B.O.I. N° 58 DU 4 JUILLET 2011
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
7 D-1-11
N° 58 DU 4 JUILLET 2011
INSTRUCTION DU 17 JUIN 2011
COUR DE CASSATION – CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE
ARRETS DU 23 MARS 1981 (N° 338 P), DU 6 JUIN 1990 (N° 789 P),
DU 21 OCTOBRE 1997 (N° 2028 D), DU 20 JUIN 2006 (N° 815 F-D) ET DU 23 OCTOBRE 2007 (N° 1156 F-P+B)
DROITS DE MUTATION A TITRE ONEREUX
CESSIONS DE FONDS DE COMMERCE
CESSION SEPAREE DES ELEMENTS DU FONDS
(C.G.I., article 719)
NOR : BCR Z 11 00035 J
Bureau JF-1B
PRESENTATION
L'article 719 du code général des impôts assujettit aux droits de mutation à titre onéreux toutes les cessions de clientèles ou de fonds de commerce qu'elles soient ou non constatées par un acte. A cet égard, la Cour de cassation estime qu'il y a mutation de fonds de commerce lorsque les éléments caractérisant le fonds sont transmis, et notamment la clientèle (Cass. com. 23 mars 1981 ; Cass. com. 21 octobre 1997). Pour l'application du droit de mutation, il n'est pas nécessaire que la cession des divers éléments du fonds soit réalisée par un seul et même acte. Il suffit que le fonds soit transféré d'une société à une autre voire d'un groupe à un autre. Est ainsi applicable le droit de mutation prévu à l'article 719 lorsqu'il est établi que, quoique constatées par des actes séparés et à des dates différentes, les mutations des divers éléments d'un fonds de commerce sont corrélatives et ne forment qu'un seul et même acte (Cass. com. 6 juin 1990 ; Cass. com. 21 octobre 1997). Ainsi, dès lors qu'est apportée la preuve de la cession des principaux éléments du fonds, même par actes distincts, la cession est taxable en application des dispositions de l'article 719 du code général des impôts, peu important l'existence d'autres actes conclus par l'acquéreur avec des tiers (Cass. com. 20 juin 2006). Est également passible du droit de mutation prévu à l'article 719 le fonds de commerce dont l'ensemble des éléments ont été cédés séparément, peu important que la mutation du fonds ait été opérée par deux cédants au bénéfice de deux acquéreurs (Cass. com. 23 octobre 2007). Le fonds de commerce ne peut donc pas être morcelé artificiellement en réalisant des cessions concomitantes entre filiales d'un même groupe pour échapper à la taxation de l'ensemble en application de l'article 719 du CGI. |
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D.B. liée 7 D 2111 § 11 , § 13.
Le chef de service
Jean-Pierre LIEB
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ANNEXE 1
Cour de cassation, arrêt du 23 mars 1981 (pourvoi n° 79-15147)
« […]
Vu l'article 719 du CGI ;
Attendu, selon le jugement déféré, que la société A a vendu à la société B d'une part, les bâtiments et terrains d'une usine dans laquelle la société A se livrait à la découpe de bestiaux et à la fabrication de charcuterie, et, d'autre part, les matériels, outillages et agencements garnissant ladite usine, que, seule la vente des immeubles a été constatée par un acte notarié et soumise à la formalité de l'enregistrement, que, dans le même temps, la société B, qui se consacrait désormais uniquement à la fabrication, a fait apport de tous ses magasins de vente au détail à la société A que l'administration des finances, estimant que le transfert de la totalité des éléments composant l'usine impliquait la cession de la clientèle dépendant de l'exploitation commerciale, a émis à l'encontre de la société B un avis de mise en recouvrement, sur le fondement des articles 719 et 720 du CGI ;
Attendu que pour rejeter l'opposition formée par la société B à cet avis, le tribunal énonce que la clientèle en cause a été effectivement cédée, la société A, dépourvue désormais d'une activité consacrée à la découpe, ayant augmenté de façon très importante ses achats à la société B d'une marchandise qu'elle avait elle-même cessé de produire et qu'elle commercialisait ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, lors de la cession, était attachée à l'exploitation commerciale alors exercée par la société A une clientèle propre, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision ;
[…]
PAR CES MOTIFS, […] :
CASSE ET ANNULE,
[…] ».
