SOUS-SECTION 4 BAILLEURS D'IMMEUBLES
SOUS-SECTION 4
Bailleurs d'immeubles
1Le droit à déduction de la TVA ouvert aux redevables de cette taxe par l'article 271 du CGI ne se justifie que si le coût des biens et des services acquis par le redevable se répercute effectivement dans le prix des opérations imposables qu'il réalise.
En application de ce principe, l'article 238-1° de l'annexe II au CGI interdisait 1 toute déduction de la taxe afférente à des immeubles dont la location est soumise à la TVA, lorsque le loyer perçu par le bailleur est inférieur aux loyers habituellement constatés sur le marché locatif. Une telle situation se rencontre notamment lorsqu'il existe des liens de dépendance entre le bailleur et le preneur.
2Pleinement justifiée lorsque le loyer était particulièrement faible ou, a fortiori, symbolique, l'interdiction de tout droit à déduction résultant des dispositions de l'article 238 aboutissait en revanche à des conséquences excessives lorsque les loyers se situaient à un niveau intermédiaire.
C'est pourquoi il avait paru nécessaire de mettre en place, dans le secteur de la location immobilière, un dispositif de limitation des droits à déduction, calqué sur le système dit « du prorata ».
3C'est ainsi que le décret n° 79-310 du 9 avril 1979, codifié aux articles 233 A à 233 E de l'annexe II au CGI aurait institué une limitation particulière du droit à déduction de la TVA ayant grevé l'acquisition ou la construction des immeubles dont la location était soumise à la TVA de plein droit ou par option : cette limitation s'appliquait pour les immeubles acquis ou livrés à soi-même à compter du 21 avril 1979 au plus tôt, lorsque le loyer annuel perçu était inférieur au quinzième de la valeur de l'immeuble.
4L'économie du dispositif mis en place par le décret du 9 avril 1979 pouvait se résumer ainsi qu'il suit.
Lorsque le loyer perçu par le bailleur se situait en dessous d'un seuil considéré comme normal, fixé par l'article 233 B de l'annexe II au quinzième de la valeur hors taxe de l'immeuble (diminuée de la valeur du terrain et des charges financières), le bailleur était tenu au calcul d'un pourcentage spécial de déduction. Ce pourcentage résultait du rapport existant entre le montant annuel des recettes soumises à la taxe et le quinzième de la valeur de l'immeuble. Le pourcentage spécial de déduction était utilisé dans des conditions très voisines de celles propres au pourcentage de déduction de droit commun. Chez les bailleurs qui étaient, par ailleurs, soumis au pourcentage de droit commun (redevables partiels), l'article 233 B de l'annexe II au CGI prévoyait que le dénominateur du rapport déterminant ce pourcentage ne pouvait être inférieur au quinzième de la valeur de l'immeuble.
5La Cour de justice des communautés européennes a jugé, dans un arrêt du 21 septembre 1988, que ce dispositif qui avait pour objet de limiter dans certains cas le droit à déduction des loueurs d'immeubles n'était pas conforme à la 6ème directive TVA.
Elle a considéré que cette directive ne permettait pas de restreindre les droits à déduction d'une personne qui exerce une activité économique entièrement assujettie à la TVA.
Cela étant, dans son arrêt, la Cour a également indiqué, dans l'hypothèse où le loyer est fixé à un niveau si faible qu'il peut être considéré comme une libéralité que la TVA déduite doit faire l'objet d'une régularisation.
6Conformément aux dispositions de l'article 171 du traité de Rome, l'article 2 du décret du 11 mai 1989 supprime le dispositif du décret « quinzième », c'est-à-dire les articles 233 A à 233 E de l'annexe II au CGI.
Corrélativement sont également abrogées deux dispositions du décret du 9 avril 1979 :
- le deuxième alinéa du I de l'article 210 qui prévoyait une modalité particulière de régularisation du droit à déduction pour les bailleurs qui cèdent leurs immeubles, cessent leur activité ou dénoncent leur option dans le délai de régularisation, après avoir obtenu la déduction de la totalité de la taxe ayant grevé les biens loués (art. 233 C) ;
- le troisième alinéa du I de l'article 215 qui fixait à 15 ans la période des régularisations en cas de variation de plus de dix centièmes du pourcentage de déduction : les régularisations consécutives à la variation dans le temps du pourcentage de déduction s'appliqueront désormais aux bailleurs d'immeubles, dans les conditions de droit commun prévues aux articles 212 et 215 pour la généralité des biens immobiliers, c'est-à-dire :
•uniquement lorsque les immeubles ou ensemble d'immeubles sont loués partiellement sous le régime de la TVA ;
•et en cas de variation de plus de dix centièmes du pourcentage de déduction constaté à l'issue d'une des neuf années (qui suit celle au cours de laquelle le droit à déduction a pris naissance ou dix-neuf pour les opérations effectuées à compter du 1er janvier 1996).
