Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3322
Références du document :  13E3322

SOUS-SECTION 2 COMPÉTENCE TERRITORIALE OU RATIONE LOCI, CONNEXITÉ ET INDIVISIBILITÉ


SOUS-SECTION 2

Compétence territoriale ou ratione loci, connexité et indivisibilité


1Pour déterminer la compétence des juridictions répressives, la loi pénale ne prend pas seulement en considération la personne qui a commis l'infraction et la nature de cette dernière, elle tient compte aussi des circonstances de lieu. C'est la compétence territoriale ou ratione loci.


  A. PRINCIPE


2Si l'article L. 235 du Livre des procédures fiscales attribue compétence au tribunal correctionnel pour connaître des contraventions en matière de contributions indirectes, aucune disposition fiscale ne désigne le tribunal territorialement compétent.

Ce dernier est, dès lors, déterminé par application des règles de droit commun.

Celles-ci sont prévues par l'article 382 (1er al.) du Code de Procédure pénale aux termes duquel : « est compétent le tribunal correctionnel du lieu de l'infraction, celui de la résidence du prévenu ou celui du lieu de l'arrestation de ce demier, même lorsque cette arrestation a été opérée pour une autre cause ».

Toutefois, selon le même article, le tribunal dans le ressort duquel une personne est détenue n'est compétent que dans les conditions prévues aux articles 662 à 667 du même code (cf. ci-après n° 6 ). Il est par ailleurs précisé que la compétence à l'égard d'un prévenu s'étend à tous les coauteurs et complices (Code de Proc. pén., art. 383).

3Les principes ci-dessus sont confirmés par la jurisprudence.

Aucune des lois spéciales qui régissent les contributions indirectes n'ayant désigné le tribunal correctionnel qui serait exclusivement compétent pour connaître d'une contravention en cette matière, on doit s'en référer aux règles écrites dans les articles 43 et 382 du Code de proc. pénale.

C'est, en conséquence, à bon droit qu'une cour d'appel déclare que le tribunal correctionnel du lieu de la résidence du prévenu est compétent pour statuer sur une contravention de cette nature (Cass. crim., 13 août 1886 : Bull. crim. 301, p. 504).

A défaut de règles spéciales dans les lois qui régissent les contributions indirectes, on doit se référer, en ce qui concerne la compétence des tribunaux correctionnels, aux règles écrites dans le Code de procédure pénale.

Dès lors, c'est à bon droit que la Cour d'appel reconnaît la compétence du tribunal correctionnel du lieu du domicile ou de la résidence des prévenus (Cass. crim., 14 avril 1943, RJCI 20, p. 36 Bull. crim. 29, p. 42).

4Bien que l'Administration ait la faculté de choisir entre plusieurs tribunaux notamment celui du lieu de la résidence du prévenu (cf. jurisprudence ci-dessus) faculté dont elle use selon les circonstances, il convient de saisir, en principe, le tribunal correctionnel du lieu où l'infraction a été commise. Cette juridiction est, en effet, la plus apte habituellement pour apprécier les circonstances de l'infraction.


  B. EXCEPTIONS



  I Mineurs (moins de 18 ans)


5Le siège et le ressort des tribunaux pour enfants sont fixés par voie réglementaire (cf. art. L 522 1 du Code de l'Organisation judiciaire et les divers textes relatifs aux mineurs reproduits sous l'art.122-8 du NCP).

Est compétent le Tribunal pour enfants du lieu de l'infraction, celui de la résidence du mineur ou de ses parents (administrateur légal) ou de son tuteur légal ou du délégué à la tutelle d'État 1 , celui du lieu où le mineur a été trouvé ou placé à titre provisoire ou définitif (art. 3 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945).


  II. Détenus


6Le tribunal dans le ressort duquel une personne est détenue n'est compétent que dans les conditions prévues aux articles 662 à 667 du Code de Procédure pénale (cf. art. 382, al. 2, dudit code).


