SOUS-SECTION 3 RÉGIME FISCAL DES ABANDONS DE CRÉANCES
SOUS-SECTION 3
Régime fiscal des abandons de créances
1Les abandons de créances comportent des conséquences fiscales, en matière d'impôt sur les bénéfices, tant au regard de l'entreprise qui consent l'abandon que de celle qui en est bénéficiaire.
Par ailleurs, il convient d'examiner les conséquences des abandons de créances assortis d'une clause de retour à meilleure fortune.
A. CONSÉQUENCES FISCALES CHEZ L'ENTREPRISE QUI CONSENT L'ABANDON
2Les abandons peuvent, sous certaines conditions, constituer une charge totalement ou partiellement déductible des résultats imposables de l'entreprise qui les a consentis.
Il convient à cet égard de faire la distinction entre :
- les conditions générales de déductibilité des abandons de créances ;
- les conditions particulières de déductibilité propres, d'une part, aux abandons de créances à caractère commercial et, d'autre part, aux abandons de créances à caractère financier.
I. Conditions générales de déductibilité des abandons de créances
3Un abandon de créance ne peut constituer - pour la totalité ou une partie seulement de son montant (cf. ci-dessous n°s 8 et suiv. ) - une charge déductible pour l'entreprise qui le consent que s'il est satisfait simultanément aux deux conditions suivantes :
- l'abandon de créance doit procéder d'un acte de gestion normal ;
- la créance abandonnée ne doit pas constituer un élément du prix de revient d'une participation dans une autre société.
1. L'abandon de créance doit constituer un acte de gestion normal.
4Si l'abandon de créance ne constitue pas un acte de gestion normal (cf. ci-dessous n°s 10 et suiv. ), la charge correspondante qui n'a pas été supportée dans l'intérêt de l'exploitation ne peut venir en déduction des résultats imposables de l'entreprise qui a consenti l'abandon.
Il en est notamment ainsi lorsque l'abandon de créance ou la subvention peut être regardé comme constitutif d'un transfert de bénéfice, au sens de l'article 57 du CGI, au profit d'entreprises ou de groupes placés sous la dépendance ou contrôlant des entreprises situées hors de France.
5En revanche, lorsque l'abandon de créance est considéré comme un acte de gestion normal, la charge en résultant constitue, en principe, une charge déductible pour tout ou partie de son montant dans les conditions exposées ci-dessous aux n°s 8 et suiv.
2. La créance abandonnée ne doit pas constituer un élément du prix de revient d'une participation dans une autre société.
6Le Conseil d'État a été appelé à se prononcer sur l'affaire suivante (arrêt du 15 octobre 1982, req. n° 26585) : pour assurer la distribution au Mexique de produits qu'elle fabriquait, la société X avait conclu avec la société mexicaine Y un contrat exclusif d'exploitation de ses marques moyennant le versement de redevances ; pour remédier aux difficultés financières de la société Y qui laissaient craindre une cessation d'activité de celle-ci, un plan de redressement avait été adopté comportant la réduction de la moitié du capital de la société Y, l'abandon par la société X des redevances qui lui étaient dues par la société Y ainsi qu'une augmentation du capital de la société Y par émission d'actions exclusivement réservées à la société X. La Haute Assemblée a jugé que l'abandon de créance devait être regardé comme constituant un élément du prix de revient d'acquisition de sa filiale et non comme une charge déductible des résultats de l'exercice.
7En revanche, dans une autre affaire, le Conseil d'État a considéré qu'eu égard tant au délai qui s'était écoulé en l'espèce entre l'acquisition par la société X des actions de la société Y et l'abandon de créance consenti à celle-ci qu'à la circonstance que la société Y avait subi des pertes d'exploitation pendant ce délai, l'abandon de créance ne pouvait pas être regardé comme un complément du prix d'acquisition de la société Y (CE, arrêt déjà cité du 27 novembre 1981, req. n° 16814).
