SECTION 2 DÉFINITION DES REVENUS DISTRIBUÉS
SECTION 2
Définition des revenus distribués
Les produits des actions et parts sociales émises par les sociétés françaises relevant de l'impôt sur les sociétés comprennent non seulement les distributions consécutives aux décisions des associés statuant sur les résultats de la société, mais encore toutes les appréhensions de profits sociaux qui peuvent se dissimuler sous des apparences diverses.
Aux termes de l'article 109-1 du CGI, les revenus considérés comme distribués comprennent :
1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ;
2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices.
Ces dispositions tendent à soumettre à l'impôt toutes les sommes qui sortent du fonds social et reviennent ou sont réputées revenir aux associés ou actionnaires ou même éventuellement à des tiers (porteurs de parts bénéficiaires ou de fondateur notamment).
Le critère applicable à la détermination des sommes distribuées est essentiellement un critère comptable qui, partant du bénéfice retenu pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, conduit à rechercher si ce bénéfice est resté ou non investi dans l'entreprise.
Dans le cas où des sommes ou valeurs sont sorties du patrimoine social sans avoir été prélevées sur les bénéfices, elles n'ont le caractère de revenus de capitaux mobiliers que lorsqu'elles sont mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts (CGI, art. 109-1-2° ). Le critère retenu, lié à la personnalité du bénéficiaire de la distribution, est alors d'ordre juridique.
SOUS-SECTION 1
Répartition des bénéfices
A. BÉNÉFICES SUSCEPTIBLES D'ETRE DISTRIBUÉS ET DE CONSTITUER DES REVENUS DE CAPITAUX MOBILIERS
1L'article 109-1-1° du CGI établit une présomption de distribution à l'égard de tous les bénéfices qui ne sont pas investis dans l'entreprise, quelle que soit d'ailleurs la forme de la distribution.
Les bénéfices ainsi visés s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, c'est-à-dire, après application, le cas échéant, des redressements qui ont pu être apportés à la suite d'une vérification, aux bénéfices déclarés.
2Cependant, les sommes correspondant aux redressements apportés aux résultats d'une société, dans la mesure où ils n'ont pas donné lieu à l'établissement d'une cotisation d'impôt sur les sociétés, ne peuvent être regardées comme des revenus distribués, en vertu de l'article 109-1-2° du CGI, que si l'Administration apporte la preuve qu'elles ont été effectivement appréhendées par les associés (cf. ci-après 4 J 1213, n°s 18 et suiv. ).
3Ces bénéfices doivent, en outre, faire l'objet de certaines corrections, afin de dégager les résultats d'ensemble de l'entreprise pour la période considérée (CGI, art. 110 , al. 2).
I. Augmentations
4Aux termes du 2e alinéa de l'article 110 du CGI les bénéfices retenus « pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés doivent être augmentés de ceux qui sont légalement exonérés dudit impôt ».
Sont notamment visés :
- la fraction des revenus de valeurs mobilières encaissés par une société mère de ses filiales qui a été exclue du bénéfice soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 216 du CGI ;
- la fraction des résultats provenant des exploitations situées dans les départements d'outre-mer exonérée d'impôt sur les sociétés (CGI, art. 217 bis ) ;
- le revenu net des immeubles d'habitation dont le permis de construire a été délivré entre le 31 mars 1950 et le 15 mars 1963 et qui bénéficient d'une exonération d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 210 ter du CGI. Cette exemption est accordée pendant la durée de l'exonération de quinze ans ou vingt-cinq ans prévue à l'article 1385-II bis du CGI dont ces immeubles bénéficient en ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties ;
- les exonérations ou abattements sur le bénéfice imposable des entreprises nouvelles.
5Aux bénéfices réalisés en France, il y a lieu d'ajouter ceux réalisés dans les entreprises exploitées hors de France 1 et qui, à ce titre, ont échappé à l'impôt sur les sociétés. Réciproquement, les pertes subies dans des entreprises exploitées hors de France doivent être retranchées, le cas échéant, des bénéfices réalisés en France.
Il appartient aux agents vérificateurs d'examiner comment les résultats des entreprises exploitées hors de France ont été intégrés dans la comptabilité générale et de s'assurer que les écritures auxquelles ils ont donné lieu au siège n'aboutissent pas à en réduire le montant sans motif valable.
