SOUS-SECTION 1 LIVRAISONS DE BIENS
II. Frais de transport
22Compte tenu des dispositions de l'article 267-I-2° du CGI, les frais de transport facturés par le vendeur à son client constituent un élément du prix de vente imposable.
Cependant, le prix du transport peut être dissocié du montant de la vente, à condition qu'il constitue la rémunération effective et normale d'une prestation de services que l'acquéreur et le vendeur ont entendu disjoindre et rémunérer distinctement de l'opération de vente elle-même.
Autrement dit, le transport d'une marchandise est considéré comme une prestation que les parties ont entendu rémunérer distinctement de la vente proprement dite lorsque la vente de cette marchandise est conclue aux conditions « départ » et la marchandise transportée aux risques et périls de l'acheteur.
23Deux conditions sont ainsi nécessaires pour que les frais de transport ne soient pas inclus dans la base imposable :
- le transport doit être distinct de la vente ;
- le transport, dont la charge incombe normalement à l'acquéreur, fait l'objet d'une rémunération particulière.
1. Le transport doit être distinct de la vente.
24Le prix de la marchandise doit être stipulé « départ » c'est-à-dire à un prix arrêté « marchandises prises dans le magasin du vendeur », le transfert de propriété intervenant au départ des magasins du vendeur. Pour les choses fongibles en particulier, le vendeur doit prouver que tous les éléments du marché (quantité, qualité, prix) sont déterminés au « départ » préalablement au transport. Ceci n'exclut pas, toutefois, la possibilité d'une vérification de conformité à l'arrivée (CE, arrêts des 6 mars 1968, n° 68-506, Société Delhommeau et Raimbault SA ; 26 juin 1968, n° 72836, X... ; 20 décembre 1968, n° 75018, X... ; 18 juin 1969, n° 75533, X... ).
25Les frais de transport qu'une entreprise expose pour transporter des marchandises dont elle demeure responsable, afin de les délivrer, matériellement et juridiquement, à leur acheteur, doivent être considérés comme un élément du prix de vente de ces marchandises.
2. Le transport doit être à la charge de l'acquéreur et rémunéré distinctement.
26Lorsque la vente est conclue « départ » le transport incombe à l'acheteur, et celui-ci doit en supporter intégralement les frais. Deux cas peuvent se présenter :
Premier cas : l'acheteur effectue lui-même le transport ou le fait effectuer par un transporteur qu'il rémunère directement.
27Le vendeur reste étranger à l'opération et la facture qu'il remet à son client ne comporte pas de mention relative au prix du transport. Aucune difficulté ne se présente dans ce cas ; le montant total de la facture qui représente le prix de vente des marchandises est soumis à la taxe, le coût du transport qui est à la charge de l'acheteur échappe, en revanche, à l'imposition chez le vendeur.
Deuxième cas : l'acheteur demande au vendeur de faire effectuer le transport pour son compte.
28Le vendeur facture alors à son client, en sus du prix des marchandises, les frais afférents au transport. Dans une telle hypothèse, il faut que soient réunis les éléments ci-après destinés à établir que la vente et le transport n'ont pas fait l'objet d'un marché global mais qu'au contraire le transport constitue une opération réellement distincte, dont les frais sont à la charge de l'acheteur.
a. Le vendeur assure le transport au moyen des véhicules lui appartenant.
Le prix réclamé par le vendeur pour le transport doit constituer la rémunération effective d'un service que le vendeur et son client ont entendu sincèrement rémunérer de manière distincte. Le vendeur doit établir que le transport est effectué au nom et pour le compte de son client et que le prix, facturé distinctement, représente la rémunération effective du service rendu. Dès lors le vendeur doit être en mesure de donner tous éclaircissements sur le mode de calcul retenu par lui pour l'imputation à ses clients du coût d'utilisation de ses véhicules à chacun des transports qu'il effectue.
Pratiquement, le prix facturé pour le transport doit dépendre du mode de transport, de la quantité livrée, du lieu de destination, et le barème éventuellement utilisé par le vendeur doit tenir compte des conditions d'exploitation spécifiques de l'entreprise concernant son matériel de transport.
b. Le vendeur confie le transport à un tiers.
Il importe que le vendeur apporte la preuve qu'en faisant effectuer le transport par un tiers, il agit bien au nom et pour le compte de l'acheteur. À cet effet, il doit pouvoir démontrer que le prix facturé distinctement à son acheteur pour le transport est exactement le même que celui que le transporteur lui a facturé.
