Date de début de publication du BOI : 20/12/1996
Identifiant juridique : 7G2151
Références du document :  7G215
7G2151

SECTION 5 PREUVE DU DROIT DE PROPRIÉTÉ DU DE CUJUS


SECTION 5

Preuve du droit de propriété du de cujus


La preuve du droit de propriété du de cujus résulte de l'application de règles de droit civil telles que la théorie de la propriété apparente, la théorie de l'accession et la présomption de propriété établie par l'article 2279 du Code civil en faveur du possesseur de meubles. Elle résulte aussi de diverses présomptions légales de portée purement fiscale.


SOUS-SECTION 1

Théorie de la propriété apparente



  A. PRINCIPE


1L'administration est fondée à tenir pour propriétaire véritable d'un bien celui qui apparaît comme tel aux yeux des tiers, en vertu de clauses formelles de titres, de la loi ou de situations de fait résultant de ses agissements.

Pour plus de précisions, il convient de se reporter 7 A 231.


  B. APPLICATION À L'IMPOT DE MUTATION PAR DÉCÈS


2L'impôt de mutation par décès frappe donc, d'une manière générale, tous les biens dont le défunt était propriétaire en vertu de titres apparents.

L'application de cette théorie en matière de droits de mutation par décès conduit aux conséquences suivantes :


  I. Prête-nom


3Les biens acquis par un prête-nom sont censés lui appartenir et doivent être compris dans la déclaration de sa succession même si avant son décès, le défunt a déclaré avoir acquis pour le compte d'un tiers, alors que celui-ci n'a pas accepté cette déclaration. Si l'acceptation intervient après le décès, elle n'a pas d'effet rétroactif.


  II. Porte-fort


4Les biens acquis par le porte-fort doivent être compris dans la déclaration de sa succession lorsque l'acquisition n'a pas été ratifiée, avant le décès, par le tiers pour le compte duquel le porte-fort a opéré.

En revanche, les biens acquis d'un porte-fort doivent être, même avant ratification, portés dans la déclaration de la succession de l'acquéreur.


  III. Titres nominatifs - Créances


5Sont considérés comme dépendant de la succession du défunt tous les titres nominatifs immatriculés à son nom et toutes les créances dont les titres constitutifs le désignent comme titulaire. C'est ainsi que les sommes inscrites sur un livret de caisse d'épargne et à un compte bancaire ou postal ouverts au nom du de cujus sont présumées faire partie de sa succession.

Lorsque des livrets de caisse d'épargne ou des plans d'épargne-logement ont été ouverts au nom d'enfants mineurs par leurs parents dont l'un décède, les droits de mutation par décès ne peuvent, en principe, être perçus sur ces biens, le défunt n'en ayant pas la propriété apparente.

Toutefois, l'article 784 du CGI prévoit que les parties sont tenues de faire connaître, notamment dans toute déclaration de succession, s'il existe ou non des donations antérieures consenties à un titre et sous une forme quelconque par le donateur ou le défunt aux donataires, héritiers ou légataires et dans l'affirmative, le montant de ces donations (cf. ci-après 7 G 245, n° 4 ). La perception à effectuer tient compte de ces libéralités. En application de ce texte, l'administration est donc fondée à faire rapporter fiscalement à la succession du défunt le montant des livrets de caisse d'épargne ou de comptes d'épargne-logement ouverts au nom d'enfants lorsqu'elle établit que les fonds ont été fournis par leur auteur.


  IV. Titres de propriété affectés d'une condition


1. Biens ayant fait l'objet d'une mutation sous condition suspensive.

6Les biens acquis par le défunt sous condition suspensive ne supportent pas les droits de mutation par décès, mais ces derniers deviennent exigibles dans le délai légal qui commence à courir à compter de la date de la réalisation de cette condition.

Les biens vendus par le défunt sous condition suspensive doivent être déclarés. Si la condition se réalise, les droits de succession correspondants peuvent être restitués dans le délai imparti par la loi.

2. Biens ayant fait l'objet d'une mutation sous condition résolutoire.

7Sont soumis à l'impôt les biens qui appartenaient au défunt sous condition résolutoire.

Au contraire, les biens vendus sous condition résolutoire n'ont pas à être compris dans la déclaration de succession du vendeur.


  V. Immeubles saisis, expropriés, hypothéqués et délaissés, objets d'une folle enchère, d'une surenchère ou d'une promesse de vente


8Dépendent de la succession du propriétaire :

- les biens saisis mais non encore adjugés et, après l'adjudication, le prix en provenant tant qu'il n'est pas réparti entre les créanciers ;

- les biens frappés d'expropriation lorsque l'ordonnance d'expropriation n'est pas rendue à la date du décès ;

- l'indemnité, y compris l'indemnité de remploi, lorsque l'exproprié décède postérieurement à l'ordonnance d'expropriation, même si celle-ci n'était pas encore signifiée au moment du décès. Si l'indemnité n'est pas encore fixée, elle doit être évaluée provisoirement.

