Date de début de publication du BOI : 15/03/1996
Identifiant juridique : 4J-2-96
Références du document :  4J-2-96

B.O.I. N° 53 du 15 MARS 1996


BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

4 J-2-96

N° 53 du 15 MARS 1996

4 F. E. / 15

INSTRUCTION DU 1er MARS 1996

ARTICLE 45 DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1993.
DEMEMBREMENT DE TITRES. CONDITIONS D'OCTROI DE L'AVOIR FISCAL

(C.G.I., art. 158 TER)

NOR : BUD F 96 40003 J

[S.L.F.-Bureau E 1]



PRESENTATION GENERALE


L'article 158 ter du code général des impôts réserve le bénéfice de l'avoir fiscal aux personnes qui ont leur domicile ou leur siège en France.

Toutefois, l'article 242 quater du même code prévoit que l'avoir fiscal peut être accordé aux personnes domiciliées sur le territoire des Etats ayant conclu avec la France des conventions tendant à éviter les doubles impositions.

Dans le cadre des conventions fiscales, la France accorde aux résidents d'une trentaine d'Etats ou territoires le transfert de l'avoir fiscal afférent aux dividendes de sociétés résidentes de France.

L'article 45 de la loi de finances rectificative pour 1993 prévoit qu'en cas de démembrement de la propriété des actions ou parts entre personnes morales, le droit à l'avoir fiscal du bénéficiaire des dividendes peut être supprimé lorsque le propriétaire des droits autres que les droits aux dividendes est un non-résident.


SOMMAIRE

GENERALITES
 
1 à 5
CHAPITRE PREMIER : CHAMP D'APPLICATION DE LA MESURE
 
6 à 19
SECTION 1 : Opérations de démembrement de titres concernées
 
6 à 11
A. LES DIVIDENDES AUXQUELS S'APPLIQUE LE NOUVEAU DISPOSITIF
 
7
B. LES OPERATIONS DE DEMEMBREMENT D'ACTIONS OU DE PARTS VISEES
 
8 à 11
SECTION 2 : Les personnes concernées
 
12 à 19
A. PERSONNES AUTRES QUE LES PERSONNES PHYSIQUES
 
12 à 14
B. LA PERSONNE QUI DETIENT TOUT OU PARTIE DES DROITS DEMEMBRES AUTRES QUE LES DROITS AUX DIVIDENDES DOIT ÊTRE ETABLIE OU AVOIR SON SIEGE HORS DE FRANCE
 
15 à 19
CHAPITRE II : PORTEE DE L'ARTICLE 45 DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1993
 
20 à 31
CHAPITRE III : MODALITES D'APPLICATION
 
32 à 37
CHAPITRE IV : CONTRÔLE FISCAL. PENALITES. RECOUVREMENT.
 
38 à 40
SECTION 1 : Cas des bénéficiaires de dividendes qui sont des résidents de France ou qui y sont établis
 
38
SECTION 2 : Cas des bénéficiaires de dividendes établis ou ayant leur siège hors de France
 
39 et 40


GENERALITES


1.L'article 158 ter du code général des impôts prévoit que l'avoir fiscal s'applique exclusivement aux produits d'actions, de parts sociales ou de parts bénéficiaires dont la distribution résulte d'une décision régulière des organes compétents de la société.

Le bénéfice en est réservé aux personnes qui ont leur domicile réel ou leur siège social en France.

2.Toutefois, le bénéfice de l'avoir fiscal peut être accordé aux personnes qui sont des résidents des Etats ou territoires ayant conclu avec la France une convention fiscale lorsque cette convention le prévoit.

De tels accords ont été conclus avec la République fédérale d'Allemagne, l'Australie, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Burkina-Faso, la Corée du Sud, la Côte d'Ivoire, l'Espagne, les Etats-Unis, la Finlande, le Gabon, l'Inde, l'Islande, l'Italie, le Japon, le Luxembourg, la Malaisie, le Mali, Malte, l'Ile Maurice, Mayotte (convention Comores), le Mexique, le Niger, la Norvège, la Nouvelle-Calédonie, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, Saint-Pierre-et-Miquelon, le Sénégal, Singapour, la Suède, la Suisse, le Togo, la Turquie et le Venezuela.

3.Toutefois, les dispositions de ces conventions qui sont relatives à l'avoir fiscal ne trouvent pas à s'appliquer lorsque l'autre Etat n'impose pas les dividendes considérés. Ainsi, par exemple, le Venezuela n'impose pas les dividendes de source française reçus par ses résidents ; le Brésil et Mayotte n'imposent pas les dividendes de source française reçus par leurs résidents personnes morales.

