TITRE 6 CESSION, CESSATION, DÉCÈS DE L'EXPLOITANT
TITRE 6
CESSION, CESSATION, DÉCÈS DE L'EXPLOITANT
GÉNÉRALITÉS
1L'article 201 du CGI dispose que, dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière, ainsi que dans le cas de décès de l'exploitant, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise et qui n'ont pas encore été taxés est immédiatement établi.
2Le principe d'imposition immédiate est aussi applicable en cas de cession ou cessation d'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés. En effet, aux termes de l'article 221-1 du code précité, l'impôt sur les sociétés est établi dans les mêmes conditions et sous les mêmes sanctions que l'impôt sur le revenu (catégorie des bénéfices industriels et commerciaux).
3En outre, dans les cas prévus par l'article 221 (2, 2 bis, 2 ter) du CGI, l'impôt sur les sociétés est également établi dans les conditions fixées par l'article 201-1 et 3.
4L'imposition porte, non seulement sur les bénéfices d'exploitation, mais encore sur les plus-values d'actif résultant de la cession ou de la cessation et, d'une manière générale, sur tous les bénéfices en sursis d'imposition, provisions ou plus-values dont l'imposition avait été différée.
5En vue de l'établissement de cette imposition immédiate, le contribuable (ou, en cas de décès, ses ayants droit) est tenu de souscrire une déclaration dans un délai de soixante jours à compter de la date de la cession ou de la cessation (ou en cas de décès, dans un délai de six mois).
6Il est prévu, par ailleurs, que les impositions établies dans les conditions fixées par l'article 201 susvisé sont exigibles immédiatement et que le cessionnaire peut être rendu responsable solidairement avec le cédant, dans les conditions définies à l'article 1684 du CGI, des impôts mis à la charge de ce dernier.
7Ce dispositif, dans son ensemble, vise à accélérer le recouvrement de l'impôt dans les cas où les droits du Trésor risquent d'être compromis du fait de la disparition de l'entreprise.
8Enfin, l'article 16-III de la loi de finances rectificative pour 1989 (n° 89-936 du 29 décembre 1989) complété par l'article 29 de la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier prévoient que les conséquences fiscales de la cessation d'entreprise sont applicables lorsqu'une société ou un organisme change totalement ou partiellement de régime fiscal. Par ailleurs, l'article 19-II de la loi de finances pour 1991 (n° 90-1168 du 29 décembre 1990) étend aux sociétés placées sous le régime des sociétés de personnes qui exercent une profession non commerciale l'application de l'article 202 ter du CGI. Dans ce cas les règles applicables à la cessation d'entreprise sont celles prévues à l'article 202 du CGI
9On examinera successivement ci-après :
- les cas d'imposition immédiate, à savoir essentiellement la cession ou la cessation d'entreprise et le décès de l'exploitant ;
- les règles de détermination du bénéfice imposable ;
- les obligations des contribuables ;
- les modalités d'établissement et de recouvrement de l'imposition immédiate.
CHAPITRE PREMIER
CESSION, CESSATION D'ENTREPRISE
SECTION 1
Définition
1Il convient de distinguer les cessions ou cessations totales d'entreprises de celles qui revêtent un caractère seulement partiel.
A. CESSION OU CESSATION TOTALE D'ENTREPRISE
2Il faut entendre par cession totale d'entreprise, au sens de l'article 201 du CGI, toute transmission de l'ensemble de l'exploitation par acte portant transfert de la propriété de l'entreprise.
3Ainsi, un acte, qu'il soit stipulé à titre onéreux ou à titre gratuit, peut, quelle que soit sa qualification, emporter cession d'entreprise, dès lors qu'il opère un transfert de la propriété d'une entreprise d'une personne physique ou morale à une autre personne physique ou morale. L'acte peut consister, notamment, en une vente pure et simple, un apport en société, une fusion ou une donation.
4La cessation totale d'entreprise s'entend, d'une manière générale, de l'abandon de l'ensemble de l'activité industrielle et commerciale. Elle peut résulter, notamment :
- de la fermeture définitive du ou des établissements dans lesquels était exercée l'activité ;
- en ce qui concerne les sociétés, de leur dissolution ou de leur transformation entraînant la création d'une personne morale nouvelle.
B. CESSION OU CESSATION PARTIELLE D'ENTREPRISE
5La cession ou cessation partielle d'entreprise emporte, en principe, imposition immédiate. Toutefois le service peut s'abstenir d'établir immédiatement cette imposition (cf. ci-après DB 4 A 633 n° 42 ).
La cession ou la cessation d'entreprise est considérée comme partielle lorsqu'un contribuable, ayant plusieurs branches d'activité ou plusieurs établissements, cède ou abandonne l'une de ces branches d'activité ou l'un de ces établissements.