7En application de l'article 2 du décret du 11 mai 1989, les bailleurs d'immeubles soumis à la TVA de plein droit ou par option peuvent donc exercer leurs droits à déduction dans les conditions de droit commun.
Seront examinées ci-après :
- d'une part les règles particulières de déduction applicables aux bailleurs d'immeubles avant l'entrée en vigueur du décret du 11 mai 1989 ;
- d'autre part les nouvelles modalités de déduction de la taxe afférente aux immeubles loués sous le régime de la TVA ainsi que les mesures transitoires applicables à ces opérations.
A. RÈGLES PARTICULIÈRES APPLICABLES AUX BAILLEURS D'IMMEUBLES AVANT L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU DÉCRET DU 11 MAI 1989
I. Champ d'application des règles particulières de déduction
1. Personnes concernées.
8Les dispositions des articles 233 A à 233 E de l'annexe II au CGI étaient susceptibles de s'appliquer à l'ensemble des personnes qui, procédant à la location d'un immeuble ou ensemble d'immeubles, perçoivent des loyers soumis à la TVA, de plein droit ou par option, pour tout ou partie des locaux, qu'il s'agisse de personnes physiques ou de personnes morales de droit privé ou de droit public 2 .
2. Opérations concernées.
a. Locations soumises à la TVA de plein droit.
9Il s'agit notamment :
- des locations d'immeubles aménagés ;
- des locations exclues de l'exonération des locations d'immeubles nus prévus à l'article 261 D du CGI, c'est-à-dire :
. des locations qui constituent pour le bailleur le moyen de poursuivre, sous une autre forme, l'exploitation d'un actif commercial.
. des locations dont les loyers sont calculés de manière telle que le bailleur participe aux résultats de l'entreprise locataire.
. des locations d'emplacements pour le stationnement des véhicules.
En revanche, les immeubles affectés à la fourniture du logement en meublé ou en garni qui, le cas échéant, sont soumis aux dispositions de l'article 233 de l'annexe II au CGI, échappaient aux limitations prévues par les articles 233 A à 233 E de l'annexe II au CGI.
Sur l'application de ces dispositions aux locaux situés dans les résidences de tourisme classées, cf. DB 3 A 1132, n°s 38 et suiv.
b. Locations soumises à la TVA par option.
10Il s'agit des locations d'immeubles nus ayant donné lieu à l'option pour le paiement de la TVA prévue à l'article 260-2° du CGI.
c. Cas particulier des affermages et concessions de services publics.
11Les dispositions des articles 233 A à 233 E précitées n'étaient pas applicables aux immeubles appartenant à des collectivités publiques et mis à la disposition d'une entreprise en exécution d'un contrat administratif d'affermage ou de concession d'un service public.
Il est souligné que les personnes concernées n'échappaient pas pour autant aux autres dispositions régissant le droit à déduction 3 .
II. Obligations des personnes concernées
12Les personnes concernées étaient en premier lieu, soumises à l'obligation générale de constituer un secteur distinct par immeuble ou ensemble d'immeubles loué. Par ailleurs, celles d'entre elles qui perçoivent des loyers annuels inférieurs au quinzième de la valeur de l'immeuble étaient soumises à des limitations de leurs droits à déduction.
1. Obligation générale de constituer un secteur d'activité distinct pour chaque immeuble ou ensembles d'immeubles donné en location.
13L'article 233 A de l'annexe II au CGI conférait un caractère général à l'obligation de constituer un secteur d'activité distinct pour chaque immeuble ou ensemble d'immeubles donné en location.
Cette obligation s'imposait :
- d'une part, aux bailleurs d'immeubles qui louent plusieurs immeubles ou ensembles d'immeubles comprenant des locaux dont les loyers sont soumis à la TVA ;
- d'autre part, à tout redevable de la TVA qui, en sus d'une activité taxable, loue un ou plusieurs immeubles ou ensembles d'immeubles comprenant des locaux dont les loyers sont soumis à la TVA.