Par ailleurs, les conventions fiscales réservent le bénéfice de ce transfert aux personnes qui remplissent les conditions particulières requises par la convention. Il convient à cet égard de se reporter au texte des conventions, dont les références ont été publiées dans la note du 27 septembre 1995 parue au B.O.I. 14 A-12-95.

Il est néanmoins précisé que s'agissant de bénéficiaires personnes morales, ce transfert est subordonné à une participation inférieure à un certain taux dans le capital de la société française distributrice.

4.Des sociétés non résidentes ont tenté de contourner les limites prévues par les conventions en transférant contre rémunération l'usufruit des titres de sociétés résidentes de France à des sociétés tierces, auxquelles les limites conventionnelles ne s'appliquent pas.

5.L'article 45 de la loi de finances rectificative pour 1993, codifié au troisième alinéa de l'article 158 ter déjà cité, est destiné à prévenir et à sanctionner l'utilisation abusive des conventions en excluant du bénéfice de l'avoir fiscal les dividendes correspondant à des titres dont le nu-propriétaire, non résident de France, n'a pas droit à l'avoir fiscal.

La présente instruction a pour objet de commenter les dispositions de cet article qui sont applicables aux revenus distribués par des sociétés françaises à compter du 24 novembre 1993 (v. paragraphe II de l'article 45 déjà cité).


CHAPITRE I :

CHAMP D'APPLICATION DE LA MESURE



SECTION 1 :

Les opérations de démembrement de titres concernées


6.Les dispositions de l'article 45 de la loi de finances rectificative pour 1993 sont susceptibles de s'appliquer en cas de démembrement de titres, ou de toute convention ayant le même effet, lorsque ces titres donnent droit au paiement de dividendes auxquels est attaché un avoir fiscal, conformément aux dispositions de l'article 158 bis du code général des impôts.


  A. LES DIVIDENDES AUXQUELS S'APPLIQUE LE DISPOSITIF


7.Il s'agit des répartitions ouvrant droit à l'avoir fiscal. Pour plus de précisions, il convient de se reporter à la documentation administrative 4 J-131 .


  B. LES OPERATIONS DE DEMEMBREMENT D'ACTIONS OU DE PARTS VISEES


8.Il s'agit de toutes les opérations qui conduisent à une scission entre les droits financiers, c'est-à-dire les droits aux dividendes, et les autres droits (droits de vote) attachés aux titres, quelle que soit la terminologie juridique employée pour qualifier ces opérations par les législations des Etats dont dépendent les sociétés qui ont procédé au démembrement. Cette scission peut prendre par exemple la forme d'une cession d'usufruit ou de nue-propriété de titres.

9.La mesure s'applique aussi aux conventions ayant le même effet que le démembrement de titres. Elle vise ainsi par exemple la constitution de trusts ou de fiducies où un constituant transfère la propriété de titres à un trustee, ou fiduciaire à charge pour celui-ci de lui reverser tout ou partie des dividendes ou de les reverser à une ou plusieurs tierces personnes désignées comme bénéficiaires.

10.En revanche, les techniques de cession temporaire de titres qui se traduisent par un transfert de la propriété entière des titres au profit de l'acquéreur ne sont pas visées par la mesure.

11.Toutefois, il est rappelé que dans le cas des prêts ou pensions de titres, les titres prêtés ou mis en pension ne doivent pas bénéficier, pendant la durée de l'opération, d'un paiement de dividendes ouvrant droit à un avoir fiscal. Pour plus de précisions, on se reportera à la documentation administrative DB A 238 (prêts de titres) et au bulletin officiel des impôts 4 H-7-95 (pensions de titres).


SECTION 2

Les personnes concernées



  A. PERSONNES AUTRES QUE DES PERSONNES PHYSIQUES


12.L'article 45 concerne tous les démembrements des droits attachés à des titres effectués entre des personnes qui ne sont pas des personnes physiques. Sont ainsi concernées toutes les personnes morales ainsi que toutes les entités dénuées de la personnalité morale telles que les fonds communs de placement, certains « partnerships », les sociétés en participation, les sociétés de fait ou les établissements stables dépendant d'une entreprise autre qu'une entreprise individuelle.

