Date de début de publication du BOI : 22/11/1994
Identifiant juridique : 12C-11-94 
Références du document :  12C-11-94 
Annotations :  Lié au BOI 12C-3-95

B.O.I. N° 222 du 22 NOVEMBRE 1994


BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

12 C-11-94  

N° 222 du 22 NOVEMBRE 1994

12 R / 16

COUR DE CASSATION. CHAMBRE COMMERCIALE. ARRET DU 21 JUIN 1994 - ACTION EN RECOUVREMENT - ACTION
CONTRE LES DIRIGEANTS DE SOCIETES COMMERCIALES - ARTICLES L 266 ET L 267 DU LPF - 1. EXERCICE DE
L'ACTION - ARTICLES 47 ET 49 DE LA LOI DU 25 JANVIER 1985 - INCIDENCE - 2. CONDITIONS D'APPLICATION -
MANQUEMENTS AYANT RENDU IMPOSSIBLE LE RECOUVREMENT - LIEN DE CAUSALITE - 3. CONDITIONS
D'APPLICATION - INOBSERVATIONS DES OBLIGATIONS FISCALES - CONSTATATIONS NECESSAIRES.

(L.P.F., art. L 266 et L 267).

[D.G.I. - Bureau III C 3]

ANALYSE DE L'ARRET (texte des décisions joints en annexe)

1. Les dispositions des articles 47 et 49 de la loi du 25 janvier 1985 qui posent le principe général de la suspension des poursuites individuelles à compter du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ne font pas obstacle à l'application des articles L 266 et L 267 du LPF à l'encontre du dirigeant de la société débitrice.

2. L'impossibilité de recouvrement visée par les articles L 266 et L 267 du LPF résulte notamment de l'émission, par le comptable des impôts, de multiples avis de mise en recouvrement, d'une mise en demeure, et de divers avis à tiers détenteur.

3. La Cour d'appel retient à juste titre l'existence d'une inobservation grave et répétée des obligations fiscales au sens de l'article L 267 du LPF, en constatant que le dirigeant a, pendant de nombreux mois, déposé sans paiement intégral les déclarations de TVA et omis de souscrire les déclarations de taxes annexes dues au titre de deux années consécutives.

OBSERVATIONS :

1. Il est de principe que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire qui concerne le débiteur failli n'empêche pas les créanciers d'exercer leur droit contre un tiers (notamment, action paulienne, Cass. com. 13 février 1990, Bull. civ. IV n° 44 p. 29 ; action contre la caution, Cass. com. 16 février 1993, Gaz. Pal. 8 au 10 août 1990 p. 190).

Tel est le cas de l'action en responsabilité prévue aux articles L 266 et L 267 du LPF, qui vise le dirigeant social, à raison des manquements qu'il a commis au regard du droit fiscal, et non la société en faillite.

A noter que, si l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société ne constitue pas un obstacle juridique à l'engagement de l'action contre le dirigeant, elle peut néanmoins avoir une influence sur les conditions de fond de la demande (cf. Doc. de base 12 C 2252, n° 31 p. 29 ).

2. Jurisprudence constante (cf. BOI 12 C-6-93 ; 12 C-4-94).

En l'espèce, la Cour de cassation a rejeté le moyen qui reprochait aux juges du fond de n'avoir pas recherché si le comptable des impôts avait réellement utilisé tous les actes de poursuite à sa disposition.

Ainsi, le comptable doit certes démontrer qu'il n'est pas resté inactif mais il n'est pas soumis à l'obligation de justifier du caractère exhaustif de ses diligences.

3. L'existence de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales visée par l'article L 267 du LPF est appréciée souverainement par les juges du fond.

ANNOTER : Instructions 12 C-33-81 du 25 août 1981 et 12 C-6-93, 12 C-4-94.

Le Sous-Directeur,

M. BEZBORODKO


ANNEXE


Cass. com. 21 juin 1994 (N° 1462D)

« Sur le premier moyen :

« Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt d'avoir, pour accueillir cette demande, écarté les dispositions des articles 47 et 49 de la loi du 25 janvier 1985 alors, selon le pourvoi, que ces articles qui posent le principe général de la suspension des poursuites individuelles pour l'ensemble des créanciers à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective, s'appliquent aux créances fiscales et aux services de l'Etat chargés de leur recouvrement, de sorte que la Cour d'appel a méconnu les textes susvisés pour refus d'application ;

Mais attendu que l'arrêt énonce à bon droit que les articles invoqués, qui concernent le débiteur soumis à une procédure collective, ne font pas obstacle à l'application des articles L 266 et L 267 du Livre des procédures fiscales, relatifs aux poursuites contre les dirigeants de la société débitrice ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que Mme X... reproche aussi à l'arrêt d'avoir décidé que les conditions d'application de l'article L 267 du Livre des procédures fiscales étaient réunies alors, selon le pourvoi, d'une part, que la Cour d'appel, qui a retenu une inobservation grave et répétée des obligations fiscales par Mme X... , sans prendre en considération l'important dégrèvement d'impôts intervenu en cours d'instance et qu'elle a constaté, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L 267 du Livre des procédures fiscales ; alors que, d'autre part, la Cour d'appel n'a recherché aucune circonstance en raison de laquelle l'inobservation des obligations fiscales aurait rendu impossible le recouvrement de l'impôt dû, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L 267 du Livre des procédures fiscales, alors que, enfin, la Cour d'appel n'a pas constaté que le comptable du Trésor avait vainement mis en oeuvre tous les actes de poursuite de nature à assurer le paiement des impositions par la société, de sorte que son arrêt est encore entaché d'un manque de base légale au regard de l'article L 267 du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, en premier lieu, que le dégrèvement obtenu, dont le montant a été pris en compte pour la détermination du montant de la dette, n'est pas en soi de nature à exclure l'existence éventuelle de manoeuvres frauduleuses ou d'inobservation grave et répétée des obligations fiscales du dirigeant ; qu'ayant relevé que Mme X... avait pendant de nombreux mois déposé sans paiement intégral les déclarations de taxes sur le chiffre d'affaires et de TVA et omis de souscrire les taxes annexes dues au titre de deux années consécutives, la Cour d'appel a retenu que ces agissements constituaient une attitude délibérée et fautive de nature à constituer l'inobservation grave et répétée au sens de l'article L 267 du Livre des procédures fiscales ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision au regard du grief de la première branche du moyen ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt critiqué relève que l'administration des impôts a, pour obtenir paiement de sa créance, délivré de multiples avis de mise en recouvrement, dont les dates sont indiquées, puis une mise en demeure, enfin divers avis à tiers détenteur ; qu'il s'ensuit que la Cour d'appel a bien procédé aux recherches nécessaires pour déterminer la réalité de l'impossibilité de recouvrement de la créance et ainsi légalement justifié sa décision ;

Que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ».