Date de début de publication du BOI : 30/10/1996
Identifiant juridique : 4H2211
Références du document :  4H2211

SOUS-SECTION 1 CONDITIONS D'ADMISSION DU REPORT DÉFICITAIRE

2. Fusions de sociétés, scissions et apports partiels d'actif.

22En ce qui concerne les définitions et le régime fiscal des fusions de sociétés, scissions et apports partiels d'actif, il convient de se reporter à la division I de la présente série.

23Dans ces différentes situations, la société absorbée, scindée ou apporteuse doit être considérée, du point de vue fiscal, comme ayant cédé son activité totalement ou en partie selon le cas.

24Le sort des déficits de sociétés prenant part à ces diverses opérations doit, par suite, être réglé dans les conditions suivantes, sous réserve des dispositions dérogatoires de l'article 209-II du code qui autorisent, sous réserve d'un agrément préalable, le report des déficits antérieurs en cas de fusions de sociétés et opérations assimilées entrant dans les prévisions des articles 210 A à C du même code.

a. Règle générale.

1° Sort des déficits de la société absorbée, scindée ou apporteuse.

25Les déficits subis par la société absorbée ou scindée -qu'il s'agisse des déficits ordinaires ou de ceux correspondant aux amortissements pratiqués mais réputés, du point de vue fiscal, différés en période déficitaire- ne peuvent, en principe, être déduits des bénéfices des sociétés absorbantes ou nouvelles dès lors que ces dernières ont une personnalité différente de celle de la société disparue 1 .

Le Conseil d'État a jugé à cet égard que la situation fiscale d'une société qui fait apport de son actif et de son passif à une autre société doit, conformément aux dispositions des articles 201 et 221 du CGI, être liquidée à la date de la cessation de son exploitation et que le déficit qui serait constaté à cette date ne saurait être reporté sur les bénéfices de la société absorbante (CE, arrêt du 20 novembre 1964, req. n° 55007, RO, p. 190).

26Il en est ainsi, que la fusion soit placée sous le régime de droit commun ou réalisée dans le cadre des dispositions des articles 210 A à 210 C du CGI qui exonèrent, sous certaines conditions, de l'impôt sur les sociétés, les plus-values constatées à l'occasion des fusions des sociétés.

27La même interdiction de report des déficits existe, en cas d'apport partiel d'actif, à l'égard des déficits de la société apporteuse, à concurrence de la fraction de ces déficits se rapportant à l'activité transférée.

Toutefois, par application de l'article 209-II du CGI, ces déficits pourraient être transférés sur les résultats de la société bénéficiaire de l'apport sous réserve d'un agrément préalable délivré par le ministre de l'économie et des finances (cf. ci-dessous n° 31 ).

Par ailleurs, dans le cas où la société apporteuse conserverait une branche d'activité commerciale, les déficits subis avant l'apport partiel d'actif demeureraient reportables sur les résultats de l'activité conservée, dans la mesure, bien entendu, où il n'y aurait pas transfert de ceux-ci sur l'agrément à la société bénéficiaire des apports (RM Bialski, JO, déb. Sénat, 3 juin 1982, p 2487).

282° Sort des déficits de la société absorbante ou bénéficiaire des apports.

La société absorbante ou bénéficiaire des apports peut, en principe, déduire des résultats postérieurs à la fusion ou à l'apport, dans la limite du délai fixé par l'article 209-I, 3e alinéa, du code, les déficits qu'elle a elle-même subis antérieurement à cette opération, lorsqu'elle n'a pas changé d'objet, ni d'activité (CE, arrêt du 21 mars 1986, n° 53002).

29Il en est autrement si cette société a subi des transformations telles dans sa composition et son activité que, tout en ayant conservé sa personnalité juridique, elle ne puisse plus être regardée comme étant demeurée la même. Ainsi jugé dans le cas d'une société qui, après avoir abandonné tout mode d'exploitation directe et renoncé ainsi à l'essentiel de son activité, a absorbé une autre société dans des conditions telles que son capital propre ne représentait plus que 5/10000 du capital de la société résultant de la fusion (CE, arrêt du 29 novembre 1972, req. n° 81954, RJ, n° II, p. 151).

