Date de début de publication du BOI : 09/03/2001
Identifiant juridique : 4A2162
Références du document :  4A2162

SOUS-SECTION 2 NATURE DES AIDES

SOUS-SECTION 2

Nature des aides

1Le régime des abandons de créances et des subventions est déterminé par leur nature.

Il convient à cet égard :

- de définir ce que l'on doit entendre par abandon de créance ou subvention ;

- d'apprécier s'ils procèdent d'un acte de gestion normal où anormal ;

- enfin, dans le cas où le caractère normal des aides est établi, de distinguer selon que l'abandon ou la subvention est de nature commerciale ou financière.

  I. Définition des abandons de créances et des subventions

2Selon la jurisprudence du Conseil d'État et aux termes mêmes de l'article 216 A du CGI, un abandon de créance résulte de la conjonction de deux éléments constitutifs :

31° L'un matériel impliquant :

- d'une part, l'enregistrement préalable en comptabilité d'une créance pour un montant déterminé par l'entreprise créancière et d'une dette d'égal montant par l'entreprise débitrice ;

- d'autre part, la comptabilisation par l'entreprise qui consent l'abandon, d'une perte correspondant au montant de la créance abandonnée ainsi que la constatation d'un profit à concurrence du montant de la dette annulée par l'entreprise qui bénéficie de l'abandon.

Remarques : En ce qui concerne le régime fiscal de l'abandon de créance chez l'entreprise qui le consent, voir ci-après 4 A 2163, n°s 2 et suiv.

S'agissant du régime fiscal de l'abandon de créance chez l'entreprise qui en est bénéficiaire, voir ci-après 4 A 2163, n°s 38 et suiv.

42° L'autre intentionnel résultant des motivations qui ont été à l'origine de l'abandon de créance.

Il convient d'assimiler aux abandons de créances les subventions ou sommes de toute nature effectivement versées par une entreprise à une tierce entreprise. En effet, l'abandon de créance ou la subvention recouvrent tous deux une même réalité économique et constituent deux modalités d'allocation d'une aide.

5En revanche, les renonciations à des recettes ne peuvent être assimilées à des abandons de créance.

En effet, l'élément matériel (enregistrement préalable en comptabilité d'une créance pour l'une des parties ou d'une dette pour l'autre) fait en tout état de cause défaut.

Nota : La renonciation à des recettes peut résulter notamment de prêts consentis sans intérêt, de l'absence de comptabilisation d'intérêts non réclamés, de la non-facturation ou de la sous-facturation de ventes ou de services.

6Par ailleurs, le fait pour une entreprise de ne pas facturer des ventes ou des prestations de services à une tierce entreprise constitue, en l'absence de toute contrepartie, un acte de gestion anormal justifiant la réintégration des sommes non facturées dans les bénéfices imposables de l'entreprise venderesse ou prestataire de services.

7Il en est ainsi même si le bénéficiaire des fournitures ou des services non facturés est une filiale de la société qui a consenti ces avantages.

Toutefois, dans la situation où la société mère pourrait être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté, il conviendrait, en ce qui la concerne, et pour l'application des impôts directs uniquement, d'attacher à la renonciation à des recettes les effets d'un abandon de créance.

8Corrélativement :

- il n'y aurait lieu à aucune réintégration lorsque la renonciation à des recettes présenterait un caractère commercial (cf. ci-dessous n°s 15 et suiv , et ci-après 4 A 2163, n° 8 ) ou lorsque cette renonciation présentant un caractère financier, la situation nette comptable -ou réelle- de la société bénéficiaire de l'aide serait négative (cf. ci-dessous n°s 15 et suiv. et ci-après 4 A 2163, n°s 9 et suiv. ) ;

- dans la situation où la renonciation à des recettes présenterait un caractère financier, il conviendrait de réintégrer le montant de l'aide consentie dès lors que la situation nette - ou réelle - de la société bénéficiaire de l'avantage serait positive, en proportion du pourcentage de participation détenue dans cette même société (cf. ci-dessous n°s 15 et suiv. et ci-après A 2163, n°s 35 et suiv. ).

9 Remarque  : La filiale bénéficiant de la part de la société mère d'une aide consentie sous forme de renonciation à des recettes n'a pu déduire de ses résultats les sommes correspondantes qui n'ont été ni exigées, ni acquittées. Par suite, l'avantage en résultant se trouve, de cette façon, déjà pris en compte dans les bases déclarées et ne peut donner lieu à réintégration qui formerait double emploi, ni, en l'absence de flux financier, à l'application de l'article 216 A du CGI (cf. ci-après 4 A 2163, n°s 38 et suiv. ).

