Date de début de publication du BOI : 01/10/2001
Identifiant juridique : 7C1421
Références du document :  7C1421

SOUS-SECTION 1 ACQUISITIONS DE LOCAUX DESTINÉS À ÊTRE AFFECTÉS À L'HABITATION

2. Point de départ du délai relatif à l'affectation des biens acquis.

128L'engagement de ne pas affecter les immeubles acquis à un autre usage que l'habitation prenait effet à compter de la date de l'acte d'acquisition.

Il en était ainsi même lorsque l'entrée en jouissance de l'acquéreur était fixée à une date antérieure à celle de l'acte.

3. Déchéance du régime de faveur.

a. Principe.

129La déchéance du régime de faveur était encourue en principe dès lors qu'à un moment quelconque au cours du délai de trois ans, l'immeuble se trouvait affecté à un usage autre que l'habitation.

À cet égard, la Cour de Cassation avait jugé que violait les articles 710, al. I et 1840 G quater le tribunal qui exonérait partiellement le contribuable du paiement des droits au motif que l'engagement avait été tenu pendant une partie du délai (Cass. Com. 8 novembre 1994, X... n° 2006 P ; cf. annexe IV à la présente sous-section).

Cette jurisprudence confirmait la doctrine exprimée ci-dessus selon laquelle la déchéance était encourue dès lors qu'à un moment quelconque au cours du délai de trois ans, l'immeuble se trouvait affecté à un usage autre que l'habitation.

En revanche, dans l'hypothèse où l'engagement n'avait été rompu que pour une partie des biens en cause, la déchéance ne frappait que cette partie (cf. ci-dessous, n° 141 ).

Il était à remarquer que l'acquéreur n'avait aucune justification à fournir au sujet du respect de son engagement ; il appartenait simplement à l'administration d'exercer son contrôle à cet égard.

b. Événements entraînant la déchéance.

130En règle générale, la vente de l'immeuble acquis avec le bénéfice de la taxation réduite intervenue au cours du délai prévu à l'ancien article 710 du CGI n'entraînait pas la déchéance de ce régime, si l'acquéreur conservait son affectation à l'immeuble jusqu'à l'expiration dudit délai de trois ans à compter de la date de l'acquisition initiale. La seconde acquisition pouvait elle-même bénéficier du taux réduit de la taxe de publicité foncière sous la condition que soit pris et respecté l'engagement relatif à l'affectation de l'immeuble pendant un délai de trois ans courant de sa propre date.

Toutefois, la Cour de Cassation avait considéré que la revente, dans le délai de trois ans prévu à l'article 710, d'une parcelle non bâtie 1 constituant la dépendance d'une maison d'habitation acquise sous le régime de faveur, avait entraîné la rupture de l'engagement souscrit, pour la parcelle considérée (Com. du 4 juillet 1995, n° 1502 D reproduit en annexe VIII à la présente sous-section).

131Les modifications survenues pendant le délai de trois ans dans la nature de l'occupation des locaux (occupation personnelle par l'acquéreur de locaux antérieurement loués, etc.) ne devaient pas davantage être considérées comme une cause de déchéance dès l'instant qu'elles n'emportaient pas affectation de ces locaux à un usage autre que l'habitation.

132En revanche, l'utilisation des locaux acquis à l'exercice d'une exploitation quelconque à caractère commercial ou professionnel pendant le délai de trois ans permettait à l'administration de remettre en cause l'allégement accordé lors de la présentation à la formalité de l'acte d'acquisition (CGI, art. 710 , 2° al.).

Ainsi, c'était à bon droit qu'un tribunal avait confirmé la déchéance de faveur de l'ancien article 710 du CGI, après avoir relevé :

- que l'engagement de ne pas affecter le bien acquis à un autre usage que celui d'habitation avait été pris par l'acquéreur en sachant que le locataire en usait différemment ;

- et que, plus de trois ans après la date d'achat, la situation était inchangée (Cass. com., arrêt du 6 février 1985, affaire X... , RJ, p. 31).

Observations : En l'espèce, à la date d'acquisition de l'immeuble, le locataire, titulaire d'un bail d'habitation, utilisait les locaux à des fins professionnelles.

L'action en justice intentée par le précédent propriétaire en vue de faire cesser cette infraction fut poursuivie par l'acquéreur, sans toutefois avoir abouti avant l'expiration du délai de trois ans. Bien que le redevable ait ainsi démontré son intention de se mettre en conformité avec son engagement, le tribunal, puis la cour ont estimé qu'il devait la concrétiser, sous forme d'une affectation effective 2 , pour conserver le bénéfice du régime de faveur.

