B.O.I. N° 214 du 28 NOVEMBRE 2000
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
7 S-8-00
N° 214 du 28 NOVEMBRE 2000
7 E / 48 - S 212
COUR DE CASSATION - CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE. ARRÊTS DES 11 JANVIER (n° 83 D) ET 30 MAI 2000 (n° 1214 FS-P, BULL. IV, n° 114). IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE.
CHAMP D'APPLICATION.
PERSONNES PHYSIQUES DOMICILIÉES EN FRANCE.
CRITÈRES DE LOCALISATION DU DOMICILE. INCIDENCE DES CONVENTIONS INTERNATIONALES.
(C.G.I., art 4 B et 885 A)
[Bureau J2]
ANALYSE DES ARRETS (textes reproduits en annexe) :
1.Aux termes de l'article 885 A (1°) du Code général des impôts, sont soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune à raison de leurs biens situés en France ou hors de France, les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France.
Par ailleurs, en application de l'article 4 B du Code général des impôts, sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal, ou qui exercent en France une activité professionnelle à titre non-accessoire, ou qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.
Pour déterminer, en matière d'impôt de solidarité sur la fortune, le domicile fiscal d'un redevable, le juge ne doit recourir aux règles tirées d'une convention internationale destinée à éviter les doubles impositions qu'en présence d'un conflit d'imposition. Telle n'est pas la situation, au regard de l'article 3.3 de la convention franco-américaine du 28 juillet 1967 - qui permet de trancher un éventuel conflit dans le cas d'une personne physique « résidente de chacun des Etats contractants » -, du redevable qui, d'une part, n'apporte pas la preuve de sa qualité de double résident, et pour lequel, d'autre part, le tribunal a souverainement constaté qu'il avait en France, à la date du fait générateur de l'impôt, son seul domicile connu, qu'il y exerçait son activité professionnelle essentielle, et y possédait la plus grande part de son patrimoine (Com. 11 janvier 2000).
2.Justifie légalement sa décision selon laquelle un redevable a en France le centre de ses intérêts économiques et doit être considéré comme y ayant son domicile fiscal, un tribunal qui relève que celui-ci dispose en France d'un important patrimoine immobilier, constitué de onze immeubles loués et d'un portefeuille de valeurs mobilières tout aussi important sur des comptes bancaires en France et relève que, pour l'ensemble des années litigieuses, les revenus perçus en France, pris à juste titre pour leur montant brut et non pas net, étaient d'un montant nettement supérieur à ses revenus résultant de son activité professionnelle exercée pour des périodes variables hors de France (Com. 30 mai 2000).
OBSERVATIONS :
1.Les conventions internationales doivent, en matière d'impôt de solidarité sur la fortune, être prises en considération pour résoudre les problèmes relatifs à la définition du domicile fiscal.
Mais la Cour de cassation rappelle que ce principe n'a vocation à s'appliquer qu'en cas d'existence d'un conflit d'imposition entre deux Etats.
Dans l'hypothèse examinée par l'arrêt du 11 janvier 2000, le redevable, considéré comme domicilié en France par l'administration, prétendait posséder la qualité de résident des Etats-Unis sans toutefois en apporter la preuve.
Dès lors, en l'absence de tout conflit d'imposition, et dans la mesure où les faits souverainement appréciés par le tribunal saisi permettaient, au regard des critères prévus à l'article 4 B du Code général des impôts, de fixer en France le domicile fiscal de l'intéressé, il n'était point besoin de recourir aux dispositions de l'article 3.3 de la convention franco-américaine du 28 juillet 1967 pour résoudre le litige.
2.Dans l'espèce tranchée le 30 mai 2000, la Cour de cassation rappelle implicitement que les critères énoncés à l'article 4 B sont alternatifs et indépendants les uns des autres.
Au cas particulier, elle approuve le tribunal qui, à partir d'un examen des faits de la cause, décide que le redevable possède en France le centre de ses intérêts économiques et en tire la conséquence qu'il doit donc être considéré comme y ayant son domicile fiscal.
