Date de début de publication du BOI : 15/12/1988
Identifiant juridique : 6B33
Références du document :  6B33

CHAPITRE 3 IMPOSITION AU NOM DE TITULAIRES DE DROITS SPÉCIAUX


CHAPITRE 3

IMPOSITION AU NOM DE TITULAIRES
DE DROITS SPÉCIAUX


1Dans certains cas de démembrement du droit de propriété, l'imposition à la taxe foncière sur les propriétés non bâties est assurée au nom des titulaires de droits spéciaux.

1. Usufruit.

2En cas d'usufruit les droits du propriétaire sur les fruits et revenus sont annihilés temporairement et sans compensation ultérieure. C'est l'usufruitier qui jouit des revenus de l'immeuble et c'est lui qui est imposable (CGI, art. 1400-II). Son nom et son adresse figurent au rôle à la suite de la désignation du nu-propriétaire.

Exemple : M. Honorat Jean, nu-propriétaire à Vence, par M. Morel Aguste, usufruitier, 10, rue Rève-Vieille à Grasse.

3Toutefois, l'indication du nom du nu-propriétaire sur le rôle n'a pas pour effet de rendre ce dernier solidaire de l'usufruitier pour le paiement de l'impôt

2. Emphytéose.

4Le bail emphytéotique est un bail d'une durée de dix-huit à quatre-vingt-dix-neuf ans entraînant l'attribution d'un droit réel au preneur (emphytéote), ce dernier se trouvant entièrement substitué au propriétaire dans les droits et charges inhérents au fonds.

La cotisation à la taxe foncière est donc établie au nom de l'emphytéote (CGI, art. 1400-II) dont la désignation figure au rôle après celle du propriétaire.

3. Antichrèse.

5L'antichrèse est un contrat par lequel un créancier acquiert la faculté de percevoir les fruits d'un immeuble à la charge de les imputer annuellement sur les intérêts, s'il lui en est dû, puis sur le capital de sa créance (Code civil, art. 2085).

Le créancier est tenu, s'il n'en est convenu autrement de payer la taxe foncière recouvrée à raison de l'immeuble qu'il tient en antichrèse. Comme dans l'usufruit, le nom de l'antichrésiste est porté au rôle après le nom du propriétaire.

4. Bail à construction.

6Constitue un « bail à construction », le bail par lequel le preneur s'engage à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d'entretien pendant toute la durée du bail.

Ce bail est conclu pour une durée comprise entre dix-huit et soixante-dix ans, sans toutefois pouvoir se prolonger par tacite reconduction.

Il confère au preneur, pendant toute la durée pour laquelle il a été conclu, un droit réel immobilier qui excède par conséquent celui d'un simple locataire.

Le preneur est donc tenu de toutes les charges et taxes afférentes tant aux constructions qu'au terrain.

Par suite. lorsqu'un immeuble imposé à la taxe foncière sur les propriétés non bâties fait l'objet d'un bail à construction, la cotisation est établie au nom du preneur (CGI. art. 1400-II).

5. Bail à domaine congéable.

7Le bail à convenant ou à domaine congéable, en usage dans certains départements (Côtes-du-Nord, Finistère, Morbihan). est une forme particulière de louage par laquelle le bailleur ou « foncier » concède à un preneur appelé « tenuyer » ou « domanier » une terre nue moyennant le paiement d'une « rente convenancière » et de « commissions ». En cas de « congément » ou d'« expense », c'est-à-dire de cessation du bail par la volonté de l'une ou l'autre des parties, le foncier doit payer au tenuyer le prix des édifices et des superficies (bâtiments, arbres...) élevés par ce dernier sur le sol.

La répartition de l'impôt entre le foncier et le tenuyer a lieu dans des proportions très variables suivant les localités et les conventions intervenues entre les parties.

La propriété de la tenure étant divisée entre deux personnes dont les droits sont distincts, il s'ensuit que toutes deux sont contribuables 1 .

Sur la matrice cadastrale, des comptes particuliers sont ouverts indiquant, à la suite du nom du propriétaire foncier, celui du tenuyer ; ce dernier acquitte la taxe foncière, sauf à retenir au foncier, sur la redevance convenancière, la portion de cette contribution relative à la redevance 2 .

6. Sociétés immobilières en copropriété. - Principe de la transparence fiscale.

8Les sociétés ayant, en fait, pour unique objet soit la construction ou l'acquisition d'immeubles ou de groupes d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance, soit la gestion de ces immeubles ou groupes d'immeubles, ainsi divisés, sont réputées, quelle que soit leur forme juridique, ne pas avoir de personnalité distincte de celle de leurs membres pour l'application des impôts directs (CGI, art. 1655 ter ).

Il s'ensuit que les membres des sociétés immobilières de copropriété sont considérés comme propriétaires de l'immeuble ou de la fraction d'immeuble correspondant à leurs droits sociaux et que la taxe foncière doit être établie au nom de chaque associé pour la part qui lui revient.

