Date de début de publication du BOI : 15/09/2000
Identifiant juridique : 5G1144
Références du document :  5G1144

SOUS-SECTION 4 REVENUS DIVERS


SOUS-SECTION 4

Revenus divers


1L'article 92 du CGI permet de soumettre à l'impôt sur le revenu, au titre des bénéfices non commerciaux, tous les bénéfices ou profits provenant d'occupations ou d'opérations lucratives à la condition que les sommes perçues ne soient pas rattachables à une autre catégorie de revenus.

2Cet article permet aussi d'appréhender un certain nombre de revenus non dénommés et de profits divers, parfois accidentels ou occasionnels, sous réserve que la source de ces profits ou revenus soit susceptible de renouvellement.

Le point de savoir si une somme déterminée présente ou non le caractère d'un revenu non commercial imposable est une question de fait que seul un examen des conditions, qui sont à l'origine de son versement, peut permettre de résoudre, dans chaque cas d'espèce.

3Quelques décisions jurisprudentielles sont présentées ci-après, à titre d'exemples, en vue d'illustrer le principe qui vient d'être exposé. La liste dressée n'est donc pas limitative.

Ainsi :

4- est passible de l'impôt sur le revenu dans la catégorie définie à l'article 92-1 du CGI le profit qu'un contribuable a réalisé en prêtant son entremise à la conclusion d'un marché, dès lors que ce profit constituait la rémunération de la seule activité de l'intéressé et était, par suite, susceptible de se renouveler (CE, arrêt du 20 octobre 1941, req. n° 68177, RO, p. 298).

La circonstance qu'une opération d'entremise soit demeurée unique ne fait pas obstacle à ce que les commissions perçues à cette occasion soient regardées comme des bénéfices non commerciaux en application des dispositions de l'article 92-1 du CGI (CE, arrêt du 2 mars 1979, req. n° 5712 ; RJ IV, p. 13) ;

5- un contribuable, qui est intervenu -dans les pourparlers ayant précédé la vente d'un hôtel appartenant à son employeur en fournissant à l'acquéreur éventuel des renseignements confidentiels sur la gestion de l'affaire, ne peut être regardé comme ayant exercé, de ce chef, une activité entrant dans le cadre de son contrat de louage de services. La rémunération reçue par l'intéressé en contrepartie de cette activité qui pouvait se renouveler - encore qu'elle n'ait eu, en fait, qu'un caractère accidentel - doit être regardée non comme un salaire, mais comme le revenu d'une profession non commerciale (CE, arrêt du 18 février 1956, req. n° 92316, RO, p. 31) ;

6- un contribuable qui, par des démarches et des diligences renouvelées pendant plusieurs années, a facilité à une société l'acquisition d'actions et de créances détenues par une autre société doit, encore que sa rémunération ne lui ait pas été versée par fractions annuelles mais en une seule fois, être regardé comme ayant exercé une activité dont les profits sont assimilés aux bénéfices des professions non commerciales (CE, arrêt du 21 décembre 1959, req. n° 40675, RO, p. 529) ;

7- constitue une occupation lucrative dont les profits sont assimilés par l'article 92 du CGI aux bénéfices des professions non commerciales, la participation, moyennant rétribution, d'un avoué honoraire aux opérations de liquidation d'une succession importante (CE, arrêt du 28 octobre 1959, req. n° 41904, RO, p. 491) ;

8- le profit retiré par un contribuable de l'encaissement, moyennant commission, de chèques émis au nom de tiers de nationalité étrangère ne disposant pas d'un compte bancaire en France, doit être regardé comme constituant pour l'intéressé un gain passible de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (CE, arrêt du 26 mars 1965, req. n° 59217, RO, p. 327) ;

