CHAPITRE 2 TERRITORIALITÉ
CHAPITRE 2
TERRITORIALITÉ
1 Les lois fiscales sont des lois territoriales. Les droits de mutation ne peuvent donc, en principe, frapper que les actes passés en France portant sur des biens français.
Toutefois, lorsqu'elles s'opèrent par acte passé en France, les transmissions à titre onéreux de biens mobiliers étrangers, corporels ou incorporels, sont soumises aux droits de mutation dans les mêmes conditions que si elles avaient pour objet des biens français de même nature (CGI, art. 718).
Le caractère français ou étranger d'un bien meuble dépend de son assiette. Celle-ci peut être matérielle, pour les meubles corporels (tels que les meubles meublants), les fonds de commerce et les clientèles (en ce qui concerne les cessions par actes passés à l'étranger de marques exploitées, cf. ci-après n° 5 ) ou fictive. Dans ce dernier cas, l'assiette est censée située au siège de la société ou de l'organisme émetteur pour les valeurs mobilières et les parts d'intérêt ou au domicile du débiteur pour les créances.
L'application de ces principes entraîne les conséquences fiscales suivantes.
A. MUTATIONS DE MEUBLES FRANÇAIS CONSTATÉES PAR ACTES PASSÉS EN FRANCE
2 Ces mutations sont soumises à la formalité de l'enregistrement dans les conditions et au tarif prévus par les textes en vigueur.
Pour l'application de ces dispositions, l'expression « en France » vise aussi bien la France métropolitaine que les départements d'outre-mer : Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion.
B. MUTATIONS DE MEUBLES ÉTRANGERS CONSTATÉES PAR ACTES PASSÉS EN FRANCE
3 En application de l'article 718 du CGI, les transmissions à titre onéreux de biens mobiliers étrangers corporels ou incorporels, qui s'opèrent par actes passés en France, sont soumises aux droits de mutation dans les mêmes conditions que si elles avaient pour objet des biens français de même nature.
C. MUTATIONS DE MEUBLES FRANÇAIS CONSTATÉES PAR ACTES PASSÉS À L'ÉTRANGER
4 Les mutations de biens meubles français qui font l'objet d'actes passés à l'étranger doivent, à défaut d'actes en France, être déclarées dans les mêmes conditions que s'il s'agissait de conventions verbales (CGI, art. 638).
D. MUTATIONS DE MARQUE EXPLOITÉE PAR ACTE PASSÉ À L'ÉTRANGER
5 La cour de cassation a jugé que la cession , par acte passé à l'étranger, d'une marque exploitée donne lieu à imposition de la clientèle qui y est attachée si la marque est soumise au droit français, autrement dit si celle-ci est protégée du fait de son enregistrement auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) [Cass. Com, arrêt du 24 mars 1992 - BULL. IV, n° 132, p. 94, Société Maison SICHEL, reproduit en annexe au présent chapitre].
E. MUTATIONS DE MEUBLES ÉTRANGERS CONSTATÉES PAR ACTES PASSÉS À L'ÉTRANGER
6 Ces mutations ne sont soumises à aucune formalité en France. Si l'acte est présenté volontairement à la formalité, seul le droit fixe des actes innomés est dû.
F. CESSIONS DE PARTICIPATIONS DANS DES PERSONNES MORALES À PRÉPONDÉRANCE IMMOBILIÈRE
7 Depuis le 1er janvier 1999, les cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière au sens de la définition donnée par le 2° du I de l'article 726 du CGI sont assujetties à un droit d'enregistrement en France. Est ainsi visé tout groupement quelles que soient sa forme, sa dénomination et sa nationalité qui dispose d'une personnalité juridique distincte de celle de ses membres et dans laquelle ces derniers disposent d'une participation (cf. DB 7 D 5112, n°s 14 et suiv. ).
ANNEXE
Com. 24 mars 1992 (Bull. IV, n° 132, p. 94)
« Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu l'article 719 du CGI ;
Attendu, d'un côté, que l'article 719 du CGI n'est applicable qu'à la cession de l'universalité constituant le fonds de commerce et, d'un autre côté, que la clientèle attachée à une marque de fabrique ou de commerce constitue un droit mobilier qui peut être cédé indépendamment de la cession du fonds ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que la société à responsabilité limitée Maison Sichel a fait l'objet de redressements au titre de droits d'enregistrement estimés dus en raison de mutations portant sur les éléments d'un fonds de commerce au profit, d'un côté, de la société de droit américain la société Schieffelin et Cie et, d'un autre côté, de la société de droit allemand H. Sichel Sohne Gmbh ; que la société maison Sichel a assigné l'administration fiscale aux fins de voir annuler l'avis de mise en recouvrement délivré à son encontre ;
Attendu que pour débouter la société Maison Sichel de sa demande, le Tribunal a retenu que l'acte de cession passé le 1er mars 1978 entre la société Maison Sichel et la société Schieffelin portait principalement sur le nom commercial et la marque Sichel, marque protégée en France et composant un des éléments incorporels du fonds de commerce également situé en France, que la société Maison Sichel ne disposait d'aucun établissement aux Etats-Unis, que, de même, l'acte de cession conclu le 21 juillet1978 par la société Maison Sichel avec la société H. Sichel Sohne Gmbh portait également sur le nom commercial et la marque Sichel ;
Attendu que les actes passés à l'étranger ne sont soumis en France à la formalité de l'enregistrement que s'ils portent sur la mutation de biens soumis au droit français ; que, dès lors, en se déterminant comme il l'a fait, sans donner aucune indication sur l'immatriculation de la marque Sichel, soit en France, soit dans les pays dans lesquels les cessions sont intervenues ni préciser si, en conséquence, cette marque était soumise au droit d'un Etat autre que la France, le Tribunal n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE... »