SOUS-SECTION 1 ACQUISITIONS DE LOCAUX DESTINÉS À ÊTRE AFFECTÉS À L'HABITATION
2° Incidence de l'abrogation des dispositions de l'article 1840 G quater du CGI à compter du 1er janvier 1999.
144L'article 39 de la loi de finances pour 1999 a abrogé, à compter du 1 er janvier 1999, le régime de faveur prévu aux articles 710 et 711 du CGI. Corrélativement, les dispositions relatives à sa déchéance prévues à l'article 1840 G quater du CGI ont été également abrogées à compter de la même date. En conséquence, le bénéfice du régime de faveur prévu aux articles 710 et 711 du CGI ne peut pas être remis en cause si les conditions d'octroi auxquelles il était subordonné cessent d'être respectées après le 1 er janvier 1999. Aussi, les conditions d'octroi auxquelles ont été subordonnées les mutations constatées avant le 1 er janvier 1999 pour bénéficier du taux réduit prévu aux articles 710 et 711 du CGI sont réputées définitivement satisfaites à compter du 1 er janvier 1999.
En revanche, lorsque les conditions d'octroi du régime de faveur abrogé à compter du 1 er janvier 1999 dont ont bénéficié ces acquisitions ont cessé d'être respectées avant cette date, les règles de déchéance demeurent applicables.
En conséquence, un rappel de droit de mutation fondé sur le non-respect des conditions d'octroi du régime de faveur prévu aux articles 710 et 711 du CGI avant le 1 er janvier 1999 peut être notifié après cette même date.
4. Substitution du régime de l'article 691 1 à celui de l'article 710 du CGI.
Remarque : les acquisitions de terrains et biens assimilés réalisées par des personnes physiques depuis le 22 octobre 1998 ne sont plus, en principe, assujetties à la TVA lorsque ces terrains sont destinés à la construction d'immeubles que ces personnes affectent à l'habitation. Ces ventes sont désormais soumises aux droits d'enregistrement au taux de 3,60 % (cf. DB 8 A 1141 et 1142 et DB 7 C 143 ).
145La démolition de bâtiments acquis avec le bénéfice de la taxation réduite prévue à l'article 710 du CGI entraînait ipso facto la déchéance du régime de faveur dès l'instant où elle intervenait moins de trois ans après la date de l'acquisition et n'était pas motivée par un cas de force majeure.
Conformément aux dispositions de l'ancien article 1840 G quater du CGI, l'acquéreur était tenu d'acquitter, outre l'impôt de mutation et le prélèvement pour frais d'assiette, de recouvrement, de dégrèvements et de non-valeurs, dont il avait été dispensé, une imposition supplémentaire de 6 % ou 1% 2 , éventuellement majorée de l'intérêt de retard (cf. ci-dessus DB 7 C 1421, n° 140 ).
Il n'était admis en aucun cas à se placer rétroactivement sous le régime de la TVA, en substituant à l'engagement initialement souscrit celui prévu à l'article 691 1 du même code.
Il en était ainsi même dans l'hypothèse où la démolition était faite en vue de permettre l'édification d'une construction nouvelle.
Cette doctrine était fondée sur les considérations suivantes.
D'une part, l'ancien article 1840 G quater du CGI ne distinguait pas selon les causes qui motivaient la rupture de l'engagement.
D'autre part, il résultait des dispositions combinées des articles 257-7°-1 et 691-I-1° 1 du CGI que les mutations de propriété à titre onéreux ayant pour objet des terrains recouverts de bâtiments n'étaient susceptibles d'entrer dans le champ d'application de la TVA qu'autant que les édifices qu'ils supportaient étaient destinés, au moment même de l'acquisition, à être démolis en vue de faire place à une construction nouvelle.
Le principe de la substitution de cette taxe à l'impôt de mutation ne pouvait être admis sans favoriser la fraude consistant à présenter initialement l'acquisition de tels biens comme ayant pour objet une construction destinée à être conservée.