9- un contribuable avait fait apport à deux sociétés civiles immobilières, constituées entre lui-même et divers groupes financiers, de divers éléments tels que promesse de vente de terrains, contrats d'architectes et d'entrepreneurs, engagements et accords gouvernementaux, et reçu, en représentation desdits apports, un certain nombre de parts dont la cession était subordonnée à l'accord des autres associés. Il a été jugé que la fraction de la valeur des parts reçues par l'intéressé qui avait pour objet de rémunérer les démarches et diligences accomplies par lui pour réunir les éléments de capital apportés -à l'exclusion de celle correspondant aux éléments apportés eux-mêmes, qui, étant négociables, représentaient une valeur en capital - a le caractère d'un revenu au sens de l'article 92 du CGI. Il a été décidé, par ailleurs, que la valeur vénale réelle des parts attribuées au contribuable ne pouvait être inférieure à leur valeur nominale dès lors que les associés effectuant un apport en numéraire ont versé, lors de la souscription de leurs parts, la somme correspondant à la valeur nominale de ces dernières (CE, arrêt du 29 octobre 1971, req. n° 68613, R.J., III, p. 196) ;

10- est passible de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, la redevance annuelle qu'une veuve reçoit d'une société tant en rémunération des services rendus par son mari qu'en compensation de sa renonciation et de celle de ses fils à toute activité susceptible de concurrencer l'exploitation de ladite société (CE, arrêt du 2 mars 1942, req. n°s 62926 et 64290, RO, p. 75).

Remarque : La redevance était calculée d'après le montant des ventes de la société.

11- les revenus perçus en vertu d'une convention accordant à une société une exclusivité sur la vente de terrains sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (CE, arrêt du 27 juin 1990, n° 65439) ;

12- la créance recouvrée par un héritier et que le défunt détenait sur une cliente de son entreprise non commerciale ne constitue pas un revenu imposable au titre des bénéfices non commerciaux, dès lors que, figurant dans le patrimoine successoral, elle a été acquise à titre gratuit et qu'elle ne rémunérait pas, même pour partie, des services rendus personnellement par l'héritier à la cliente du défunt (CE, arrêt du 7 mai 1980, req. n° 7948 ; RJ III, p. 63) ;

13- le profit retiré par un contribuable de la revente d'actions constitue pour l'intéressé un revenu assimilable à un bénéfice non commercial dès lors que, des conditions particulières dans lesquelles ont été opérés les transferts desdites actions, il résulte que ce profit constitue, non un bénéfice provenant de l'achat suivi de la revente des titres en cause, mais la rémunération des services rendus par le contribuable dont l'intervention a, en fait, permis le regroupement des activités de deux sociétés commerciales (CE, arrêt du 16 octobre 1964, req. n° 57439, RO, p. 168) ;

14- un contribuable avait obtenu, moyennant le versement d'une somme à fonds perdus, que lui soient versées directement les redevances annuelles dues par une entreprise à une autre entreprise à raison des services rendus par cette dernière à la débitrice. Il a été jugé que le profit retiré de cette opération constitue, pour l'intéressé, non un gain en capital, mais une source de profit, au sens de l'article 92 du CGI, soumise par ledit article à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (CE, arrêt du 23 novembre 1964, req. n° 53912, RO. p. 192) ;

15- un contribuable qui a prêté son nom pour la réalisation d'emprunts et de prêts fictifs destinés à permettre à une société de réaliser une opération financière et perçu à cette occasion une importante rémunération, doit être regardé, dès lors que cette opération de prête-nom, bien qu'elle ne relevât pas d'une activité professionnelle, était susceptible de se renouveler, comme ayant réalisé un revenu provenant d'une source de profit, au sens de l'article 92 du CGI, et assimilable à un bénéfice non commercial (CE, arrêt du 30 juin 1971, req. n° 80372, RJ. III, p. 159) ;

16- un contribuable, comptable agréé auprès d'une société ayant déposé son bilan et conclu avec ses créanciers un concordat, qui a racheté certaines des créances concordataires, moyennant des prix très inférieurs à leur valeur nominale en raison du caractère aléatoire de leur règlement, puis qui, devenu un actionnaire important de ladite société, a pris, en cette qualité, les dispositions nécessaires pour recouvrer intégralement ces créances, doit être regardé comme s'étant livré à une « exploitation lucrative » » dont les profits sont assimilés à des bénéfices non commerciaux par l'article 92-1 du CGI (CE, arrêt du 19 avril 1972, req. n° 80768, RJ III, p. 93).