De même, la conclusion d'un bail commercial moins de trois ans après l'acquisition d'un immeuble pour lequel avait été pris l'engagement d'affectation à l'habitation entraînait, à elle seule, la déchéance du régime de faveur (cf. n° 59 ci-dessus et annexe II et III à la présente sous-section).

En outre, l'affectation des frais et charges d'un local en frais professionnels constituait également une illustration concrète du changement d'affectation, de nature à entraîner la déchéance du régime de faveur (cf. n° 74 ci-dessus et annexe IV à la présente sous-section).

133Par ailleurs, appréciant souverainement le sens et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, un tribunal, en relevant que la location d'un immeuble avait été consentie à une société commerciale par sa forme et son objet qui y exerçait son activité, avait justement, et sans renverser la charge de la preuve, fait ressortir que la société bailleresse avait donné aux lieux une affectation autre que l'habitation contrairement à l'engagement pris par celle-ci, lors de l'acquisition de l'immeuble, de ne pas utiliser les locaux à un usage différent (Cass. com., arrêt du 26 mars 1985, aff. SCI « MAC », RJ, p. 40).

En revanche, la Cour de cassation avait estimé qu'un tribunal qui avait prononcé la déchéance du régime de faveur de l'article 710 du CGI en retenant que le contrat de location conclu par l'acquéreur du bien avec une société anonyme, commerciale par sa forme et son objet, était réputé passé pour les besoins sociaux de celle-ci et revêtait donc un caractère commercial, quelle que fût la destination des biens loués, n'avait pas donné de base légale à sa décision dès lors :

- qu'il avait relevé, par ailleurs, que le bail était stipulé à usage d'habitation excluant toute activité commerciale, professionnelle ou industrielle,

- et qu'il n'avait pas constaté que l'administration rapportait la preuve que cette exclusion n'avait pas été, en fait, respectée (Cass. com., arrêt du 20 janvier 1987, affaire Guy X... , RJ II, p. 55).

134Si un immeuble acquis depuis moins de trois ans sous le bénéfice de la taxation réduite était revendu à un acquéreur qui, avant l'expiration de ce délai, louait les locaux à un commerçant pour l'exercice de son commerce, la déchéance du régime de faveur était encourue non seulement par le sous-acquéreur qui n'avait pas respecté son propre engagement mais également par l'acquéreur initial.

135En ce qui concernait la démolition de bâtiments acquis avec le bénéfice de la taxation réduite, cf. ci-après n° 145 .

c. Exceptions.

1° Force majeure.

136Il était admis que dans l'hypothèse où le non-respect de l'engagement relatif à l'affectation des biens pris par l'acquéreur était motivé par un cas de force majeure, il ne serait pas insisté pour le recouvrement de la taxe de publicité foncière complémentaire et du droit supplémentaire. La question de savoir si l'on se trouvait en présence d'un cas de force majeure était une question de fait à résoudre après examen des circonstances de chaque affaire. Pour être considéré comme tel, l'empêchement invoqué devait constituer la cause déterminante de la violation de l'engagement de l'acquéreur ; en outre, • seuls pouvaient être retenus les éléments imprévisibles, insurmontables et indépendants de la volonté de l'acquéreur.

Ainsi, la Cour de cassation a jugé que les difficultés rencontrées par l'acquéreur pour satisfaire à son engagement n'avaient pas été imprévisibles ni insurmontables dès lors que, lors de son acquisition, il n'ignorait rien de la situation financière de la société qui exerçait son activité commerciale dans l'immeuble, et dont il était associé et cogérant (Cass. com., arrêt du 15 décembre 1982, affaire Paul X... , RJ n° III, p. 73).

Remarque : Au cas d'espèce, cette société qui, dans l'acte de vente, avait comparu pour renoncer à son droit au bail sur l'immeuble, était déclarée en liquidation de biens deux mois et demi plus tard. L'acquéreur précité avait dû revendre l'immeuble pour éviter d'être poursuivi par le syndic.

De même, la cour avait rejeté le moyen invoquant l'exception de force majeure, au motif suivant :

« Attendu qu'après avoir relevé que l'enquête d'utilité publique qui avait précédé la mesure d'expropriation avait été régulièrement ouverte avant la date de l'acquisition des immeubles par les époux X... , le jugement a retenu qu'en réalité, Vandaele avait spéculé sur la lenteur de la procédure d'expropriation dans l'espoir de bénéficier de droits de mutation réduits ; que de ces énonciations, dont il résulte que l'expropriation et la démolition des immeubles avant l'expiration du délai de trois ans étaient prévisibles lors de l'acquisition, le tribunal a déduit à bon droit que les époux X... ne pouvaient se prévaloir d'un événement constitutif de force majeure ; que le moyen n'est pas fondé » (Cass. com., arrêt du 26 janvier 1983, n° 91, instance époux Robert X... , RJ p. 62).

