Date de début de publication du BOI : 01/11/1995
Identifiant juridique : 4J1212
Références du document :  4J1212

SOUS-SECTION 2 RÉPARTITION DES SOMMES OU VALEURS PRÉLEVÉES OU NON SUR LES BÉNÉFICES ET VISÉES À L'ARTICLE 111 DU CGI

  C. RÉNUMÉRATIONS ET DISTRIBUTIONS OCCULTES

62Aux termes de l'article 111 c du CGI, les rémunérations et avantages occultes sont considérés comme des revenus distribués qu'ils soient ou non prélevés sur les bénéfices.

Les deux notions de rémunérations occultes et de distributions occultes sont souvent confondues car elles entraînent, au plan fiscal, les mêmes conséquences.

63On distingue cependant :

- les rémunérations occultes qui figurent régulièrement dans les charges comptables de l'entreprise et qui, en apparence tout au moins, rémunèrent un service, une fonction ou même un prêt dont la réalité n'est pas contestée mais dont l'entreprise ne révèle pas l'identité de l'auteur, c'est-à-dire du bénéficiaire de la rémunération, lequel d'ailleurs est généralement un tiers étranger à l'entreprise ;

- les distributions occultes qui ne sont pas destinées à rémunérer un quelconque service ; elles sont constituées par des sommes ou valeurs qui peuvent ou non se retrouver en comptabilité.

Dans le premier cas elles traduisent notamment la prise en charge par la société de dépenses qui ne lui incombent pas normalement et dont elle n'entend pas désigner le ou les bénéficiaires (par exemple constatation dans les écritures passées en comptabilité d'une charge non précisée d'un montant de 50 000 F correspondant à une sortie effective de trésorerie, tel un chèque au porteur encaissé en espèces). Dans le second cas elles correspondent le plus souvent à des dissimulations de recettes (ventes sans facture par exemple) dont on ignore l'utilisation. D'une façon générale, les distributions occultes bénéficient aux associés.

64Le régime fiscal applicable aux rémunérations occultes est le même que celui afférent aux distributions occultes.

Les rémunérations occultes, comme les distributions occultes, ne sont pas déductibles pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés dont est passible la société versante (CGI, art. 238 et 240).

Lorsque cette société n'a pas désigné les bénéficiaires de ces rémunérations et distributions occultes dans les conditions définies à l'article 117 du CGI, elle est passible de la pénalité prévue à l'article 1763 A du même code sur les sommes correspondantes.

Les rémunérations et distributions occultes échappent à toute retenue à la source. Elles n'ouvrent pas droit à l'avoir fiscal.

  I. Principe d'imposition des rémunérations et distributions occultes : procédure prévue par l'article 117 du CGI

65L'article 116 du CGI prévoit que, pour chaque période d'imposition à l'impôt sur les sociétés, la masse des revenus distribués déterminée conformément aux articles 109 à 115 ter est considérée comme répartie entre les bénéficiaires, pour l'évaluation du revenu de chacun d'eux, à concurrence des chiffres indiqués dans les déclarations fournies par les sociétés dans les conditions prévues à l'article 223-2-2° (cf. également CGI, ann. IV, art. 23 H et 23 I ).

En principe, il doit y avoir concordance absolue, pour une période d'imposition donnée, entre la masse des revenus distribués et le total des revenus individuels déclarés par la personne morale.

66Lorsque la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116 du CGI, celle-ci est invitée à fournir à l'Administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution (CGI, art. 117 ).

En cas de refus ou à défaut de réponse dans le délai de trente jours, les rémunérations et distributions occultes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1763 A du CGI (cf. ci-après n°s 111 et suiv. ).

1. Cas d'application de la procédure de l'article 117 du CGI.

a. Procédure facultative.

67Les dispositions de l'article 117 du CGI trouvent généralement leur application à la suite d'un redressement des résultats déclarés pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, dans la mesure, bien entendu, où les sommes correspondant au redressement ne sont pas restées investies dans l'entreprise.

1° En cas d'exercice déficitaire.

68Lorsque l'exercice est déficitaire malgré les redressements effectués, le service ne peut interroger la société dans les conditions de l'article 117 du code précité que si l'Administration prouve que les sommes correspondantes ont été appréhendées par les associés (CE, arrêt du 22 janvier 1982, req. n°s 22554 et 22556). Dans un arrêt du 18 décembre 1974 (req. n° 93538), le Conseil d'État avait jugé qu'une société qui avait fait un cadeau, acquis à l'aide de fonds prélevés dans l'entreprise, à une tierce personne dont elle n'avait pas révélé l'identité devait supporter l'impôt sur le revenu calculé selon les modalités prévues pour les distributions occultes sur une base correspondant à la valeur dudit cadeau nonobstant la circonstance qu'en raison du report de déficits antérieurs le rehaussement opéré dans les résultats n'avait pas abouti à la définition d'un bénéfice taxable à l'impôt sur les sociétés.