Fait partie de la succession du tiers détenteur l'immeuble hypothéqué délaissé par ce dernier mais non encore vendu à son décès, et de celle de l'adjudicataire, l'immeuble faisant l'objet d'une procédure de folle enchère tant que l'adjudication n'est pas prononcée au profit d'un tiers ; lorsqu'elle est prononcée au profit d'un tiers, les droits de mutation par décès correspondants peuvent être restitués dans les limites de la prescription.

Les règles sont les mêmes en cas de surenchère du dixième sur aliénation volontaire. Mais, dans cette hypothèse, lorsque l'adjudication est prononcée au profit d'un tiers après le décès de l'adjudicataire surenchéri, la succession de ce dernier doit comprendre non seulement les frais et loyaux coûts du contrat qui doivent être restitués par l'adjudicataire sur surenchère mais encore la valeur de l'usufruit temporaire des biens jusqu'à la seconde adjudication.

Par contre, au cas de surenchère du dixième sur l'aliénation forcée qui rend immédiatement inexistante la première adjudication, lorsque le décès de l'adjudicataire surenchéri intervient avant la seconde adjudication, l'immeuble ne dépend pas de sa succession, mais continue à appartenir au propriétaire primitif.

Les immeubles qui ont fait l'objet d'une promesse de vente non acceptée au décès du promettant font partie de sa succession.


  VI. Déchéance prononcée contre les acquéreurs des biens de l'État


9L'immeuble acquis ne fait pas partie de la succession d'un tel acquéreur lorsque la déchéance pour non-paiement du prix aux échéances prévues par l'article L 55 du Code du domaine de l'État, a été prononcée avant son décès mais la déclaration de sa succession doit comprendre, le cas échéant, la partie du prix qui avait été payée et qui sera restituée.


  VII. Déclaration de command


10Dans la déclaration de command, l'acheteur apparent (le commandé), indique au moment de la formation du contrat qu'il agit sur l'ordre d'un command, mais il se réserve la faculté de désigner, dans un certain délai, le nom de ce dernier.

Si l'acheteur fait la déclaration dans le délai convenu, et si elle est acceptée par le command, il est censé n'avoir pas acheté.

En application de ces principes, les droits de mutation par décès n'atteignent pas les biens acquis de son vivant par le défunt et pour lesquels il avait fait une déclaration régulière de command, lorsque cette déclaration a été acceptée, soit avant, soit après le décès, par le command déclaré. En cas de non-acceptation, les biens dépendent nécessairement de la succession de l'acquéreur.


  VIII. Terrains dépendant d'un lotissement


11Ne font pas partie de la succession du vendeur les terrains déjà lotis ou à lotir qui ont fait l'objet d'une promesse de vente lorsque les deux conditions prévues par l'article 1589 du Code civil -paiement d'un acompte sur le prix et prise de possession- ont été accomplies avant le décès.

Par contre, lorsque le décès du vendeur survient après le versement d'un acompte, mais avant la prise de possession, le terrain dépend toujours de sa succession. Lorsque la prise de possession se réalise, elle a un effet rétroactif et la mutation est considérée comme accomplie à la date du premier paiement ; la déclaration de succession du vendeur doit être établie ou rectifiée en conséquence et comprendre seulement à l'actif sa créance contre l'acquéreur pour la partie du prix restant due.


  IX. Vente à réméré


12La vente à réméré est une convention par laquelle le vendeur se réserve, pour un terme qui ne peut excéder cinq ans, de reprendre la chose vendue moyennant la restitution du prix principal et le remboursement des frais et loyaux coûts du contrat, des réparations nécessaires et de celles qui ont augmenté la valeur du fonds jusqu'à concurrence de cette augmentation.

Si l'acheteur décède pendant le délai de réméré, la chose vendue dépend de sa succession. Si le retrait de réméré est exercé après le décès et avant le dépôt de la déclaration de succession, c'est la somme remboursée par le vendeur qui doit être déclarée.

A l'inverse, si le vendeur décède pendant le délai de réméré, il n'y a pas lieu de déclarer et d'évaluer le droit de rachat que recueillent les héritiers, du moins tant qu'il n'est pas cédé. Mais si les héritiers cèdent à un tiers le droit à réméré qu'ils ont reçu de leur auteur, ils doivent souscrire une déclaration complémentaire dans le délai légal décompté du jour de la cession et acquitter l'impôt sur le prix.