Dans le même sens, voir Conseil d'État, arrêt du 23 février 1977, req. n° 97450, 7e et 8e sous-sections  ;

17- le bénéfice qu'un contribuable a réalisé en réussissant à recouvrer pour son montant nominal une créance sur une société qu'il avait acquise peu de temps auparavant pour un prix inférieur, doit être regardé comme provenant d'une « exploitation lucrative » » dont les profits sont assimilés à des bénéfices non commerciaux, dès lors qu'il trouve son origine dans l'activité déployée par l'intéressé pour redresser la situation financière de cette société (CE, arrêt du 24 juillet 1981, req. n° 16693).

Remarque  : Le contribuable était actionnaire et dirigeant de la société lors de l'achat de la créance détenue sur elle par un tiers ; devenu ensuite dirigeant d'une autre société, celle-ci avait alors accordé des facilités à la première.

18- le profit retiré par un contribuable de la revente d'une partie des actions d'une société anonyme, qu'il avait achetées quelques mois plus tôt, et qui trouve son origine dans l'activité déployée par l'intéressé pour redresser la situation de la société, doit être regardé comme un bénéfice provenant d'une occupation ou d'une exploitation lucrative, assimilé aux bénéfices non commerciaux en vertu de l'article 92-1 du CGI 1 .

L'intéressé s'était spécialisé dans la prise de participations majoritaires dans des sociétés dont les titres n'étaient pas cotés en bourse et qui éprouvaient des difficultés de trésorerie ou même se trouvaient au bord de la liquidation. Il assainissait et réorganisait ces entreprises et cédait ensuite des paquets de titres en réalisant d'importantes plus-values (CE, arrêt du 3 novembre 1972, req. n° 81821, RJ, n° III, p. 173) ;

19- la somme représentant la rémunération des études et démarches effectuées par un contribuable pour le compte d'une société, avant d'en devenir actionnaire et président-directeur général, et portée au crédit d'un compte ouvert à son nom dans les écritures sociales, constitue, par application des dispositions de l'article 92-1 du CGI, un bénéfice non commercial (CE, arrêt du 7 novembre 1975, req. n° 85284, RJ, n° III, p. 181) ;

20- pour le règlement de ses dettes une société ayant déposé son bilan avait obtenu un concordat. Le président-directeur général de cette société, grâce aux moyens dont il disposait en raison de ses fonctions, avait racheté une créance concordataire pour un prix très inférieur à son montant nominal en raison du caractère aléatoire de son règlement et pris les dispositions nécessaires pour en assurer le recouvrement. Jugé que le profit réalisé à cette occasion par l'intéressé doit être regardé comme provenant d'une « exploitation lucrative » » au sens de l'article 92-1 du CGI (CE, arrêt du 5 mai 1976, req. n° 94359 ; RJ III, p. 88).

Remarque : Confirmation de la jurisprudence résultant de l'arrêt du 19 avril 1972, RJ volume n° III, page 93 (cf. n° 16 ci-dessus) ;

21- un contribuable avait opéré des versements successifs à une société en vue de bénéficier des profits que ladite société faisait prévoir comme résultat de ses opérations d'achat et de vente d'or et de monnaies métalliques. Il avait ensuite retiré les profits en question ainsi que la totalité des sommes déposées. Bien que n'ayant pas donné à la société d'ordres précis d'achat ou de vente, les initiatives qu'il a prises, d'une part, en effectuant ses divers dépôts, et, d'autre part, en procédant aux retraits susmentionnés, le rendent passible de l'impôt sur le revenu en application de l'article 92-1 du CGI (CE, arrêt du 2 février 1977, req. n° 1817, 8e et 9e s.-s.) ;