Il est rappelé qu'en vertu des dispositions de l'article 109-1-2° du CGI les sommes ou valeurs non prélevées sur les bénéfices ne peuvent être considérées comme des revenus distribués que si elles sont mises à la disposition d'associés.

En l'espèce, la personne bénéficiaire du cadeau (un manteau de fourrure) n'était pas membre de la société. Mais l'Administration avait soutenu la thèse, implicitement retenue par le Conseil d'État, selon laquelle la somme représentant le coût du manteau avait été distribuée aux associés pour leur permettre de l'acquérir et de le remettre, à titre personnel, à sa destinataire.

2° L'identité des bénéficiaires est connue.

69L'Administration n'est pas tenue de mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article 117 du CGI lorsqu'elle est à même d'assurer et de justifier l'imposition des bénéficiaires des distributions occultes, c'est-à-dire lorsque :

- elle peut apporter la preuve que les sommes litigieuses ont été appréhendées par le contribuable et donc que celui-ci a bien été le bénéficiaire de la distribution et qu'il en a eu la disposition (CE, arrêt du 27 février 1970, req. n°s 75740 et 76063) ;

- l'identité des bénéficiaires des distributions occultes résulte sans ambiguïté des circonstances elles-mêmes (rémunérations exagérées par exemple) ; à cet égard, il a été jugé, dans l'hypothèse où une société avait porté dans ses frais généraux le montant des dommages-intérêts auxquels un associé avait été personnellement condamné que l'Administration n'était pas tenue d'interroger la société sur l'identité du bénéficiaire, celle-ci résultant sans ambiguïté des circonstances en cause (CE, arrêt du 26 février 1962, req. n° 51149, Lebon 1962, p. 128).

L'Administration a donc la possibilité de ne pas user de la procédure de l'article 117 du CGI si elle est en mesure de prouver non seulement l'existence et le montant d'une distribution, mais aussi son appréhension par des bénéficiaires dont elle connaît l'identité. Elle pourra donc taxer directement ceux-ci à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des RCM (cf. CE, arrêts des 15 juin 1977, n° 99321-00 084 et 25 avril 1984, n° 35574).

70À l'inverse, une société ne peut soutenir, postérieurement au délai de trente jours, que le bénéficiaire des distributions était apparent, pour se dispenser de répondre à une demande fondée sur l'article 117. Dans ce cas, le service sera en droit d'appliquer la pénalité visée à l'article 1763 A (CE, arrêt du 25 mars 1987, n°s 48150-48151).

En tout état de cause, la pénalité fiscale visée à l'article 1763 A ne pourra être infligee à une société qu'après engagement préalable de la procédure de l'article 117 (CE, arrêt du 18 mars 1987, n° 37778).

71Par ailleurs, le service doit s'abstenir de recourir à la procédure de l'article 117 lorsque la société lui a déjà fait connaître, avec précisions à l'appui, le nom des bénéficiaires des revenus ; dans ce cas, en effet, le défaut de réponse de la société à une demande qui lui aurait été néanmoins adressée, n'entraîne aucune conséquence (CE, arrêt du 10 juillet 1968, req. n° 73511, 7e s.-s. ; BOCD 1968, II, 4220).

De même, dans un arrêt du 5 octobre 1973, (req. n° 82836), le Conseil d'État a jugé qu'une société qui, sur l'invitation qui lui a été faite, en application de l'article 117 du CGI, de désigner les bénéficiaires de distributions non déclarées, a indiqué que « les seuls bénéficiaires effectifs des sommes réintégrées dans les bénéfices sociaux ont été monsieur et madame « X...  » qu'il y aura lieu de taxer directement » doit être regardée comme ayant satisfait aux prescriptions de l'article 117 du code susvisé dés lors que l'Administration connaissait exactement, au cas particulier, le détail des sommes perçues par les intéressés. La société ne pouvait, par suite, être taxée personnellement dans les conditions prévues à l'article 117 visé ci-dessus.

72En revanche, lorsqu'il n'est pas en mesure d'identifier avec certitude les bénéficiaires (recettes non comptabilisées par exemple), le service doit mettre la personne morale en demeure de les lui indiquer.