  III. Infraction en matière économique et financière


7Une formation spécialisée du Tribunal de grande instance est compétente dans les affaires d'une grande complexité (art. 704 et suiv., Code Proc. pén. cf. ci-dessous les modalités d'application de cette procédure exceptionnelle : E 3323, composition du tribunal).


  C. DÉTERMINATION DU LIEU OU L'INFRACTION A ÉTÉ COMMISE



  I. Infractions continues


8En matière de contributions indirectes, les infractions sont, en règle générale, des contraventions continues (exemples : transport sans expédition, ouverture d'un débit de boissons sans licence, distillation sans déclaration, abattage d'animaux de boucherie sans déclaration, etc.).

Il n'existe que quelques rares infractions fiscales instantanées. C'est le cas, en particulier, de l'opposition à fonctions punie par l'article 1737 du CGI.

Cette classification des infractions fiscales présente un intérêt pour l'application des règles de prescription de l'action, pour l'application du principe de la non-rétroactivité des lois, et en ce qui concerne la compétence territoriale des tribunaux.

En cas d'infraction continue, en effet, sont compétents les tribunaux dans le ressort desquels se sont successivement produits les faits délictueux ; ainsi, par exemple lorsque les boissons mises en circulation ne sont point identiques à celles qu'indique l'acquit-à-caution, elles circulent sans titre de mouvement et leur transport constitue une infraction ; cette infraction se continue pendant tout le cours du transport jusqu'au moment où elle est constatée ; est par suite compétent pour en connaître le tribunal correctionnel du lieu où s'opère la saisie (Cass. crim., 6 janvier 1876, Mém. Cl 19, p. 225 : Bull. crim. 2, p. 3).


  II. Vente de marchandises


9Dans le cas où l'infraction a été commise à l'occasion d'une vente de marchandises, le lieu de l'infraction est celui où la vente a été réalisée et le transfert de propriété effectué d'après les règles du droit commercial.

Par application de ce principe, les infractions aux lois sur les fraudes commerciales doivent être portées en général devant le tribunal correctionnel du lieu où l'expédition de la marchandise a été faite (lettre du 25 avril 1890 du Garde des Sceaux au Ministre des Finances).

Mais l'infraction peut être également constatée, éventuellement, au lieu de destination. Il a été jugé que lorsqu'une marchandise est livrable en gare de destination avec paiement contre remboursement, les juges du fond sont fondés à décider que la vente a été conclue au lieu de destination et que, dès lors, les infractions qui résultent du fait de la vente ont été commises audit lieu (Cass. crim., 31 janvier 1918, BIC 5, p. 18 : cf. également Cass. crim., 27 juillet 1877, Bull. crim. 174, p. 343).


  D. CONNEXITÉ ET INDIVISIBILITÉ


10En cas de prorogation légale 2 , une juridiction répressive voit sa compétence étendue, prorogée à des infractions dont, ratione materiae ou ratione loci, elle ne devrait pas connaître normalement.

La prorogation de compétence a lieu en cas de connexité et d'indivisibilité.


  I. Connexité


11Les infractions connexes sont prévues et définies à l'article 203 du Code de procédure pénale, dont les dispositions n'ont pas un caractère limitatif (cf. Cass. crim., 12 novembre 1981, Bull. crim. 312, p. 793). Elles ont fait l'objet d'un exposé aux subdivisions précédentes (E 3312, n°s 122 et suiv. ).

La connexité permet, le cas échéant, la jonction des procédures, conformément aux dispositions de l'article 387 du Code de procédure pénale (cf. ci-dessous 13 E 3352- 3 ).

L'article 382, alinéa 3, du même code précise : « la compétence du tribunal correctionnel... peut aussi s'étendre aux délits et contraventions connexes au sens de l'article 230 ».