137En cas de mutations successives d'un même appartement, l'acquéreur initial était fondé à se prévaloir des obstacles de force majeure rencontrés par le sous-acquéreur alors que le délai de trois ans à compter de la première acquisition n'était pas encore expiré.

2° Domiciliation temporaire d'une entreprise dans un local d'habitation.

138II était admis de ne pas remettre en cause le régime de faveur lorsque l'acquéreur, créateur d'une entreprise, usait, dans le délai de trois ans, de la faculté de domicilier temporairement son entreprise dans ses locaux d'habitation, sous réserve que la domiciliation entre dans le champ d'application de l'article 2 de la loi n° 84-1149 du 21 décembre 1984 et en respecte les conditions (cf. texte de loi figurant en annexe V à la présente sous-section).

3° Affectation par un salarié d'une partie de son habitation à un usage de bureau ou de local professionnel.

139Une telle affectation était susceptible d'entraîner la remise en cause partielle du régime de faveur dans les situations où le salarié développait dans ces locaux une véritable exploitation professionnelle. Le caractère de cette exploitation ne pouvait être apprécié qu'en fonction des circonstances propres à chaque affaire. Il convenait néanmoins d'admettre que, sauf circonstances exceptionnelles, l'affectation par un salarié d'une partie de son habitation principale à usage de bureau ne remettait pas en cause le régime de faveur dès lors que l'intéressé ne recevait pas chez lui une quelconque clientèle ou des personnes dans le cadre de ses activités professionnelles (rapp. ci-dessus n° 74 ).

d. Effets de la déchéance 3 .

1° Principes généraux.

140Lorsque l'engagement relatif à l'affectation de l'immeuble n'était pas respecté, l'acquéreur était tenu d'acquitter à première réquisition :

- le complément de taxe de publicité foncière et de frais d'assiette, de recouvrement, de dégrèvements et de non-valeurs dont il avait été dispensé ;

- le droit supplémentaire prévu à l'ancien article 1840 G quater du CGI ;

- et l'intérêt de retard, prévu par l'article 1727 du CGI, décompté du premier jour du mois suivant la date d'expiration du délai légal de présentation de l'acte à la formalité.

141Dans l'hypothèse où l'engagement contracté au sujet de l'affectation des immeubles acquis n'avait été rompu que pour une partie des biens en cause, la déchéance du régime de faveur ne frappait que cette partie. En pareil cas, l'acquéreur était astreint à acquitter le complément de taxe de publicité foncière non perçue et le droit supplémentaire prévu à l'ancien article 1840 G quater du CGI sur la fraction seulement du prix d'acquisition afférente à ceux des locaux affectés à un usage autre que l'habitation.

142Le droit supplémentaire prévu à l'ancien article 1840 G quater du CGI avait le caractère d'une pénalité d'assiette (CE, arrêt du 31 mars 1993, Aff. X... ).

Aussi, lorsque des difficultés sérieuses et imprévisibles (décès du conjoint, chômage, nécessité de changer de résidence pour conserver un emploi suite à restructuration économique ...) avaient empêché le redevable de bonne foi de respecter son engagement initial, ce droit supplémentaire était susceptible de faire l'objet :

- d'une remise partielle, calculée de telle manière que la somme maintenue ne soit pas inférieure à l'intérêt de retard au taux de 9 % l'an, si l'infraction concernait une imposition dont le fait générateur était antérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 8 juillet 1987 portant réforme des pénalités ;

- d'une remise totale, dans les autres cas, la loi de 1987 prévoyant expressément le cumul de l'intérêt de retard et de la majoration spécifique.

143Le recouvrement du complément et du supplément de taxe de publicité foncière devait être poursuivi contre l'acquéreur seul, à l'exclusion du vendeur qui ne devait en aucun cas être mis en cause.

1   En l'occurrence, il s'agissait d'une parcelle revendue comme terrain à bâtir, pour lequel le sous-acquéreur avait pris, conformément à l'article 691 du CGI (actuellement art. 1594-0 G-A du CGI), l'engagement d'édifier une maison d'habitation.

2   Notion distincte de celle « d'usage effectif » (Rapp. ci-avant n° 58 ).

3   Voir par ailleurs, ci-dessus, n° 92 .