CHAPITRE 3 CESSIONS D'ACTIONS OU DE PARTS CONFÉRANT À LEURS POSSESSEURS LE DROIT À LA JOUISSANCE D'IMMEUBLES OU DE FRACTIONS D'IMMEUBLES
B. RÉGIME FISCAL
13Le régime fiscal applicable aux cessions d'actions ou de parts conférant à leurs possesseurs le droit à la jouissance d'immeubles ou de fractions d'immeubles est identique à celui prévu à l'article 727 du CGI pour les cessions de droits sociaux représentatifs d'apports en nature (cf. ci-avant DB 7 D 522 ).
ANNEXE I
Com. 15 mars 1994 (Bull. IV, n° 111, p. 86) :
« Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Grasse, 20 décembre 1991) que l'État a concédé à la commune de Saint-Laurent-du-Var l'établissement et l'exploitation d'un port de plaisance situé sur le domaine public maritime, y compris les quais et appontements équipés pour l'amarrage et le mouillage des bateaux, ainsi que les réseaux et équipements nécessaires à l'exploitation ; que la commune avait la faculté d'amodier sous certaines conditions une partie des emplacements qui lui étaient concédés ; qu'une société anonyme, dénommée Yacht club international de Saint-Laurent-du-Var (Yacht Club international), a été créée en vue d'obtenir le sous-traité par la commune de la concession, les actions des associés donnant droit pour leurs possesseurs à l'usage du port et à la jouissance, à titre privatif, des organes d'amarrage et de mouillage pour les bateaux de plaisance ; que l'administration des impôts a assujetti aux droits d'enregistrement la cession à la société Yachting courtage (la société) d'actions du Yacht club international ; que l'acquéreur a demandé l'annulation de l'avis de mise en recouvrement des sommes résultant du redressement ainsi opéré ;
Attendu que la société reproche au jugement d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'article 728 du code général des impôts, les cessions d'actions ou de parts conférant à leurs possesseurs le droit à la jouissance d'immeubles ou de fractions d'immeubles sont réputées avoir pour objet lesdits immeubles ou fractions d'immeubles pour la perception des droits d'enregistrement ; que, pour débouter la société de sa demande en annulation de l'imposition que lui avait notifiée l'administration des impôts, le tribunal s'est borné à observer que le possesseur d'actions dites A « bénéficiera d'un droit d'occupation privative pour l'amarrage et le mouillage d'un bateau de plaisance », sans nullement préciser ou rechercher sur quoi portait ce droit d'occupation privative pour l'amarrage et le mouillage du bateau et sans rechercher la qualification juridique de l'objet auquel s'appliquait le droit de jouissance ; d'où il suit qu'en statuant ainsi qu'il l'a fait, sans procéder à cette recherche pourtant indispensable, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 517 et suivants du code civil et de l'article 728 du code général des impôts ; alors, d'autre part, qu'un meuble ne devient immeuble par destination que si le propriétaire du meuble est légalement celui de l'immeuble dans lequel le bien mobilier a été placé ; qu'en déboutant la société de sa demande en annulation de l'avis d'imposition que lui avait adressé l'administration fiscale, qui soutenait que les droits conférés à cette société portaient sur des immeubles par destination, sans rechercher si la double identité exigée par l'article 524 du code civil était remplie en l'espèce, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 728 du code général des impôts et de l'article 524 du code civil ; et alors, enfin, que la société avait expressément fait valoir que si, par extraordinaire, le principe de taxation était retenu, celle-ci ne pouvait porter que sur la seule valeur du droit à jouissance des biens immobiliers ; qu'en effet, si l'article 728 du code général des impôts vise clairement les cessions conférant le droit à jouissance d'immeubles ou de fractions d'immeubles, doit nécessairement être exclue de l'imposition la valeur portant sur des meubles ou autres services de caractère mobilier ; qu'il était donc en l'espèce particulièrement nécessaire de procéder à une ventilation dans le prix de cession entre, d'une part, la fraction de prix portant sur l'immeuble ou les immeubles dont la jouissance est conférée et, d'autre part, la fraction de prix portant sur les biens meubles et services de caractère mobilier offerts par la société dont les titres ont été cédés ; qu'en se bornant à affirmer « que la demanderesse ne démontre nullement en quoi le prix de cession des actions serait différent de la valeur des places acquises », le tribunal s'est clairement abstenu de procéder à la recherche qui lui était demandée et qui pourtant s'imposait, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 728 du code général des impôts ;
Mais attendu que le jugement retient que les actions cédées donnaient la jouissance d'un " droit d'occupation privatif pour l'amarrage et le mouillage d'un bateau de plaisance " , ce dont il résultait que leur cession donnait à leurs acquéreurs un droit de jouissance d'un immeuble et entrait donc dans le champ d'application de l'article 728 du code général des impôts ; qu'il s'ensuit qu'ayant ainsi procédé à la recherche prétendument omise, et sans être tenu d'en effectuer d'autres, notamment sur le bien-fondé de l'allégation imprécise et qui n'était assortie d'aucune preuve ni offre de preuve, selon laquelle les actions cédées donnaient vocation à d'autres avantages, le tribunal a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE LE POURVOI... »
