Date de début de publication du BOI : 04/10/2010
Identifiant juridique : 13L-10-10
Références du document :  13L-10-10

B.O.I. N° 86 DU 4 OCTOBRE 2010


BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

13 L-10-10

N° 86 DU 4 OCTOBRE 2010

INSTRUCTION DU 9 SEPTEMBRE 2010

INSTRUCTIONS OU CIRCULAIRES PUBLIEES
INTERPRETATIONS DONNEES PAR L'ADMINISTRATION

(L.P.F., art. L. 80 A, 2ème alinéa)

NOR : BCR Z 10 00067 J

Bureau AGR



PRESENTATION


L'article L 80 A du livre des procédures fiscales (LPF) institue, au profit des contribuables, une garantie contre les changements d'interprétation formelle des textes fiscaux par l'administration. Les conditions d'opposabilité de la doctrine doivent, toutefois, être distinguées selon que la garantie trouve son fondement dans le premier ou le second alinéa de cet article.

Ces dispositions ont fait l'objet de commentaires dans la doctrine administrative 13 L 1323.

Depuis lors, des aménagements législatifs importants ont été apportés à cet article, ce qui nécessite une actualisation de la doctrine administrative applicable.

Dans ce cadre, il est également apparu nécessaire d'opérer une distinction, compte tenu de leurs spécificités, entre les dispositions se rapportant à la garantie prévue par le 1 er alinéa et celle prévue par le 2 nd  alinéa.

La présente instruction a pour objet de commenter les dispositions du 2 nd alinéa de l'article L 80 A du LPF.

Le Bulletin Officiel des Impôts (BOI) 13 L-11-10 commente notamment les dispositions du 1 er alinéa de l'article L 80 A du LPF.


SOMMAIRE

INTRODUCTION
 
1
CHAPITRE 1 : LA GARANTIE APPORTEE PAR LE 2 ND ALINEA DE L'ARTICLE L 80 A SUR L'INTERPRETATION D'UN TEXTE FISCAL
 
8
Section 1 : Le champ d'application
 
9
A. LA NATURE DE L'IMPOT OU DE LA TAXE
 
10
B. LA NOTION DE TEXTE FISCAL
 
12
     1. Les principes applicables
 
12
     2. Cas particuliers
 
14
Section 2 : Les conditions d'application de la garantie du 2 nd alinéa de l'article L 80 A
 
16
A. LES IMPOSITIONS CONCERNEES PAR LA GARANTIE DU 2 nd ALINEA DE L'ARTICLE L 80 A
 
17
B. L'INTERPRETATION « PUBLIEE » D'UN TEXTE FISCAL
 
20
     1. La publication de l'interprétation par l'administration
 
22
     2. Les documents portant interprétation d'un texte fiscal
 
24
      a. Les instructions et circulaires administratives
 
25
      b. Les réponses ministérielles
 
29
      c. La documentation administrative de base
 
32
      d. Les précisions de doctrine administrative sur le site www.impots.gouv.fr
 
34
      e. Les réponses aux demandes individuelles des contribuables
 
35
    3. Les documents ne portant pas interprétation d'un texte fiscal
 
36
      a. Le précis administratif de fiscalité
 
37
      b. La Charte du Contribuable
 
38
      c. Les déclarations ministérielles
 
39
      d. Les cours professés à l'Ecole Nationale des Impôts
 
40
      e. Les revues spécialisées
 
41
    4. L'opposabilité de l'interprétation du texte fiscal invoquée par le contribuable
 
42
      a. L'interprétation dont entend se prévaloir le contribuable ne peut être étendue à d'autres situations qu'elle vise
 
43
      b. La situation du contribuable doit correspondre aux prévisions de l'interprétation qu'il invoque
 
44
    5. Interprétation contraire à la loi fiscale
 
45
Section 3 : L'application de la garantie dans le temps
 
46
A. LE PRINCIPE DE l'ANTERIORITE
 
47
B. DATE DE CESSATION D'EFFET DE L'INTERPRETATION DOCTRINALE
 
49
     1. A raison d'une nouvelle doctrine rapportant la précédente plus favorable
 
49
     2. A raison d'un changement de législation
 
50
CHAPITRE 2 : ETENDUE DE LA GARANTIE DU 2 ND ALINEA DE L'ARTICLE L.80 A ET MODALITES DE MISE EN œUVRE
 
52
Section 1 : Étendue de la garantie
 
52
Section 2 : Modalités de mise en œuvre de la garantie
 
55


INTRODUCTION


1.L'article 100 de la loi n°59-1472 du 28 décembre 1959 a institué l'article L 80 A du Livre des Procédures Fiscales (LPF) (codifié précédemment sous les articles 1649 septies, 1649 quinquies E puis à l'article L 80 A, 1 er  alinéa du LPF) qui prévoit une garantie contre les changements d'interprétation, par l'administration, des textes fiscaux.