  X. Biens apportés à une société non encore existante


13Lorsque l'apporteur décède avant le terme fixé comme point de départ de la société, il transmet à ses héritiers, non de simples droits sociaux, mais la propriété même des biens apportés.

Il est précisé que les sociétés n'acquièrent la personnalité morale que du jour de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés.


  XI. Biens dépendant d'une prétendue société de fait entre concubins


14La Cour de cassation a rejeté un pourvoi formé contre un jugement qui a refusé d'admettre l'existence d'une société de fait entre deux personnes, Mme X... et M. Y... , ayant vécu en concubinage pendant de nombreuses années.

Au décès de M. Y... sa succession était constituée d'un immeuble acheté à son nom. Après avoir payé les droits de mutation à titre gratuit sur ce bien qu'elle a recueilli en qualité de légataire, au taux de 60 % applicable entre non-parents, Mme X... a demandé la révision de cette perception en prétendant que l'immeuble en cause dépendait d'une société de fait qui aurait existé entre elle et son ancien concubin, de sorte que la succession n'aurait compris que la moitié de ce bien.

Le jugement déféré, approuvé par la Cour suprême, a écarté cette prétention en estimant, notamment, que les éléments du dossier ne pouvaient faire la preuve de l'existence d'apports, de la participation aux bénéfices et aux pertes, ainsi que de l'affectio societatis (Cass civ., arrêt du 12 décembre 1978, affaire Mme X... , RJ n° III, p. 199).


  XII. Biens apportés à une association déclarée


15Ces biens ne sont pas compris dans la succession de l'apporteur et ses héritiers n'ont pas à déclarer de contrepartie active à cet apport puisque les membres de l'association n'ont pas de droit sur le patrimoine de celle-ci.

Toutefois, si à la dissolution de l'association, les biens apportés étaient repris par les héritiers de l'apporteur, il y aurait lieu de les considérer comme biens rentrés dans l'hérédité et une déclaration complémentaire devrait être souscrite dans le délai légal qui commence à courir à compter de l'événement ayant opéré la transmission au profit desdits héritiers.


  XIII. Biens ayant fait l'objet d'un contrat d'abandonnement


16L'abandonnement ou cession de biens (C. civ., articles 1265 et suiv.) est l'abandon qu'un débiteur fait de tous ses biens à ses créanciers lorsqu'il se trouve hors d'état de payer ses dettes. La cession de biens est volontaire ou judiciaire.

L'abandon volontaire présente, suivant les stipulations du contrat passé entre les créanciers et le débiteur, les caractères soit d'une dation en paiement, translative de propriété, soit d'un simple mandat donné aux créanciers de vendre les biens abandonnés. La cession judiciaire, elle, ne peut jamais conférer aux créanciers la propriété des biens abandonnés.

En application de ces principes, font partie de la succession du débiteur les biens qui ont fait l'objet d'un contrat d'abandonnement non translatif, mais non ceux qui ont fait l'objet d'un abandonnement translatif.


  XIV. Opérations de bourse


17Les sommes provenant de la liquidation des positions fermes prises par le défunt et de la réalisation des valeurs qu'il avait achetées à terme dépendent de sa succession (cf. ci-avant 7 G 213, n°s 5 et 6 ).


  XV. Offices ministériels


18Une cession d'office ministériel n'est parfaite que lorsque le nouveau titulaire a été agréé par le gouvernement.

Par suite, l'office objet de la cession fait partie de la succession du cédant lorsque le cessionnaire n'est pas nommé au décés 1 et de la succession du nouveau titulaire lorsqu'il est agréé avant son décès, même s'il n'avait pas encore prêté serment.


  XVI. Navires et aéronefs


19Un navire en construction appartient, jusqu'à son achèvement, au constructeur.

Mais un navire doit être compris dans la déclaration de la succession du propriétaire désigné dans l'acte de francisation et un aéronef dans celle du propriétaire désigné dans le certificat d'immatriculation.


  XVII. Sommes déposées


20Les sommes déposées ne doivent pas être déclarées dans la succession du dépositaire s'il est justifié du dépôt dans les formes du droit commun.

En revanche, ces sommes doivent être portées à l'actif successoral du déposant, exception faite, toutefois, de celles déposées à la Caisse des dépôts et consignations, dès l'instant que la consignation a été acceptée ou déclarée bonne et valable par jugement.

 

1   Lorsque le Gouvernement agrée le nouveau titulaire, les droits de succession correspondants peuvent être restitués dans le délai imparti par la loi.