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ANNEXE 2
Cour de cassation, arrêt du 6 juin 1990 (pourvoi n° 89-11437)
« […]
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Briey, 13 octobre 1988), que, par acte du 26 janvier 1979, Monsieur F. a cédé les éléments incorporels de son exploitation artisanale, dénommée A., hangars agricoles et industriels, serrurerie et mécanique générale, à la société T. ; qu'il avait vendu le mois précédent à la même société des véhicules de transport ainsi que de l'outillage, utilisés par son entreprise ; que l'administration des impôts a émis un avis de mise en recouvrement pour obtenir paiement des droits d'enregistrement, assortis de pénalités, sur la cession de ces biens corporels qu'elle estimait faire partie du fonds artisanal vendu en janvier 1979 ;
Attendu que la société T. fait grief au jugement d'avoir rejeté son opposition à cet avis, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cession du 26 janvier 1979 ne portait que sur les éléments incorporels nécessaires à l'activité de serrurerie, constructions métalliques et mécanique générale du fonds artisanal de Monsieur F., à l'exclusion des activités d'entreprise de levage et de location de matériel, et que la vente du 19 décembre 1978 ne portait pour sa part que sur une partie du matériel d'outillage et du matériel roulant ; qu'en décidant que ces ventes avaient eu pour effet de réunir au profit de la société T. la totalité des éléments corporels et incorporels du fonds exploité par Monsieur F., le tribunal a dénaturé les conventions du 11 décembre 1978 et du 26 janvier 1979 et a violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'il résulte de l'article 719 du CGI que la cession d'un élément isolé d'un fonds de commerce n'est passible des droits d'enregistrement frappant les cessions de fonds de commerce que dans la mesure où elle forme, avec la cession distincte des éléments incorporels d'une partie du fonds, une convention unique tendant à transférer l'ensemble des éléments de la partie du fonds cédé ; qu'en s'abstenant de rechercher si les éléments objets des factures du 11 décembre 1978 étaient ou non nécessaires à l'exploitation des éléments incorporels du fond cédé le 16 janvier 1979, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; alors, encore, qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles la société T. avait fait valoir que la vente du 11 décembre 1978 n'avait porté que sur une fraction minime des éléments corporels du fonds de Monsieur F., dont il se réservait la plus grande partie, et qu'elle n'avait, de ce fait, constitué qu'une vente isolée, le tribunal n'a pas satisfait aux exigences posées par l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'en relevant, pour rejeter le moyen de la société T. qui soutenait que la vente du 11 décembre 1978 avait été fortuite - Monsieur F. ayant été contraint de vendre du fait de la réduction de son activité -que la cession de son fonds n'avait été décidée que le 26 janvier 1979, soit postérieurement à la vente du matériel, tout en ajoutant qu'il était peu vraisemblable que les parties n'aient décidé, à la date du 11 décembre 1978, la cession des autres éléments du fonds, le tribunal a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que le tribunal ne s'est pas contredit en retenant, d'un côté, que la chronologie de ces cessions démontre qu'à la date à laquelle il a vendu le matériel de transport et le matériel avec outillage, Monsieur F. n'avait pas encore consenti à la cession des éléments incorporels et du gros matériel du fonds, de sorte qu'il ne saurait être sérieusement soutenu que celle-ci le mettait pratiquement dans l'obligation de se séparer ensuite du petit matériel, et, d'un autre côté, que de telles cessions, avant d'être effectivement réalisées, sont discutées et négociées, de sorte qu'il est peu vraisemblable qu'à la date du 11 décembre 1978, à laquelle ont été vendus le matériel de transport et le matériel avec outillage, les parties n'aient pas, sinon décidé, à tout le moins envisagé la vente des autres éléments du fonds ;
Attendu, en second lieu, que, sans avoir à s'arrêter à la présentation donnée par les parties à leurs accords, le tribunal en a restitué la nature et la portée véritables en retenant, par une appréciation exempte de dénaturation, que, bien que séparés dans le temps, ces accords n'en formaient en réalité qu'un seul ayant pour objet la cession de l'exploitation en sa totalité ; qu'ainsi, sans avoir à rechercher si le matériel était ou non nécessaire à cette exploitation, il a pu, répondant aux conclusions invoquées, décider que la double cession avait eu pour effet de transmettre le fonds en tous ses éléments et que l'opération était en son ensemble assujettie aux droits de mutation fixés par l'article 719 du CGI ;
Qu'ainsi le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
[…]
PAR CES MOTIFS, […] :
REJETTE LE POURVOI,
[…] ».
