B.O.I. N° 98 du 26 MAI 1998
3. Effets à l'égard du débiteur saisi
a) Transfert de propriété
80L'effet principal de la saisie consiste à transférer de plein droit la propriété de la créance que le saisi détient sur le tiers saisi. Le transfert est immédiat même si le paiement effectif est suspendu provisoirement et le débiteur saisi ne dispose plus d'aucun droit sur les sommes saisies.
b. Le paiement assure un effet libératoire.
81Le paiement qui suit la saisie libère le débiteur saisi de sa dette envers le créancier saisissant.
Toutefois, tant que le tiers saisi n'a pas effectivement payé le créancier saisissant, ce dernier conserve ses droits contre le débiteur saisi. La saisie, en dépit de son effet d'attribution immédiate, n'a pas d'effet libératoire en elle-même.
82 IMPORTANT : Si le défaut de paiement est imputable à la négligence du créancier saisissant, il perd ses droits à concurrence des sommes dues par le tiers saisi (art. D 63).
La sanction de la négligence du créancier saisissant est ici particulièrement sévère puisque ce dernier voit sa créance disparaître purement et simplement.
Compte tenu de la généralité des termes utilisés par le texte, il y a lieu de considérer qu'il s'applique également aux comptables publics.
Les cas de négligence du créancier n'ont pas été définis par le texte.
A titre d'exemple, la sanction prévue à l'article D 63 pourrait trouver à s'appliquer dans le cas où le comptable n'entamerait aucune action à l'encontre d'un tiers détenteur qui, s'abstenant de verser les sommes appréhendées qu'il a reconnu devoir, à l'expiration du délai de deux mois suivant la saisie, se trouve en redressement ou en liquidation judiciaire quelques mois plus tard.
Dans une telle situation, il appartiendrait aux tribunaux de décider si l'absence de recouvrement dans le cadre de la procédure est finalement imputable ou non au créancier saisissant.
c) Interruption de la prescription
83L'acte de saisie, régulièrement dénoncé au débiteur, interrompt la prescription de la créance cause de la saisie (la créance du receveur).
Comme tout acte de poursuite, la saisie a un effet interruptif de prescription, y compris si l'acte n'est pas opérant, dès lors qu'il est valablement exécuté et manifeste la volonté du créancier de poursuivre le recouvrement de sa créance (cf. Procès-verbal de carence sur saisie mobilière - CAA PARIS 23 décembre 1994, DF 1995 n° 29 p. 1201 ; ATD sur un compte au solde nul - CAA LYON 20 juin 1996, n° 93 LY 00985).
Dès lors que la relation d'affaires entre le saisi et le tiers saisi est avérée, l'effet interruptif est caractérisé sans être attaché nécessairement au résultat de la poursuite elle-même.
84La signification de l'acte de saisie interrompt par ailleurs la prescription extinctive de la créance du saisi sur le tiers saisi, c'est-à-dire la créance objet de la saisie.
Cet effet était déjà connu en matière de saisie-arrêt et reposait sur l'article 2244 du Code civil : une saisie, « signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire », interrompt la prescription.
Ce principe est désormais inscrit dans la loi du 9 juillet 1991 : « si la saisie porte sur une créance, elle en interrompt la prescription » (art. L 29, 3ème alinéa).
V. Les contestations
85Dans un souci de simplification par rapport à l'ancienne saisie-arrêt, le législateur a voulu que la procédure de saisie-attribution se déroule normalement sans l'intervention du juge. La saisie-attribution est d'abord une procédure d'exécution extra-judiciaire.
L'intervention du juge est cependant requise dès qu'apparaît une contestation ou un « incident de saisie ».
Les motifs de contestation peuvent viser la créance cause de la saisie (existence, montant, exigibilité, ...), la créance objet de la saisie (saisissabilité, disponibilité, montant, ...) ou la régularité formelle de la procédure elle-même.
86Les contestations sont réglementées par les articles 45 et 46 de la loi et les articles 65 à 68 du décret.
87La réforme des procédures civiles d'exécution n'a pas modifié les règles de contestation des créances fiscales visées au Livre des procédures fiscales. Par conséquent, doit s'appliquer le principe général constant du droit selon lequel la loi spéciale déroge à la loi générale.
88Cependant, si la plupart des motifs de contestation relèvent des dispositions fiscales applicables aux oppositions à poursuites (cf. article L 281 du LPF ; DB 12 C 231 ), certains, visés par la loi sur les procédures civiles d'exécution, sont régis par les dispositions du droit commun qu'il s'agisse des délais, des voies de recours ou des juridictions compétentes (cf. DB 12 C 2313 n° 80 et suivants ).
89Les contestations sont généralement portées devant le juge de l'exécution institué par la loi pour statuer notamment sur les difficultés d'exécution des mesures de poursuite.
1. Les personnes pouvant contester la saisie
90Les personnes autorisées à contester sont les parties à la procédure de saisie-attribution (saisi, tiers saisi, saisissant) mais aussi tous ceux qui ont un intérêt à agir.
