Date de début de publication du BOI : 09/03/2001
Identifiant juridique : 4A6123
Références du document :  4A6123

SOUS-SECTION 3 SOCIÉTÉS

SOUS-SECTION 3

Sociétés

1Les sociétés, comme les personnes physiques, peuvent céder ou cesser tout ou partie de leur entreprise et, de ce fait, être immédiatement imposables conformément aux dispositions de l'article 201 du CGI.

2Mais, en outre, leur constitution et les nombreuses modifications qu'elles peuvent subir au cours de leur existence, les unes portant sur la personnalité des associés, les autres sur le pacte social lui-même, peuvent entraîner pour les sociétés ou pour leurs membres, ou certains d'entre eux, cession ou cessation d'entreprise au sens de l'article 201 précité.

3En effet, certaines opérations réalisées entre la société et ses membres, certains changements d'associés par exemple, peuvent aboutir à des transferts de propriété (apport en société, cession de droits sociaux, décès d'un associé, etc.).

4D'autre part, certains changements affectant la société elle-même peuvent également aboutir, soit à la création d'une personne morale nouvelle 1 à laquelle la propriété des biens se trouve transférée, soit au transfert de la propriété de tout ou partie des biens de cette société à une autre. Ces changements entraînent alors pour la société concernée cession ou cessation totale ou partielle d'entreprise (fusion, apport partiel d'actif, etc.).

5Le paragraphe III de l'article 16 de la loi de finances rectificative pour 1989 complète ce dispositif et prévoit que les conséquences fiscales de la cessation d'entreprise doivent également s'appliquer dans les situations mentionnées à ses paragraphes 1 et 3 dont les dispositions ont été respectivement codifiées sous les articles 221-2, deuxième alinéa et 202 ter du CGI. Il en est ainsi :

- lorsque les sociétés ou organismes placés sous le régime des sociétés de personne défini aux articles 8 à 8 ter du code cessent totalement ou partiellement d'être soumis à ce régime ou s'ils changent leur objet social ou leur activité réelle (CGI, art. 202 ter) ;

- lorsque les personnes morales mentionnées aux articles 238 ter, 239 quater A, 239 quater B, 239 quater C, 239 septies et aux paragraphes I des articles 239 quater et 239 quinquies deviennent passibles totalement ou partiellement de l'impôt sur les sociétés (CGI, art. 202 ter) ;

- lorsque les sociétés ou organismes mentionnés aux articles 206 à 208 quinquies, 239 et 239 bis AA cessent totalement ou partiellement d'être soumis à l'impôt sur les sociétés au taux prévu au deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 219 (CGI, art. 221-2, al. 2).

6On examinera ci-après un certain nombre de situations propres aux sociétés et les conséquences qui en découlent au regard de l'imposition immédiate en distinguant le cas des sociétés de droit de celui des sociétés de fait.

  A. SOCIÉTÉS DE DROIT

  I. Apport en société

7L'apport d'une entreprise à une société emporte transfert de propriété et donne lieu, pour l'apporteur, à l'établissement de l'imposition immédiate prévue à l'article 201 du CGI.

8Ce principe est expressément applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 221-2, 1er alinéa, du CGI.

9Il convient d'en faire également application en matière d'impôt sur le revenu. Il en est ainsi, notamment, dans le cas d'un exploitant individuel qui fait apport de son entreprise à une société de personnes non passible de l'impôt sur les sociétés. Peu importe que l'apporteur soit ou devienne membre de la société bénéficiaire de l'apport.

10Ainsi jugé dans le cas d'un contribuable ayant apporté son fonds de commerce à une société en nom collectif qu'il a formée avec son fils. Cette société constituant une personnalité juridique distincte ,bien que l'ancien propriétaire du fonds en soit l'associé et le gérant, l'apport doit être regardé comme une cession d'entreprise (CE, arrêt du 28 mai 1945, req. n° 76726, RO, p. 271).

La Haute Assemblée a également considéré que l'apport par un contribuable de son fonds de commerce à une société à responsabilité limitée, formée par ce dernier et ses enfants, doit être regardé comme une cession d'entreprise dès lors que la société bénéficiaire de l'apport constitue une personne juridique distincte de l'ancien exploitant. (CE, arrêt du 6 juillet 1956, req. n° 18670, RO, p. 138).