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ANNEXE 3
Cour de cassation, arrêt du 21 octobre 1997 (pourvoi n° 95-19911)
« […]
Attendu, selon le jugement déféré (TGI du Mans 18 août 1994) qu'à la suite d'un contrôle fiscal de M. X... C, artisan en charpente-zinguerie, l'administration des impôts a considéré que ce dernier avait repris le fonds de son père M. Y... C. et a prétendu soumettre cette cession aux droits de mutation de l'article 719 du CGI ;
Attendu que M. X... C. reproche au jugement d'avoir rejeté sa demande d'annulation de l'avis de mise en recouvrement des droits supplémentaires résultant du redressement, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cession d'un fonds de commerce suppose la transmission à titre onéreux d'une clientèle propre au cédant ; qu'à l'appui de sa décision le tribunal a relevé qu'il avait terminé les chantiers entrepris par son père dès son installation et qu'un client de ce dernier, la société M., lui avait permis de réaliser 26,96 % de son chiffre d'affaires en 1987 ; qu'en retenant que ces éléments permettaient de caractériser la cession d'un fonds, sans justifier que M. Y... C. ait, moyennant le paiement d'un prix, présenté son fils à un ensemble de clients qui lui étaient propres, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 719 du CGI ; alors, d'autre part, que la cession d'un fonds de commerce suppose l'accomplissement de formalités la rendant publique ; qu'en retenant l'existence d'une cession sans caractériser qu'il ait été procédé à ces formalités, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard du même texte ; alors, ensuite, que le fonds de commerce est une universalité mobilière insusceptible de cession partielle ; qu'en conséquence un fonds ne peut être cédé en plusieurs étapes, antérieurement à la cessation d'activité du cédant ; qu'en admettant cependant que le fonds de M. Y... C. ait pu être progressivement cédé entre 1986 et 1989 et que les droits et intérêts pouvaient être calculés sur ces quatre années, le tribunal a violé les articles 1 de la loi du 17 mars 1909 et 719 du CGI ; et alors, enfin, que l'administration fiscale doit préciser dans la notification de redressement les circonstances justifiant que les éléments de comparaison qu'elle apporte concernent la cession de biens similaires ; que la référence à des fonds qui ne sont pas comparables entraîne la nullité de la procédure ; qu'il résulte des termes mêmes du jugement que l'administration avait pris comme éléments de comparaison des fonds artisanaux dont le chiffre d'affaires était largement inférieur à celui réalisé par M. Y... C. ; qu'en décidant cependant que la procédure de redressement était régulière, le tribunal a violé les articles 719 du CGI et L 57 du LPF ;
Mais attendu, en premier lieu, que le jugement relève justement que les cessions successives des éléments d'un fonds, bien que séparées dans le temps, peuvent former en réalité un seul accord, l'opération devant alors dans son ensemble être soumise aux droits de l'article susvisé ;
Attendu, en deuxième lieu, que n'étaient discutés ni que la cession litigieuse, pour autant qu'elle fût établie, était soumise aux dispositions de l'article 719 du CGI, ni que l'administration des impôts, à qui incombait la charge de la preuve d'une cession non déclarée, pouvait faire cette preuve par un faisceau de présomptions de fait compatibles avec le caractère écrit de la procédure fiscale ; qu'en ce qui concerne la clientèle attachée au fonds le tribunal relève que M. X... C. a terminé les chantiers ouverts par son père, démarché les mêmes mairies, réalisé dès la première année plus du quart de son chiffre d'affaires avec un client de son père ; que de ces constatations, il a pu déduire que la preuve était apportée du transfert à son profit de la clientèle attachée au fonds de son père ;
Attendu, en dernier lieu, qu'après avoir relevé que les éléments de comparaison fournis par l'administration étaient assez précis pour permettre au contribuable d'en contester la pertinence, le tribunal, en appréciant souverainement le caractère de similitude par rapport au fonds litigieux, a pu décider que ces éléments étaient suffisants au regard de la régularité formelle du redressement, tout en nécessitant d'être confortés par une mesure d'expertise ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
[…]
PAR CES MOTIFS, […] :
REJETTE LE POURVOI,
[…] ».