Eu égard aux conséquences rigoureuses que cette doctrine comportait dans certains cas, il était apparu nécessaire d'y déroger lorsque toute intention frauduleuse pouvait manifestement être écartée.
a. Cas dans lesquels un changement d'option était autorisé.
1° Cas de force majeure.
146Lorsqu'un cas de force majeure survenu avant l'expiration du délai de trois ans visé à l'ancien article 710 du CGI, l'empêchait de respecter l'engagement prévu à ce texte, l'acquéreur ne bénéficiait plus simplement du maintien du régime de faveur.
Il était admis, s'il le préférait, à se placer rétroactivement sous le régime de la TVA, sans que la situation du vendeur au regard de l'imposition de la plus-value éventuellement réalisée soit remise en cause. Bien entendu, l'empêchement invoqué ne pouvait être regardé comme un cas de force majeure qu'à la double condition de résulter d'un événement imprévisible, insurmontable et indépendant de la volonté de l'acquéreur et de constituer la cause déterminante de la rupture de l'engagement souscrit (cf. ci-dessus n° 136 ).
Ne constituait pas un cas de force majeure, la situation d'une société ayant acquis un immeuble sous le bénéfice du régime de faveur de l'ancien article 710 du CGI qui, dans le courant de l'année suivante, entreprenait des travaux de restructuration et demandait à se placer sous le régime de la TVA immobilière (CGI, art. 691 3 ) par application de la mesure de tolérance prévue ci-dessus, dès lors que les travaux de reconstruction n'étaient nullement imprévisibles lors de l'acquisition (Cass. com., arrêt du 11 juillet 1988, affaire SCI du 21, rue Pierre-le-Gorrec).
Observations : En l'espèce, le tribunal avait retenu :
- qu'en raison de la vétusté de l'immeuble considéré, l'acquéreur était à même, avant de procéder à son achat, de se rendre compte du mauvais état des planches en bois ;
- qu'il n'avait pas manqué d'inspecter en détail cet immeuble puisqu'il se proposait de le restaurer en conservant ses structures ; que si tel n'était pas le cas, il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même de son imprudence.
2° Le changement d'option n'avait pas d'incidence sur la situation fiscale du vendeur.
147D'une manière plus générale, le changement d'option pouvait également intervenir pour quelque motif que ce soit, dès l'instant qu'il était sans incidence sur la situation fiscale du cédant.
Il en était ainsi, bien entendu, lorsque la cession des biens considérés n'avait pas dégagé de plus-value. Il en était de même, lorsqu'une plus-value ayant été réalisée, celle-ci :
- ou bien avait déjà été taxée à l'impôt sur le revenu ;
- ou bien n'était pas imposable et n'affectait en rien les modalités d'imposition des autres plus-values réalisées par le contribuable depuis la vente de l'immeuble.
3° Remarques communes.
148La substitution du régime prévu à l'article 691 3 du CGI à celui de l'ancien article 710 du même code ne pouvait être accordée à l'acquéreur qui avait revendu l'immeuble avant ou après sa démolition, mais avant qu'une construction nouvelle ait été édifiée.
D'autre part, la substitution de régime, dans le cas où elle était possible, n'était pas subordonnée à la condition que l'immeuble construit par l'acquéreur initial soit affecté à l'habitation.
b. Modalités d'application.
149La substitution à l'impôt de mutation de la TVA était subordonnée soit à l'établissement d'un acte complémentaire contenant, outre la révocation par l'acquéreur de son option initiale, l'engagement par celui-ci d'édifier une construction nouvelle sur le terrain considéré, dans le délai de quatre ans à compter de la date d'acquisition, soit à la production des justifications prévues à l'article 266 bis de l'annexe III au CGI (cf. DB 8 A 1621, n os 10 et suiv.)
En outre, l'acquéreur devait, s'il y avait lieu, renoncer expressément à la prescription qui lui était acquise.
150Dans tous les cas indiqués ci-dessus, où la situation fiscale du cédant devait être prise en considération, celui-ci devait comparaître à l'acte :
- soit pour y déclarer n'avoir pas réalisé de plus-value ;
- soit pour préciser les conditions dans lesquelles celle-ci avait été imposée ;
- soit pour déclarer n'être pas imposable à l'impôt sur le revenu au titre de la plus-value.