En définitive, chaque fois que le vendeur effectue lui-même le transport de la marchandise vendue ou qu'il commande et règle le transporteur, il y a présomption que la marchandise ainsi transportée lui appartient encore, qu'il y a donc « vente franco »
Pour faire tomber cette présomption, le vendeur doit démontrer :
1° Qu'à la sortie de l'usine ou du magasin les produits vendus sont individualisés et clairement attribués à l'acheteur, lequel aurait ainsi la possibilité effective d'en prendre livraison lui-même ou d'en faire prendre livraison par un tiers ;
2° Que le transport n'est effectué ou commandé qu'à la demande expresse de l'acheteur, et que le vendeur ne fait pas son affaire du transport.
3. Cas particuliers.
a. Frais de transport antérieurs à la vente.
29La société qui, à partir de son établissement principal, approvisionne les entrepôts dans lesquels ses marchandises seront ensuite vendues à la clientèle, réalise le transport desdites marchandises ou de leurs emballages non à l'initiative ou pour le compte de ses clients, mais à sa diligence et à ses frais et risques, en vue de placer ses produits en l'état et au lieu où ceux-ci doivent être livrés, d'où il suit que, bien qu'elle facture à chacun de ses clients un prix « départ usine » majoré forfaitairement de « frais d'approche », ceux-ci ne peuvent être regardés comme rémunérant distinctement une opération de transport faite pour le client. Au contraire le coût des transports entre dans le prix de revient des produits vendus et ne peut être exclu des bases d'imposition à la TVA (CE, arrêt du 14 février 1973, req. n° 78378, Société Rhône-Orangina).
b. Minoration injustifiée du prix de vente.
30La facturation séparée du prix des transports ne doit pas aboutir à une diminution frauduleuse du prix des marchandises vendues. Dans le cas où l'Administration établit une minoration du prix de vente des marchandises, c'est seulement la différence entre le prix réel de ces marchandises et le prix facturé, différence incluse à tort dans les frais de transport, qui doit être réintégrée dans lés bases d'imposition de la vente et non la totalité du prix du transport (CE, arrêt du 30 janvier 1974, SA des établissements Roy, Carrières de la Noubleau et de la Gouraudière réunies, req. n°s 79712 et 79713).
Le prix normal du transport des marchandises est, de son côté, imposable à la TVA au taux normal, en tant que contrepartie de cette prestation de services.
c. Remboursement à l'acheteur par le vendeur de tout ou partie des frais de transport.
31Lorsque le vendeur expédie ses marchandises en port dû, il consent parfois à son client une remise égale à la totalité ou à une partie des frais de transport payés par ce dernier au transporteur. Cette remise est alors déduite du prix convenu pour la vente et l'acheteur verse au vendeur la différence entre le prix facturé et la remise accordée. Il est admis que cette remise représente une réduction du prix de vente nonobstant la circonstance que la vente serait conclue, « départ ». Par conséquent, la taxe doit s'appliquer au prix effectivement facturé après déduction du montant de la remise consentie.
d. Marché comportant la clause « parité telle ville ».
32Certains fabricants ou commerçants veulent assurer un prix de revient uniforme à leurs clients. Les contrats de vente prévoient que les marchandises sont expédiées en port dû mais une clause dite « parité telle ville » s'applique selon certaines conditions.
1° Pour les acheteurs plus éloignés du vendeur que de la ville convenue, il est consenti une ristourne égale à la différence entre le prix du transport réellement payé et ce qu'aurait coûté le transport si les marchandises avaient été expédiées de ladite ville. Cette ristourne consentie est déductible des bases d'imposition du commerçant qui l'a accordée.
2° Pour les acheteurs plus rapprochés du vendeur que de la ville convenue, il est réclamé une majoration égale à la différence entre ce qu'aurait coûté le transport si les marchandises avaient été expédiées de la ville convenue et le prix réellement versé par l'acheteur. Cette majoration de prix doit être comprise dans les bases d'imposition du vendeur.
e. Transports liés à une prestation de services.
33Les recettes encaissées par un contribuable qui ayant pour activité la location, le transport, le montag, et le démontage de divers matériels nécessaires à la tenue de bals forains, effectue les opérations de transport avec des véhicules lui appartenant, ne peuvent être considérées comme rémunérant distinctement une opération de transport (CE, arrêt du 6 mars 1974, n° 88418, M. X... ).
f. Transports par colis postaux.
