnels pour leur propriétaire, sauf dans les cas particuliers visés ci-après, n° 17 .

L'exercice par une personne physique (ou morale) d'une activité de promotion en restauration de son patrimoine immobilier, consistant à faire effectuer des travaux sur ses immeubles, ne confère pas à ces immeubles un caractère professionnel au sens de l'article 885 N du CGI, mais entre dans le cadre de la gestion de ce patrimoine. Les immeubles en cours de rénovation ne peuvent pas, dès lors, être considérés comme des biens professionnels au regard de l'impôt de solidarité sur la fortune.

  B. L'ACTIVITÉ DOIT ÊTRE EXERCÉE À TITRE DE PROFESSION

  I. Principe

9Les biens utilisés pour l'exercice d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale 5 ne peuvent toutefois être considérés comme des biens professionnels que si cette activité correspond à l'exercice d'une véritable profession.

Ce principe ne fait pas obstacle sous certaines conditions à l'application de l'exonération aux biens professionnels utilisés par :

- certains loueurs en meublé (CGI, art. 885 R ; cf. ci-dessous n° 13 ) ;

- certains loueurs de fonds de commerce ou d'industrie et loueurs d'établissements industriels ou commerciaux munis du mobilier nécessaire à leur exploitation (cf. ci-dessous n° 17 .) ;

- certains bailleurs de fonds ruraux (cf. ci-dessous n°s 18 et 19 ).

En revanche, ce principe exclut de l'exonération certains titulaires de revenus non commerciaux (cf. ci-dessous n° 20 ).

  II. Notion de profession - Critères généraux

1. Principes.

10D'une façon générale, la profession consiste dans l'exercice, à titre habituel et constant, d'une activité de nature à procurer à celui qui l'exerce le moyen de satisfaire aux besoins de l'existence.

Bien entendu, cette profession doit être effectivement exercée, ce qui suppose que le redevable accomplisse des actes précis et des diligences réelles caractérisant, au sens courant du terme, la pratique d'une profession mais dont la nature dépend de la taille de l'exploitation, des secteurs d'activité et des usages : présence sur le lieu de travail, réception et démarchage de la clientèle, participation directe à la conception et à l'élaboration des produits, contacts avec les fournisseurs, déplacements professionnels, participation aux décisions engageant l'exploitation, établissement de factures ou de notes, relance des débiteurs défaillants, etc.

Néanmoins, si elle est nécessaire, cette condition n'est pas suffisante : outre ces actes et diligences, le caractère professionnel d'une activité est apprécié en fonction d'un faisceau d'indices, tels notamment :

- l'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers en ce qui concerne les professions industrielles, commerciales ou artisanales ;

- l'inscription à un organisme professionnel (ordres et syndicats notamment) ;

- le caractère habituel de l'activité : tel est le cas lorsque les actes qui caractérisent l'activité sont effectués de manière répétitive et constante ;

- l'exercice de l'activité dans un but lucratif de telle façon que celle-ci procure ou contribue à fournir au redevable des ressources lui permettant de faire face aux besoins de l'existence ;

- l'exercice de l'activité pour son propre compte ;

- l'existence d'une organisation destinée à réaliser les opérations commerciales (ensemble de moyens -personnel, matériel, locaux spécialisés et aménagés- servant à leur réalisation) ;

- l'existence d'une clientèle ;

- l'existence d'une qualification professionnelle (possession obligatoire de certains diplômes...) ;

- l'affiliation au régime obligatoire d'assurance maladie des non-salariés des professions non agricoles, ou, s'agissant des professions agricoles, de l'AMEXA.

2. Application jurisprudentielle.

a. Exercice d'une activité agricole au travers d'une société coopérative agricole.

11Dans un arrêt du 10 mai 1989 (Bull. IV n° 147, p. 98), la Cour de Cassation a jugé que constituent des biens professionnels au sens de l'article 885 N du CGI, les biens nécessaires à l'exercice d'une activité dont les revenus relèvent de la catégorie des bénéfices agricoles. Tel est le cas des revenus- d'un massif forestier exploité par son propriétaire au travers d'une société coopérative agricole.