73D'une manière générale, le service doit mettre en oeuvre la procédure spéciale prévue à l'article 117 du CGI et ne pas hésiter à appliquer la pénalité prévue à l'article 1763 A du même code au nom de la société, lorsqu'il n'est pas établi que les sommes litigieuses ont été appréhendées par une personne déterminée.

b. Procédure autonome.

74L'article 117 du CGI n'impose aucun délai à l'Administration pour interroger la société (cf. en ce sens notamment, CE, arrêt du 7 décembre 1983, n° 28111 ; 14 avril 1986, n°s 45883-62952).

La finalité de la demande est la taxation des bénéficiaires à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

De ce fait :

- aucune disposition ne contraint l'Administration à établir l'impôt sur les sociétés du chef des redressements qu'elle envisage, préalablement à la mise en oeuvre de la procédure de l'article 117 (cf. notamment arrêt du 7 décembre 1983, n° 28111) ;

- une demande de désignation peut être adressée avant la saisine de la commission départementale d'un désaccord sur le montant des bénéfices redressés (CE, arrêt du 14 avril 1986, n°s 45883-62952) ;

- une réclamation sur le bien-fondé de l'IS ne dispense pas de répondre à la demande de designation (CE, arrêt du 27 juillet 1984, n° 16580).

75En pratique si la société était interrogée trop tardivement, la prescription relative à l'impôt sur le revenu, qui se décompte à partir de l'année d'appréhension des revenus distribués, pourrait être acquise au bénéficiaire. La demande de renseignement doit donc être adressée par précaution, soit avec la notification de l'impôt sur les sociétés, soit peu de temps après.

2. Mise en oeuvre de la procédure de l'article 117 du CGI.

a. Nécessité d'une mise en demeure.

76En cas d'application de l'article 117 du CGI, le service doit au préalable inviter la société à fournir, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires des revenus qu'elle a distribués. Cette mise en demeure est une formalité essentielle de la procédure.

Ce principe a été confirmé à plusieurs reprises par le Conseil d'État dans des arrêts rendus sous le régime antérieur à l'entrée en vigueur de l'article 72 de la loi de finances pour 1980 lorsque, en cas de défaut de réponse dans les délais impartis, les distributions occultes étaient soumises à l'impôt sur le revenu au nom de la personne morale.

77C'est ainsi qu'il a été jugé qu'une société qui, malgré l'obligation qui lui en est faite par l'article 240 du CGI, s'était abstenue de déclarer les redevances sur brevets versées par elle à un inventeur et qui avaient d'ailleurs été enregistrées dans sa comptabilité au nom de leur bénéficiaire, n'a pu être assujettie à l'impôt sur le revenu à raison des redevances dont il s'agit dès lors que n'avait pas été mise en oeuvre la procédure visée à l'article 117 (CE, arrêt du 10 juillet 1968, req. n° 73511, 7e s.-s. ; BOCD 1968, II, 4221).

De même, la circonstance qu'une société à qui aucun avis écrit n'avait été adressé par l'Administration, avait néanmoins fourni sur les bénéficiaires des distributions occultes des indications qui ne répondaient d'ailleurs pas aux conditions exigées par l'article 117 précité, n'a pu couvrir l'irrégularité résultant de l'absence de mise en demeure, ni permettre l'imposition de la personne morale à l'impôt sur le revenu (CE, arrêt du 18 avril 1969, req. n° 61966, 8e et 9e s.-s. ; BOCD 1969, II, 4583).

78Par contre, lorsqu'une société a été invitée une première fois à désigner les bénéficiaires de revenus qu'elle a distribués, la circonstance que, par la suite, le litige relatif à l'impôt sur les sociétés aurait été soumis à la commission départementale des impôts directs ne saurait entraîner, après l'intervention de ladite commission, l'obligation pour le service de recourir à nouveau à la procédure prévue à l'article 117 (CE, arrêt du 18 avril 1966, req. n° 64417, 7e s.-s. ; BOCD 1966, II, 3387).

De même, dans un arrêt du 8 janvier 1982 (req. n° 30972, plénière fiscale), le Conseil d'État a jugé que lorsque le service est conduit à réduire les bénéfices retenus après redressements pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, il n'est pas tenu pour autant de renouveler la demande prévue à l'article 117 du CGI qui a été adressée primitivement à la société, dès lors que la base légale de l'imposition envisagée demeure l'existence de distributions occultes.