II. Diminutions
6Il y a lieu de retrancher du bénéfice fiscal :
- les sommes payées au titre de l'impôt sur les sociétés (CGI, art. 110 ) et d'une manière générale, de fous les impôts qui ne sont pas admis dans les charges déductibles pour la détermination du bénéfice soumis à l'impôt sur les sociétés ;
- les sommes payées à titre de transactions, amendes, confiscations et pénalités de toute nature sanctionnant les contraventions aux dispositions régissant les prix, le ravitaillement, la répartition des divers produits et l'assiette des impôts, contributions et taxes, sommes qui ne sont pas admises en déduction pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés (CGI, ann. II, art. 42 ) ;
- les pertes subies dans des entreprises exploitées hors de France ;
- les bénéfices réalisés au cours d'exercices antérieurs et qui n'ayant pas été imposés lors de leur réalisation, sont pour une cause quelconque fiscalement rattachés à l'exercice considéré.
B. BÉNÉFICES CONSIDÉRÉS COMME DISTRIBUÉS
7Les dispositions de l'article 109-1-1° du CGI conduisent à calculer les bénéfices distribués en retranchant des bénéfices imposables corrigés dans les conditions indiquées aux paragraphes 4 à 6 ci-dessus les sommes qui, prélevées sur ces bénéfices, ont été incorporées au capital ou mises en réserve.
La recherche des bénéfices incorporés au capital ne présente pas de difficulté particulière. En effet, ces incorporations doivent être décidées par les organes délibérants de la société et font l'objet de publications légales.
Sont considérés comme des réserves au sens de l'article 109 du CGI, la réserve légale, les réserves statutaires, les reports bénéficiaires à nouveau, les provisions et les amortissements qui ont supporté l'impôt sur les sociétés.
8Mais les bénéfices qui ont été portés à des comptes individuels ou collectifs d'associés doivent être considérés, en principe, comme répartis même si, en fait, ils n'ont pas été prélevés par les associés.
Dans des arrêts du 23 janvier 1985 (req. n°s 41509, 41510, 41540), le Conseil d'État a jugé en effet que les bénéfices sociaux visés à l'article 109-1-1° du CGI sont présumés distribués à la clôture de l'exercice au terme duquel ils ont été constatés, exception faite lorsque la société, les bénéficiaires des distributions correspondantes ou l'Administration apportent des éléments de nature à établir que la distribution a été, en fait, soit postérieure, soit antérieure à cette date.
C. QUALITÉ DU BÉNÉFICIAIRE DE LA DISTRIBUTION. PORTÉE DE LA PRÉSOMPTION DE DISTRIBUTION
9L'article 109-1-1° du CGI dispose que sont considérés comme revenus distribués tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital. Pour apprécier la portée de cette présomption, il convient de donner les précisions suivantes :
10 a. La présomption de distribution résultant de l'article 109-1-1° du CGI a une portée générale et s'applique aux bénéfices qui, sans donner lieu à une distribution apparente, sont, en fait, transférés non seulement aux associés et actionnaires, mais même dans certains cas à des tiers.
Certes, dans une série d'arrêts rendus en 1968 et 1969, le Conseil d'État avait jugé que seules les sommes ou valeurs attribuées par une société à un détenteur de droits sociaux, à l'exclusion de celles remises à un tiers n'ayant pas la qualité d'associé, pouvaient eu égard aux dispositions des articles 109 et 110 du CGI, être, le cas échéant regardées comme des bénéfices distribués (3 mai 1968, req. n° 70904, 8e s.-s. ; 13 juillet 1968, req. n° 73206, 8e s.-s. ; 29 janvier 1969, req. n° 72565, 8e et 9e s.-s.).
11Mais dans des arrêts postérieurs, le Conseil d'État est revenu sur sa position. Ainsi, dans un arrêt du 10 mars 1972 (req. n° 79927), la Haute Assemblée a jugé que les sommes allouées par une société à des personnes qu'elle entend rémunérer à un titre quelconque doivent, lorsqu'elles n'ont pas le caractère d'une charge déductible du bénéfice imposable et ont été réintégrées dans les bases de l'impôt sur les sociétés, pour être effectivement soumises audit impôt, être regardées comme des revenus distribués assimilés aux produits des actions et parts sociales, sans qu'il y ait lieu de rechercher si les bénéficiaires ont la qualité d'associé, actionnaire ou porteur de parts de ladite société, laquelle n'est exigée que lorsque les sommes ou les valeurs distribuées n'ont pas été prélevées sur les bénéfices.
