B.O.I. N° 86 DU 4 OCTOBRE 2010
B. L'INTERPRETATION « PUBLIEE » D'UN TEXTE FISCAL
20.Seuls sont opposables à l'administration sur le fondement des dispositions du 2 nd alinéa de l'article L 80 A les documents de portée générale publiés, qui comportent une réelle interprétation d'un texte fiscal et sont produits par les ministres en charge de l'économie, des finances ou du budget ou par les services centraux de l'administration fiscale en charge d'élaborer et de commenter les textes fiscaux (en particulier, la Direction de la législation fiscale, le Service juridique de la fiscalité, la Sous-direction du Contrôle fiscal, le Service de la Gestion fiscale,…).
21.Le contribuable peut se prévaloir du 2 nd alinéa de l'article L 80 A lorsque le rehaussement ou l'imposition est fondé sur une interprétation de texte fiscal différente de celle que l'administration avait précédemment fait connaître dans ses instructions, circulaires ou réponses ministérielles aux questions écrites des parlementaires ou, à compter du 1 er mai 2009, sur le site internet relevant du Premier ministre www.circulaires. gouv.fr dans les conditions commentées dans le Bulletin Officiel des impôts 13 A-4-09 ; dans sa documentation de base ou dans ses précisions doctrinales publiées sur le site Internet www.impots.gouv.fr (cf. n° 34 )
1. La publication de l'interprétation par l'administration
22.Le 2 nd alinéa de l'article L 80 A ne permet au contribuable de se prévaloir que des seules interprétations formelles publiées.
23.La publication est celle faite :
- au Bulletin Officiel des Impôts ;
- ou au Journal Officiel ;
- ou, à compter du 1 er mai 2009, sur le site Internet relevant du Premier ministre « www.circulaires.gouv.fr » dans les conditions commentées par le Bulletin Officiel des Impôts 13 A-4-09 ;
- ou sur le site Internet de la DGFiP (« www.impots.gouv.fr »), à la rubrique « documentation », sous-rubrique « la documentation fiscale en ligne », onglet « les rescrits », « Table Analytique des Rescrits »(cf. n° 34 ) .
2. Les documents portant interprétation d'un texte fiscal .
24.Sur le fondement des dispositions de l'article L 80 A et de la jurisprudence, les documents portant interprétation d'un texte fiscal peuvent être regroupés en deux catégories : les documents qui font état de dispositions générales (instructions, réponses ministérielles,….) et les réponses de l'administration à l'égard des contribuables.
a. Les instructions et circulaires administratives
25.Les instructions et les circulaires administratives publiées au Bulletin Officiel des Impôts faisant l'objet d'une diffusion publique et administrative (feuillets de couleur blanche), à l'exclusion des publications internes destinées aux seuls agents du service (feuillets roses et jaunes notamment), constituent une source d'interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L 80 A sous réserve qu'elles se rapportent à la détermination de la base imposable ou à l'assiette de l'impôt et qu'elles émanent de l'autorité compétente.
L'article 47 de la loi de finances rectificative pour 2008 étend la notion d'interprétation fiscale aux instructions et circulaires publiées en matière de recouvrement de l'impôt et de pénalités fiscales à compter du 1 er janvier 2009. Ces dispositions sont applicables aux instances en cours : des doctrines antérieures à la date de publication de la loi de finances rectificative pour 2008 sont donc opposables.
26.Seules les instructions ou circulaires administratives qui apportent des précisions sur le sens d'un texte fiscal de nature à caractériser une réelle interprétation dudit texte et qui règlent, d'une manière générale, une situation donnée, peuvent être considérées comme interprétant un texte fiscal.
Il en est ainsi, par exemple, d'une instruction précisant qu'une catégorie déterminée de dépenses est déductible du revenu global selon des modalités qu'elle indique (CE, arrêt du 30 juin 1972, n° 80462) ou encore d'une instruction qui précise les conditions d'option des agents généraux d'assurance pour le régime fiscal des salariés (CE, arrêt du 25 mai 1983, n° 31847).