91L'auteur de la contestation doit en principe en informer le tiers saisi par lettre simple (art. D 66, 2ème alinéa). Cette disposition n'est assortie d'aucune sanction.
L'information du tiers saisi a pour but de lui permettre de participer à l'instance en contestation s'il y a intérêt.
Elle lui permet également d'utiliser la procédure de consignation (cf. supra n° 69 ).
Elle apporte enfin au tiers saisi un renseignement utile qu'il lui appartiendra de communiquer en cas de saisie ultérieure, conformément à son obligation de déclaration visée à l'article D 59 (cf. supra n° 37 ).
a) La contestation provoquée par le débiteur saisi
* Demande de délai de paiement
92En application des articles 1244 à 1244-3 du Code civil modifiés par l'article L 83, le juge peut dans la limite de deux années reporter ou échelonner le paiement des sommes dues par le débiteur et suspendre les procédures d'exécution engagées par le créancier. Ces textes ne s'appliquent pas aux poursuites exercées par les comptables des impôts.
En effet, n'ayant de compétence en matière d'action en recouvrement de créances fiscales que pour apprécier la régularité des actes eux-mêmes, les juridictions judiciaires ne peuvent y faire obstacle en accordant un sursis à l'exécution ou des délais de paiement (toutefois, sur la suspension des poursuites demandée en référé devant le Président du TGI, voir DB 12 C 2313, n° 89 et suivants ). L'octroi de délai est de la seule compétence du comptable public (CA PARIS 12 juin 1987, D 1987 IR 174).
Cette solution résulte du principe de séparation des fonctions administrative et judiciaire édicté par l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790.
Ce principe est confirmé par une jurisprudence constante (Cass. com. 27 novembre 1978, Bull. civ. IV n° 280 p. 232 ; Cass. com. 23 novembre 1993, Bull. civ. IV n° 426 p. 309).
Par conséquent, le juge de l'exécution est incompétent pour accorder des délais de paiement à un débiteur d'impôts poursuivi par la voie d'une saisie-attribution diligentée par un receveur.
* Opposition à poursuite
93Les contestations portant sur l'exercice des poursuites effectuées par les comptables des impôts, pour le recouvrement d'une créance fiscale, sont régies par les dispositions des articles L 281 et R* 281-1 et suivants du Livre des procédures fiscales (cf. DB 12 C 2312 n° 20 et s. ).
Exception : Contestation portant sur la saisissabilité des sommes appréhendées.
Cette contestation est, par sa nature, hors du champ d'application de l'article L 281 du LPF et relève donc de la compétence directe du juge de l'exécution (art. D 66 ; cf. DB 12 C 2313 n° 58 et 84 ). Dans ce cas, la procédure engagée directement devant le juge de l'exécution est opposable à l'Administration sans que celle-ci puisse invoquer son irrecevabilité pour défaut de dépôt d'un mémoire préalable devant le Directeur des Services fiscaux.
Par conséquent, les receveurs doivent inviter les huissiers de justice à adapter le procès-verbal de saisie-attribution en indiquant avec précision les deux voies principales de contestation au débiteur et en reproduisant les articles du LPF.
94La saisine directe du juge est également prévue dans le cadre de la saisie des rémunérations dues par un employeur, lorsque la saisissabilité des sommes est contestée (cf. DB 12 C 2313 n° 88 ).
95 Remarque : En application de l'article R* 281-4 du Livre des procédures fiscales, lorsque le redevable n'a reçu aucune réponse dans le délai de deux mois à compter du dépôt de sa demande ou, si la décision rendue ne lui donne pas satisfaction, il lui appartient de saisir le juge compétent, tel qu'il est défini à l'article L 281 du L.P.F., dans le délai fixé à l'article R* 281-4 précité.
b) La contestation provoquée par le tiers saisi
96Le tiers saisi peut contester l'existence même de sa dette à l'égard du saisi. Dans le cadre d'une saisie diligentée par un receveur des impôts, le motif aux termes duquel le tiers prétend ne pas être débiteur du redevable ou détenteur de sommes lui appartenant, relève du régime de l'opposition à poursuite au sens de l'article L 281 du LPF (CE 19 octobre 1992, n° 79718, DF 1993 c. 758).
La question porte alors sur le bien-fondé de la mesure mise en oeuvre pour assurer le recouvrement de la créance du comptable. La contestation relève donc de la compétence judiciaire.
Le tiers saisi peut également contester le montant de sa dette à l'égard du saisi sans remettre en cause l'existence d'une créance saisie entre ses mains. Il entend seulement limiter le montant qui sera versé en définitive au créancier saisissant.
97Le tiers peut bien entendu contester la régularité formelle des actes qui lui sont notifiés. En revanche, il ne peut remettre en cause l'obligation au paiement du redevable, débiteur saisi, dès lors que ce motif afférent à l'exigibilité de la créance fiscale reste attaché au débiteur d'impôt.
c) Autres contestations
98La voie de la contestation devant le juge de l'exécution est également ouverte à toute personne ayant un intérêt à agir.