10Enfin, une réponse ministérielle faite à M. Paul GIROD, sénateur, (JO déb. Sénat du 6 novembre 1986, n° 1718 p. 1559), a précisé le régime des abandons de créances réalisés dans le cadre d'un redressement judiciaire en indiquant que les remises de dettes effectuées dans le cadre de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 s'analysent comme des abandons de créances dont le régime est défini ci-dessous (cf. 4 A 2163 ). Ces remises ne peuvent être admises en déduction des résultats de l'entreprise créancière que si elles sont consenties dans l'intérêt direct de son exploitation et si elles trouvent leur fondement dans l'existence d'une contrepartie réelle et suffisante.

  II. Caractère normal ou anormal des aides

11Il convient, au préalable, d'apprécier si l'abandon de créance ou le versement de la subvention constituent un acte de gestion normal.

En effet, le caractère normal ou anormal de l'aide détermine les régimes tant de déductibilité de la créance abandonnée chez l'entreprise qui consent l'abandon (cf. ci-après 4 A 2163, n°s 6 et suiv. ) que l'imposition de l'avantage correspondant chez l'entreprise qui en est bénéficiaire (cf. ci-après 4 A 2163, n°s 43 et suiv. ).

12La preuve du caractère normal de l'aide est apportée lorsqu'il est établi que celle-ci a été consentie dans l'intérêt de l'exploitation et trouve son fondement dans l'existence d'une contre-partie réelle et suffisante.

À cet égard, l'entreprise qui consent l'abandon de créance ne peut en aucun cas se contenter d'invoquer les liens de droit qui l'unissent à celle qui est bénéficiaire de l'abandon (telle une société mère au regard d'une de ses filiales) pour établir le caractère normal de l'acte de gestion.

Pour ménager toute garantie en matière de preuve, le service ne doit pas hésiter, dans les situations où l'appréciation des circonstances de fait soulève des difficultés, à saisir la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires conformément à l'article L. 59, alinéa 2, du LPF.

Il n'est pas possible de dresser une liste limitative d'abandons de créances normaux et anormaux ; cette appréciation résulte essentiellement des circonstances de fait qui ont présidé à l'attribution de l'aide.

13 Le Conseil d'État a notamment jugé que le caractère normal des aides était établi dans les situations suivantes :

- l'abandon temporaire par une société de ses redevances de concession, dès lors que cet abandon avait eu, pour contrepartie, les dépenses engagées par le concessionnaire en vue du développement de sa clientèle, dépenses qui devaient -en assurant une plus large diffusion des produits de la société- procurer à celle-ci au prix d'un sacrifice momentané une source importante de bénéfices (CE, arrêt du 19 décembre 1951, req. n°s 87757 et 94405) ;

- avances consenties à une société B et règlement de diverses dépenses d'exploitation pour le compte de cette dernière par une société A, pour permettre à la première de poursuivre une activité commerciale qui, compte tenu de l'étroite dépendance existant entre ces deux sociétés était indispensable au fonctionnement normal de la société créancière (CE, arrêt du 27 avril 1964, req. n° 55733) ;

- subventions versées par une société mère à des filiales en difficulté dont les déficits constants n'étaient pas de nature à exclure tout espoir de redressement (CE, arrêt du 12 juillet 1978, req. n°s 2138 et 2769) ;

- subventions d'équilibre versées par une société à ses fournisseurs exclusifs dont elle détient le capital social directement ou par l'intermédiaire de son gérant et à qui elle impose des normes strictes de fabrication et des prix correspondant à ses objectifs de marché (CE, arrêt du 16 février 1983, req. n° 37868) ;

- remise partielle d'une dette accordée par une société à une autre société dont elle détient la quasi-totalité du capital pour lui permettre de poursuivre une activité commerciale normale et de préserver ainsi la notoriété du groupe et sa position sur le marché des produits pharmaceutiques (CE, arrêt du 13 juillet1978, req. n° 3094) ;

- subvention allouée à la société commercialisant ses produits, et dont il est l'unique fournisseur et le gérant, par un exploitant qui, en vue d'accroître ses débouchés, a imposé à cette société une politique de bas prix compromettant sa situation financière au point d'en entraîner la liquidation (CE, arrêt du 9 octobre 1981, n° 1553) ;

- abandon de créance consenti par une société à une filiale à 99,97 % dès lors que la société mère a pu estimer à juste titre qu'il était conforme à ses intérêts, notamment pour sauvegarder son renom, d'assainir la situation financière de sa filiale en difficulté, alors même qu'elle aurait pu recourir à d'autres mesures pour parvenir aux mêmes fins, en particulier souscrire à une augmentation de capital de la filiale, précédée ou non d'une réduction de capital (CE, arrêt du 30 avril 1980, req. n° 16253 ; voir aussi l'arrêt du 27 novembre 1981, req. n° 16814, cf. ci-dessous n° 18 , ainsi que l'arrêt du 27 juin 1984, n° 35030) ;