30Par ailleurs, l'administration serait fondée à contester le report des déficits en invoquant les dispositions de l'article L. 64 du LPF relatives aux abus de droit, si la société absorbante étant déficitaire et la société absorbée bénéficiaire, l'opération de fusion ou assimilée apparaissait comme inspirée par la recherche d'une compensation entre les bénéfices et les pertes respectifs des deux entreprises en vue de faire échapper à l'impôt les bénéfices de la société absorbée ou apporteuse.

Ainsi jugé dans le cas d'une société anonyme A qui, après avoir cessé son activité, a réduit son capital par imputation d'une partie de ses pertes comptables puis bénéficié, de la part de deux sociétés B et C, dépendant d'un groupe industriel D, de l'apport de deux branches de leurs activités, et, enfin, pris la dénomination de « compagnie E ». À l'issue de ces opérations, 99,50 % du nouveau capital social provenait du groupe D et de l'activité reprise qui, bien que voisine par nature de l'ancienne activité, consistait essentiellement dans la poursuite de l'exploitation des deux secteurs d'activité apportés par les sociétés B et C. Le Conseil d'État a décidé, dans ces conditions, que l'administration avait pu à bon droit, conformément à l'avis émis par le comité consultatif pour la répression des abus de droit, estimer que les apports partiels d'actif susvisés avaient en réalité pour but de dissimuler la création d'une société nouvelle, considérer la compagnie E comme une entreprise distincte de la société A et, par suite, lui refuser le droit de déduire de ses bénéfices les déficits subis antérieurement par cette dernière société (CE, arrêt du 3 février 1971, req. n° 74352, RJ, n° II, p. 20).

31 b. Dérogation en cas de fusions et opérations assimilées entrant dans les prévisions des articles 210 A à 210 C du CGI.

L'article 209-II prévoit que, sous réserve d'un agrément préalable délivré par le ministre de l'économie et des finances et dans la mesure définie par cet agrément, les fusions de sociétés et opérations assimilées qui entrent dans les prévisions des articles 210 A et B peuvent ouvrir droit, dans la limite de la période quinquennale prévue au I, 3e alinéa, de l'article 209, au report des déficits antérieurs non encore déduits soit par les sociétés apporteuses, soit par les sociétés bénéficiaires des apports, sur les bénéfices ultérieurs de ces dernières.

Dans une espèce où l'agrément ministériel prévu par les dispositions de l'article 209-II précité avait été accordé à l'apport partiel d'actif effectué par une société A à une société B et ouvert droit, à concurrence d'une somme de 3 000 000 F, au report sur les bénéfices de la deuxième de ces sociétés des déficits antérieurement subis par la première, celle-ci prétendait imputer sur ses propres résultats le reliquat desdits déficits.

Le Conseil d'État a jugé que, dès lors que le montant des déficits dont le report était autorisé avait été fixé à 3 000 000 F par la décision ministérielle d'agrément laquelle n'a pas statué sur le sort de ce reliquat, qui n'a d'ailleurs pas été visé dans la demande, la société A n'est pas fondée à soutenir qu'elle est en droit de déduire la partie des déficits qui n'avait pas fait l'objet d'un report sur les bénéfices de la société B (CE, arrêt déjà cité du 7 janvier 1985, n°s 34936 et 34937).

Les sociétés bénéficiaires des apports qui ont obtenu l'agrément préalable du ministre de l'économie et des finances, peuvent donc être admises à déduire des bénéfices provenant, postérieurement au regroupement, des exploitations qui leur ont été apportées ou de leurs exploitations originaires :

- soit les déficits subis par les sociétés apporteuses et non encore déduits lors de la réalisation des apports, bien que les uns et les autres sociétés aient chacune une personnalité distincte ;

- soit leurs propres déficits constatés antérieurement à la réalisation des apports et encore reportables, sans que la déduction opérée puisse être contestée ultérieurement par la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du LPF.

Selon les termes de l'article 170 sexies de l'annexe IV au CGI, le pouvoir d'agrément est dévolu au directeur régional des impôts lorsque les capitaux propres des sociétés en cause n'excédent pas 25 millions de francs.

