Date de début de publication du BOI : 01/09/1999
Identifiant juridique : 5B221
Références du document :  5B221
Annotations :  Lié au BOI 5E-1-07
Lié au BOI 5E-2-05

SECTION 1 NATURE DES DÉFICITS DÉDUCTIBLES

SECTION 1  

Nature des déficits déductibles

1L'article 156-I du CGI pose en principe que les déficits sont déductibles dès lors qu'ils ont été constatés dans une catégorie de revenus.

2Ce principe comporte toutefois un certain nombre de restrictions résultant soit du texte légal lui-même, soit de règles particulières de fixation du revenu imposable.

  A. DÉFICITS DÉDUCTIBLES DU REVENU GLOBAL

3L'article 156-I du code subordonne l'imputation ou le report des déficits à la condition qu'ils aient été constatés dans l'une des catégories de revenus retenues pour l'assiette de l'impôt.

4Il en résulte les conséquences suivantes.

  I. Le déficit déductible est nécessairement déterminé suivant les règles propres à la catégorie de revenus concernée

Ces règles sont étudiées en détail dans les différentes séries de la documentation de base. Il conviendra de s'y référer en tant que de besoin. On se bornera à faire ici deux remarques.

1. Le déficit déductible est un déficit « fiscal ».

5Aucun déficit ne peut, en principe, être constaté dans une catégorie de revenus évalués forfaitairement.

C'est ainsi qu'un contribuable dont les bénéfices commerciaux sont imposables selon le régime du forfait 1 ne peut prétendre faire constater un déficit susceptible d'être imputé sur son revenu global (CE, arrêts du 6 mars 1944, n° 68452, RO p. 63 ; du 14 octobre 1966, n° 66190, RO, p. 241 ; du 27 février 1974, n° 90438, RJ II, p. 51 ; du 29 juin 1977, n° 5003 et du 26 mai 1982, n° 24520).

De même, en l'absence d'option pour le régime du bénéfice réel, un exploitant agricole relevant du forfait ne peut demander la déduction de prétendus déficits agricoles (CE, arrêt du 6 juin 1969, n° 75126, RJCD, p. 132).

Enfin, un contribuable ne peut déduire de son revenu global l'insuffisance que présenterait la rente viagère d'invalidité perçue d'un organisme marocain à la suite d'un accident du travail dont il a été victime au Maroc.

En effet, cette insuffisance n'a pas le caractère d'un déficit au sens de l'article 156-I du CGI (CE, arrêt du 2 juin 1976, n° 97550).

2. L'existence du déficit et son montant doivent être justifiés.

6Le déficit subi dans une catégorie de revenus n'est imputable et, le cas échéant, reportable sur le revenu global des années suivantes que s'il a été effectivement constaté dans la déclaration de revenus afférente à l'année au cours de laquelle il a été subi (CE, arrêt du 23 juillet 1976, n° 98669).

Il appartient au contribuable d'établir l'existence et le montant du déficit qu'il entend déduire de son revenu global (CE, arrêts du 11 juin 1975, n° 89915 et du 17 décembre 1975, n° 90991).

Ainsi, un contribuable ne peut déduire de son revenu imposable les déficits qu'il prétend avoir subis dans des entreprises commerciales exploitées à l'étranger dès lors qu'il ne justifie ni l'origine, ni le montant, ni l'existence même des déficits allégués (CE, arrêt du 20 juillet 1971, n° 81067).

De même, il ne peut déduire de son revenu global le déficit qu'il prétend avoir subi au cours d'une année antérieure dans son exploitation, dès lors qu'il n'en établit pas l'existence : il résultait au contraire de l'instruction que l'intéressé avait été imposé d'office pour l'année en cause et n'avait pas présenté de réclamation contre cette imposition (CE, arrêt du 26 janvier 1972, n° 81432).

Enfin, il doit justifier l'existence des déficits catégoriels allégués, même s'ils se rapportent à des exercices antérieurs qui sont prescrits (CE, arrêt du 25 juillet 1980, n° 17677).