Observations :

• Les circonstances de l'affaire étaient les suivantes :

Mme X... était propriétaire de forêts et de parts de groupements forestiers.

L'exploitation de cet ensemble était confiée à une coopérative agricole. Mme X... était membre de cette coopérative et lui donnait les ordres nécessaires pour la production et la commercialisation.

Le litige portait sur la question de savoir si Mme X... exerçait une activité professionnelle effective, susceptible de conférer aux biens en cause le caractère de biens professionnels exonérés de l'impôt sur les grandes fortunes.

• Dans sa motivation, reproduite ci-dessus, l'arrêt de la Cour s'écarte de la doctrine administrative dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article 885 N du CGI. La Cour suprême a caractérisé l'exercice effectif d'une profession par référence à la catégorie dans laquelle sont imposés les revenus afférents aux biens incriminés ; or l'Administration ne fait usage de ce critère, sous certaines réserves d'ailleurs, qu'au regard de la nature de l'activité (cf. ci-dessus, n°s 2 et suiv. ) : les conditions de taxation à l'impôt sur le revenu ne peuvent constituer le critère exclusif de l'exercice d'une profession.

• Compte tenu des circonstances particulières de l'affaire jugée, il y a lieu de considérer l'arrêt commenté comme une décision d'espèce. Aussi est-il prescrit aux Services de continuer à appliquer strictement la doctrine administrative énoncée en matière d'impôt sur les grandes fortunes et d'impôt de solidarité sur la fortune.

• En ce qui concerne l'autre aspect de cet arrêt relatif à la distinction entre profession exercée sous forme individuelle et profession exercée dans le cadre d'une société, cf. DB 7 S 331, n° 3 .

b. Effectivité de l'exercice d'une activité professionnelle agricole par une personne majeure sous tutelle.

12Dans un arrêt du 30 octobre 1989 (Bull. IV, n° 266, p.178) la Cour de Cassation a jugé que les actes accomplis par le tuteur en représentation de la personne protégée sont réputés accomplis par celle-ci.

Observations :

• En l'espèce, le litige portait sur la qualification à donner, en matière d'IGF, aux parts d'une société civile agricole possédées par une personne majeure sous tutelle.

Dans des situations analogues et conformément à la règle exposée par la Haute Juridiction, il y a lieu de considérer que la condition d'effectivité des fonctions professionnelles doit s'apprécier au regard de l'activité déployée par le tuteur dans le cadre de sa mission de représentation.

Par ailleurs, cette règle n'est pas transposable aux activités commerciales dès lors que le tuteur n'est pas autorisé, à ce titre, à exercer une profession commerciale (rapp. code de commerce art. 2 ; code civil art. 450, al. 1 - qui ne vise que les actes civils - et 495).

• Cette jurisprudence est également applicable en matière d'ISF.

• Rapprocher également DB 7 S 3312, n° 2 .

1   Sur la notion d'activité libérale exercée à titre professionnel ou non, cf. également DB 5 G 25 n°s 3 et suiv.

2   Il est toutefois rappelé que les droits d'auteur sont assimilés, au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, à des oeuvres d'art. Par suite, la valeur de capitalisation de ces droits n'a pas à être déclarée (cf. DB 7 S 3432 ).

3   En ce qui concerne les dirigeants de sociétés, cf. DB 7 S 3322 et notamment n°s 23 et suiv.

4   Il en est ainsi alors même que le contribuable consacre à l'activité de location d'immeubles à l'état nu tout son temps et emploie du personnel à cet effet (Cass. com. arrêt du 12 décembre 1989, aff. X... , bull IV, n° 315, p. 212). Cette jurisprudence, rendue en matière d'impôt sur les grandes fortunes confirme la doctrine administrative et s'étend également à l'impôt de solidarité sur la fortune.

5   Ou salariée dans les cas visés ci-dessus n° 7 .