13.Il est rappelé à cet égard que les établissements stables situés en France peuvent avoir droit au bénéfice de l'avoir fiscal en raison de la situation du siège de la société dont ils dépendent :

- dans les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- dans les Etats de l'Union européenne ;

- dans les Etats avec lesquels la France est liée par une clause de non-discrimination relative aux établissements stables.

Pour plus de précisions on se reportera à la DB 4 H 5411 n os 58 et suivants.

14.Par contre, le bénéfice de l'avoir fiscal n'est pas remis en cause par le nouvel alinéa du 158 ter du CGI lorsque l'un des intervenants - nu-propriétaire ou usufruitier - dans le démembrement des droits de propriété est une personne physique.


  B. LA PERSONNE QUI DETIENT TOUT OU PARTIE DES DROITS DEMEMBRES AUTRES QUE LES DROITS AUX DIVIDENDES DOIT ETRE ETABLIE OU AVOIR SON SIEGE HORS DE FRANCE


15.Sont ainsi notamment concernées l'ensemble des personnes morales qui ont leur siège de direction effective hors de France 1 et les établissements ou succursales à l'étranger de ces personnes, lorsque les titres se rattachent au bilan fiscal de ces établissements ou succursales.

Le siège de direction effective est le lieu où sont prises les décisions stratégiques en matière de gestion et de politique industrielle ou commerciale nécessaires à la conduite des affaires de l'entreprise. Le siège de direction effective sera normalement le lieu où la personne, ou le groupe de personnes, de rang le plus élevé (par exemple, le Conseil d'administration) prend ses décisions ; toutefois, la détermination du siège de direction effective est une question de fait. Une entreprise peut disposer de plusieurs sièges de direction mais ne peut avoir qu'un seul siège de direction effective à la fois.

Ce critère est couramment utilisé dans les conventions fiscales pour trancher les conflits de résidence des sociétés et autres personnes morales.

16.Toutes les personnes morales dont le siège statutaire est situé hors de France sont également présumées rentrer dans le champ d'application de cette disposition.

17.Il est rappelé à cet égard qu'en vertu des articles 1837 du code civil et 3 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, les tiers, parmi lesquels figure l'administration, peuvent se prévaloir du siège statutaire, mais que celui-ci ne leur est pas opposable par la société si le siège réel (ou siège de direction effective) est situé en un autre lieu.

Il appartient donc aux sociétés dont le siège statutaire serait situé hors de France d'apporter, si nécessaire, la preuve que leur siège réel est bien en France.

18.L'ensemble des principes qui précèdent s'appliquent aussi à l'ensemble des entités dénuées de la personnalité morale dont le siège de direction effective est situé à l'étranger ou qui le cas échéant sont dotées d'un siège statutaire hors de France.

19.S'agissant du bénéficiaire des dividendes, le lieu de sa résidence fiscale (c'est-à-dire le lieu du siège de direction effective) en France ou hors de France est indifférent.


CHAPITRE II :

PORTEE DE L'ARTICLE 45 DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1993


20.En cas de démembrement de titres entre personnes répondant aux conditions exposées ci-dessus, le détenteur des droits aux dividendes ne peut bénéficier de l'avoir fiscal que si le titulaire des autres droits démembrés aurait pu lui-même bénéficier de l'avoir fiscal en l'absence de démembrement des titres ouvrant droit aux dividendes.

21.Le dispositif aboutit donc à limiter le droit de l'usufruitier en fonction du droit qu'aurait eu le nu-propriétaire non résident de France s'il avait conservé l'entière propriété des titres démembrés.

22.Dès lors que l'article 45 déjà cité peut restreindre le droit à l'avoir fiscal d'un usufruitier résident de France, il est également susceptible d'emporter les mêmes conséquences dans le cas d'un usufruitier résident de l'un des Etats ou territoires ayant conclu avec la France une convention fiscale (voir n° 2 ). En effet, les conventions n'accordent éventuellement un transfert d'avoir fiscal aux résidents concernés qu'à la condition que les dividendes donnent droit à un avoir fiscal s'ils étaient reçus par un résident de France.

23.Il convient donc d'analyser la situation du nu-propriétaire au regard de la convention fiscale qui lui est éventuellement applicable en vue de déterminer si cette situation supprime ou non le droit de l'usufruitier, résident ou non-résident de France, à bénéficier de l'avoir fiscal.