  II. Ne sont pas déductibles les déficits provenant d'opérations dont les résultats ne sont pas retenus pour l'assiette de l'impôt

7Les déficits afférents à des opérations ou activités qui n'entrent pas dans le champ d'application. de l'impôt ne peuvent être pris en considération pour la détermination du revenu imposable.

Exemples :

8- un contribuable ne peut déduire, dès lors qu'elle ne constitue pas un déficit d'exploitation, la perte subie du fait du non-remboursement par un tiers des capitaux qu'il lui avait prêtés. La convention intervenue avait, en effet, le caractère d'un prêt et non d'un acte d'association en participation (CE, arrêt du 23 janvier 1931, n° 659, RO, 5529) ;

- un commanditaire d'une société en commandite simple, condamné à acquitter solidairement, avec l'ex-associé gérant, le passif social pour s'être immiscé dans la gestion de l'entreprise, ne peut déduire de ses revenus le versement en cause : celui-ci ne représente pas, en effet, un déficit d'exploitation commerciale mais constitue une perte en capital (CE, arrêt du 9 février 1972, n° 81511) ;

- les dépenses relatives à des travaux d'aménagement effectués par le vendeur postérieurement à la cession d'un terrain ne peuvent être prises en compte pour dégager un déficit catégoriel déductible du revenu global, dès lors qu'elles ne sont pas liées nécessairement ou contractuellement à la réalisation de la plus-value et ne se rattachent à aucune autre catégorie de revenus imposables (CE, arrêt du 6 février 1981, n° 17921).

9De même, une somme versée par un contribuable aux créanciers de son entreprise en règlement judiciaire ne peut être regardée ni comme un déficit ni comme une charge d'exploitation déductible des bénéfices industriels et commerciaux, dès lors que l'intéressé ne justifie d'aucune diminution de l'actif net consécutive à la liquidation de l'entreprise. Dans ces conditions, cette somme s'analyse en un prélèvement sur le patrimoine personnel du contribuable qu'aucune disposition ne permet de déduire des bases de l'impôt sur le revenu dû par l'intéressé (CE, arrêt du 16 février 1977, n° 497).

Enfin, le déficit d'une entreprise individuelle, constaté à la date de sa cession, ne saurait être accru du montant du passif que le cédant a dû supporter en raison du non-respect de ses engagements par l'acquéreur (CE, arrêt du 3 novembre 1982, n° 32730)

  B. RESTRICTIONS AU DROIT DE DÉDUIRE LES DÉFICITS

10La règle selon laquelle le revenu global est obtenu par la totalisation des revenus nets des différentes catégories comporte un certain nombre de restrictions.

Les unes résultent de l'article 156-I du CGI, elles concernent :

- les exploitants agricoles dont les revenus d'autres sources excèdent 200 000 F ;

- les contribuables ayant subi des déficits provenant d'activités industrielles et commerciales exercées à titre non professionnel ;

- les contribuables ayant subi des déficits résultant d'activités non commerciales au sens de l'article 92 du code, autres que ceux provenant d'une profession libérale ou des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçant ou de frais exposés dans certains cas par les inventeurs ;

- les contribuables ayant subi des déficits fonciers (cf. toutefois n°s 22 et suiv. ) ;

- certaines pertes réalisées sur les marchés à terme, sur les marchés d'option négociables ou sur les bons d'option.

11Les autres sont la conséquence de règles particulières tenant à la nature du revenu ou au mode d'évaluation de la base d'imposition.

  I. Déficits provenant d'exploitations agricoles subis par des contribuables qui disposent par ailleurs de revenus supérieurs à 200 000F

12En vertu de l'article 156-I-1° du CGI, les déficits provenant d'exploitations agricoles ne peuvent pas donner lieu à imputation sur le revenu global, lorsque le total des revenus nets d'autres sources dont dispose le contribuable excède 200 000 F.