De même, dans un arrêt du 25 mai 1988 (n° 50138), le Conseil d'Etat a jugé que le bref délai séparant la date de prise de participation d'une société mère dans une de ses filiales de celle à laquelle elle abandonne une créance qu'elle détenait sur elle, ne suffit pas à faire considérer que le montant de la créance constitue un élément du prix d'achat des actions lorsque les difficultés de la filiale sont sérieuses et que la société mère a dejà tenté, au cours de la période précédant le rachat, de l'aider par des subventions et avances de trésorerie.
II. Conditions particulières de déductibilité des abandons de créances
1. Déductibilité des abandons de créances à caractère commercial.
8Sous réserve qu'il soit satisfait aux conditions générales de déduction (cf. ci-dessus n°s 3 et suiv. ), il résulte de la jurisprudence du Conseil d'État [arrêt du 27 novembre 1981, req. n° 16814] (cf. également ci-avant DB 4 A 2162, n°s 12 et suiv. ) que les pertes consécutives à des abandons de créances revêtant un caractère commercial sont à comprendre intégralement dans les charges déductibles du résultat imposable de l'entreprise qui les a consentis.
La charge doit être constatée au titre de l'exercice au cours duquel l'abandon est intervenu.
2. Déductibilité des abandons de créances à caractère financier.
9Selon la jurisprudence du Conseil d'État issue de l'arrêt déjà cité du 30 avril 1980, req. n° 16253 (cf. ci-dessus DB 4 A 2162 n° 13 ) un abandon de créance consenti à une société a pour effet d'accroître à concurrence de son montant l'actif net de cette même société.
10Corrélativement, et sous réserve qu'il s'agisse d'un acte normal de gestion et qu'il soit également satisfait aux conditions générales de déduction énoncées ci-dessus n°s 3 et suiv. , la perte consécutive à un abandon de créance présentant un caractère financier est considérée, pour la société qui a consenti l'abandon, comme une charge déductible à concurrence :
- en tout état de cause, du montant de la situation nette négative de la société bénéficiaire de l'abandon ;
- et du montant de la situation nette positive après abandon de créance, dans le rapport du capital de la société bénéficiaire de l'abandon détenu par les autres sociétés.
11Cependant, dans l'hypothèse où un écart est constaté entre la situation nette comptable de l'entreprise bénéficiaire de l'abandon et sa situation nette réelle :
- l'entreprise qui consent l'abandon est admise à établir que la situation nette comptable est supérieure à la situation nette réelle (cf. ci-dessous n°s 15 et 16 ) ;
- le service peut, en sens inverse, démontrer que la situation nette réelle est supérieure à la situation nette comptable (cf, ci-dessous n°s 17 et 18 ).
a. Eléments à prendre en considération pour apprécier la déductibilité de la créance abandonnée.
1° La situation nette comptable.
12La situation nette comptable à laquelle il y a lieu, en principe, de se référer correspond à la différence entre le total de l'actif -sous déduction des frais d'établissement et des pertes de l'exercice- et celui du passif exigible.
Pour les exercices ouverts postérieurement au 31 décembre 1983, il n'y a pas lieu de diminuer le total de l'actif des pertes de l'exercice puisque celles-ci sont incluses dans les capitaux propres.
13Cette situation est négative si le total du passif excède celui de l'actif ; elle est positive après abandon de créance si le total de l'actif excède celui du passif exigible diminué du montant de la créance abandonnée, ou lorsqu'une subvention a été versée, si le montant de l'actif majoré de la subvention excède celui du passif exigible.
Incidences du nouveau plan comptable général.
14Sur le nouveau plan comptable général approuvé par arrêté ministériel du 27 avril 1982 (PCG 82) et applicable aux premiers exercices ouverts après le 31 décembre 1983, la situation nette servant de référence en matière d'abandons de créances :
- doit être distinguée de la situation nette qui correspond à la somme algébrique des apports, des écarts de réévaluation, des bénéfices autres que ceux pour lesquels une décision de distribution est intervenue et des pertes reportées ;
- correspond, sous déduction des frais d'établissement, au montant des capitaux propres qui est défini comme égal à la somme des éléments suivants : capital, primes d'émission, de fusion, d'apport, écarts de réévaluation, réserves, report à nouveau, subventions d'investissement, provisions réglementées, résultat de l'exercice (avant distribution).