En outre, en application de l'article 213 de l'annexe II au CGI, l'obligation de constituer un secteur d'activité s'étendait à tout redevable de la TVA qui, en sus de son activité taxable, loue un ou plusieurs immeubles ou ensembles d'immeubles dont aucun local ne donne lieu à perception de loyers soumis à la TVA (par exemple : immeuble nu à usage exclusif d'habitation ou immeuble nu à usage professionnel n'ayant pas fait l'objet d'une option pour le paiement de la TVA).
Si toutes les recettes du secteur formé par l'immeuble ou l'ensemble d'immeubles donné en location étaient soumises à la TVA, le bailleur dispose du droit de déduire la totalité de la taxe afférente à l'acquisition ou à la construction de l'immeuble, sauf si les limitations imposées par l'article 233 B de l'annexe II exposées ci-après n°s 15 et suivants lui étaient applicables, auquel cas il devait utiliser le pourcentage de déduction spécial prévu par ce texte.
Si une partie seulement des recettes du secteur formé par l'immeuble ou l'ensemble d'immeubles donné en location était soumise à la TVA, le bailleur était tenu de déterminer le montant de la taxe déductible au titre de l'acquisition ou de la construction de l'immeuble par application du pourcentage de déduction prévu à l'article 212 de l'annexe II au CGI. Mais, si les limitations imposées par l'article 233 B susvisé lui étaient applicables, le pourcentage de déduction spécial prévu par cet article se substituait au pourcentage de déduction de droit commun.
Par ailleurs, il est rappelé que lorsque l'immeuble n'est pas affecté à l'habitation pour les trois quarts au moins de sa superficie totale et qu'il est donné en location, il doit, lors de son achèvement, faire l'objet d'une livraison à soi-même, en application de l'article 257-7° du CGI, si les loyers perçus sont, en totalité ou en partie, assujettis à la TVA. La livraison à soi-même porte sur l'ensemble des locaux loués, y compris ceux dont la location n'est pas soumise à la TVA.
Il demeure admis que l'imposition de la livraison à soi-même ne soit pas exigée, au titre des locaux réservés à l'usage du constructeur, sauf dans l'hypothèse où la taxe ayant grevé les divers éléments du prix de revient de l'immeuble dans lequel ils sont situés a déjà fait l'objet de déduction. Dans ce cas, la livraison à soi-même ne porte que sur la fraction des locaux affectés à la location.
Enfin, la constitution de secteurs distincts entraîne l'application des dispositions figurant ci-après 3 D 1622, n°s 21 et suivants (notamment en ce qui concerne l'obligation de comptabiliser distinctement les opérations relevant de chaque secteur).
Cas particulier des locations d'emplacements de parking.
14Chaque secteur formé en application des dispositions qui précédent englobe l'ensemble des recettes taxables ou non taxables d'un même immeuble ou ensemble d'immeubles. Toutefois, lorsqu'un immeuble ou ensemble d'immeubles comprend des locaux à usage de parking qui sont les seuls à être soumis à la TVA, il est admis que le bailleur puisse constituer un secteur regroupant ces seuls locaux.
2. Limitation des droits à déduction.
15Lorsque les loyers perçus étaient inférieurs à l'annuité de référence prévue par l'article 233 B de l'annexe II au CGI, la TVA ayant grevé l'acquisition, la construction ou l'exploitation de l'immeuble faisait l'objet d'une limitation.
a. Détermination de l'annuité de référence.
16L'annuité de référence était égale au quinzième de la valeur de l'immeuble ou ensemble d'immeubles donné en location (cf. ci-dessus n° 4 ).
La valeur en cause était celle de la totalité des locaux compris dans le secteur d'activité constitué en application de l'article 233 A précité par l'immeuble ou l'ensemble d'immeubles donné en location. Par ailleurs, la valeur à prendre en considération était celle qui a servi de base pour l'imposition de l'acquisition ou de la livraison à soi-même de l'immeuble diminuée, le cas échéant, de la valeur du terrain et des charges financières (CGI, ann. II, art. 233 E).
1° Détermination de la base d'imposition de l'immeuble 4 .
17Immeubles (ou ensembles d'immeubles) dont l'acquisition ou la construction a été soumise à la TVA immobilière.
18• Mutations ayant donné lieu à l'imposition sur le montant total de la transaction : la base d'imposition est constituée par le prix d'acquisition hors taxe, ou la valeur des droits sociaux rémunérant l'apport ou par la valeur vénale réelle de l'immeuble, si celle-ci est supérieure au prix ou à la valeur des droits sociaux, augmentés des charges.