Exemples

EXEMPLE 1 :

24.Hypothèse :

Une société A a son siège dans un Etat E 1 qui a conclu avec la France une convention fiscale prévoyant le transfert de l'avoir fiscal sous la condition d'imposition effective au nom du bénéficiaire des dividendes et des avoirs fiscaux correspondants et sous réserve que celui-ci détienne moins de 10 % du capital de la société distributrice. La société A, qui satisfait à l'ensemble de ces conditions, peut bénéficier du transfert de l'avoir fiscal à raison des actions qu'elle possède dans une société B dont le siège est en France. Elle cède l'usufruit de ces actions à une société C dont le siège est situé dans un Etat E 2 qui a conclu avec la France une convention fiscale dont l'article traitant des dividendes est identique à celui figurant dans la convention fiscale conclue entre la France et E 1.

25.Solution :

La société C peut bénéficier du transfert de l'avoir fiscal si elle est imposée à raison des dividendes de source française versés par la société B distributrice et des avoirs fiscaux correspondants et si elle possède moins de 10 % du capital de cette dernière.

EXEMPLE 2 :

26.Hypothèse :

Une société de capitaux A a son siège dans un Etat E 1 qui a conclu avec la France une convention fiscale qui prévoit le transfert de l'avoir fiscal. Elle perçoit des dividendes distribués par une société B dont le siège est en France. La société A ne peut toutefois bénéficier du transfert de l'avoir fiscal en raison de sa qualité de société mère au regard de la législation de l'Etat dont elle est un résident qui lui permet de bénéficier d'une exonération d'impôt sur les sociétés à raison des dividendes reçus.

La société A cède l'usufruit des titres de la société B à une société C qui a son siège dans l'Etat E 1. La société C est imposable sur les dividendes de source française reçus et l'avoir fiscal correspondant dans la mesure où la législation de l'Etat E 1 ne confère pas le bénéfice du régime société-mère dans le cas de la détention d'un usufruit.

27.Solution :

C ne pourra bénéficier du transfert de l'avoir fiscal puisque A ne pouvait en bénéficier en l'absence de démembrement.

EXEMPLE 3 :

28.Hypothèse :

Une société A a son siège dans un Etat E 1 avec lequel la France n'a pas conclu de convention fiscale. A contracte un emprunt auprès d'une banque B dont le siège est établi dans un Etat E 2 avec lequel la France a conclu une convention fiscale prévoyant le transfert de l'avoir fiscal. Le contrat conclu entre A et B prévoit notamment que A donnera en gage à titre de garantie à B les titres d'une société résidente de France C qu'elle détient ; B percevra les dividendes distribués par C, mais A continuera à exercer les droits de vote attachés aux titres de la société distributrice C.

29.Solution :

B ne peut bénéficier du transfert de l'avoir fiscal dès lors que A n'aurait pu lui-même bénéficier d'un tel transfert et dès lors que le contrat conclu entre A et B a le même effet qu'un démembrement de la propriété des titres.

EXEMPLE 4 :

30.Hypothèse :

Une société A a son siège dans un Etat E 1 avec lequel la France a conclu une convention fiscale. Celle-ci prévoit le transfert de l'avoir fiscal aux sociétés qui ont leur siège dans l'Etat E 1 et qui satisfont aux conditions suivantes :

- être les bénéficiaires effectifs de dividendes de source française ; et

- détenir directement ou indirectement moins de 15% du capital de la société résidente de France distributrice.

La société A détient 25 % du capital de la société B dont le siège est en France. Elle ne peut donc bénéficier du transfert de l'avoir fiscal.

Elle conclut un contrat de trust au terme duquel elle apportera à un trustee, domicilié dans l'Etat E 1, 12 % de la propriété du capital de la société B. Le contrat de trust prévoit notamment que A est le bénéficiaire des produits du trust et qu'à la fin de celui-ci les actifs du trust lui seront attribués ; le trustee, gérant du trust, acquittera les impôts sur les revenus revenant au trust.

31.Solution :

Sans avoir à s'interroger sur la qualité du trustee à recevoir l'avoir fiscal en fonction des dispositions de la convention fiscale considérée, celui-ci ne peut bénéficier de cet avantage dès lors que la société A n'aurait pu elle-même en bénéficier, à défaut de satisfaire à la condition de détention de moins de 15 % du capital de la société distributrice et dès lors que la convention de trust emporte les mêmes effets qu'un démembrement d'actions.

La société A ne peut pas non plus bénéficier du transfert de l'avoir fiscal car, en l'absence de la convention de trust qu'elle a conclue avec le trustee, elle n'aurait pu en bénéficier.