2° La situation nette réelle.
Situation nette comptable supérieure à la situation nette réelle.
15Conformément au quatrième considérant de l'arrêt précité du 30 avril 1980, requête n° 16253 (cf. ci-dessus DB 4 A 2162 n° 13 ) et aux conclusions du commissaire du Gouvernement sous le même arrêt, l'entreprise qui consent un abandon de créance est admise à établir que la situation nette comptable de la société bénéficiaire de l'abandon et dont elle détient une participation dissimule une situation nette réelle inférieure.
16Il appartient à l'entreprise qui entend se prévaloir d'une telle situation de prouver, par tout moyen, que la situation nette réelle de la société à laquelle l'abandon de créance a été consenti est manifestement inférieure à sa situation nette comptable.
Situation nette comptable inférieure à la situation nette réelle.
17Le service est également autorisé à tirer les conséquences de ce que la situation nette comptable de la société bénéficiaire de l'abandon est manifestement inférieure à sa situation nette réelle.
18Il n'est pas nécessaire, à cet effet, de procéder à une évaluation systématique de tous les postes de l'actif et du passif mais plus simplement de vérifier si certains postes de l'actif ne recèlent pas des plus-values latentes suffisantes pour augmenter positivement la situation nette à concurrence du montant de la créance abandonnée.
Le service est cependant invité à ne se prévaloir d'une situation nette réelle supérieure à la situation nette comptable de la société bénéficiaire de l'abandon qu'avec discernement et dans les cas où l'écart constaté est manifeste et incontestable.
3° Date d'appréciation de la situation nette comptable (ou réelle).
19Pour apprécier la situation nette comptable -ou réelle- de la société bénéficiaire de l'abandon, il convient de se placer, en principe, à la date à laquelle l'abandon a été consenti.
20Cependant, lorsque l'entreprise n'est pas en mesure d'établir une telle situation à la date à laquelle l'abandon a été consenti, il est admis qu'il puisse être fait référence :
- soit à la plus proche situation provisoire établie antérieurement ou postérieurement à cette même date à des fins de publication au Bulletin des annonces légales obligatoires, de gestion interne ou pour toute autre raison. Bien entendu, l'administration serait en droit d'écarter les situations apocryphes ou qui ne seraient pas susceptibles de donner une image suffisamment fidèle de l'entreprise ;
- soit, à défaut de situation provisoire, au plus proche bilan, que celui-ci soit établi antérieurement ou postérieurement à la date de l'abandon de créance.
Remarque. - Conformément à l'article 297-1 du décret modifié n° 67-236 du 23 mars 1967, les sociétés cotées sont tenues de publier au BALO dans les quatre mois qui suivent chacun des semestres de l'exercice, une situation provisoire du bilan arrêtée au terme du semestre écoulé.
4° Cas des abandons de créances consentis par une société française à une société étrangère.
21La société française doit, pour déterminer le montant éventuellement déductible de ses propres résultats imposables en France des créances qu'elle a abandonnées ou des subventions qu'elle a versées au profit d'une société étrangère, se référer à la situation nette de cette même société établie selon les règles normalement applicables en vertu de la législation étrangère.
22Mais il appartient, bien entendu, à la société française de produire tous les éléments ayant servi à la détermination de la situation nette de la société bénéficiaire de l'abandon.
Il sera fait, en tant que de besoin, appel à l'assistance administrative internationale par le service toutes les fois que la société étrangère est située dans un pays ayant conclu avec la France une convention permettant sa mise en oeuvre.
La contrevaleur en francs français de cette situation nette doit être calculée compte tenu du cours de change à la date à laquelle la situation a été établie.
23Toutefois, lorsque l'abandon de créance ou la subvention a bénéficié à une société établie dans un pays à fiscalité privilégiée, les sommes ainsi transférées ne pourront être considérées comme déductibles des résultats de la société française.
Autrement dit, il n'y a pas lieu de reconstituer selon les dispositions applicables en France, la situation nette de la société étrangère.