L'arrêt cité ci-dessus concerne notamment la partie injustifiée de frais d'emploi remboursés au directeur commercial d'une société anonyme au cours des années 1962 et 1963. Cette décision, rendue par le Conseil d'État statuant en formation de section, doit être regardée comme fixant la jurisprudence en ce qui concerne le régime fiscal applicable aux sommes réintégrées dans les bénéfices taxés à l'impôt sur les sociétés.
12 b. Par ailleurs, toute personne, même non associée ou actionnaire, est considérée comme bénéficiaire de revenus de capitaux mobiliers lorsque l'imposition à ce titre des sommes qui lui ont été versées ou des avantages qui lui ont été consentis par la société, est prévue par une disposition spéciale.
Il en est ainsi notamment en ce qui concerne les rémunérations directes ou indirectes, indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais, dans la mesure où ces diverses rémunérations sont réintégrées dans les bénéfices sociaux en application de l'article 39-1-1° du CGI. En effet l'article 111- d du CGI dispose expressément que la fraction desdites rémunérations qui n'est pas déductible est considérée comme un revenu mobilier pour l'imposition du bénéficiaire.
Il en est ainsi également, en principe des allocations forfaitaires qu'une société attribue aux dirigeants ou aux cadres de son entreprise pour frais de représentation et de déplacement et qui sont exclues des charges déductibles en vertu de l'article 39-3 du CGI, lorsque parmi ces charges figurent déjà les frais habituels de cette nature remboursés aux intéressés (cf. toutefois ci-après 4 J 1213, n° 10 ).
13 c. Lorsque les redressements ont abouti à la détermination d'un bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés et que le bénéficiaire des sommes correspondantes, inconnu de l'Administration, ne lui a pas été désigné dans le délai de trente jours prévu à l'article 117 du CGI, ces sommes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1763 A du même code (cf. ci-dessous 4 J 1212, n°s 111 et suiv. ).
14Le bénéficiaire des sommes distribuées échappe à toute imposition lorsque lesdites sommes ne présentent pas à son égard le caractère d'un revenu. Tel est le cas, par exemple, des dons, subventions ou libéralités qui seraient exceptionnellement consentis par la société dans un but charitable, éducatif ou social (cf. ci-dessous 4 J 1213, n°s 5 et suiv. ).
D. EFFET DE LA PRÉSOMPTION LÉGALE DE DISTRIBUTION
15La présomption de distribution édictée par l'article 109-1-1° du CGI est opposable aux sociétés mais non aux associés.
La circonstance que la Haute Assemblée a jugé qu'une société n'avait pas apporté la preuve de l'exagération des redressements de bénéfices opérés par l'Administration pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ne dispense pas cette dernière d'établir, en ce qui concerne l'associé, le bien-fondé des redressements qu'elle a, corrélativement apportés en matière d'impôt sur le revenu à sa déclaration car, en dépit du lien existant entre les deux impositions, il s'agit d'instances introduites par des contribuables différents et relatives à des impôts distincts. Aussi l'Administration ne peut-elle se borner, pour apporter la preuve qui lui incombe, à soutenir que l'associé n'a pas établi l'exagération des réintégrations effécfuées par elle dans les résultats de la société dont son imposition est la conséquence directe (CE, arrêt du 3 novembre 1972, req. n° 75697).
16Il est précisé qu'en vertu du principe de l'indépendance des actions rappelé par l'arrêt analysé ci-dessus, l'Administration a, à l'égard du bénéficiaire des distributions occultes, une double obligation : elle doit, d'une part, justifier du bien-fondé des redressements apportés aux résultats sociaux, d'autre part, établir que les sommes regardées comme distribuées ont été mises à la disposition effective du contribuable.
