Date de début de publication du BOI : 15/06/2000
Identifiant juridique : 7D221
Références du document :  7D22
7D221
Annotations :  Lié au Rescrit N°2012/7

CHAPITRE 2 ASSIETTE DES DROITS


CHAPITRE 2  

ASSIETTE DES DROITS



SECTION 1

Cessions de fonds de commerce et de clientèles


1Le droit de mutation est exigible sur le prix de vente du fonds de commerce augmenté, le cas échéant, des charges imposées à l'acquéreur. Ces éléments sont déterminés comme en matière de vente d'immeuble. Il convient donc de se référer :

- à la DB 7 C 1222 pour ce qui concerne la détermination du prix ;

- et à la DB 7 C 1223, modifiée par les dispositions visées ci-dessous, n° 7 , en ce qui concerne les charges augmentatives du prix).

Toutefois, le droit de mutation doit être calculé sur la valeur vénale réelle des biens transmis, si elle est supérieure au prix augmenté des charges (LPF, art. L. 17 ; sur la procédure en cas d'insuffisance, cf. ci-après DB 7 D 272, n°s 2 et suiv. ).

À cet égard, il ne résulte pas des dispositions de l'article 719 du CGI que la valeur vénale du fonds de commerce doive, lorsqu'elle est substituée au prix stipulé dans l'acte de cession, être établie élément par élément. Un tribunal peut donc, pour évaluer la valeur globale d'un fonds de commerce, écarter l'un des termes de comparaison proposés par le contribuable sans fixer la valeur propre de chacun de ses éléments (Cass. com., arrêt du 10 janvier 1989, SA Lasch).

Si l'acte ne stipule aucun prix (en cas d'échange, par exemple), le droit est dû sur la valeur vénale déterminée d'après une déclaration estimative détaillée des parties.

Les cas de vente simultanée de meubles et d'immeubles sont étudiés DB 7 C 15.

2En vertu des dispositions du 2e alinéa de l'article 719 du CGI, le droit de mutation de fonds de commerce s'applique au prix de vente des éléments constitutifs du fonds, c'est-à-dire la clientèle, le droit au bail et les objets mobiliers servant à l'exploitation, à l'exception des marchandises neuves garnissant le fonds (cf. ci-avant DB 7 D 2111 ).

3L'application de ce principe appelle les observations suivantes :

Les objets mobiliers vendus avec le fonds sont soumis au droit de vente de fonds de commerce lorsqu'ils ne sont pas immeubles par destination (cf. ci-avant DB 7 D 2111, n° 10 ).

Remarque  : Les biens mobiliers d'investissement d'un fonds de commerce sont toujours passibles des droits d'enregistrement sur un prix hors TVA, quel que soit le régime fiscal de ces biens au regard de la taxe sur la valeur ajoutée (RM. PHILIBERT, J.O. AN., 20 août 1990, p. 3918).

2° Lorsque l'acheteur acquiert en même temps que le fonds de commerce l'immeuble dans lequel le fonds est exploité, la valeur vénale du fonds doit être déterminée en faisant abstraction de la valeur du droit au bail, pour la liquidation du droit de mutation (Trib. civ. Chateau-Chinon, 3 juillet 1957).

3° En cas de vente d'un fonds commerce loué, le prix stipulé pour les loyers à échoir est soumis au droit de vente de fonds de commerce. En effet, s'il est prévu dans l'acte que le vendeur percevra non seulement un prix mais également les loyers à courir jusqu'à la fin du bail conclu avec le locataire, le droit de vente est dû sur l'intégralité du prix constitué en l'occurrence par le prix stipulé dans l'acte auquel s'ajoutent les loyers à échoir (Trib. civ. Seine, 12 novembre 1907).

4° La cession des marchés en cours consentie avec la cession du fonds donne lieu au droit de vente de fonds de commerce sur le prix versé par l'acquéreur au vendeur comme représentant la valeur du bénéfice à retirer de ces marchés (Trib. civ. Lyon, 23 mars 1899, et Seine, 11 février 1913 et 14 mars 1936).

Il en est ainsi pour les marchés en cours relatifs à la construction et à la livraison de bateaux, qui font partie des éléments cédés (Cass. com., arrêt du 10 février 1987, Sté Freshfields Europe Limited, RJ, p. 58).