Com. 4 octobre 1994, n° 1706 D :
« Vu l'article 728 du code général des impôts ;
Attendu, selon les énonciations du jugement attaqué, que Mme X... a acquis de la Société du nouveau port de plaisance de Cavalaire des actions lui donnant droit à la jouissance d'un anneau d'amarrage en ce port ; que l'administration des impôts a prétendu soumettre cette acquisition aux droits de mutation résultant des dispositions de l'article 728 du code général des impôts et a opéré un redressement ; que Mme X... a réclamé la restitution des sommes qu'elle avait versées à la suite de ce redressement ;
Attendu que, pour faire droit à cette demande, le jugement énonce que le droit de jouissance attaché aux actions s'analyse simplement en un droit de stationnement sur le plan d'eau, élément essentiellement fluctuant s'agissant de la mer, et en outre du domaine public maritime, et en déduit que ce droit ne pouvait être assimilé au droit de jouissance soumis à l'impôt ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ces énonciations que la cession des actions donnait à leur acquéreur un droit de jouissance d'un immeuble et entrait donc dans le champ d'application de l'article 728 du code général des impôts, le tribunal a violé par refus d'application le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi
CASSE ET ANNULE... »
ANNEXE II
Com. 30 mai 1995, n° 1107 D
« Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Grasse, 21 juillet 1993), que l'Etat a concédé à la commune de Saint-Laurent du Var l'établissement et l'exploitation d'un port de plaisance situé sur le domaine public maritime, y compris les quais et appontements équipés pour l'amarrage et le mouillage des bateaux, ainsi que les réseaux et équipements nécessaires à l'exploitation ; que la commune avait la faculté d'amodier sous certaines conditions une partie des emplacements qui lui étaient concédés ; qu'une société anonyme, dénommée Yacht-Club International de Saint-Laurent-du-Var (Yacht-Club International), a été créée en vue d'obtenir le sous-traité par la commune de la concession, les actions des associés donnant droit pour leurs possesseurs à l'usage du port et à la jouissance, à titre privatif, des organes d'amarrage et de mouillage pour les bateaux de plaisance ; que l'administration des impôts a assujetti aux droits d'enregistrement la cession à la SCI Baie des Anges (la SCI) d'actions du Yacht-Club International ; que l'acquéreur a demandé l'annulation de l'avis de mise en recouvrement des sommes résultant du recouvrement ainsi opéré ;
Attendu que la SCI reproche au jugement d'avoir repoussé sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'article 728 du code général des impôts les cessions d'actions ou de parts d'immeubles ou de fractions d'immeubles sont réputées avoir pour objet lesdits immeubles ou fractions d'immeubles pour la perception des droits d'enregistrement ; qu'en se bornant à faire état du droit d'amodiation accordé à la société Yacht-Club International par le cahier des charges de la concession et des conséquences qu'impliquerait ce droit sans préciser quels étaient les droits de jouissance conférés par la possession des titres cédés, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 728 du code général des impôts ; alors d'autre part que, le domaine public étant inaliénable, aucun droit réel immobilier ne peut être constitué au profit de particuliers sur ce domaine ; que, tout en constatant que la société Yacht-Club International était concessionnaire du domaine public maritime, et en reconnaissant qu'elle ne disposait que du droit d'amodier certaines parties de la concession et que l'amodiation ne confère qu'un droit d'occupation privative, le Tribunal, qui a retenu qu'il s'agissait d'un droit de jouissance sur l'ensemble des ouvrages portuaires qui ont un caractère immobilier s'agissant d'éléments stables scellés au sol faisant partie intégrante de l'immeuble et permettant l'exercice de l'usus et du fructus attachés au droit réel immobilier, a violé l'article L. 52 du code du domaine de l'Etat et par fausse application l'article 728 du code général des impôts ; alors d'une troisième part que, la loi fiscale étant d'interprétation stricte et l'article 728 de ce code ne visant que les cessions d'actions conférant à leurs possesseurs le droit à la jouissance d'immeubles ou de fractions d'immeubles, les dispositions de cet article ne sont pas applicables aux cessions d'actions qui conféreraient un droit à la jouissance tout à la fois de meubles et d'immeubles ; que, tout en constatant que le droit de jouissance portait également sur un plan d'eau lequel est un meuble, le Tribunal, qui a fait application à la cession litigieuse de l'article 728 du code général des impôts, a violé cet article ; et alors enfin que l'autorisation d'occuper le domaine public est, en raison de la nature-même de ce domaine, révocable ; que selon les articles 46 et 48 du cahier des charges de la concession invoqués par la SCI, à tout moment la concession pourra être retirée et/ou ses installations être supprimées en totalité ou partiellement et que l'article II du sous-traité de concession à la société Yacht-Club International prévoit la possibilité pour la commune de racheter le contrat à partir du 1er janvier1996 ; qu'en affirmant que la jouissance accordée n'est ni précaire ni révocable, le Tribunal a violé l'article L. 52 du code du domaine de l'Etat ainsi que l'article 1134 du code civil par refus d'application des dispositions des articles 46 et 48 du cahier des charges et II du sous-traité de concession ;