34Les frais de transport par colis postaux qu'un vendeur réclame à son client, en plus du prix des marchandises, doivent être soumis à la TVA lorsque la facturation de ces frais n'est pas effectuée « au franc le franc » ou lorsque le transfert de propriété n'intervient qu'au moment de la délivrance des biens à l'acquéreur. En effet, même en cas de refacturation à l'identique, les frais qu'une entreprise expose pour transporter ou faire transporter des biens dont elle demeure responsable en cas de dommage, de destruction, de perte ou de vol, afin de les délivrer matériellement et juridiquement à leur acheteur constituent pour cette entreprise des charges d'exploitation et non des simples « débours » avancés au nom et pour le compte de son client. Pour l'application de l'article 267-I-2° du CGI, ces frais sont un élément du prix total de vente des marchandises, prix dont le montant hors taxe constitue la base d'imposition à la TVA. Par contre, compte tenu de l'article 267-II-2° du code précité, si la vente est conclue aux conditions « départ », les biens étant transportés aux risques et périls de l'acheteur, les frais de transport sont exclus des bases d'imposition à la taxe du vendeur à condition que celui-ci les facture à son client pour leur montant exact. Ces diverses dispositions s'appliquent quelles que soient la qualité du transporteur et sa situation au regard de la TVA (RM, n° 21294 à M. Gouze, député, JO, AN du 17 janvier 1983, p. 295).
La partie de cette réponse ministérielle doit être appréciée, à compter du 1er janvier 1993, compte tenu de la modification de la rédaction de l'article 267-I-2° du CGI, le régime des débours ne s'appliquant désormais qu'aux dépenses engagées au nom et pour le compte du mandant et comptabilisées dans des comptes de passage.
III. Services après-vente
35Certains fabricants assurent aux concessionnaires revendeurs 1 de leurs marques une rémunération particulière pour tenir compte des « services après-vente » que les revendeurs s'engagent, de par leur contrat de concession, à rendre aux clients notamment dans le cadre de l'exécution de la clause de garantie attachée à la vente.
Cette rémunération est attribuée suivant diverses modalités. C'est ainsi qu'elle peut être octroyée au revendeur sous forme de remise, ou versée périodiquement en fonction des ventes ou au fur et à mesure de l'exécution par le revendeur des obligations résultant du contrat de vente ou de la clause de garantie.
1. Pour les fabricants.
Les remises consenties aux concessionnaires ne peuvent être considérées comme des réductions des prix pratiqués puisqu'elles constituent la contrepartie des services après-vente. Leur montant ne peut donc pas être soustrait des bases d'imposition du fabricant.
De même, les versements au profit des concessionnaires ne peuvent être, à l'évidence, exclus des bases d'imposition des fabricants puisqu'ils constituent des charges pour les intéressés et non des diminutions de recettes.
2. Pour les concessionnaires.
Dès lors qu'elles sont la contrepartie de services rendus au fabricant, les remises ainsi obtenues par le concessionnaire constituent des recettes imposables selon le taux propre à ces prestations et doivent obligatoirement donner lieu à l'établissement de factures (art. 289-I du CGI). La taxe correspondante peut être portée en déduction par le fabricant.
De même, les versements effectués par les fabricants en contrepartie de ces services constituent des compléments de rémunération pour les concessionnaires. Ces sommes imposables doivent donc donner lieu également à l'établissement d'une facture (ou d'un document en tenant lieu) adressée au fabricant qui peut déduire la taxe correspondante.
IV. Valeur des « liants » utilisés dans les produits bitumeux
36Une société qui fournit à l'administration des Ponts-et-Chaussées des « enrobés » dont elle assure la fabrication en mélangeant des gravillons, qu'elle extrait de ses carrières, avec des produits bitumeux dénommés « liants » livrés à elle par d'autres entreprises pour le compte de ladite administration doit être regardée comme ayant la qualité de producteur et de vendeur et est imposable à la TVA sur la valeur totale du produit livré (« enrobés »), laquelle comprend la valeur des liants utilisés. Il en est ainsi nonobstant la circonstance que le prix de ces liants est payé directement aux fournisseurs par l'administration des Ponts-et-Chaussées et ne figure pas dans le prix facturé par la société pour la fourniture des " enrobés " (CE, arrêts du 30 janvier 1974, n°s 79712 et 79713, SA des établissements Roy et Fils Carrières de la Noubleau et de la Gouraudière réunies).
C. FOURNITURE D'EAU DANS LES COMMUNES OU ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE.
37Avant le 1er janvier 1993, l'exploitation en régie du service public de l'eau était, en ce qui concerne les opérations effectuées par la collectivité territoriale concernée avec ses usagers, une activité administrative placée hors du champ d'application de la TVA. L'article 260 A du CGI ouvrait toutefois aux communes la possibilité d'opter pour leur assujettissement à la taxe au titre de cette activité.
Dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 1993, l'article 256 B du CGI prévoit que la fourniture d'eau devient obligatoirement imposable à la TVA pour ce qui concerne les communes d'au moins 3 000 habitants et que la fourniture d'eau est également imposable de plein droit à la TVA lorsqu'elle est assurée par des établissements publics de coopération intercommunale dont le champ d'action s'exerce sur un territoire d'au moins 3 000 habitants.