22- un contribuable avait donné à un intermédiaire, de façon répétée, des instructions de vendre et d'acheter pour son compte des valeurs mobilières. Cet intermédiaire, tout en détournant vers d'autres emplois les fonds que lui avait remis son mandant, avait fait à ce dernier plusieurs paiements représentant le produit des ventes auxquelles il était censé avoir procédé. Les sommes reçues par le contribuable excédant celles qu'il avait versées, jugé que les profits ainsi réalisés étaient imposables en vertu de l'article 92 du CGI, qui assimile à des bénéfices non commerciaux toutes les sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (CE, arrêt du 5 novembre 1975, req. n° 86745, RJ, n° III, p. 178).

Remarque  : Dans deux affaires ayant donné lieu à des arrêts du 17 novembre 1972 (RJ, volume n° III, p. 189), le Conseil d'État a eu à examiner le cas de contribuables qui avaient remis des fonds à un tiers et convenu avec lui que ces fonds seraient employés à des opérations d'achat et de revente d'or pour leur compte sur leur ordre. Ce tiers n'ayant pas exécuté les ordres reçus et ayant détourné à son profit personnel la plus grande partie des fonds versés, le Conseil d'État a jugé que les déposants n'étaient pas imposables à raison des profits que le dépositaire avait fictivement inscrits à leur compte puisqu'ils n'avaient pu en avoir la disposition.

En revanche, ceux d'entre eux qui, avant que l'escroquerie ne soit découverte, avaient retiré de leur compte la totalité des sommes versées ou, en tout cas, des sommes supérieures à celles qu'ils avaient déposées ont été considérés par la Haute Assemblée comme imposables à raison des profits ainsi réalisés, qui constituent des revenus provenant d'« occupations, exploitations lucratives et sources de profits » au sens de l'article 92 du CGI (CE, arrêt du 15 octobre 1975, req. n° 95974).

La présente décision s'inscrit dans la ligne de ce dernier arrêt.

23- deux personnes avaient constitué le 3 avril 1964 une société civile immobilière ayant pour objet d'acquérir un terrain en vue d'y édifier un immeuble d'habitation, et s'étaient réservées dans les statuts un « droit préférentiel de souscription » à toute augmentation du capital social. Après acquisition du terrain, les intéressés avaient autorisé la gérance à augmenter le capital en vue de le porter au montant nécessaire à la réalisation de l'objet social ; puis, le 11 mai 1964, ils avaient cédé leur « droit préférentiel de souscription » pour un prix de 600 000 F à une société de promotion immobilière.

Le service avait considéré que la société civile relevant du régime de la transparence fiscale codifié à l'article 1655 ter du CGI, les associés devaient être regardés comme ayant cédé une partie de l'actif immobilier de la société et que, par suite, le profit réalisé par eux était imposable dans les conditions prévues par l'ancien article 35 A du CGI (abrogé à compter du 1er janvier 1982).

Mais, les deux associés étant tenus, eu égard à la forme juridique de la société, de répondre aux appels de fonds nécessaires à la réalisation de l'objet social, à moins d'admettre d'autres associés apportant les fonds voulus, le Conseil d'État a estimé qu'en cédant leur « droit de souscription » les intéressés ont en réalité admis l'entrée d'un tiers dans la société civile et que, par conséquent, la somme qu'ils avaient perçue à cette occasion ne correspondait pas à la cession d'un droit sur l'actif immobilier de la société.

Toutefois, la Haute Assemblée a jugé que le profit retiré de cette opération était imposable en vertu de l'article 92 du CGI comme provenant d'une opération lucrative.