Cette compétence attribuée aux directeurs régionaux des impôts est exercée par le délégué régional dans la région d'Ile-de-France, par le directeur des services fiscaux de la Corse du Sud dans les départements de Corse et par le directeur des services fiscaux territorialement compétent dans les départements d'outre-mer (CGI, Annexe IV, article 170 octies).

Ces dispositions sont commentées dans la division D de la série 13 RC -Mesures fiscales soumises à un agrément préalable du ministre de l'économie et des finances (cf. 13 D 222 )-.

32 c. Conséquences de l'admission conditionnelle de la rétroactivité juridique des fusions de sociétés 2 .

Par un arrêt du 12 juillet 1974 (req. n° 81753, RJ, n° II, p. 114), rendu en matière de fusion de sociétés, le Conseil d'État est revenu sur sa jurisprudence antérieure selon laquelle la rétroactivité donnée par les parties à un acte d'apport n'est pas, en principe, opposable à l'administration qui est un tiers par rapport aux parties contractantes.

33La doctrine administrative n'avait toutefois pas tiré toutes les conséquences de cette inopposabilité de principe. Elle avait en effet admis, sous certaines conditions, de tenir compte, au plan fiscal, de la rétroactivité des conventions de fusion. Mais cette rétroactivité ne devait pas avoir pour conséquence l'imputation ou le report de déficits antérieurs, sous réserve, toutefois, de l'agrément ministériel prévu à l'article 209-II du CGI. Aussi, en dehors de cette procédure d'agrément, la rétroactivité de la fusion ne pouvait-elle être admise que si, notamment, chacune des sociétés concernées était bénéficiaire du point de vue fiscal et s'il n'existait pour chacune d'elle ni déficit fiscal, ni amortissements réputés différés à reporter. L'activité de ces sociétés devait en outre offrir, pour la période couverte par la rétroactivité, des perspectives de résultats bénéficiaires.

34Dans l'arrêt du 12 juillet 1974 précité, le Conseil d'État a jugé, dans le cas d'une fusion de sociétés, que dans la mesure où la rétroactivité donnée par les parties à l'acte d'apport ne remonte pas à une date antérieure à celle de l'ouverture de l'exercice au cours duquel la convention a été conclue, la société absorbante est en droit, pour la détermination de ses résultats imposables, de prendre en compte, dans le premier bilan établi après fusion, les déficits provenant de la reprise des opérations de la société absorbée depuis la date d'effet de la rétroactivité fixée dans le contrat.

35Cette jurisprudence est fondée sur la définition du bénéfice industriel et commercial imposable, qui correspond, en vertu de l'article 38 du CGI (applicable en matière d'impôt sur les sociétés aux termes de l'article 209 du même code), aux résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par l'entreprise entre les dates d'ouverture et de clôture d'un exercice. Parmi ces opérations figurent celles résultant des contrats conclus pour la gestion de l'entreprise -même si un effet rétroactif leur est attaché- à condition qu'ils aient été passés avant la clôture de l'exercice dont ils affectent les produits ou les charges.

36Les conséquences de cette rétroactivité peuvent donc affecter les résultats de l'exercice au cours duquel de tels contrats ont été conclus, mais ne peuvent en aucun cas conduire à rectifier ceux des exercices précédents.

37Cette solution implique que le contrat de fusion et la clause de rétroactivité qu'il comporte s'inscrivent dans le cadre d'une gestion commerciale normale. Il convient donc, dans chaque cas, de s'assurer que la fusion ne recouvre pas, en réalité, une opération inspirée par des préoccupations de pur intérêt fiscal. Il en serait ainsi, notamment, s'il apparaissait que la fusion a essentiellement pour cause l'économie d'impôt résultant de la compensation entre les bénéfices de la société absorbante et les pertes de la société absorbée.

3. Reprise d'entreprises ou d'établissements en difficulté : déduction des déficits (cf. ci-après  H 2213 ).

1   Il est toutefois dérogé à ce principe, sous certaines conditions, dans les hypothèses suivantes :

- reports déficitaires agréés en cas de fusions de sociétés et opérations assimilées entrant dans les prévisions des articles 210 A à C du code (cf. n° 31 ) ;

- rétroactivité juridique des fusions de sociétés (cf. n°s 32 et suiv. ).

2   Sur la question de la rétroactivité juridique des fusions de sociétés, cf. DB 4 I 123 .