Remarque  : À la suite de l'acquisition par une société des éléments d'actif de bases nautiques, le service avait assujetti cette opération aux droits d'enregistrement applicables aux mutations de propriété à titre onéreux de fonds de commerce prévus à l'article 719 du CGI.

La société redevable a contesté pour partie cette imposition en soutenant que l'assiette des droits ne pouvait comprendre la valeur de bateaux en cours de fabrication commandés mais non livrés à la société cédante lors de la mutation.

La Cour a décidé que le tribunal, en donnant gain de cause à l'administration, a fait une exacte application de l'article 719 précité dès lors que le jugement a retenu que les marchés en cours relatifs à la construction et à la livraison des bateaux faisaient partie des éléments cédés et, qu'en conséquence, la valeur de ces biens devait être comprise dans l'assiette des droits dus.

5° Le fait pour l'acquéreur d'un fonds de commerce de prendre à sa charge l'indemnité de licenciement versée à un salarié, mais incombant normalement au vendeur - le licenciement étant intervenu avant la vente - procure au vendeur un avantage indirect qui constitue une augmentation du prix de vente du fonds. Cette somme doit donc être ajoutée au prix pour la perception du droit.

Ne sont pas à comprendre dans le prix soumis au droit de mutation les éléments suivants :

41° Les créances commerciales, le numéraire en caisse, les valeurs mobilières et droits sociaux en portefeuille, ces divers éléments ne faisant pas partie du fonds de commerce (cf. ci-dessus DB 7 D 2111, n° 7 ) ;

52° Les objets mobiliers, qui sont immeubles par destination, pour avoir été placés sur le fonds par le propriétaire pour l'exploitation de l'immeuble.

Bien entendu, la fraction du prix afférente à chacun de ces éléments est taxée s'il y a lieu selon la nature des biens transmis ;

63° Le remboursement par le cessionnaire au cédant des loyers payés d'avance par celui-ci ;

74° Les frais et loyaux coûts du contrat de vente lorsque la cession du fonds de commerce est opérée « contrat en mains » 1 . Il en est ainsi notamment des frais d'acte (rappr. avec DB 7 C 1224).

85° La commission payée par l'acquéreur, dès lors que la rémunération de l'intermédiaire, dans le mandat confié par les vendeurs, est contractuellement mise à la charge de l'acquéreur et qu'aucune disposition de la loi du 2 janvier 1970 ne met la charge du paiement de la commission au vendeur (Cass. Com., arrêt du 12 décembre 1995, n° 2170 D, cf. annexe).

Observations :

La décision de la Cour de cassation se fonde sur le droit commun régissant la profession d'agent d'affaires dont il résulte qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne met le paiement de la commission de l'intermédiaire à la charge du vendeur.

En effet, l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 exige seulement que le mandat précise les conditions de détermination de la rémunération de l'intermédiaire, ainsi que l'indication de la partie qui en aura la charge, alors que le décret n° 72.678 du 20 juillet 1972, qui fixe les conditions d'application de ce principe, ne restreint pas davantage la liberté des contractants.

Par conséquent, la commission versée à l'intermédiaire spécialisé dans les opérations portant sur des immeubles et des fonds de commerce n'entre pas dans l'assiette des droits de mutation à titre onéreux lorsque le mandat précise qu'elle sera mise à la charge de l'acquéreur, que le mandant soit le vendeur ou l'acquéreur

En l'espèce, la Cour Suprême a pu ainsi considérer que le paiement de la commission litigieuse, qui ne constituait pas la prise en charge d'une obligation incombant légalement au vendeur, mais était contractuellement mis à la charge de l'acquéreur, ne présentait pas le caractère d'une charge augmentative du prix. La circonstance qu'il y ait eu, au cas particulier, double mandat (mandat de vente et mandat de recherche d'un bien pour l'acquéreur) étant, en tout état de cause, dépourvue d'incidence à cet égard.

Cette décision rendue dans un litige relatif à une cession de fonds de commerce (art. 719 du CGI) est, compte tenu du caractère général de sa motivation, transposable aux commissions versées aux intermédiaires spécialisés dans les opérations portant sur des immeubles, quelle que soit leur nature (immeubles commerciaux, immeubles d'habitation, immeubles ruraux, etc).