Mais attendu, en premier lieu, que, le plan d'eau d'un port étant de nature immobilière, le grief de la troisième branche du pourvoi manque par le fait qui lui sert de base ;
Attendu, en second lieu, que le jugement retient que la société Yacht-Club International disposait pour une durée de cinquante ans de la jouissance d'un « droit d'occupation privatif pour l'amarrage et le mouillage d'un bateau de plaisance », ce dont il résultait que la cession des actions de la société donnait à leurs acquéreurs un droit de jouissance sur l'appontement, sur les divers dispositifs d'amarrage du port, ainsi que sur les postes de desserte en électricité et en eau ; qu'à partir de ces énonciations et appréciations, et abstraction faite des qualifications données par le jugement critiqué aux deuxième et quatrième branches du moyen, qualifications qui sont erronées mais surabondantes, le Tribunal, qui a procédé à la recherche prétendument omise en la première branche du moyen, à décidé à bon droit que la cession des actions de la société Yacht-Club International donnait à leurs acquéreurs un droit de jouissance d'un immeuble et entrait ainsi, même portant partiellement sur le domaine public, dans le champ d'application de l'article 728 du code général des impôts ;
Que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses quatre branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ... »
ANNEXE III
Com. 17 octobre 1995, n° 1705 D
« Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Grasse, 22 juin 1993), que la société Yacht Club de Mandelieu-la-Napoule a cédé à Mme X... des actions lui donnant la jouissance d'anneaux d'amarrage ; que l'administration fiscale a taxé cette mutation comme une cession assimilée à une cession d'immeuble ; que Mme X... a assigné le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes pour obtenir remboursement des droits d'enregistrement ainsi perçus ;
Attendu que Mme X... reproche au jugement d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte de l'article 524 du code civil que peut seul conférer à des objets mobiliers le caractère d'immeuble par destination celui qui est propriétaire à la fois des objets mobiliers et de l'immeuble au service duquel il les a placés ; qu'en retenant, pour juger qu'elles lui conféraient le droit de jouissance d'immeubles ou parties d'immeubles, que les actions de la société du Yacht Club International de Mandelieu-la-Napoule acquises par elle lui permettaient d'utiliser des installations portuaires ayant le caractère d'immeubles par destination sans avoir fait apparaître que lesdites installations auraient été placées au service d'un ouvrage immobilier par le propriétaire de celui-ci, le tribunal de grande instance n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 524 du code civil ; et alors, d'autre part, qu'en se bornant à relever, par ailleurs, que les actions donnaient droit à la jouissance d'anneaux d'amarrage et au stationnement d'un bateau sur le plan d'eau face au quai, ce qui, à défaut notamment de toute précision sur la nature et l'implantation de ces anneaux, ainsi que sur l'étendue du droit à s'y amarrer, ne suffit pas à caractériser le droit à la jouissance d'immeubles ou de fractions d'immeubles qu'auraient conféré à leurs possesseurs les actions de la société du Yacht Club International de Mandelieu-la-Napoule, le tribunal de grande instance n'a pas donné au jugement de base légale au regard de l'article 728 du code général des impôts ;
Mais attendu que le jugement relève que les actions acquises donnent droit à la jouissance d'anneaux d'amarrage et retient que leur cession permet le stationnement d'un bateau face au quai ; qu'ayant défini la nature d'un anneau d'amarrage par le droit qu'il confère à celui qui en a l'usage d'y attacher un bateau, le Tribunal a légalement justifié sa décision, abstraction faite du motif relatif au droit, accessoire au droit d'amarrage, d'utiliser des installations portuaires fixes non définies par le jugement ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; ... »
ANNEXE IV
Com. 27 février 1996, n° 399 D
« Vu l'article 728 du code général des impôts ;
Attendu, selon les énonciations du jugement attaqué, que M. X... a acquis des actions nominatives de la société Yacht Club International de Pornic, conférant le droit à l'usage d'un poste de mouillage dans le port de plaisance de Pornic ; qu'ayant réclamé vainement le remboursement des droits de mutation qu'il avait payés à l'occasion de cet achat, il a demandé en justice l'annulation de la décision de rejet de sa réclamation ;
Attendu que, pour accueillir cette demande, le jugement retient que l'article 728 du code général des impôts, fondant le paiement de l'impôt litigieux, est inapplicable au double motif que les droits conférés aux possesseurs des actions n'étaient pas de nature immobilière et qu'ils étaient entachés de précarité ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses énonciations que la cession des actions donnait à leur acquéreur un droit de jouissance d'un immeuble et entrait donc dans le champ d'application de l'article 728 du code général des impôts, le Tribunal a violé par refus d'application le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; ... »