Cette double obligation doit être satisfaite même lorsque, comme dans la présente espèce, le contribuable n'a pas ouvert de débat sur le second point mais s'est borné à soutenir dans ses diverses demandes contentieuses l'exagération des réintégrations effectuées dans les bénéfices de la société à responsabilité limitée dont il est gérant, dans laquelle son épouse détient 99,9 % du capital et qui l'a désigné -sans qu'il ait jamais contesté cette désignation- comme étant le seul bénéficiaire des sommes correspondant aux réintégrations susvisées.
17En pratique, il convient donc, dans un cas comme celui-ci, de reprendre devant le tribunal administratif, à l'égard de l'associé-dirigeant, la même démonstration que celle qui a pu être effectuée à l'égard de la société devant la commission départementale sans, bien entendu, invoquer comme élément de preuve, l'avis rendu par cette dernière, qui n'est opposable qu'à la société.
18Dans le cas d'un exercice demeurant déficitaire malgré les redressements dont il a fait l'objet la somme réintégrée aux résultats sociaux ne peut être regardée comme distribuée aux associés que s'il est établi, ainsi que le précise l'article 109-1-2° du CGI, qu'elle a été mise à leur disposition. Dans un arrêt du 4 juillet 1973 (req. n° 84414), le Conseil d'État a jugé que cette preuve n'a pas été rapportée à l'égard d'une société qui avait déclaré que les redressements correspondaient non à des recettes sans facture mais à des vols, alors pourtant qu'afin de pouvoir prétendre à la déduction dite « en cascade » elle avait désigné deux associés-dirigeants comme « bénéficiaires légaux » et que ceux-ci avaient reversé la somme en cause dans la caisse sociale (cf. ci-après 4 J 1213, n°s 18 et suiv. ).
19Pour l'imposition des bénéfices désinvestis et à moins qu'elle ne soit en mesure d'apporter la preuve de leur attribution effective à une personne déterminée, l'Administration est,tenue de mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article 117 du CGI (cf. ci-dessous 4 J 1212, n°s 65 et suiv. ).
Ainsi, le Conseil d'État s'est prononcé sur le cas d'un contribuable, qui agissant en tant qu'associé gérant d'une société, s'était lui-même désigné, sous sa propre signature, comme le bénéficiaire des distributions consécutives à la réalisation de bénéfices occultes pour laquelle la Cour d'appel avait constaté sa participation.
Jugé qu'en faisant état de ces circonstances qui constituent des présomptions graves, précises et concordantes, l'Administration apporte la preuve que l'intéressé a été le bénéficiaire des distributions en litige (CE, arrêt du 23 juin 1976, req. n° 98263).
20Dans cet arrêt, en réponse à la notification adressée à la société par application de l'article 117 du CGI, le contribuable avait confirmé son désaccord sur le bien-fondé des impositions supplémentaires mises à la charge de la société dont il était le gérant. Mais il avait ajouté que si l'Administration estimait que des distributions occultes avaient été faites, ces distributions devaient être imposées à son nom en sa qualité de gérant de la société.
Une fois l'imposition établie, le contribuable avait contesté être le bénéficiaire de ces distributions.
Les impositions mises à la charge de la société ayant été validées par le Conseil d'État, la Haute Assemblée a implicitement estimé que les réserves exprimées par le contribuable se trouvaient levées et que l'Administration était en droit de retenir les déclarations du contribuable comme preuve de la distribution de bénéfice effectuée à son profit.
Sur ce dernier point, le présent arrêt est conforme à la jurisprudence issue de l'arrêt rendu le 8 novembre 1974 par le Conseil d'État statuant en formation de section (req. n°s 83219, 83823 et 87994).
21Les revenus distribués peuvent dans les différents cas être soumis :
- soit à l'impôt sur les sociétés, s'ils sont attribués à des sociétés ayant leur siège en France ;
-soit à l'impôt sur le revenu si les bénéficiaires sont des personnes physiques ayant leur domicile en France ;
- soit à la retenue à la source prévue à l'article 119 bis -2 du CGI si les bénéficiaires sont des personnes physiques ou des sociétés ayant leur domicile fiscal ou leur siège hors de France.
1 Il s'agit bien entendu, des exploitations situées à l'étranger (établissements) à l'exclusion des sociétés juridiquement distinctes (filiales).