Date de début de publication du BOI : 12/07/1997
Identifiant juridique : 4H621
Références du document :  4H621

SECTION 1 NOTION DE CRÉATION D'UNE PERSONNE MORALE NOUVELLE


SECTION 1

Notion de création d'une personne morale nouvelle


1La loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 prévoit en son article 5 que la « transformation régulière d'une société n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle ».

Cette disposition, qui ne vise que les sociétés commerciales, permet d'effectuer sans création d'une personne morale nouvelle, sous réserve qu'elle ait été décidée et réalisée conformément aux prescriptions légales et réglementaires, la transformation :

- d'une société à responsabilité limitée ou d'une société anonyme en société commerciale d'une autre forme ;

- d'une société en commandite par actions en société anonyme ou en société à responsabilité limitée.

2De même, la loi prévoit la transformation :

- d'une société en nom collectif en société en commandite, en cas de décès d'un associé, si l'un au moins des héritiers est mineur non émancipé ;

- d'une société en commandite simple, en cas de décès de l'associé seul commandité, si ses héritiers sont tous mineurs émancipés ;

- d'une société à responsabilité limitée en société anonyme si le nombre des associés devient supérieur à 50 ;

- d'une société à responsabilité limitée en société d'une autre forme si le capital devient inférieur à 50 000 F ;

- d'une société anonyme en société d'une autre forme lorsque le capital devient inférieur à 1 500 000 F si la société fait publiquement appel à l'épargne, à 250 000 F dans le cas contraire ;

- en société civile professionnelle d'une société d'une autre forme. Depuis la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 (abrogeant l'article 27 de la loi du 29 novembre 1966), les sociétés civiles professionnelles peuvent être transformées en société de toute autre forme admise par la réglementation propre à la profession exercée. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 1992, les sociétés civiles professionnelles peuvent se transformer en sociétés d'exercice libéral ;

- en société coopérative ouvrière de production d'une société quelle qu'en soit la forme.

3Enfin, l'article 1844-3 du Code civil dispose que la transformation régulière d'une société en une société d'une autre forme n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation ou de toute autre modification statutaire.

4Dès lors que l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966 et que l'article 1844-3 du Code civil prévoient que la transformation régulière d'une société n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle, il n'est pas nécessaire, pour établir l'absence d'une telle création, que la transformation soit autorisée par les statuts.

5Selon l'ancienne jurisprudence de la Cour de cassation, en dehors de la cessation proprement dite de l'exploitation, la cessation d'entreprise pouvait résulter sur le plan fiscal notamment de modifications substantielles du pacte social ou de la répartition du capital, accompagnées ou non du changement de la forme juridique de la société. Ce régime a été infirmé par deux arrêts de la Cour de cassation du 7 mars 1984 (Beauvallet-Naturana, n° 245, et Le Joncour, n° 246).

Dans l'arrêt Le Joncour et dans un arrêt du 16 octobre 1984 (aff. SA SEDIF), la Cour de cassation a annulé les jugements favorables à l'Administration en relevant que, conformément à l'article 1844-3 du Code civil, « la transformation régulière d'une société en une société d'une autre forme [qu'elle soit civile ou commerciale 1 ] n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle ».

6La cession massive de droits sociaux accompagnée ou suivie de modifications statutaires autres que le changement d'objet social 2 n'entraîne désormais aucune conséquence en matière d'impôt sur les sociétés.

Il en va, bien entendu, différemment si, conformément à la nouvelle jurisprudence, les transformations sont telles qu'elles entraînent, sur le plan juridique, création d'une personne morale nouvelle. Dans ce cas, en effet, il y a disparition de la société ancienne et création d'une société nouvelle.

Cas particuliers.

a. Transformations affectant une « société de fait » ou une société en participation.

7Dès lors qu'une « société de fait » est dépourvue de la personnalité juridique, la transformation d'une telle société en une société de droit par les personnes physiques ou morales dont les intérêts sont liés au sein de cette société civile ou commerciale entraîne nécessairement la création d'une personne morale nouvelle. Ainsi il a été jugé, qu'une société à responsabilité limitée constituée par l'apport d'une entreprise exploitée sous forme de société de fait, doit être regardée comme une personne juridique nouvelle bien qu'elle ait eu le même objet que la société de fait préexistante et qu'elle ait réuni les mêmes personnes.

Par suite, la réserve spéciale de réévaluation, la dotation sur stocks et la dotation pour approvisionnements techniques qui figuraient au passif du bilan de la société de fait et qui ont été reprises au bilan de la société à responsabilité limitée ont le caractère d'apports faits à la société à responsabilité limitée par les anciens associés de fait (CE, arrêt du 19 avril 1974, req. n°s 87740 et 87753, RJ II, p. 73).

8Il en est de même de la transformation d'une société en participation, qui est dépourvue de la personnalité morale, en une véritable société (Trib. civ., Seine, 28 juin 1929, RE 9323) 3 .

Toutefois, les conséquences de cette règle sont atténuées, sous certaines conditions, en matière d'impôts directs (voir H 625 ).

b. Sociétés à responsabilité limitée et sociétés par actions dont le capital est inférieur au minimum légal.

9La loi n° 81-1162 du 30 décembre 1981, a porté le capital minimal des sociétés par actions de 500 000 F à 1 500 000 F pour les sociétés faisant publiquement appel à l'épargne et de 100 000 F à 250 000 F pour les autres sociétés.

Les sociétés créées avant le 1 er janvier 1982 ont eu jusqu'au 1 er janvier 1985 pour procéder au réajustement nécessaire de leur capital social ou se transformer en société d'une autre forme.