27.Lorsque cette condition est satisfaite, le fait qu'une instruction administrative ou une réponse à la question écrite de parlementaires qualifie la mesure qu'elle prévoit de « mesure de bienveillance », de « solution de tempérament » ou de toute autre formule destinée à marquer qu'elle s'écarte des règles légalement applicables, ne fait pas obstacle à ce que les contribuables puissent s'en prévaloir.
28.La jurisprudence a apporté des compléments en commentant les situations où une instruction ou circulaire administrative peut être ou non assimilée à un document interprétant un texte fiscal. Sans qu'il soit possible d'être exhaustif, certaines règles applicables en la matière peuvent toutefois être rappelées.
Lorsqu'elles se limitent à donner de simples recommandations en laissant une certaine liberté d'appréciation au service, les instructions et circulaires administratives n'interprètent pas la loi fiscale au sens de l'article L 80 A et, de ce fait, ne sont pas opposables à l'administration (CE, arrêts des 28 février 1973, n° 85800 ; 22 décembre 1982, n° 28183 et 10 décembre 1984, n° 34614).
Il en va de même des documents visant à aider les contribuables dans l'accomplissement de leurs obligations déclaratives (tels que par exemple les notices, imprimés et formulaires de déclaration), des documents d'information ou de formation, des documents internes à la DGFiP (cette liste n'est pas exhaustive).
Une instruction administrative antérieure à la loi ne peut comporter une interprétation de celle-ci (arrêts CE, 5 avril 1978 n°1211 et 18 novembre 1985 n°44343).
b. Les réponses ministérielles
29.Les réponses écrites des ministres aux questions posées par les parlementaires, publiées au Journal officiel de la République française constituent une source d'interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L 80 A sous réserve qu'elles se rapportent à la détermination de la base imposable ou à l'assiette de l'impôt et qu'elles émanent de l'autorité compétente.
30.A compter du 1 er janvier 2009, il est également admis, sous les mêmes conditions, que les réponses ministérielles en matière de recouvrement de l'impôt et de pénalités fiscales sont opposables. Ces dispositions sont applicables aux instances en cours : des doctrines antérieures à la date de publication de la loi de finances rectificative pour 2008 sont donc opposables. Tout comme les instructions ou circulaires administratives, elles doivent apporter des précisions de portée générale sur le sens du texte fiscal de nature à caractériser une réelle interprétation d'un texte fiscal.
31.La jurisprudence a précisé les conditions qui permettent de considérer qu'une réponse ministérielle est susceptible ou non d'interpréter la loi fiscale.
A cet égard, quelques règles non exhaustives peuvent être rappelées :
- ne constitue pas une interprétation formelle de la loi fiscale, au sens de l'article L 80 A du LPF, une réponse ministérielle rappelant simplement les dispositions de la loi, sans les interpréter (arrêts CE 22 octobre 1976 n° 98874, 3 décembre 1982 n° 27924, 21 mars 1983 n° 35966, 14 décembre 1984 n° 37659 et 17 décembre 1984 n° 41762) ;
- des réponses ministérielles annonçant les intentions du Gouvernement en ce qui concerne un décret à prendre pour l'application d'une disposition législative ne peuvent être regardées comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale au sens de l'article L 80 A (CE 3 novembre 1976, n° 96359) ;
- une réponse ministérielle qui laisse un pouvoir d'appréciation au service des impôts ne peut constituer une interprétation formelle du texte fiscal (CAA Paris 29 mai 1990 n° 1616, 3e ch., Duffau ).
c. La documentation administrative de base
32.La documentation administrative de base, qui rassemble, à l'attention des agents de l'administration et de l'usager, les instructions ou circulaires émanant du ministre chargé des impôts, constitue, en raison de l'autorité dont elle émane et de l'objet qu'elle poursuit, une interprétation de la loi fiscale au sens du 2 nd alinéa de l'article L 80 A.