En raison notamment du très court délai qui a séparé la constitution de la société de la cession du « droit préférentiel de souscription », le Conseil d'État a estimé que les deux associés devaient être regardés comme s'étant réservés ce droit à seule fin de le céder moyennant rémunération et qu'ainsi la somme perçue avait rémunéré les démarches et diligences accomplies par les associés (CE, arrêt du 27 avril 1977, req. n° 94874 ; RJ III, p. 79) ;

24- l'Administration avait établi l'existence, au cours de plusieurs années, d'un important accroissement du patrimoine d'un contribuable, gérant de société à responsabilité limitée. Cet accroissement n'était pas justifié, les allégations de l'intéressé, selon lesquelles l'enrichissement résulterait de libéralités à lui consenties par sa belle-mère se révélant non fondées, eu égard notamment au fait que la situation de fortune de celle-ci ne pouvait lui permettre de procéder à de telles libéralités. Le Conseil d'État a admis de considérer que le contribuable a réalisé des produits d'origine indéterminée relevant de la catégorie définie à l'article 92 du CGI sans pour autant que l'Administration ait à déterminer que l'intéressé aurait été l'attributaire de bénéfices occultes de la société (CE, arrêt du 24 mars 1976, req. n° 92875, 7e et 8e s.-s ; RJ IV, p. 24) ;

25- un contribuable n'avait pu justifier l'origine de sommes portées au crédit de ses comptes bancaires, alors même qu'une décision judiciaire l'avait déclaré coupable de banqueroute par emploi de moyens ruineux en vue de se procurer des fonds et paiements préférentiels. Cette décision ne l'avait cependant pas condamné pour détournement de l'actif social de la société à responsabilité limitée, dont il était associé. Ce contribuable est imposable à raison de ces sommes dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (aucune constatation quant aux sommes créditées n'avait été formulée par la juridiction judiciaire) [CE, arrêt du 16 février 1977, req. n° 94280, 7e et 9e s.-s.].

Dans le même sens, voir arrêt du Conseil d'État du 19 octobre 1977, req. n° 997, 7e et 9e sous-sections.

Dans cette espèce, l'Administration avait constaté, au cours d'une vérification de situation fiscale, une disproportion importante entre :

- d'une part, le revenu déclaré par un contribuable, salarié ainsi que son épouse ;

- et d'autre part, les sommes portées au crédit de divers comptes bancaires, ainsi que sur les livrets de caisse d'épargne des enfants issus d'un premier mariage.

Le Conseil d'État a jugé que, dès lors que l'intéressé n'établissait pas l'origine d'une fraction des mouvements ayant affecté ses comptes bancaires, l'Administration avait, à juste titre, pu regarder les sommes en cause comme provenant d'occupations, exploitations lucratives ou sources de profits et les imposer en tant que revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux ;

26- un contribuable dont les divers comptes bancaires ont été crédités, pendant trois années consécutives et souvent selon une périodicité régulière, de sommes d'un montant nettement supérieur aux revenus déclarés peut être regardé comme ayant exercé, au cours de ces années, une activité lucrative dont les revenus entrent dans le champ d'application des bénéfices non commerciaux défini à l'article 92-1 du CGI. À défaut de déclaration spéciale souscrite à ce titre, l'Administration est en droit d'arrêter d'office les bases d'imposition correspondantes en application de l'article 104 du même code 2 (CE, arrêt du 23 juin 1982, n° 25317).

Remarque : Malgré cette jurisprudence, il est recommandé au service, lorsqu'il aura réuni des éléments de nature à lui permettre d'établir qu'un contribuable a bénéficié de revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés et dont l'origine demeure indéterminée, de mettre en œuvre la procédure prévue aux articles L. 10, L. 16 et L. 69 du LPF (anciennement 176 et 179, al. 2 du CGI) en se conformant aux prescriptions données à cet égard (voir DB 5 B 8113 et 8122, et CE arrêt du 17 avril 1989, n° 56554).