19• Mutations ayant donné lieu à imposition sur la plus-value réalisée par le cédant (cessions de droits sociaux, immeubles déjà utilisés pour la réalisation d'affaires soumises à la TVA).
Il y a lieu de retenir le premier terme de la différence établie pour déterminer la plus-value, c'est-à-dire soit le prix versé par le cessionnaire et les charges qui viennent s'y ajouter, soit la valeur vénale de l'immeuble si elle est supérieure au prix, le montant ainsi retenu étant diminué, le cas échéant, de la taxe afférente à la mutation. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'une cession de droits sociaux et que celle-ci s'accompagne d'un transfert de droits à déduction effectué en application de l'article 216 ter-2° de l'annexe II au CGI, il y a lieu de retenir un montant comprenant la plus-value diminué de la taxe y afférente ainsi que la base d'imposition mentionnée sur l'attestation de transfert.
20• Livraisons à soi-même : la base à prendre en considération est celle retenue pour l'imposition de la livraison à soi-même.
Dans l'hypothèse où une imposition provisoire est intervenue avant la liquidation définitive de l'imposition de la livraison à soi-même, la valeur de l'immeuble ou ensemble d'immeubles donné en location à mentionner au numérateur du rapport déterminant l'annuité de référence prévisionnelle s'entend de la valeur estimative du prix de revient final des immeubles.
Àl'issue de la deuxième année suivant celle de l'achèvement de l'immeuble, le bailleur procédait, d'une part, au calcul définitif de l'annuité de référence (en fonction de la valeur réelle de l'immeuble), d'autre part, aux régularisations des déductions initiales dans les conditions exposées ci-après n°s 25 et suiv.
Autres immeubles.
21Il s'agit des immeubles acquis sous un régime autre que celui de la TVA immobilière.
Tel est le cas des immeubles vendus par un marchand de biens qui ont donné lieu à imposition sur le profit. La base d'imposition est identique à celle retenue en cas d'acquisition d'immeubles déjà utilisés pour la réalisation d'opérations soumises à la TVA.
Il peut s'agir également d'immeubles qui ont fait l'objet de travaux de rénovation. Dans ce cas, les limitations prévues par l'article 233 B étaient susceptibles de s'appliquer à la taxe afférente à cette rénovation ; le montant à prendre en considération est celui retenu pour l'imposition de la livraison à soi-même des travaux, exigible en vertu de l'article 257-8° du CGI et du décret n° 79-1161 du 29 décembre 1979.
1 Avant la modification de sa rédaction par l'article 4 du décret n° 89-301 du 11 mai 1989.
2 Le terme « d'entreprises » figurant dans le décret du 9 avril 1979, comme dans d'autres textes réglementaires relatifs à la TVA, revêt un caractère général et désigne l'ensemble des assujettis concernés par ces textes.
3 À cet égard, il y a lieu de distinguer deux situations :
- la redevance d'affermage ou de concession était fixée dans des conditions telles que la collectivité affermante ou concédante n'était pas soumise à la TVA au titre de la redevance (cas général) ; en ce cas, le droit à déduction de la taxe afférente aux immeubles affermés ou concédés pouvait être exercé par le fermier ou concessionnaire en application des dispositions des articles 216 bis et suivants de l'annexe II au CGI, sous réserve notamment du respect des conditions d'ordre financier fixées par ces textes (DB 3 D 1232, n° 4 ), l'article 2 du décret n° 89-885 du 14 décembre 1989 ayant dorénavant étendu sous l'article 216 ter de l'annexe précitée à l'ensemble des investissements concédés ou affermés la procédure prévue à l'article 216 bis de la même annexe au CGI ;
- la collectivité affermante ou ccncédante était redevable de la TVA au titre de la perception de la redevance (cas où la collectivité participe aux résultats de l'exploitation du service public) : dans cette hypothèse, le droit à déduction de la taxe afférente aux immeubles affermés ou concédés pouvait être exercé par la collectivité, mais sous réserve du respect des règles fixées par l'article 271 du CGI (la redevance devait être fixée à un niveau correspondant effectivement aux charges d'investissement relatives aux immeubles en cause, c'est-à-dire aux annuités d'amortissement).
4 Les limitations prévues par l'article 233 B (ann. II) sont sans objet si l'acquisition de l'immeuble (ou de l'ensemble d'immeubles) n'était pas grevée de TVA.