De même, l'apport par un contribuable, d'un fonds de commerce à une société en commandite simple, doit être regardé comme une cession d'entreprise bien que l'intéressé soit le seul commandité et le gérant de la société, car cette dernière n'en constitue pas moins une personne juridique distincte (CE, arrêt du 31 janvier 1962 req. n° 51043, RO. p. 24).

11 Remarque : Les apports partiels d'actif réalisés par des sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés peuvent être placés, dans certaines conditions, sous le régime de faveur prévu aux articles 210 A à 210 C du CGI ; cf. DB 4 I .

  II. Cession de droits sociaux

1. Généralités.

12En règle générale, la cession de parts ou d'actions représentatives de droits dans une société est sans incidence sur la détermination du résultat fiscal de cette dernière.

13La cession de titres n'entraîne que l'application, le cas échéant, au regard de l'associé cédant, des dispositions fiscales propres aux cessions de valeurs mobilières. Toutefois, il y aurait lieu, bien entendu, à imposition immédiate si la ou les cessions de titres entraînait cessation de l'activité industrielle ou commerciale exercée antérieurement par le cédant.

2. Cessions de droits sociaux dissimulant une cession d'entreprise.

a. Rappel de la doctrine antérieure.

14L'administration considérait qu'une cession importante, en une ou plusieurs opérations rapprochées, de titres d'une SARL ou d'une société anonyme représentant au moins la majorité requise pour les modifications statutaires (dans les SA, les 2/3 des voix exprimées, et dans les SARL les voix des associés représentant au moins les 3/4 du capital) pouvait entraîner, du point de vue fiscal, la création d'un être moral nouveau 2  :

- lorsque dans un délai inférieur à trois ans, les nouveaux associés décidaient de dissoudre ou de faire absorber la société dont ils avaient acquis les titres ;

- ou lorsque la cession des titres s'accompagnait de modifications profondes du pacte social (changement de type juridique, cession de biens composant l'actif social en dehors du cadre de gestion normale, transfert du siège social, modification de la dénomination sociale, augmentation du capital sans commune mesure avec celle qu'exige la croissance normale de l'entreprise).

15En pareilles circonstances, l'opération était analysée comme une vente dissimulée des éléments de l'actif social suivie de leur apport à une nouvelle société. En effet, compte tenu des règles d'imposition applicables aux cessions de droits sociaux d'une part, et aux cessions d'entreprises d'autre part, certains contribuables pouvaient être tentés d'éluder l'impôt en réalisant, sous le couvert de ventes de titres, des opérations de nature juridique différente.

16Dans cette hypothèse, il y avait lieu :

- d'une part, de rétablir le véritable caractère de l'opération en s'appuyant sur les dispositions de l'ancien article 1649 quinquies B du CGI (LPF, art. L 64) relatif à la répression des abus de droit ;

- et d'autre part, d'exiger rétroactivement les droits dus tant en matière de droits d'enregistrement qu'au regard des impôts directs, lesquels devaient faire l'objet d'une mise en recouvrement immédiate.

b. Évolution jurisprudentielle.

17La doctrine administrative exposée ci-dessus était conforme à la jurisprudence résultant de plusieurs arrêts rendus tant par la Cour de cassation que par le Conseil d'État (Cass. comm., 16 juin 1975, n°s 435 et 436 ; CE, arrêts du 3 avril 1968, req. n° 70322, 1re partie, p. 118 et du 6 octobre 1971, req. n° 78967, RJ n° II, p. 155).

18Cependant cette jurisprudence traditionnelle a été infirmée par des décisions qui abandonnent le critère de la répartition du capital social au profit de celui de l'objet social et de l'activité exercée.

19Dans des espèces relatives au report des déficits et à la déduction des amortissements différés, le Conseil d'État a jugé que le changement de dénomination d'une société et'l'acquisition par deux nouveaux actionnaires de la majorité du capital social de cette société, ne suffisent pas, dès lors que l'objet social et la nature de l'activité exercée n'ont pas été modifiés, à entraîner la création d'un être moral nouveau, et partant, à faire obstacle à l'imputation des reports déficitaires (CE, arrêt du 29 juillet 1983, n° 39781).