Les sociétés qui ont décidé leur dissolution avant le terme des délais ainsi prévus ou qui sont ou pourront être dissoutes en raison de l'inobservation des dispositions ci-dessus, ne sont ou ne seront pas admises à se prévaloir des dispositions précitées pour soutenir que leur transformation après ces délais serait prévue par un texte légal.

10La loi n° 84-148 du 1er mars 1984 prévoit que le capital des sociétés à responsabilité limitée doit être de 50 000 F au moins.

Conformément à l'article 55 de la loi précitée, à défaut d'avoir augmenté leur capital social au moins du montant minimal prévu ci-dessus, les sociétés à responsabilité limitée dont le capital serait inférieur à ce montant, doivent avant l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la promulgation de cette loi, prononcer leur dissolution ou se transformer en société d'une autre forme pour laquelle la loi n'exige pas un capital minimal supérieur au capital existant.

c. Transformation de sociétés déjà dissoutes.

11Le changement de forme d'une société dont la dissolution a déjà été prononcée entraîne toujours la création d'une personne morale nouvelle (Saint-Julien, 18 février1913, RE, 5895).

C'est ainsi qu'une société en commandite simple, dissoute par décision de justice, que ses anciens membres ont néanmoins cru pouvoir transformer en société anonyme plusieurs années après, doit être regardée comme ayant continué à subsister en tant que personne juridique pour les seuls besoins de sa liquidation jusqu'à la date de sa transformation en société anonyme, cette transformation comportant, par suite, la création d'une personne morale nouvelle (CE, arrêt du 30 octobre 1974, req. n° 91126, RJ II, p. 128).

12Cette règle est notamment susceptible de s'appliquer aux sociétés visées au paragraphe précédent et qui auraient été ou seront déclarées dissoutes de plein droit faute de s'être conformées aux dispositions rappelées ci-dessus n° 9 .

d. Sociétés dont le terme statutaire est échu.

13Une société à responsabilité limitée qui, étant parvenue à son terme statutaire, n'a pas été mise en liquidation mais a poursuivi l'exploitation de la même entreprise, ne peut être regardée comme dissoute et remplacée par une société de fait. Par suite, elle doit rester soumise à l'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices qu'elle réalise (CE, arrêt du 18 juin 1975, req. n° 93861, RJ II, p. 85).

e. Sociétés exploitant ou dirigeant un laboratoire d'analyses de biologie médicale.

14Un laboratoire de biologie médicale doit être exploité ou dirigé par une société civile professionnelle régie par la loi du 29 décembre 1966 ou par une société anonyme ou à responsabilité limitée (Code de la santé publique, art. 754, modifié par la loi n° 75-626 du 11 juillet 1975).

Les sociétés régulièrement constituées avant le 13 juillet 1975 disposaient d'un délai de huit ans pour se conformer à ces dispositions et leur transformation régulière à cet effet n'entraînait pas la création d'une personne morale nouvelle. En ce qui concerne les droits d'enregistrement, on se reportera à la série 7 H 341, n° 11.

f. Transformation d'un groupement d'intérêt économique en société anonyme.

15La situation d'un groupement d'intérêt économique, composé de membres personnes physiques et de membres personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés, ayant enregistré des déficits fiscaux, notamment sous forme d'amortissements différés en période déficitaire, qui se transforme en société anonyme doit être réglée de la manière suivante.

16Dès lors qu'aux termes de l'article 2 de l'ordonnance n° 67-821 du 23 septembre 1967, le groupement d'intérêt économique ne donne pas lieu par lui-même à réalisation et partage de bénéfices, la poursuite de l'activité de cet organisme sous la forme d'une société de capitaux traduit une modification substantielle de la situation de droit et de fait, qui ne peut qu'entraîner la création d'une personne morale nouvelle.

En ce qui concerne les impôts directs, il y aura assujettissement des membres du groupement à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, selon qu'ils sont soumis à l'un ou à l'autre, suivant les modalités prévues aux articles 8 et 218 bis du CGI, c'est-à-dire à raison de la part revenant à chacun d'eux dans les résultats de l'exercice de transformation y compris les bénéfices en sursis d'imposition et les plus-values dégagées sur les éléments de l'actif à la date de l'opération. En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, le groupement d'intérêt économique devra remplir l'ensemble des obligations exigées de toute entreprise cessant son activité et procéder notamment à la régularisation des déductions opérées.

Par ailleurs, conformément aux articles 8 et 218 bis du CGI, les déficits fiscaux enregistrés pendant la période d'activité du groupement ont dû être pris en compte par chaque membre du groupement en proportion de ses droits au fur et à mesure des exercices au cours desquels ils ont été subis. Quant aux amortissements régulièrement comptabilisés et réputés différés, ils constituent un élément du résultat fiscal de l'exercice de transformation dont le montant doit être réparti suivant les mêmes modalités.

Remarque. - Selon la réponse ministérielle faite à M. Mauger, député (JO, débats AN du 14 janvier 1985, n° 49476, p. 149), la poursuite de l'activité d'un groupement d'intérêt économique sous la forme d'une société civile traduit également une modification substantielle de la situation de droit et de fait qui ne peut qu'entraîner la création d'une personne morale nouvelle.

 

1   Arrêt Le Joncour.

2   L'article 221-5 du CGI prévoit que le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés emporte cessation d'entreprise. Toutefois, les dispositions de l'article 221 bis du CGI sont applicables dans cette situation, sauf pour les provisions dont la déduction est prévue par des dispositions légales particulières.

3   À l'inverse, la transformation d'une véritable société en une société en participation n'est pas considérée comme emportant création d'une personne morale nouvelle (Cass. civ., 11 avril 1905 ; Inst. enreg. n° 3174, § 3). Cette opération équivaut, par conséquent, à une dissolution pure et simple de la société ancienne. La même conséquence est attachée à la transformation d'une société de droit en société de fait.