6Pour un exploitant qui vend certains éléments de son actif, il n'y a, en principe, cession partielle d'entreprise que si la vente porte sur un ensemble d'éléments susceptibles d'une exploitation séparée et comprenant, notamment, les éléments incorporels indispensables à cette exploitation.
7Pour apprécier s'il est satisfait à cette condition, il convient de se placer du point de vue de l'entreprise cédante en tenant compte des modalités selon lesquelles cette entreprise exerçait effectivement ses activités lors de la cession. La situation fiscale des entreprises cédantes ne peut, dès lors, être réglée qu'après étude des circonstances propres à chaque cas particulier.
8Ces principes sont applicables, mutatis mutandis, en cas de cessation partielle résultant de l'abandon d'une branche d'activité ou d'un établissement.
9On donnera ci-dessous quelques exemples d'opérations qui, au regard de la jurisprudence du Conseil d'État, ont ou n'ont pas été considérées comme constituant des cessions partielles d'entreprise.
Un contribuable, qui a cédé le droit au bail des locaux où il exerçait son commerce ainsi qu'une partie de son matériel, doit être regardé comme en ayant également cédé l'élément essentiel, à savoir l'achalandage -bien que l'acte stipule qu'il conserve le surplus du matériel, les marchandises, la clientèle et l'usage du nom commercial- dès l'instant qu'il s'est engagé à n'installer aucune affaire concurrente dans un rayon de 50 km et que le cessionnaire a entrepris dans les locaux en cause un commerce de même nature après avoir payé un prix élevé qu'il a porté à son bilan sous la rubrique « fonds de commerce ».
En conséquence, à l'égard du cédant qui, de son côte, a ouvert un nouveau magasin à une distance de 100 km de l'ancien magasin, l'opération a le caractère, non d'un simple déplacement de fonds de commerce, mais d'une cession partielle d'entreprise motivant l'imposition immédiate des bénéfices non encore taxés (CE, arrêt du 19 mars 1955, req. n° 15754, RO, p. 259).
De même lorsqu'un contribuable possédant plusieurs établissements semblables cède l'un d'eux avec tous les éléments nécessaires à une exploitation indépendante (installations immobilières, matériel et fonds de commerce), il doit être regardé comme réalisant une cession partielle d'entreprise, alors même que l'établissement cédé n'aurait comporté ni comptabilité, ni stocks particuliers (CE, arrêt du 8 mars 1957, req. n° 36029. RO, p. 300).
Dans le cas enfin d'un contribuable qui exerçait concurremment les professions de commissionnaire de transports et de transporteur public, et qui, après avoir aliéné les véhicules qu'il possédait, a tout d'abord loué à un tiers, ses cartes de transporteur, puis les a vendues, il a été jugé que la location des cartes devait être regardée comme un mode particulier d'exploitation du fonds de commerce de transporteur public. La vente ultérieure des cartes - qui a entraîné, conformément à la réglementation en vigueur, cession de la partie du fonds de commerce qui leur était attachée - doit être considérée comme une cession partielle d'entreprise (CE, arrêt du 6 mars 1963, req. n° 53236, RO. p. 300).
10En revanche, le Conseil d'État a pris des décisions contraires dans les cas suivants :
- un contribuable qui louait la totalité des éléments corporels et incorporels d'une usine à une société, avait vendu à celle-ci le matériel et l'agencement de cet établissement industriel, à l'exclusion des immeubles et des éléments incorporels qu'il continuait à donner en location. Cette opération a été regardée pour l'intéressé, qui demeurait loueur de fonds de commerce, non comme une cession partielle d'entreprise, mais comme une simple cession d'éléments d'actif (CE, arrêt du 5 juin 1961, req. n° 47601) ;
- de même, la cession par une entreprise, d'un immeuble à usage d'hôtel à l'exclusion de tout élément de fonds de commerce ne peut être regardée comme une cession partielle d'entreprise (CE, arrêt du 17 avril 1967, req. n° 69053, RJCD, 1re partie, p. 105) ;
- la Haute Assemblée a jugé également que le transfert dans le patrimoine privé d'un exploitant de garage, d'un terrain recouvert de constructions légères qui était inscrit dans la comptabilité commerciale de l'entreprise ne saurait être regardé comme constituant une cession partielle de cette entreprise dès lors que ledit terrain n'était pas utilisé pour l'exploitation du garage auquel il était attenant et que l'intéressé n'y exerçait plus aucune autre activité professionnelle depuis plusieurs années (CE, arrêt du 13 novembre 1968, req. n° 72133, RJCD, 1re partie, p. 328).