Il a été complété par l'article 21 de la loi n°70-601 du 9 juillet 1970, codifié sous le 2 nd alinéa de l'article L 80 A du LPF), puis par l'article 19 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987, codifié à l'article L 80 B-1° du LPF.

2.Ces dispositions résultent de la volonté du législateur de donner aux contribuables une garantie particulière qui a pour effet, sous réserve que les conditions soient réunies, de les sécuriser sur le plan juridique notamment en cas de changements d'interprétation de l'administration fiscale sur un texte fiscal.

3.Auparavant, la doctrine administrative 13 L 1323 commentait conjointement les dispositions des articles L 80 A et L 80 B du LPF.

4.Afin d'améliorer la lisibilité de ce dispositif, deux Bulletins Officiels des Impôts (BOI) restructurent et amendent la doctrine administrative 13 L 1323 en commentant de manière distincte :

- les dispositions prévues au 1 er alinéa de l'article L 80 A et à l'article L 80 B (habituellement désignées sous le vocable de « rescrit »),

- et celles prévues par le 2 nd alinéa de l'article L 80 A.

5.L'instruction administrative 13 L-11-10 commente les dispositions du 1 er alinéa de l'article L 80 A et des articles L 80 B, L 80 C, L 64 B, L 18 et L 80 CB du LPF.

6.L'objet de la présente instruction est de commenter les dispositions du 2 nd alinéa de l'article L 80 A du LPF. Elle précise notamment les distinctions à opérer avec les dispositions du 1 er alinéa de l'article L 80 A.

7.Les dispositions contenues dans la documentation 13 L 1323 sont rapportées.

NOTA    : Sauf précision contraire, les articles cités sont ceux du Livre des Procédures Fiscales. L'administration s'entend des services de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP).


CHAPITRE 1 :

LA GARANTIE APPORTEE PAR LE 2 nd ALINEA DE L'ARTICLE L 80 A SUR L'INTERPRETATION D'UN TEXTE FISCAL


8.La garantie du 2 nd alinéa de l'article L 80 A ne s'applique en pratique que si la prise de position dont entend se prévaloir un contribuable entre dans le champ d'application de l'article L 80 A, caractérise une réelle interprétation d'un texte fiscal par l'administration fiscale et satisfait la condition d'antériorité.


Section 1 :

Le champ d'application


9.L'article L 80 A ne peut être invoqué que par un contribuable qui conteste son imposition. Il est, par exemple, sans portée dans le contentieux de l'excès de pouvoir.

Le champ d'application du 2 nd alinéa de l'article L 80 A est donc défini par la nature de l'impôt ou de la taxe concerné (A) et du texte fiscal interprété (B).


  A. LA NATURE DE L'IMPOT OU DE LA TAXE


10.Les dispositions du 2 nd alinéa de l'article L 80 A s'appliquent à tous les impôts, droits et taxes assis et recouvrés en vertu du code général des impôts ainsi qu'aux taxes dont tout ou partie des règles d'assiette et de recouvrement sont précisées par référence à des règles définies par le code précité.

11.Elles ne s'appliquent pas aux taxes affectées qui ne figurent pas dans le code général des impôts, auparavant dénommées taxes parafiscales (CE, arrêt du 25 juillet 1980, n° 93760, section). Il s'agit de prélèvements obligatoires qui reçoivent une affectation déterminée et qui échappent en totalité ou en partie aux règles de la législation budgétaire ou fiscale.


  B. LA NOTION DE TEXTE FISCAL


  1. Les principes applicables

12.Les textes fiscaux sont ceux, de tout rang (législatifs, réglementaires, conventions internationales), qui se rapportent à l'assiette, au taux, à la liquidation de l'impôt ou aux règles de prescription.

13.Ne constituent pas des textes fiscaux pour l'application du 2 nd alinéa de l'article L 80 A, les textes relatifs :

- à la procédure d'imposition : sans qu'il soit possible d'établir une liste exhaustive, la procédure d'imposition s'entend, par exemple, de la saisine de la commission départementale ou encore de la mise en demeure préalable. Le Conseil d'Etat a rappelé dans un arrêt du 31 mars 2006 (n°265953, 9 ème s.s) que l'article L 80 A n'était pas applicable en matière de procédure d'imposition et notamment lors d'une mise en demeure préalable à la procédure de taxation d'office pour défaut de déclaration ;

- à la procédure contentieuse ;

- et aux obligations comptables des contribuables.

