B.O.I. N° 103 du 21 JUIN 2006
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
7 G-6-06
N° 103 du 21 JUIN 2006
COUR DE CASSATION - CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE.
ARRET DU 8 NOVEMBRE 2005.
DROITS DE MUTATION PAR DÉCÈS - LIQUIDATION DES COMMUNAUTÉS CONJUGALES - RÉCOMPENSE DUE PAR LA
COMMUNAUTÉ - PREUVE DE L'ENRICHISSEMENT DE LA COMMUNAUTÉ
(C. civ., art. 1433)
NOR : BUD L 06 00098 J
Bureau J 1
PRESENTATION
L'article 1433 du code civil dispose que « la communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres.
Il en est ainsi, notamment, quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d'un propre, sans qu'il en ait été fait emploi ou remploi [...] ».
A cet égard, la jurisprudence civile de la Cour de cassation a longtemps considéré que, lors de la vente d'un bien propre à l'un des époux, la communauté qui avait encaissé les deniers ne devait récompense à l'époux propriétaire que pour autant qu'était en outre rapportée la preuve que ces deniers avaient effectivement profité à la communauté.
Toutefois, dans un arrêt du 14 janvier 2003 2 la première chambre civile de la Cour de cassation a estimé que le seul fait que la communauté ait encaissé les deniers propres est suffisant pour ouvrir droit à récompense, cette circonstance rapportant la preuve que lesdits deniers ont profité à la communauté.
Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 8 novembre 2005 intègre en matière fiscale cette évolution de la jurisprudence initiée par la première chambre civile. Rappelant que l'administration est tenue de rapporter la preuve du profit enregistré par la communauté, cet arrêt ajoute que cette preuve résulte notamment de l'encaissement des deniers propres par la communauté, à défaut d'emploi ou de remploi.
L'arrêt met ainsi un terme à une jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation datant de 1992 1 qui obligeait celui qui alléguait la récompense et notamment l'administration à rapporter la preuve du profit tiré par la communauté d'une utilisation du produit des ventes des biens propres, et ce autrement que par le seul fait de l'encaissement des deniers.
BOI supprimé : 7 G-3-99
DB liée : 7 G 2111 § 24
Le Chef de service
Jean-Pierre LIEB
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ANNEXE
Cour de cassation, arrêt du 8 novembre 2005
« Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que Jean-Pierre X... est décédé le 6 août 1996, laissant pour lui succéder son épouse, Mme Jocelyne Y... ., et leurs enfants, M. Dominique X... et Mmes Catherine, Béatrice et Isabelle X... (les consorts X... ) ; que Mme Jocelyne Y... . et M. Dominique X... ont chacun reçu notification d'un redressement de droits de mutation à titre gratuit fondé sur l'omission de biens immobiliers dans la déclaration de succession et sur l'existence d'une récompense due par la communauté à la succession à la suite de l'encaissement par celle-ci du prix de vente de biens immobiliers appartenant en propre au défunt et de liquidités, le tout provenant des successions des parents de Jean-Pierre X... ouvertes après son mariage ; que des avis de mise en recouvrement ont été notifiés à Mme Jocelyne Y... . et à M. Dominique X... et suivis de mises en demeure ; que les autres cohéritiers n'ont pas été destinataires d'avis de mise en recouvrement ; qu'après le rejet de leur réclamation, les consorts X... ont fait assigner le directeur général des impôts devant le tribunal de grande instance afin que soit constatée l'irrégularité de la procédure de recouvrement et prononcée la décharge totale des droits ;
Sur le second moyen :
Attendu que les consorts X... reprochent à l'arrêt d'avoir dit qu'il y avait lieu à redressement fiscal au titre de la récompense « due à la communauté » des époux X... -Y... . à la suite de la vente des immeubles appartenant à Jean-Pierre X... , alors, selon le moyen :
1° qu'il incombe à l'administration fiscale, lorsqu'elle prétend réintégrer dans la succession d'un époux décédé une récompense à la charge de la communauté, pour des ventes d'immeubles propres, de rapporter la preuve de l'encaissement par la communauté du prix des ventes, ainsi que de la réalité et de l'étendue du profit tiré par la communauté des produits de chacune des ventes d'immeubles propres ; qu'en estimant qu'il existait une « présomption » d'encaissement par la communauté du prix des ventes des immeubles appartenant en propre à M. Jean-Pierre X... , cependant que c'est à l'administration fiscale qu'incombait la charge d'établir cet encaissement du produit des ventes de biens propres par la communauté, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du Code civil ;
2° qu'il incombe à celui qui demande récompense à la communauté d'établir, par tous moyens laissés à l'appréciation souveraine des juges du fond, que les deniers provenant du patrimoine propre de l'un des époux ont profité à la communauté ; qu'en se bornant, pour estimer que la communauté devait récompense à la succession de M. Jean-Pierre X... , à retenir l'existence des ventes de biens propres intervenues et l'encaissement par la communauté du produit de ces ventes, sans caractériser l'existence d'un profit subsistant pour la communauté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1433 du Code civil ;
3° qu'en se bornant à indiquer, pour justifier la récompense due par la communauté à la succession, qu'au jour du décès de M. Jean-Pierre X... , l'actif brut de la communauté s'élevait à un total immobilier de 2 500 000 F, sans rechercher, comme elle y était pourtant, invitée, si les acquisitions immobilières de la communauté ne pouvaient avoir été financées par des prêts souscrits par la communauté ou par les revenus provenant de l'activité professionnelle de M. X... , la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1433 du Code civil ;
4° que la preuve de l'encaissement du prix de vente des biens propres par la communauté et de l'existence du profit subsistant doit être rapportée vente par vente et non pas globalement ; qu'en envisageant de manière globale les ventes réalisées par M. Jean-Pierre X... , sans examiner individuellement les transactions en cause, la cour d'appel a violé l'article 1433 du Code civil ;
Mais attendu qu'il incombe à l'administration des impôts, lorsqu'elle fonde un redressement de droits de mutation par décès sur l'existence d'une récompense due à la succession par la communauté, d'établir que les deniers provenant du patrimoine propre du défunt ont profité à celle-ci ; que, sauf preuve contraire, le profit résulte notamment de l'encaissement de deniers propres par la communauté, à défaut d'emploi ou de remploi ;
Attendu qu'en retenant qu'il était établi que Jean-Pierre X... avait reçu des immeubles lui appartenant en propre des successions de ses père et mère décédés au cours de son mariage, que ces biens avaient été revendus, ainsi qu'il ressortait des actes de vente mentionnant Jean-Pierre X... en qualité de vendeur, et que la communauté avait encaissé le produit de ces ventes, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder aux recherches invoquées par les troisième et quatrième branches, que ses constatations rendaient inopérantes, a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le premier moyen : [...]
CASSE ET ANNULE »
1 Cass. Com. 11 février 1992, Bull. Civ IV, n° 65, X... .
2 Bull. Civ. I, n° 4.