151L'enregistrement de l'acte complémentaire à la recette des impôts donnait lieu à la rédaction d'un extrait dont un duplicata était transmis à l'inspection du lieu de situation de l'immeuble, en vue de la surveillance de la construction nouvelle.
152Sous réserve du paiement préalable de la TVA, l'impôt de mutation, insusceptible de compensation avec la TVA, était restitué sur la demande de l'acquéreur déposée dans le délai de réclamation prévu à l'article R* 196-1 du livre des procédures fiscales, éventuellement prorogé du délai de dégrèvement d'office fixé par l'article R* 211-1 du même livre, calculé à compter de la date de l'assujettissement à la formalité de l'acte d'acquisition. Cette restitution, qui ne pouvait être prononcée que dans la mesure où l'acquéreur se trouvait réellement dans l'une des situations énumérées ci-dessus, était subordonnée- à la vérification de l'exactitude des déclarations faites par le cédant dans l'acte complémentaire.
Toutefois, les redevables pouvaient limiter le versement de la TVA à la somme excédant éventuellement le montant de l'impôt de mutation déjà payé. Dans cette situation, l'impôt de mutation faisait l'objet d'un ordre de restitution établi au profit du receveur compétent, à charge pour ce dernier de prendre la somme correspondante en recette au titre de la TVA.
153Bien entendu, dès lors que le régime de la TVA atteignait rétroactivement la mutation considérée, l'imposition supplémentaire prévue à l'ancien article 1840 G quater du CGI n'était pas réclamée.
ANNEXE I
Com. 12 juillet 1993 (Bull. IV, n° 300, p. 214) :
« Sur le second moyen :
Vu l'article 710, alinéa 1er, du code général des impôts ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le taux de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement est réduit pour l'acquisition d'immeubles ou de fractions d'immeubles destinés à l'habitation, à la condition que l'acquéreur, qui doit en prendre l'engagement, ne les affecte pas à un autre usage pendant une durée minimale de trois ans ;
Attendu, selon le jugement attaqué, qu'une personne morale à but non lucratif, l'association Fiai (l'association), qui avait pris l'engagement dans l'acte d'achat d'un immeuble à usage d'habitation, a néanmoins affecté les locaux à usage de bureaux ; que l'administration des impôts a procédé à un redressement puis a rejeté la réclamation de l'association ; que celle-ci a formé devant le tribunal de grande instance opposition à l'avis de mise en recouvrement des droits résultant du redressement ;
Attendu que, pour accueillir cette demande, le jugement retient que, dans la mesure où il n'est pas soutenu que l'association ait affecté ses locaux à un but lucratif, il n'y a pas lieu, pour lui refuser le taux réduit, de s'attacher à la destination réelle des lieux ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le caractère non lucratif du but de l'association n'avait pas pour effet de la soustraire à l'obligation de respecter l'affectation des locaux à usage d'habitation, le tribunal a violé le texte légal susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE... »
ANNEXE II
Com. 4 octobre 1994 (Bull. IV, n° 273, p. 218) :
« Attendu, selon les énonciations du jugement attaqué, que M. X... a acquis le 2 janvier 1978 un immeuble en se plaçant sous le régime de l'article 710 du Code général des impôts, s'engageant à ne pas affecter à un usage autre que d'habitation les cinq étages de l'immeuble ; qu'ayant consenti le 25 janvier 1980 un bail commercial sur l'immeuble, il a fait l'objet d'un redressement, l'administration des Impôts estimant que l'engagement n'avait pas été tenu ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu que M. X... reproche au jugement d'avoir déclaré régulière la procédure de redressement, alors, selon le moyen, d'une part, que l'enregistrement d'un bail commercial et l'avis de mise en recouvrement pour la construction de locaux situés dans l'immeuble objet de ce bail révélaient suffisamment à l'administration l'exigibilité des droits résultant de la méconnaissance par le contribuable de l'engagement d'affectation à usage d'habitation pris lors de l'achat de cet immeuble, sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures ; qu'en déclarant le contraire et en déduisant que seule la prescription décennale, et