Du caractère facultatif de la jonction en cas de connexité, la Cour de cassation a déduit qu'un tribunal correctionnel régulièrement saisi d'un délit ne peut s'en dessaisir au prétexte d'une prétendue connexité avec des poursuites engagées devant un autre tribunal (Cass. crim., 30 mars 1971, Bull. crim. 113, p. 289 et les arrêts cités).


  II. Indivisibilité


12A côté de la connexité prévue par la loi, la jurisprudence décide que l'indivisibilité entraîne la jonction des procédures devant un seul et même tribunal.

La jonction des procédures, facultative lorsqu'il y a connexité, est obligatoire en cas d'indivisibilité qui suppose entre les faits délictueux une relation plus étroite (cf. ci-dessous DB E 3352, n°s 40 et suiv. ).

L'article 382 (3e alinéa) du Code de procédure pénale prévoit que « la compétence du tribunal correctionnel s'étend aux délits et contravention qui forment avec l'infraction déférée au tribunal un ensemble indivisible ».

13La jurisprudence constate l'indivisibilité lorsqu'il existe un lien entre plusieurs éléments constitutifs d'infraction :

- soit parce que l'existence des uns ne peut se comprendre sans l'existence des autres ;

- soit parce que les uns sont la suite nécessaire des autres ;

- soit parce qu'ils sont commis par plusieurs personnes dans le même laps de temps, dans le même lieu et avec les mêmes mobiles.

14 Il a été jugé :

- qu'il n'y a indivisibilité entre les divers éléments d'une prévention que lorsqu'ils sont rattachés entre eux par un lien tellement intime que l'existence des uns ne se comprenne pas sans l'existence des autres (Cass. crim., 11 avril 1891, Bull. crim. 84, p. 148) ;

- que pour qu'il y ait indivisibilité, il ne suffit pas que plusieurs actes aient été inspirés par le même mobile, il faut, de plus, que ces actes soient rattachés les uns aux autres par un lien tellement intime que l'existence des uns ne puisse se comprendre sans l'existence des autres (Cass. crim., 7 mars 1895, Bull. crim. 76, p. 131) ;

- que la compétence du tribunal correctionnel s'étend aux délits et contraventions, qui forment avec l'infraction déférée au tribunal, un ensemble indivisible (art. 382 du Code de Proc. pén.) : que tel est le cas, en ce qui concerne la réglementation fiscale des transports routiers de marchandises 3 des infractions de non-déclaration d'un véhicule sujet à cette formalité et de non-présentation du laissez-passer dont tout conducteur doit être porteur que si le tribunal saisi de la poursuite exercée en Sâone-et-Loire contre un propriétaire domicilié dans l'Aude, est compétent ratione loci du chef de la seconde infraction ; le défaut de présentation du laissez-passer ayant été constaté dans son ressort la Cour d'appel ne peut relever d'office l'incompétence des premiers juges et infirmer les condamnations prononcées, au motif que l'infraction consistant en la non-déclaration du véhicule a été consommée au lieu du domicile de l'inculpé (Cass. crim., 29 novembre 1967, RJCI, p. 62) ;

- que l'enlèvement et le transport d'alcools sous lien d'un titre de mouvement inapplicable et par ailleurs la simulation d'enlèvement destinée à masquer le manquant figurant dans les écritures du destinataire mentionné sur le premier titre de mouvement d'une même quantité d'alcool pur n'étant pas des faits rattachés entre eux par un lien tel que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans l'existence des autres, il n'y a pas indivisibilité entre lesdits faits qui ont dès lors pu, à bon droit, donner lieu à des poursuites séparées (Cass. crim., 1er février 1956 ; RJCI 11, p. 280).

 

1   Cf. décret n° 74-930 du 6 novembre 1974 portant organisation de la tutelle d'Etat prévue à l'article 433 du Code civil.

2   En matière pénale, il n'y a pas de prorogation conventionnelle.

3   Actuellement de la compétence de l'admisnistration des Douanes.