27Le Conseil d'État a également décidé de l'imposition, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, de certains revenus ou profits. Tel est le cas notamment dans les situations suivantes :

28- sommes détournées par un salarié dans l'exercice de son activité (CE, arrêt du 29 novembre 1982, req. n° 28305). Dans le même sens, voir CE, arrêt du 16 février 1983, req. n° 30267.

29- lorsqu'un metteur en scène, salarié d'une société de production de films, revend à celle-ci les droits d'auteur qu'il possédait sur une œuvre littéraire, le profit qu'il retire de cette cession doit être regardé non comme un salaire, mais comme un gain occasionnel -provenant d'une opération renouvelable- qui, en vertu des dispositions de l'article 92 du CGI, doit être assimilé à un bénéfice non commercial (CE, arrêt du 29 janvier 1964, req. n° 53022, RO, p. 22).

Remarque  : Comparer l'arrêt du 18 février 1956, RO, p. 31 (cf. ci-dessus n° 5 ).

30- au cours d'une année, un contribuable avait acheté, à une société, de compte à demi avec une autre personne, un remblai de terre de 40 000 m 3 contenant des déchets de fer et de nickel. L'année suivante, les acquéreurs l'avaient revendu en l'état pour un prix très nettement supérieur au prix d'achat. Il a été jugé que si les opérations d'achat et de vente de métaux ci-dessus décrites ne ressortissaient pas à des transactions commerciales accomplies à titre professionnel, les profits nés de ces opérations, qui ne présentaient pas le caractère de gains en capital, étaient des revenus entrant dans les prévisions de l'article 92 du CGI (CE, arrêt du 6 juillet 1977, req. n° 98719, 7e et 9e s.-s.) ;

31- un contribuable exerçant « gratuitement » les fonctions d'administrateur de deux sociétés, mais recevant de celles-ci des indemnités pour frais de représentation, de mission et de déplacements, doit être regardé comme ayant perçu un profit présentant le caractère de bénéfices d'occupations lucratives imposables au titre de l'article 92 du CGI, dans la mesure où lesdites indemnités n'ont pas été utilisées conformément à leur objet et constituaient, en réalité la rémunération des divers soins et démarches que l'intéressé assurait, en sus de ses activités d'administrateur, dans l'intérêt des sociétés en cause (CE, arrêt du 29 juin 1977, req. n° 2173, 7e et 8e s.-s.) ;

32- une personne qui a perçu des sommes versées avec une périodicité régulière par un tiers à son compte bancaire, est imposable à raison de ces sommes regardées, conformément aux dispositions de l'article 92 du CGI, comme un revenu provenant d'une source de profit, alors que l'intéressée ne justifie pas son allégation selon laquelle il s'agirait de versements faits par son frère, domicilié à l'étranger, en contrepartie de l'hébergement et de l'entretien de la fille mineure de celui-ci demeurée en France afin de poursuivre ses études (CE, arrêt du 19 juillet 1975, req. n° 95592, 7e et 8e s.-s.) ;

33- une femme avait bénéficié pendant quatre années, de la part du même donateur, de cent dix versements de sommes qui avaient constitué ses moyens habituels d'existence et lui avaient permis, en outre, d'acquérir et d'aménager un appartement, une chambre de domestique et un garage particulier. Jugé que lesdites sommes, versées avec régularité et dont l'intéressée a eu la libre disposition, devaient être regardées, non comme un don manuel ou un cadeau en capital, mais comme des revenus entrant dans le champ d'application de l'article 92 du CGI (CE, arrêt du 14 mai 1965, req. n° 61358, RO, p. 343).

Remarque : Rapprocher arrêt du 13 novembre 1931, RO 5683 et arrêt du 2 décembre 1935, req. n° 44611, RO 6335.