non la prescription abrégée, était applicable en l'espèce, le Tribunal a violé les articles L. 180 et L. 186 du Livre des procédures fiscales ; alors d'autre part qu'en déclarant que l'administration était dans la nécessité d'opérer un rapprochement entre l'acte d'enregistrement du bail, l'avis de mise en recouvrement et l'acte d'acquisition de l'immeuble, sans rechercher si cet acte d'enregistrement ne se référait pas à l'acte d'acquisition, ce qui eût révélé suffisamment à l'administration l'exigibilité des droits, le Tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 180 et L. 186 du Livre des procédures fiscales et alors, enfin, que lorsque le contrôle dont le contribuable a fait l'objet ne s'est pas limité à une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble mais a également comporté une vérification de comptabilité, ledit contribuable est en droit d'invoquer l'irrégularité de cette dernière ; qu'en retenant le contraire, et en le déclarant en conséquence mal fondé à se prévaloir du vide de procédure consistant en ce que le complément de droit relatif à l'acquisition du 2 novembre 1978 avait pris sa source dans une vérification de comptabilité affectant une période sans rapport avec cette date d'acquisition, le Tribunal a violé les articles L, 16 et L. 47 du Livre des procédures fiscales ;
Mais attendu, d'une part, que le Tribunal a relevé qu'il n'était pas possible qu'à la date de l'enregistrement de l'acte d'acquisition, l'administration ait pu connaître que l'engagement alors pris ne serait pas tenu, le bail commercial n'ayant été conclu que deux ans plus tard, qu'il a ainsi décidé justement qu'en raison des investigations complémentaires et des rapprochements avec d'autres actes auxquels devait procéder l'administration des Impôts, le délai normal de prescription du droit de reprise de l'administration devait s'appliquer ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que la vérification litigieuse n'avait pas comporté la mise en oeuvre d'une procédure de vérification de comptabilité, le Tribunal a pu écarter le grief tiré de l'irrégularité d'une telle procédure ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé en ses trois premières branches ;
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Attendu que M. X... reproche encore au jugement d'avoir dit non fondée sa demande alors, selon le pourvoi, que si l'acquéreur se trouve déchu du régime de faveur institué par l'article 710 du Code général des impôts lorsqu'il affecte l'immeuble ou une partie de l'immeuble à un usage, autre que l'habitation antérieurement à l'expiration d'un délai de trois ans à compter de l'acquisition, il convient à cet égard de prendre en considération la situation de l'affectation réelle de l'immeuble en cause et non la simple intention des parties ; qu'il résulte des propres énonciations du jugement que, nonobstant la circonstance qu'il avait loué l'immeuble pour un usage commercial avant l'expiration de ce délai, cet immeuble n'avait néanmoins pas été affecté à un tel usage ; qu'en déclarant cependant fondé le redressement à lui notifié, le tribunal a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1840 quater du même code ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... avait, en louant l'immeuble pour un usage commercial, moins de trois ans après son acquisition, modifié ainsi son affectation, le Tribunal a retenu à bon droit qu'il n'avait pas respecté son engagement, n'important pas que le locataire ait ou non procédé à l'exploitation autorisée par le contrat ; que le grief n'est donc pas fondé ;
Mais sur la cinquième branche du moyen :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, dans ses écritures, M. X... avait fait valoir subsidiairement que, même s'il y avait eu inexécution, elle ne serait en tout état de cause que partielle, car le bail stipulait que le cinquième étage de l'immeuble resterait affecté à l'habitation ;
Attendu qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le tribunal n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE... »
1 L'article 691 a été transféré sous le A de l'article 1594-0 G du CGI.
2 Ce droit supplémentaire était susceptible de remise ou modération (cf. ci-dessus n° 142 ).
3 L'article 691 a été transféré sous le A de l'article 1594-0 G du CGI.