Voir également dans le même sens (CE, arrêts du 27 juillet 1984, n° 16580 ; du 18 novembre 1985, n° 43321 et du 6 janvier1986, n° 41611)

20La jurisprudence de la Cour de cassation, rendue en matière de droits d'enregistrement, a évolué dans le même sens que celle du Conseil d'État.

Ainsi, dans l'arrêt du 7 mars 1984 (Cass. com., n° 245 Beauvallet-Naturana), la Cour suprême a jugé que la cession en deux fois par les actionnaires de la société Beauvallet de la totalité de leurs titres à la société Naturana et aux dirigeants de celle-ci, suivie du changement d'activité de la première société et de sa transformation en SARL, ne dissimule pas une vente des éléments de l'actif social suivie de leur apport à la société cessionnaire La Cour de cassation a considéré en effet, que la société Beauvallet, émettrice des actions, n'avait jamais cessé d'exister en tant que personne morale et que les cédants n'avaient pas qualité pour disposer de l'actif social.

c. Régime actuel.

21Dans une instruction du 10 mars 1986, l'administration s'est ralliée à cette jurisprudence. Dès lors, les cessions massives de droits sociaux, accompagnées ou suivies de modifications statutaires autres que le changement d'objet social (cf. ci-dessous n°s 25 et suiv. ), n'entraînent désormais aucune conséquence en matière d'impôt sur les sociétés.

22Il en va, bien entendu, différemment si, conformément à la nouvelle jurisprudence, les transformations sont telles qu'elles entraînent, sur le plan juridique, création d'une personne morale nouvelle. Dans ce cas, en effet, il y a disparition de la société ancienne et création d'une société nouvelle.

  III. Changement d'objet statutaire ou d'activité réelle d'une société

23L'article 221- 5 du CGI, dans sa rédaction issue de l'article 8 de la loi de finances pour 1986 (n° 85 -1403 du 30 décembre 1985) prévoit que le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés emporte cessation d'entreprise. Toutefois les dispositions de l'article 221 bis du CGI sont applicables dans cette situation, sauf pour les provisions dont la déduction est prévue par des dispositions légales particulières.

À noter que ce dispositif ne modifie pas les conditions d'application du régime de faveur des fusions et opérations assimilées prévu aux articles 210 A et 210 B du code précité.

1. Entreprises concernées.

24L'article 221-5 déjà cité concerne l'ensemble des sociétés soumises, de plein droit ou sur option, à l'impôt sur les sociétés au taux normal, sur tout ou partie de leur activité et quel que soit leur objet. Il s'agit principalement :

- des sociétés anonymes, des sociétés en commandite par actions, des sociétés en commandite simple (pour la part de bénéfices correspondant aux droits des commanditaires), des sociétés en participation (pour la part des bénéfices correspondant aux droits des associés non indéfiniment responsables ou dont les noms et adresses ont été indiqués à l'Administration), des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, des sociétés unipersonnelles à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne morale ;

-des sociétés en nom collectif, des sociétés en commandite simple, des entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée et des sociétés en participation, qui ont opté pour leur assujettissement à l'impôt sur les sociétés ;

- des sociétés civiles exerçant une activité industrielle ou commerciale ;

- des sociétés dont le siège social est situé hors de France, imposables à raison des profits tirés de leurs exploitations en France [établissements stables] (bien entendu, l'application de l'article 221-5 est limitée à la modification de l'activité réelle de l'établissement stable).

S'agissant du changement de l'objet social ou de l'activité réelle des sociétés ou organismes placés sous le régime des sociétés de personnes cf. ci-après n°s 81 et suiv.

1   Dans un souci d'harmonisation avec le droit privé (art. 1844-3 du code civil) le texte fait désormais référence à la création d'une personne morale nouvelle et non à la création d'un être moral nouveau, cf. 4 H 621 .

2   Dans un souci d'harmonisation avec le droit privé (art. 1844-3 du code civil) il est désormais fait référence à la création d'une personne morale nouvelle et non à la création d'un être moral nouveau (cf. DB 4 H 621 ).