Les communes ou établissements publics de coopération intercommunale de moins de 3 000 habitants demeurent placés en dehors du champ d'application de la TVA conformément à l'article 256 B du CGI. L'article 260 A dudit code prévoit néanmoins que ces communes ou établissements publics peuvent opter pour leur assujettissement à la taxe à compter du 1er janvier 1993.
L'imposition à la TVA concerne l'ensemble des opérations du service public de distribution de l'eau de la commune ou des établissements publics de coopération intercommunale (syndicats, districts, communautés urbaines ...) à destination de leur usagers. Cette imposition porte également sur les livraisons d'eau ou sur les prestations de services afférentes à la fourniture d'eau que ces communes ou établissements publics fournissent éventuellement à des personnes ou organismes qui ne sont pas leurs usagers notamment à d'autres communes ou établissements publics, quelle que soit la population de ces dernières. Ces opérations sont en effet d'ores et déjà situées dans le champ d'application de la TVA.
Remarque : le service d'assainissement qui constitue un service public indépendant de celui de la distribution d'eau potable n'est pas visé par ces nouvelles dispositions.
Ce service, qui comprend notamment l'évacuation des eaux usées et pluviales demeure placé sans changement en dehors du champ d'application de la TVA conformément à l'article 256 B du CGI. Il peut être soumis à la TVA sur option (CGI, art. 260 A). Cette option permet le cas échéant à une commune qui exploite un service d'assainissement concurremment avec un service de fourniture d'eau imposable d'éviter une dualité de régimes d'imposition.
I. Éléments à comprendre dans la base d'imposition
38Les communes ou établissements publics de coopération intercommunale, assujettis à la TVA de plein droit ou sur option au titre de leur service de fourniture d'eau, doivent inclure dans leur base d'imposition à la taxe de ce service les éléments suivants :
1. les sommes reçues des usagers.
39Il s'agit :
- du produit des consommations d'eau ;
- des redevances d'abonnement, également qualifiées de « prime fixe » ou « terme fixe » ;
- des redevances de location de compteur ;
- des redevances ou droits perçus lors du branchement sur le réseau public d'eau ;
- des redevances d'entretien des installations ;
- des produits divers qui rémunèrent des prestations particulières réalisées du fait de l'abonné (fourniture d'un carnet d'abonnement, déplacements ...) ;
- de la redevance perçue au profit du fonds national pour le développement des adductions d'eau prévue à l'article L. 2335-10 du code des collectivités territoriales. En effet, afin de mettre le droit interne en conformité avec le droit communautaire, les organismes distributeurs d'eau potable doivent, en application de l'article 267-I-1° du CGI, comprendre ladite redevance dans la base d'imposition à la TVA de la livraison d'eau potable depuis le 1er août 1991. Le taux applicable est le taux réduit. (Il est rappelé que selon la doctrine administrative en vigueur avant le 1er août 1991, cette redevance était exclue de la base d'imposition des organismes distributeurs d'eau potable qu'il s'agisse de collectivités locales ou d'entreprises privées gestionnaires du service public de l'eau).
L'inclusion dans la base d'imposition des services de distribution d'eau potable de ladite redevance est applicable aux sommes afférentes à des périodes de décompte ou d'encaissement expirées après le 1er août 1991. Il a toutefois été admis qu'elle ne soit pas applicable aux sommes afférentes à des périodes de décompte ou d'encaissement expirées après le 1er août 1991, encaissées sous forme d'acomptes avant cette date ;
- des redevances versées aux agences financières de bassin fréquemment qualifiées de « redevance prélèvement » ou « redevance pollution ».
Par ailleurs, pour ce qui concerne la redevance « contre-valeur pollution », l'interprétation administrative en vigueur jusqu'au 31 décembre 1992 prévoyait qu'elle était exclue de la base d'imposition à la TVA des exploitants du service public de distribution d'eau. Afin de mettre le droit interne en conformité avec le droit communautaire, cette interprétation est rapportée à compter du 1er janvier 1993.
Désormais, les organismes chargés du service public de fourniture d'eau, qu'il s'agisse de communes ou d'établissements publics de coopération intercommunale imposables à la TVA de plein droit ou sur option, ou d'entreprises privées gestionnaires de ce service, doivent , en application de l'article 267-I-1° du CGI, comprendre la redevance « contre-valeur pollution » dans leur base d'imposition à la TVA.
Cette disposition est applicable aux sommes afférentes à des périodes de décompte ou d'encaissement expirées après le 1er janvier 1993. Il a toutefois été admis qu'elle ne soit pas applicable aux sommes afférentes à des périodes de décompte ou d'encaissement expirées après le 1er janvier 1993, encaissées sous forme d'acomptes avant cette date.
1 Pour les commissionnaires il convient de se reporter à la DB 3 B 1123, n°s 13 et suiv.