La Cour Suprême admet ainsi que le centre des intérêts économiques peut être notamment défini comme le lieu ou est situé l'essentiel du patrimoine du redevable et où est perçue la plus grande partie de ses revenus.
Elle indique au surplus que ce sont les revenus bruts qui doivent être pris en considération et non les revenus nets. Il est en effet manifeste que la notion de revenus renvoie en ce cas au concept économique de ressources et non à une catégorie juridique comme celle du revenu net imposable.
Annoter : D.B. 7 S 212, n os6 et 7 ; 7 S 23, n° 1 .
Le Chef de Service
Ph. DURAND
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ANNEXE
Com. 11 janvier 2000, n° 83 D :
« Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Quimper, 21 janvier 1997), que M. X... a cédé la totalité de ses actions de la société Gelva à la société Tipiak pour laquelle il a exercé, jusqu'en mars 1991, la fonction de directeur commercial chargé des exportations ; que, le 13 janvier 1992, un redressement lui a été notifié par la brigade de vérifications générales des impôts de Quimper, pour établir qu'il devait être assujetti à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour l'année 1991 ; qu'il y a répondu qu'installé aux Etats-Unis depuis octobre 1990 il ne remplissait plus les conditions de résidence fiscale définies au Code général des impôts ; que mis en demeure de déposer une déclaration d'lSF pour 1991, il a déclaré l'avoir fait à la recette des non-résidents ; que, maintenant sa position, l'Administration lui a adressé, le 30 juin 1992, une notification de redressement pour établir le montant de sa dette fiscale au titre de l'ISF ; que, le 19 octobre 1992, elle a mis en recouvrement l'impôt qu'elle estimait être dû, ainsi que les intérêts de retard prévus à l'article 1729 du code général des impôts et la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du même code ; que sa réclamation étant restée sans réponse, M. X... a assigné le directeur régional des impôts de Bretagne pour faire annuler la procédure administrative et obtenir la décharge des sommes mises en recouvrement ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... reproche au jugement d'avoir retenu la compétence du tribunal de grande instance de Quimper, et de l'avoir condamné à un rappel d'impôt sur la fortune au titre de l'année 1991, avec majoration et pénalités, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'au regard de l'article 3 de la Convention franco-américaine du 28 juillet 1967, il devait être considéré comme résident aux Etats-Unis dans la mesure où il y disposait d'un foyer permanent d'habitation et subsidiairement y possédait le centre de ses intérêts vitaux ; que par application du seul texte conventionnel sa résidence ne pouvait être en France ; qu'en affirmant le contraire les premiers juges ont violé par fausse application la Convention ; et alors, d'autre part, et très subsidiairement, qu'au regard même de l'article 4 du Code général des impôts, il ne pouvait être soutenu qu'il disposait en France de son domicile fiscal dans la mesure où il n'y avait pas son activité principale, ni le centre de ses intérêts économiques ;
Mais attendu, d'une part, que l'article 3.3 de la Convention franco-américaine du 28 juillet 1967 ne permet de trancher un éventuel conflit en retenant la compétence fiscale de l'un des Etats signataires à l'égard d'une personne physique que dans le cas où celle-ci est « résidente de chacun des Etats contractants » ; que le jugement constate que M. X... n'apporte pas la preuve qu'il ait une telle qualité ; que, dès lors, le Tribunal qui n'avait pas examiné sa situation au regard des règles de solution d'un conflit de compétence fiscale a pu statuer comme il a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Attendu, d'autre part, que le Tribunal relève que M. X... se faisait régulièrement domicilier au lieudit Kérouel à Trégunc, son seul domicile connu, qu'il est resté jusqu'en mars 1991 salarié à temps complet de la société Tipiak, comme directeur commercial chargé de « l'export », ce qui constituait son activité essentielle et qu'en outre, la plus grande part de son patrimoine était en France au 1er janvier 1991 ; que le moyen qui se borne à remettre en cause ces constatations souveraines, ne peut être accueilli ;
...
PAR CES MOTIFS :
REJETTE LE POURVOI ».