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ANNEXE 4
Cour de cassation, arrêt du 20 juin 2006 (pourvoi n° 04-18787)
« […]
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 27 juillet 2004), que la Société V, après avoir acquis le matériel d'exploitation d'un hôtel auprès de la société L., et signé avec cette dernière un contrat de mise à disposition de licence IV de débits de boissons, a exploité les locaux en vertu d'un bail commercial consenti par la société P. ; que l'administration fiscale, considérant que les conventions passées entre la société et la société L. avaient emporté cession de clientèle et s'analysaient en une cession de fonds de commerce, assujetti aux droits d'enregistrement prévus à l'article 719 du CGI, a notifié un redressement à la société V. ; que cette dernière a fait assigner le directeur des impôts aux fins d'annulation de l'avis de mise en recouvrement et décharge des impositions et pénalités ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1° que le jugement doit être motivé à peine de nullité et que le défaut de réponse aux conclusions équivaut au défaut de motifs ; qu'en la présente espèce, la Société V. faisait valoir en page 9 de ses conclusions en réponse et récapitulatives que le droit au bail était un élément prépondérant du fonds de commerce, dans la mesure où celui-ci était doté d'une clientèle de passage attachée à sa localisation, et que, dès lors que la société L. n'avait été en mesure de lui céder ni un droit au bail, ni l'immeuble lui-même, les conventions passées avec cette dernière n'avaient pu, à elles seules, entraîner un transfert de clientèle et constituer une cession occulte de fonds de commerce, lequel constitue une universalité insusceptible d'être partiellement cédée ; qu'en confirmant le jugement entrepris en se contentant d'énoncer, sans répondre au moyen pertinent pris de l'universalité que constitue un fonds de commerce, qu'il n'existait pas de bail commercial, lequel avait été consenti par un tiers quasiment concomitamment à la cession des autres éléments du fonds de commerce, et que ces acquisitions n'avaient aucun intérêt ni aucune utilité si le cessionnaire n'avait eu la certitude de pouvoir assurer l'exploitation de l'établissement auxquels ces éléments étaient attachés, si bien qu'en faisant cette acquisition, il était assuré de reprendre l'exploitation du fonds qui avait appartenu à la société L. et de bénéficier de la clientèle attachée à ce fonds, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
2° que dès lors qu'elle constatait elle-même que la société L. n'était plus propriétaire des murs dans lesquels était exploité l'hôtel et qu'en sa qualité d'ancienne propriétaire, elle n'était titulaire d'aucun droit au bail, d'une part, et que l'acquisition des autres éléments du fonds de commerce n'avaient aucun intérêt ni aucune utilité pour elle-même si elle ne pouvait assurer l'exploitation de l'établissement auxquels ces éléments étaient attachés, d'autre part, la cour d'appel ne pouvait, sans refuser de tirer de ses propres constatations les conclusions qui s'en évinçaient, confirmer le jugement entrepris au motif que la Société V. avait signé un bail commercial avec le nouveau propriétaire des murs quasi concomitamment à la cession des autres éléments du fonds de commerce ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles L 141-5 du Code de commerce et 719 du CGI ;
3° que tant les premiers juges que l'administration fiscale et la Société de gestion hôtelière du Valinco ont souligné que la société L. avait donné sa licence IV à bail à elle-même le 19 décembre 1997 ; qu'en énonçant que les premiers juges avaient rappelé que, par acte du 19 décembre 1997, elle avait fait l'acquisition auprès de la société L. de la licence IV de l'établissement « Grand Hôtel L. », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis tant du jugement entrepris que des conclusions des parties ; que, ce faisant, elle a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'enseigne et le matériel d'exploitation de l'hôtel cédés par la société L. à la société constituaient des éléments distinctifs et attractifs de la clientèle ; qu'il retient également que le chiffre d'affaires réalisé par la société pour sa première saison d'exploitation était comparable à celui réalisé par son prédécesseur, de sorte qu'elle n'avait pu se constituer une clientèle nouvelle et distincte ; que de ces constatations, la cour d'appel, qui en a déduit que la cession de ces seuls éléments du fonds de commerce au profit de la. société, avait emporté transfert de clientèle potentielle attachée à la nature et à l'enseigne de l'établissement, et ce indépendamment de la conclusion par la société d'un contrat de bail commercial avec une autre société, et que l'opération réalisée constituait ainsi une cession occulte de fonds de commerce, assujettie, en tant que telle, à des droits d'enregistrement, a répondu, sans dénaturation, aux conclusions prétendument délaissées invoquées à la première branche et a pu statuer comme elle a fait, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche ; que le moyen n'est pas fondé ;
[…]
PAR CES MOTIFS, […] :
REJETTE LE POURVOI,
[…] ».
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