Toutefois, aux termes du même article, ces déficits peuvent être admis en déduction des bénéfices de même nature des années suivantes jusqu'à la cinquième inclusivement.

La limite applicable depuis l'imposition des revenus de l'année 1987 était fixée à 70 000 F et à 40 000 F antérieurement.

Elle a été portée successivement à :

- 100 000 F, à compter de l'imposition des revenus de 1989 (art. 117 de la loi de finances pour 1990, n° 89-935 du 29 décembre 1989) ;

- 150 000 F, pour l'imposition des revenus de 1994 (art. 35 de la loi de finances pour 1994, n° 93-1352 du 30 décembre 1993) ;

- 200 000 F, depuis l'imposition des revenus de 1995 (art. 40 de la loi de modernisation de l'agriculture, n° 95-95 du 1er février 1995).

1. Personnes concernées.

a. Principe.

13Cette disposition s'applique, en principe, dans tous les cas où les revenus non agricoles du contribuable dépassent 200 000 F. Toutefois, il convient de faire preuve de largeur de vue à l'égard des contribuables dont les revenus non agricoles n'excédent que très légèrement la limite de 200 000 F, lorsque ce dépassement présente un caractère purement accidentel.

Sous cette réserve, l'interdiction de déduire de tels déficits agricoles a une portée générale ; elle s'applique quel que soit le motif qui est à l'origine des déficits : calamités, investissements importants, etc.

Bien entendu, compte tenu des règles de l'imposition par foyer (CGI, art. 6), la mesure s'applique indifféremment à tout déficit agricole déclaré par le contribuable (les conjoints pour les personnes mariées), qu'il soit afférent à des propriétés exploitées par lui-même ou par les personnes dont les revenus sont imposables globalement avec les siens.

b. Appréciation de la limite de 200 000 F.

14La limite de 200 000 F doit être appréciée par rapport au total des revenus nets du foyer fiscal qui sont taxés sous une cote unique.

15Il s'agit de tous les revenus -autres qu'agricoles- tels qu'ils ont été déterminés pour l'établissement de l'impôt, y compris les plus-values (autres que les plus-values à long terme agricoles), et profits immobiliers de toute nature.

Toutefois, depuis le 1er janvier 1982, il convient d'exclure de ces revenus les plus-values à long terme (biens conservés plus de deux ans pour les immeubles et plus d'un an pour les meubles) imposables conformément aux dispositions des articles 150 A et suivants du CGI.

16Sous cette réserve le total des revenus nets à prendre en considération, pour apprécier si la limite de 200 000 F est ou non dépassée, est constitué par le revenu global à retenir pour l'établissement de l'impôt sur le revenu.

Ce revenu est déterminé après compensation, s'il y a lieu, entre les revenus et les déficits non agricoles de l'année considérée mais avant imputation :

. des déficits des années antérieures,

. des charges visées à l'article 156-II du même code,

. de l'abattement prévu en faveur des personnes âgées ou invalides,

. de l'abattement pour les enfants majeurs ayant fondé un foyer distinct et qui ont demandé leur rattachement.

2. Conséquences de la mesure.

17 a. Lorsque les conditions définies plus haut sont remplies, le déficit agricole « spécial » ne peut être imputé sur le revenu global de l'année de sa constatation, il peut seulement être reporté sur les bénéfices de même nature des années suivantes jusqu'à la cinquième inclusivement.

Si ces bénéfices ne permettent pas d'imputer la totalité du déficit, la fraction de celui-ci qui ne peut être reportée est définitivement annulée.

18 b. Lorsque, après avoir été supérieur à 200 000 F, le total des revenus nets non agricoles vient, pour une année quelconque, à s'abaisser au-dessous de cette limite, le déficit agricole afférent à cette même année est imputé sur le revenu global de ladite année. En cas d'insuffisance de ce dernier, il est reporté sur le revenu global des années suivantes dans la limite du délai de report.