S'agissant d'immeubles non bâtis, les terrains constituant des dépendances d'ensemble immobilier soumises à la taxe foncière sur les propriétés non bâties font l'objet d'une imposition globale au nom des associés, l'article collectif pouvant être libellé par exemple sous la forme : « Les associés de la Société immobilière Y... à Z... ».

7. Droit d'usage.

9Le droit d'usage est le droit de retirer les fruits ou d'occuper les lieux mais seulement pour ses besoins et ceux de sa famille.

Lorsque la propriété est grevée d'un droit d'usage, l'usager est tenu au paiement de la taxe foncière dans la proportion de sa jouissance (Code civil, art. 635).

Toutefois, il ne doit pas figurer au rôle pour la raison qu'il n'est pas débiteur direct du Trésor, mais seulement responsable vis-à-vis du propriétaire 3 .

8. Droits d'assec et d'évolage.

10Les étangs de la région des Dombes, dans le département de l'Ain, donnent généralement lieu à un démembrement de la propriété entre deux catégories distinctes de droits immobiliers, à savoir : le droit d'assec et le droit d'évolage. Ces droits appartiennent fréquemment à des propriétaires différents.

Les parcelles en nature d'étang sont soumises à un assolement, le plus souvent triennal : deux années d'évolage pendant lesquelles l'étang mis en eau est utilisé pour l'élevage du poisson, et une année d'assec au cours de laquelle les parcelles sont cultivées en céréales.

Chaque droit d'assec est cantonné sur une parcelle bien déterminée destinée à être mise en culture : par contre, les titulaires du droit d'évolage ont vocation, chacun pour ce qui le concerne, à une quote-part, nécessairement indivise, du droit d'exploiter la totalité de l'étang lorsque ce dernier est mis en eau.

Les droits d'assec et les droits d'évolage étaient distingués à la matrice cadastrale ; chaque titulaire de l'un de ces droits était imposé séparément à la contribution foncière des propriétés non bâties et une même parcelle pouvait figurer à plusieurs comptes individuels.

À l'occasion des opérations d'informatisation de la documentation cadastrale, il est apparu que cette manière de faire n'était pas conforme aux dispositions du CGI.

En effet, aux termes des articles 1393 et 1400 du CGI, c'est la « propriété » qui constitue l'unité d'imposition ; chaque unité foncière doit donc faire l'objet d'une imposition unique, quel que soit le nombre des ayants droit.

L'application de ces dispositions et la nécessité d'assigner à chaque propriété une assise territoriale intangible ont conduit, pour l'assiette de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, à ouvrir autant de comptes à la matrice cadastrale qu'il existe de parcelles d'étang ou de groupes de parcelles sur lesquels s'exerce un droit d'assec distinct ; chacune des parcelles en cause figure donc à un seul compte, même dans le cas où le droit d'évolage n'appartient pas au titulaire du droit d'assec.

Chaque compte est libellé en fonction de la répartition du droit d'évolage, le titulaire du droit d'assec étant inscrit en premier lieu.

Dans le cas où pour une parcelle ou un groupe de parcelles sur lequel s'exerce un droit d'assec divis, il n'existe que deux titulaires du droit d'évolage indivis, le compte est libellé sous la forme : « M. X... à ..., M. Y... à ... et M. Z... à ... ».

Par contre, si les titulaires du droit d'évolage indivis sont au nombre de trois (ou plus), le compte est libellé sous la forme : « M. X... à ... et copropriétaires ».

L'imposition à la taxe foncière sur les propriétés non bâties est alors établie au nom du titulaire du droit d'assec auquel il appartient de solliciter des titulaires du droit d'évolage afférent aux mêmes parcelles le remboursement de la part de taxe foncière leur incombant.

Le Conseil d'État en rejetant les prétentions de requérants visant à obtenir la rectification des documents cadastraux de manière que les droits d'assec et d'évolage figurent à nouveau à des comptes distincts selon les errements en vigueur avant l'informatisation desdits documents, a considéré qu'un étang sur lequel s'exerce concurremment un droit d'assec et un droit d'évolage constitue bien une seule propriété dont la jouissance est répartie dans le temps entre les titulaires de ces deux droits.

Il s'agit d'une formule originale de répartition des attributs du droit de propriété et l'Administration fiscale n'a pas à rechercher la nature exacte des rapports juridiques existant entre les titulaires de droits réels sur une même unité foncière (CE, arrêt du 9 novembre 1977, req. n° 3803, RJ III, p. 179).

 

1   Recueil méthodique des lois et règlements sur le cadastre, art. 196.

2   ibid., art. 813.

3   Le droit limitatif d'usage et de jouissance sur des bois « crûs et à croître » ne peut. en particulier, être assimilé à un droit d'usufruit au sens de l'article 1400 du CGI et les parcelles qui en sont grevées doivent, par suite. être imposées au nom de leur propriétaire (CE, arrêt du 27 juin 1973. X... , Jura. RJ, n° III, p. 110).