- abandons de créances ou subventions versées par une société à une filiale ou à une société soeur afin que celle-ci puisse rééquilibrer son compte d'exploitation et conserver, par la poursuite de son activité, les débouchés commerciaux de la société versante (voir en ce sens les arrêts rendus en matière de TVA, cf. ci-dessous n° 18 ) ;

- abandon de créance consenti par une société mère à sa filiale se trouvant dans une situation commerciale susceptible d'entraîner la cessation de son activité, dès lors qu'en assainissant la situation de celle-ci (laquelle était d'ailleurs sa cliente), la société mère a visé à sauvegarder son renom et à assurer le maintien de sa propre activité (CE, arrêt du 4 décembre 1985, n° 44323).

14 En revanche, ne peuvent être considérés comme procédant d'une gestion normale, par exemple :

- les abandons de créances ou subventions aboutissant tant par leur caractère répétitif que par leur modulation en valeur absolue :

•soit à une remontée au niveau d'une société mère des déficits subis par certaines de ses filiales,

•soit à une localisation optimale des résultats imposables entre sociétés appartenant à un même groupe, notamment lorsque la société bénéficiaire d'une subvention ou d'un abandon de créance est située dans un pays ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié ;

– les abandons de créances ou les subventions dans le cadre desquels il est démontré qu'une personne ou plusieurs personnes liées par une communauté d'intérêts, détenant une participation substantielle du capital de la société ayant bénéficié de l'abandon, se sont abstenues d'aider cette société alors même qu'elles y avaient intérêt et qu'elles étaient en mesure de la faire ;

– la remise partielle, par une société, d'une avance de fonds faite par elle à une autre société, dès lors que les deux sociétés en cause, bien qu'ayant un associé commun et poursuivant un objet semblable, étaient entièrement étrangères l'une de l'autre (CE, arrêt du 5 mai 1967, req. n° 69059, RJCD 1re partie, p. 118). Au cas particulier, les deux sociétés exploitaient des établissements appartenant à une même chaîne ;

- l'abandon par une société anonyme, aux héritiers de son administrateur et principal actionnaire, du solde débiteur d'un compte ouvert dans ses écritures au nom du défunt et représentant le montant d'avances consenties à ce dernier sur des bénéfices qui, en définitive, n'avaient pas été distribués par la suite (CE, arrêt du 12 novembre 1948, req. n° 68840 ; RO, p. 95) ;

- la renonciation au remboursement d'avances qui ont été consenties dès l'origine à des fins étrangères à une gestion commerciale normale (en ce sens, notamment, CE, arrêts du 7 novembre 1979, req. n° 6188, du 14 mai 1980, n° 9259) ;

- les aides dont la réalité n'a pu être établie par leur identification dans la comptabilité de la société qui en était le prétendu bénéficiaire (CE, arrêt déjà cité du 12 juillet 1978, req. n°s 2138 et 2769) ;

- les subventions allouées par une société à d'autres sociétés et dont le versement n'était pas conforme aux usages commerciaux, ni justifié par les circonstances de l'affaire (CE, arrêt du 12 juillet 1978, req. n°s 2138 et 2769) ;

- les avances consenties à une entreprise qui lui est juridiquement étrangère, sans stipulation d'intérêts ni délai de remboursement, par une société qui n'engage aucune action pour recouvrer sa créance (CE, arrêt du 29 juin 1981, req. n°s 15950 ; 15952 et 15953) ;

- l'abandon par un contribuable à une société dont il détient 45 % des parts, au demeurant non inscrites à l'actif du bilan de son entreprise individuelle d'agent de voyages, d'une fraction des commissions revenant à cette entreprise (CE, arrêt du 31 janvier 1983, n° 17885).

Dans le même sens voir également CE, arrêt du 15 octobre 1982, n° 26585 cité ci-après DB 4 A 2163, n° 6 .

Une filiale qui n'entretient pas de relations commerciales avec la société mère, n'est pas fondée à -déduire de ses résultats le montant d'un abandon de créance qu'elle lui a consenti, dès lors qu'elle ne justifie d'aucun intérêt propre à l'apport d'une aide.

La circonstance que la créance aurait été abandonnée afin de permettre à la société mère de renoncer à une créance de même montant qu'elle détenait sur une autre de ses filiales est inopérante, dans la mesure où, en l'absence de tout lien financier ou commercial entre les deux filiales, il n'est pas établi que la filiale en cause aurait eu un intérêt particulier à la bonne marche de la société soeur (CE, arrêt du 19 décembre 1988, n° 55655).