  2. Cas particuliers 

14.Jusqu'au 31 décembre 2008, les textes se rapportant au recouvrement de l'impôt ainsi qu'aux modalités d'application des majorations, amendes et intérêts de retard ne permettaient pas au contribuable de se prévaloir de la garantie prévue à l'article L 80 A.

15.A compter du 1 er janvier 2009, l'article 47 de la loi de finances rectificative pour 2008 étend la garantie prévue par le 2 nd alinéa de l'article L 80 A aux textes publiés par l'administration en matière de recouvrement de l'impôt et de pénalités fiscales. Ces dispositions sont applicables aux instances en cours : des doctrines antérieures à la date de publication de la loi de finances rectificative pour 2008 sont donc opposables.


Section 2 :

Les conditions d'application de la garantie du 2 nd alinéa de l'article L 80 A


16.La garantie prévue par le 2 nd alinéa de l'article L 80 A s'applique aussi bien aux impositions initiales que supplémentaires (A). Cela étant, les commentaires de portée générale et les prises de position doctrinales de l'administration fiscale ne sont opposables que s'ils caractérisent une réelle interprétation des textes fiscaux et sont publiés (B).


  A. LES IMPOSITIONS CONCERNEES PAR LA GARANTIE DU 2 ND ALINEA DE L'ARTICLE L 80 A


17.La garantie de l'article L 80 A tient compte de la nature de l'imposition concernée. Elle s'applique différemment selon qu'elle trouve son fondement dans le 1 er ou le 2 nd alinéa de cet article.

18.A la différence du 1 er alinéa de l'article L 80 A, le 2 nd alinéa ne fait pas référence à la nécessité d'un «  rehaussement d'impositions antérieures  » et d'une «  première décision  ». Cet alinéa a donc une portée plus large. En particulier, il peut être invoqué à l'occasion d'un rehaussement opéré dans le cadre d'une imposition primitive. Il suffit, en effet, que le contribuable ait lui-même fait - ou ait pu faire - application d'un texte fiscal selon l'interprétation donnée par l'administration dans ses instructions et circulaires publiées pour que le service ne puisse plus poursuivre aucun rehaussement fondé sur une interprétation différente.

19.La jurisprudence a commenté ces dispositions. Elle a contribué à préciser la portée de chacune de ces garanties de manière constante dans les termes suivants.

1° Lorsque l'interprétation d'un texte fiscal provient d'instructions ou circulaires publiées par l'administration (article L 80 A , 2 nd alinéa) , la garantie résultant de l'article L 80 A est accordée au contribuable, qu'il s'agisse d'impositions primitives ou supplémentaires (CE, arrêt du 7 janvier 1977, n° 96362).

2° Lorsque l'interprétation provient d'autres sources, c'est-à-dire de réponses individuelles et, en particulier, de réponses à des demandes de renseignements des contribuables (article L 80 A , 1 er alinéa) , la garantie ne s'applique que dans le cas de rehaussement d'imposition (CE, arrêts des 4 juin 1976, req. n° 98484 et 26 octobre 1979, n° 7962).

Le Conseil d'Etat a rappelé, dans un arrêt du 6 juin 2007 (n°284826, Société Orgachim) que la garantie prévue par le 1 er alinéa de l'article L 80 A, auquel renvoie l'article L 80 B, ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d'impositions réalisés par l'administration.

Plus récemment, dans deux arrêts du 26 mars 2008 et 14 avril 2008 (n° 278858, Association Pro-Musica et n° 289978 8e et 3e s.-s., Seguier), il a été rappelé qu'un contribuable n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L 80 B à l'appui de conclusions dirigées contre les impositions primitives. Ces conclusions s'appliquent, de la même façon, aux dispositions du 1 er alinéa de l'article L 80 A.

3° La notion d'imposition primitive s'entend de manière stricte c'est-à-dire, notamment, par catégorie d'impôt ou taxe. En effet, par un arrêt du 11 juillet 2006 n° 1016 FS-PBR, Sté Batir groupe Ellul, la Cour de Cassation a précisé qu'un rehaussement qui vise à remettre en cause l'exonération de droits de mutation dont bénéficiait l'opération litigieuse initialement soumise à la TVA ne constitue pas un rehaussement d'impositions antérieures au sens du 1 er alinéa de l'article L 80 A (et de l'article L 80 B), mais une imposition primitive (au sens du 2 nd alinéa de l'article L 80 A) qui vient en quelque sorte, se substituer à une autre.