34D'une manière plus générale, les sommes et avantages perçus par des personnes dont le train de vie et les besoins de l'existence sont assurés par des tiers, ne constituent, pour les bénéficiaires, des revenus assimilables à des bénéfices non commerciaux en vertu de l'article 92 du CGI que lorsque l'ensemble des circonstances fait ressortir que leur versement n'a pas le caractère d'une pure libéralité.

Remarque : En application de ce principe, le Conseil d'État a estimé que n'est pas taxable à l'impôt sur le revenu une femme célibataire vivant en concubinage avec le père de son enfant qui, étant en instance de divorce, pourvoyait à tous leurs besoins en versant des sommes dont le caractère de pure libéralité peut être tenu pour établi compte tenu des circonstances de l'affaire et notamment du mariage ultérieur des intéressés.

Au cas particulier, les sommes versées avaient permis à l'intéressée de rembourser les mensualités d'emprunts contractés pour l'acquisition, à son nom, d'une résidence principale et d'une résidence secondaire, lesquelles ont été incorporées ensuite dans la communauté conjugale (CE, arrêt du 25 novembre 1981, req. n° 15495, Ass. plén.).

À l'inverse, le Conseil d'État a jugé qu'entraient dans le champ d'application de l'impôt, les subsides et avantages qu'une femme célibataire avait reçus d'un tiers qui était marié, non séparé de corps de son épouse et résidait au domicile conjugal (CE, arrêt du 29 juillet 1983, req. n° 34223, Ass. plén.).

35La doctrine administrative a, par ailleurs, précisé, dans plusieurs espèces, les conditions d'imposition de certains profits ne se rattachant à aucune catégorie spécifique de revenus.

Ainsi :

36- la circonstance que les rémunérations - honoraires et vacations- versées par une administration publique à un fonctionnaire retraité, chargé de missions de contre-expertises de dommages de guerre pour le compte de l'État, sont assimilées, en vertu des dispositions de l'article L. 131 du code des pensions civiles et militaires 3 , à un traitement pour l'application des règles restrictives de cumul, n'a pas pour effet de modifier le caractère juridique de ces rémunérations et ne fait pas obstacle, dès lors, à ce que celles-ci soient rangées, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices des professions non commerciales, lorsque la législation fiscale permet de les considérer comme tels ;

37- les cessions de titres non cotés ne constituent pas des opérations de bourse au sens de l'article 92-2 du CGI. Ces plus-values peuvent être taxées, soit au titre des dispositions de l'article 150 A bis du CGI si l'actif de la société émettrice est principalement constitué d'immeubles, soit au titre de celles de l'article 160 du CGI, si le cédant, son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants détiennent plus de 25 % de droits dans la société, soit, enfin, au titre des bénéfices non commerciaux s'il s'avère, conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, que le bénéfice retiré de l'opération est dû à des démarches et des diligences qui lui confèrent le caractère d'une activité lucrative au sens de l'article 92-1 du code déjà cité. Si ces dernières conditions sont remplies, les plus-values seront taxées selon les modalités prévues à l'article 92-1 alors même que le cédant, son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants auraient détenu plus de 25 % des droits de la société (RM Muller, JO, déb. AN du 3 mars 1980, p. 822). Voir également : CE, arrêt du 6 février 1984, req. n° 20325 et ci-après DB 5 G 45 .

38On trouvera par ailleurs, à la DB 5 G 116 ci-après, une liste de professions et d'activités pour lesquelles des décisions particulières sont intervenues.

 

1   Rapprocher l'arrêt du 16 octobre 1964, RO, p. 168 (cf. ci-dessus n° 13 )

2   Actuellement, article L. 73-2° du LPF.

3   Il s'agit de l'article L. 131 de l'ancien Code des pensions. La règle de cumul des pensions et des rémunérations d'activité est, actuellement, définie aux articles L. 86 et R. 92 du Code des pensions civiles et militaires. La doctrine administrative, ci-dessus citée, demeure valable.