19En revanche, les déficits antérieurs « spéciaux » qui restent encore reportables sur les bénéfices agricoles ne peuvent donner lieu à imputation sur le revenu global.

En d'autres termes, dès l'instant où, lors de l'année de constatation du déficit, le total des revenus nets non agricoles excède 200 000 F, le contribuable perd définitivement tout droit à imputation de ce déficit « spécial » dans les conditions de droit commun prévues à l'article 156-I-1° du code.

  II. Déficits provenant des activités industrielles et commerciales exercées à titre non professionnel

20Les dispositions de l'article 72 de la loi de finances pour 1996, principalement codifiées au 1° bis du I de l'article 156 du CGI, ont modifié les règles de détermination du revenu net global imposable à l'impôt sur le revenu, en interdisant, sauf exceptions limitativement énumérées, l'imputation sur les autres revenus, des déficits provenant des activités relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux lorsque ces dernières ne sont pas exercées à titre professionnel, c'est-à-dire lorsqu'elles ne comportent pas la participation personnelle, directe et continue de l'un des membres du foyer fiscal à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité.

Ces déficits s'imputent désormais sur les seuls bénéfices d'activités de même nature exercées dans les mêmes conditions et réalisés au cours de la même année ou des cinq années suivantes.

L'ensemble de ce dispositif est décrit dans l'instruction du 1er août 1996 publiée au BOI 4 A-7-96 2 .

  III. Déficits subis dans le cadre d'opérations lucratives qui, bien que visées à l'article 92 du code, ne sont pas caractéristiques de l'exercice d'une véritable profession non commerciale

21Les déficits provenant d'activités non commerciales au sens de l'article 92 du CGI, autres que ceux qui proviennent de l'exercice d'une profession libérale ou des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commercants, ne peuvent donner lieu à imputation sur le revenu global. Ils sont seulement imputables sur les bénéfices tirés d'activités semblables durant la même année ou les cinq années suivantes (CGI, art. 156-I-2° ) [en ce sens CE, arrêt du 28 janvier 1983, n° 30071).

C'est ainsi, qu'une activité libérale, dont il n'est pas établi qu'elle est, d'une part, exercée de manière professionnelle et indépendante et, d'autre part, productive de revenus, ne permet pas de déduire, de son chef, des charges du revenu global (CE, arrêt n° 78992 du 15 février 1989).

Par ailleurs, dans le cas de contribuables ayant plusieurs activités, sources de revenus, se rangeant dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, seuls les déficits qui proviennent d'une activité non commerciale exercée à titre professionnel peuvent être déduits des bénéfices non commerciaux réalisés au cours de la même année dans le cadre d'activités présentant également un caractère professionnel. Lorsque cette déduction laisse subsister un déficit, celui-ci est imputé sur le revenu global. Les pertes subies dans le cadre d'activités lucratives mentionnées à l'article 92 du CGI mais qui ne sont pas professionnelles ne peuvent donc pas être imputées sur un bénéfice professionnel. Les déficits supportés dans le cadre de telles occupations sont exclusivement déductibles des bénéfices retirés d'activités semblables durant la même année ou les cinq années suivantes (RM Jeambrun, JO Sénat, 1er décembre 1988, p. 1357).

Toutefois, en application de l'article 156-I bis du CGI (cf. DB 5 G 431 n°s 18 et suiv.), le déficit correspondant aux frais exposés pour prendre un brevet ou en assurer la maintenance est déductible du revenu global de l'année de la prise du brevet et des neuf années suivantes lorsque l'inventeur ne perçoit pas de produits imposables ou perçoit des produits inférieurs à ces frais.

L'ensemble de ces dispositions sont commentées à la DB 5 G à laquelle il convient de se reporter.

1   Le régime du forfait est supprimé à compter de la détermination des résultats de l'année 1999 (loi de finances pour 1999, art. 7).

2   Voir également l'article 18-II 2° de la loi de finances pour 1998.