Elle peut donc être formée par un saisissant postérieur en date qui, primé par le premier saisissant, a intérêt à faire déclarer nulle la première saisie afin que la sienne produise effet.
De la même manière, un cessionnaire peut avoir intérêt à contester si la cession de créance est intervenue le même jour ou antérieurement à la saisie-attribution.
Enfin, tout créancier du saisissant, du saisi ou du tiers saisi a la possibilité de contester la saisie en agissant par la voie de l'action oblique en application de l'article 1166 du Code civil dès lors que l'une des parties à la saisie se trouve négligente dans l'exercice de ses droits.
2. La procédure de contestation
a) Saisine du juge de l'exécution
99Les contestations autres que celles visées par des dispositions fiscales spécifiques (cf. supra n° 95 ) sont portées, à peine d'irrecevabilité, devant le juge de l'exécution du domicile du débiteur (art. D 65) et doivent être élevées dans le délai d'un mois qui suit la signification de l'acte de dénonciation au débiteur saisi (art. D 66).
La compétence du juge de l'exécution est d'ordre public (art. D 10).
A peine d'irrecevabilité, la contestation doit être dénoncée le même jour, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie (art. D 66, modifié par l'art. 9 du décret n° 96-1130 du 18décembre1996-JO 26 décembre 1996-p. 19120).
100 NOTA : Si le débiteur demeure à l'étranger ou si le lieu où il demeure est inconnu, le juge compétent est celui du lieu d'exécution de la mesure, donc du domicile du tiers saisi (art. D 9 al. 2).
101 La contestation devant le juge de l'exécution, lorsqu'elle est faite dans le délai prévu par les textes, diffère le paiement par le tiers saisi, sauf si le juge autorise un paiement partiel (art. L 46).
102Si la contestation ne porte que sur une fraction de la créance du saisissant, le juge de l'exécution donne effet à la saisie pour la partie non contestée de ladite créance. Dans ce cas, sa décision est exécutoire sur minute et les dispositions permettant un éventuel sursis à exécution (cf art. D 31) ne sont pas applicables (art. D 67, 1er alinéa).
103Par ailleurs, s'il apparaît, au vu des motifs invoqués dans la contestation, que ni le montant de la créance du saisissant, ni la dette du tiers saisi ne sont sérieusement contestables, le juge de l'exécution peut aussitôt ordonner, par provision, le paiement d'une somme qu'il détermine en prescrivant, le cas échéant, des garanties. Sa décision n'a pas autorité de chose jugée au principal (art. L 46 et D 67 al. 2, 3) et ne peut préjuger du jugement qui sera finalement rendu.
Cette mesure qui s'apparente à un référé-provision ne doit pas être sollicitée par le comptable public, sauf circonstances particulières mettant en évidence un risque certain d'insolvabilité du tiers saisi.
Bien entendu, dans cette hypothèse, le comptable des impôts doit être dispensé de fournir les garanties visées à l'article D 67.
Le juge de l'exécution a donc la possibilité d'adapter sa décision aux circonstances précises qui sont soumises à son appréciation en prenant des mesures définitives ou provisionnelles selon l'étendue de la contestation ou le caractère sérieux ou non de cette contestation.
b) Voie de recours
104La décision du juge de l'exécution peut toujours être frappée d'appel (art. D 28).
Le délai d'appel est de 15 jours (art. D 29) à compter de la notification aux parties de la décision, effectuée par le greffe au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception (art. D 22).
Ce délai est également applicable lorsque le juge de l'exécution a statué dans le cadre des dispositions des articles L 281, R* 281-1 et suivants du LPF.
105 IMPORTANT : L'appel n'a pas d'effet suspensif (art. D 30).
Un sursis à exécution peut être demandé au premier Président de la Cour d'appel dans les conditions de droit commun en vertu desquelles peut être arrêtée l'exécution provisoire d'un jugement frappé d'appel (cf. art. 524 du nouveau code de procédure civile ; CA LYON, 6 avril 1993, Gaz. pal. 21-22 mai 1993, somm. p. 23 ; cependant cf. n° 104 ). La demande de sursis est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse.
Jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance par le premier Président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée a ordonné leur continuation (art. D 31).
Elle proroge l'effet d'indisponibilité attaché à la saisie si la décision attaquée a ordonné la mainlevée (même article).
Dans le cas où le juge a rejeté la contestation et ordonné le paiement, la demande de sursis a pour conséquence d'interdire au tiers de disposer de la créance saisi et en particulier de payer le saisissant.
106Dans l'hypothèse où la Cour d'appel infirme une décision du juge de l'exécution ayant déclaré la saisie valable et que le paiement a été effectué par le tiers saisi, des intérêts moratoires seront dus par le saisissant en même temps que la restitution des sommes.
En principe, les intérêts légaux sont dus non pas du jour du versement mais seulement à compter de la signification de l'arrêt infirmatif accompagnée d'une sommation de restituer (cf. Cass. com. 1er octobre 1991, Bull. civ. IV n° 274).