33.Si cette documentation peut avoir pour effet de rapporter, au sens de ces dispositions, une interprétation de la loi fiscale précédemment publiée, elle ne peut, dans ce cas, être opposée aux contribuables qu'à compter de la date à laquelle elle a fait l'objet d'une publicité au moins équivalente à celle qui avait été donnée à l'interprétation précédemment admise (CE, arrêt du 4 juillet 1986, n° 47410).
d. Les précisions de doctrine administrative publiées sur le site www.impots.gouv.fr et sur le site « www.circulaires.gouv.fr » 1
34.Sont opposables à compter de leur date de publication toutes les précisions doctrinales apportées par l'administration fiscale et mises en ligne sur le site Internet de la DGFiP (« www.impots.gouv.fr »), à la rubrique « documentation », sous-rubrique « la documentation fiscale en ligne », onglet « les rescrits », « Table Analytique des Rescrits ».
e. Les réponses aux demandes individuelles des contribuables
35.Les réponses aux demandes individuelles des contribuables peuvent constituer des documents interprétant un texte fiscal mais ne peuvent pas être invoquées au titre du 2 nd alinéa de l'article L 80 A. Le Bulletin Officiel des Impôts BOI 13 L-11-10 apporte des précisions et compléments sur ces documents ainsi que sur leur portée.
3. Les documents ne portant pas interprétation d'un texte fiscal
36.Certains documents ne sont, en revanche, pas considérés comme interprétant un texte fiscal. Ils ne peuvent donc ouvrir droit à la garantie prévue par le 2 nd alinéa de l'article L 80 A.
Il n'est pas possible d'établir une liste exhaustive des documents concernés. Certains d'entre eux peuvent toutefois être évoqués.
a. Le précis administratif de fiscalité
37.Le précis administratif de fiscalité édité par la DGFiP ne peut être regardé comme étant au nombre des instructions ou circulaires publiées par lesquelles l'administration a fait connaître son interprétation des textes fiscaux et dont les contribuables peuvent se prévaloir.
b. La Charte du Contribuable
38.Les précisions apportées dans la Charte du Contribuable ne sont pas opposables au titre du 2 nd alinéa de l'article L 80 A.
c. Les déclarations ministérielles
39.Les déclarations du ministre au cours des débats parlementaires ayant précédé le vote d'un texte fiscal, au sujet de ses intentions quant à l'application du texte à intervenir, ne peuvent constituer une interprétation formelle d'un texte fiscal au sens du 2 nd alinéa de l'article L 80 A.
d. Les cours professés à l'Ecole nationale des impôts
40.Une interprétation des textes fiscaux enseignée à l'Ecole nationale des impôts (ENI) ne peut pas constituer une interprétation admise par l'administration fiscale au sens du 2 nd alinéa de l'article L 80 A .
e. Les revues spécialisées
41.Le contribuable ne peut utilement, sur le fondement du 2 nd alinéa de l'article L 80 A, se prévaloir d'énonciations contenues dans une revue spécialisée, même si elles sont présentées comme l'interprétation admise par l'administration.
4. L'opposabilité de l'interprétation du texte fiscal invoquée par le contribuable
42.La garantie prévue par le 2 nd alinéa de l'article L 80 A est opposable par un contribuable dans les conditions suivantes.
a. L'interprétation dont il entend se prévaloir ne peut pas être étendue à d'autres situations que celles qu'elle vise
43.Ainsi, par exemple, l'interprétation invoquée par le contribuable n'est opposable à l'administration que pour autant qu'elle concerne l'impôt contesté et, au sein de cet impôt, le même texte fiscal.
b. Sa situation doit être conforme aux prévisions de l'interprétation qu'il invoque
44.La garantie prévue au 2 nd alinéa de l'article L 80 A ne peut être utilement invoquée que si le contribuable satisfait l'ensemble des conditions d'application de l'interprétation admise par l'administration appliquée dans sa rédaction littérale et dans tous ses termes portant sur un même objet.
5. Interprétation contraire à la loi fiscale
45.Dans l'hypothèse où un contribuable fait une application littérale d'une instruction administrative publiée ou d'une prise de position de portée générale (telles une réponse ministérielle à une question écrite des parlementaires, une réponse à des représentants d'organisations professionnelles ou une précision doctrinale - habituellement appelée « rescrit général » - publiée sur le site Internet www.impots.gouv.fr ) comportant une interprétation qui ajoute à la norme, la procédure de l'abus de droit fiscal est susceptible de s'appliquer si cette application va à l'encontre des objectifs poursuivis par son auteur (en ce sens, bulletin officiel des impôts à paraître).