Com. 30 mai 2000, n° 1214 FS-P, Bull. IV, n° 114 :
« Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, et le second moyen, pris en ses trois branches, réunis :
Attendu, selon le jugement déféré (tribunal de grande instance de Lille, 27 novembre 1997), que M. X... s'est vu notifier le 20 août 1993 un redressement portant sur l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dû au titre des années 1990 à 1993 ; qu'après le rejet de sa réclamation du 10 février 1994 par laquelle il a contesté les impositions pour les années 1991 à 1993, il a assigné le directeur des services fiscaux du Nord devant le tribunal de grande instance en dégrèvement des impositions contestées ;
Attendu que M. X... fait grief au jugement d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il est constant que l'administration fiscale lui avait notifié un redressement au titre des déclarations d'lSF pour les années 1991 à 1993 ; que, pour considérer que M. X... , en dépit de ses écritures, était un résident français, le Tribunal a déclaré qu'il était constant qu'il avait résidé moins de six mois en 1991 et 1993 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher s'il avait résidé hors de France également en 1992, le Tribunal a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 885 L et 4 B du Code général des impôts ; et alors, d'autre part, que l'administraiton fiscale avait admis dans ses conclusions que M. X... exerçait une activité professionnelle à l'étranger et n'avait pas contesté qu'il y vécut plus de six mois , qu'en déclarant, dès lors, qu'il était constant que M. X... avait résidé moins de six mois hors de France, le Tribunal a dénaturé les termes du litige et, partant, a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, en outre, que, pour être considéré comme résident français, il faut avoir vécu moins de six mois hors de France ; que le Tribunal a déclaré que M. X... possédait un appartement en France pour lequel il acquitte la taxe d'habitation et où il se domiciliait pour ses opérations de placement ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, pour en déduire la qualité de résident français de M. X... , le Tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 885 L et 4 B du Code général des impôts ; et alors, également, qu'ainsi qu'il l'avait fait valoir dans ses écritures, il fallait prendre en compte ses revenus nets et non bruts ; que le Tribunal a admis que M. X... avait perçu ses revenus de source non française ; qu'il a également admis que les revenus nets des valeurs mobilières et foncières étaient inférieurs aux revenus professionnels ; qu'en en déduisant que M. X... avait le centre de ses intérêts économiques en France, le Tribunal n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 885 L et 4 B du Code général des impôts ; et alors, par ailleurs, qu'en tout état de cause, toute contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant tout à la fois que M. X... avait perçu des revenus nets mobiliers et fonciers inférieurs à ses revenus professionnels et qu'il avait retiré de son patrimoine mobilier et immobilier des fruits dépassant dans des proportions importantes les produits de son activité professionnelle, le Tribunal a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'en tout état de cause, en déclarant par voie de pure affirmation et sans en justifier que M. X... avait retiré de son patrimoine mobilier et immobilier des fruits dépassant dans des proportions importantes les produits de son activité professionnelle, le Tribunal a entaché sa décision d'un défaut de motifs et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'en application de l'article 4 B du Code général des impôts, sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France les personnes qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques et constaté que M. X... dispose en France d'un important patrimoine immobilier, constitué de onze immeubles loués et d'un portefeuille de valeurs mobilières tout aussi important sur des comptes bancaires en France et que, pour l'ensemble des années litigieuses, les revenus bruts perçus en France étaient d'un montant nettement supérieur à ses revenus résultant de son activité professionnelle exercée pour des périodes variables hors de France, le Tribunal, prenant ainsi en compte à juste titre les revenus bruts et non pas nets perçus d'un côté en France et d'un autre côté hors de France, a, par ces seuls motifs et sans encourir les griefs du second moyen, légalement justifié sa décision selon laquelle M. X... avait en France le centre de ses intérêts économiques et devait être considéré comme y ayant son domicile fiscal ;
D'où il résulte que le premier moyen, en ses trois branches, est inopérant en ce qu'il critique un motif surabondant et que le second moyen, en ses trois branches, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE LE POURVOI ».