Par cet arrêt, la cour de cassation infirme la doctrine de l'administration selon laquelle le paiement de la commission de l'intermédiaire, qui incombe normalement au vendeur, constitue, lorsqu'il est mis expressément à la charge de l'acquéreur, une charge à ajouter au prix exprimé (R.M. BECAM, J.O. Déb. Sénat, 30 mai 1985, p. 1012 ; R.M. MATHIEU, J.O. AN 28 septembre 1987, p. 5393 ; R.M. REITZER, J.O. Déb. Ass. Nat., 13 avril 1992, p. 1758 ; D.B. 7 C 1223, n°s 4 et 24). Cette doctrine est rapportée.

Bien entendu, la commission de l'intermédiaire contractuellement mise à la charge du vendeur, mais versée au lieu et place de celui-ci par l'acquéreur, constitue une charge augmentative du prix.


ANNEXE

 Com. 12 décembre 1995, n° 2170 D :


« Attendu, selon le jugement déféré (tribunal de grande instance de Tours, 12 août 1993), que, suivant un acte sous seing privé du 1er décembre 1987, les époux X... ont acquis des époux Y... un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie sis à Tours ; que, le 24 septembre 1987, les époux Y... avaient donné au Cabinet Renault un mandat de recherche d'acquéreur pour leur fonds de commerce et, le 26 septembre 1987, les époux X... avaient donné à ce même Cabinet un mandat de recherche de bien ; qu'estimant que la commission versée par les époux X... au Cabinet Renault constituait une charge augmentative du prix de vente du fonds, l'administration fiscale leur a notifié un redressement portant sur les droits d'enregistrement estimés dus ; qu'après le rejet de leur réclamation, les époux X... ont assigné le directeur départemental des services fiscaux devant le Tribunal pour obtenir le dégrèvement des impositions litigieuses ;

Attendu que le directeur général des impôts fait grief au jugement d'avoir accueilli la demande des époux X... , alors, selon le pourvoi, d'une part, que le mandat double n'est valable qu'autant que le mandataire a révélé à ses mandants sa double qualité ; que l'obligation faite au mandataire par l'article 72 du décret du 20 juillet 1972 de mentionner tous les mandats par ordre chronologique sur un registre spécial participe des exigences de ce texte au regard de la preuve préconstituée du mandat ; qu'ainsi, en se bornant à affirmer que l'article 72 du décret du 20 juillet 1972 n'instituait aucune prééminence d'un mandat sur l'autre à raison de leurs dates d'inscription respectives sur le registre y afférent et en reconnaissant aux parties la faculté de choisir, le moment venu, de faire application du mandat le plus récent, sans rechercher si c'était effectivement en exécution de ce mandat conclu deux jours après la signature du premier mandat par le vendeur potentiel que le Cabinet Renault avait négocié la vente litigieuse, le Tribunal a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ; et alors, d'autre part, que, conformément tant aux règles de droit commun relatives à l'objet du prix de vente qu'aux règles spécifiques aux droits d'enregistrement concernant l'assiette des mutations de meubles à titre onéreux, le prix de vente d'un fonds de commerce prévu à l'article 719 du code général des impôts comprend nécessairement les charges augmentatives de ce prix, c'est-à-dire, outre les sommes d'argent stipulées, toutes autres prestations en nature ou en espèces que l'acheteur doit exécuter pour le compte du vendeur dont notamment le paiement des frais exposés antérieurement à la vente par le cédant en vue de la réalisation de celle-ci ; qu'ainsi, le Tribunal a violé les articles 719 du Code général des impôts, 1591 et 1593 du Code civil et 14, 5°, de la loi du 22 frimaire An III ;

Mais attendu qu'aux termes des articles 72 et 73 du décret du 20 juillet 1972, le mandat détermine les conditions de la rémunération de l'intermédiaire ainsi que la partie qui en a la charge ; qu'ayant constaté que la rémunération du Cabinet Renault, dans le mandat confié par les vendeurs, le 24 septembre 1987, était contractuellement mise à la charge de l'acquéreur et relevé, en justifiant légalement sa décision, abstraction faite des motifs surabondants critiqués en la première branche, qu'aucune disposition de la loi du 2 janvier 1970 ne mettait la charge du paiement de la commission au vendeur, le jugement en a déduit à juste titre, que la commission payée par les époux X... ne constituait pas une charge augmentative du prix ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi... »

 

1   Une vente est consentie « contrat en main » lorsque le vendeur se charge de tous les frais qu'entraine la transmission du bien vendu.