SOUS-SECTION 2 PRINCIPES DE DÉVOLUTION SUCCESSORALE
C. RAPPORTS
I. Généralités
67Pour maintenir l'égalité entre les héritiers, ceux-ci doivent rapporter à la masse de la succession certaines libéralités qui leur avaient été faites par le défunt et les dettes qu'ils avaient envers lui.
Le rapport est dit en nature lorsqu'il est effectif : l'héritier remet dans la succession les biens qui font l'objet du rapport.
Au contraire, le rapport en moins prenant est fictif : l'héritier conserve les biens soumis au rapport en les imputant sur sa part ; il prend moins qu'il ne le ferait s'il n'était débiteur d'un rapport.
Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage d'après son état à l'époque de la donation (Code civ., art. 860, 1er al.). Toutefois, cette disposition est supplétive de la volonté des parties. En effet, le troisième alinéa dudit article précise qu'elle peut être écartée par une stipulation contraire de l'acte de donation. N'étant pas d'ordre public, elle peut également être écartée après le décès du disposant par une convention passée entre tous les successibles. Le rapport est alors effectué de la valeur des biens au jour de la donation.
Le rapport d'une somme d'argent est égal à son montant, sauf si elle a servi à acquérir un bien (Code civ., art. 869).
Sur les incidences fiscales de l'option exercée (cf. ci-après 7 G 245 , annexe II).
II. Rapports de donations
1. Personnes tenues au rapport.
68Le rapport est dû par tout héritier qui a reçu du défunt une libéralité non dispensée du rapport (Code civ., art. 843).
Pour être tenu au rapport :
- il faut être héritier ab intestat ;
- il ne faut pas avoir renoncé à la succession ;
- il ne faut pas avoir été dispensé du rapport, expressément ou tacitement, par le donateur ;
- il faut réunir les qualités de donataire et d'héritier du défunt.
2. Personnes à qui le rapport est dû.
69Seuls les héritiers - ou leurs créanciers par l'action oblique - peuvent exiger le rapport.
3. Donations soumises au rapport.
70Toutes les donations entre vifs, directes, indirectes, déguisées ou faites par personne interposée et les dons manuels sont en principe soumis au rapport. Toutefois, la règle précédente comporte des exceptions.
En particulier, le donateur est libre de répartir inégalement sa succession ; il peut toujours accorder au donataire dispense du rapport (Code civ., art. 843, 1er al.).
En outre, diverses dispositions du Code civil excluent du rapport : les frais de nourriture, d'entretien, d'éducation, d'apprentissage, de noces.
III. Rapports de legs
71Les legs ne sont pas soumis en principe au rapport ; ils sont présumés faits par préciput et hors part.
Le testateur rend le legs rapportable, s'il en exprime la volonté (Code civ., art. 843, 2e al. ).
IV. Rapports de dettes
72Chaque successeur (héritier ab intestat, légataire universel ou légataire à titre universel), lorsqu'il est débiteur de la succession, doit rapporter sa dette à la masse et non en exécuter le paiement. Le rapport des dettes qui se fait en moins prenant est limité à la part héréditaire du débiteur.
D. RENONCIATION À SUCCESSION
I. Renonciation pure et simple
73La renonciation à succession est un acte par lequel un héritier déclare répudier sa qualité d'héritier.
Pour être valable, la renonciation doit être pure et simple.
1. Forme de la renonciation.
74La renonciation est faite en principe par déclaration au greffe du tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession.
Elle est opposable aux créanciers héréditaires, aux légataires institués par le défunt et même aux cohéritiers du renonçant, sans qu'ils aient à l'accepter et sans qu'il soit nécessaire de leur en faire la signification.
La jurisprudence admet également la renonciation tacite résultant de l'inaction de l'héritier pendant trente ans.
D'autres formes de renonciation au moyen d'actes authentiques ou d'actes sous-seing privé, sont en outre admises lorsque la renonciation émane des légataires.
2. Contrôle de la renonciation.
75L'administration est en droit de contrôler la sincérité de la renonciation et en particulier d'examiner si celle-ci n'a pas été précédée ou suivie de conventions entraînant l'exigibilité des droits de mutation.
3. Effets de la renonciation.
76L'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais été héritier (Code civ., art. 785).
Il ne recueille pas l'actif, ne supporte pas le passif et n'est pas tenu au rapport.
La part de l'héritier renonçant profite :
- aux successibles appelés à la succession immédiatement après lui, s'il était seul héritier ;
- à ses cohéritiers, en respectant les règles de la fente et de la répartition par souches, s'il était en concours avec d'autres.
II. Cas particuliers de renonciation
1. Renonciation rétractée.
77La renonciation peut être rétractée tant que la succession n'a pas été acceptée par d'autres héritiers et que la prescription trentenaire n'est pas acquise.
2. Renonciation tardive.
78L'héritier qui a accepté la succession ne peut plus y renoncer. La renonciation après acceptation est nulle, même à l'égard des héritiers ou légataires appelés à défaut du renonçant et qui auraient accepté ; elle ne fait pas perdre au renonçant sa qualité d'héritier ou de légataire.
79Ainsi, dès lors qu'ils ont demandé à être envoyés en possession de leur legs et ont accompli des actes impliquant la prise de qualité d'héritiers, les légataires universels sont regardés comme ayant accepté tacitement la succession et la renonciation ultérieure de ces légataires à la succession est nulle (Cass. Com., arrêt du 2 décembre 1986, affaire X... , Bull. IV, p. 200, n° 230).
3. Renonciation translative.
80La renonciation à une succession ou à un legs au profit des autres ayants droit moyennant un prix est, en réalité, une cession de droits successifs et emporte acceptation de la succession (Code civ., art. 780, dernier al.).
La renonciation gratuite par l'un des héritiers au profit d'un ou de plusieurs de ses cohéritiers emporte également de la part du renonçant acceptation de la succession.
4. Renonciation partielle.
81L'héritier ab intestat possédant un titre indivisible ne peut renoncer partiellement à une succession.
Il en est de même pour le légataire universel ou à titre universel.
5. Annulation d'une acceptation de succession.
82L'acceptation d'une succession peut être annulée :
- pour dol ou, par assimilation, pour violence (Code civ., art. 783) ;
- pour erreur sur la substance (application de l'art. 1110 du Code civ. par la jurisprudence). Présente ce caractère substantiel la méprise sur l'étendue ou la nature des droits successoraux, par exemple :
• émolument limité au quart de la succession alors que l'héritier croyait avoir vocation à la moitié,
• émolument consistant en un usufruit tandis que l'ayant droit pensait recevoir la toute propriété.
Une erreur qui ne porte ni sur l'étendue ni sur la nature des droits successoraux n'est donc pas susceptible d'entraîner la nullité de l'acceptation d'un legs.
A violé les articles 783 et 1110 du Code civil le tribunal qui, pour prononcer cette nullité, a relevé que les légataires s'étaient mépris sur le bénéfice qu'ils pourraient tirer de l'acceptation et que leur erreur avait porté sur les conséquences juridiques des règles de droit régissant l'assiette des droits de succession (Cass., 1er civ., arrêt du 3 décembre 1985 ; n° 982 S, affaire consorts X... ).
En l'espèce, les légataires n'étaient pas en droit de demander à ce que leur acceptation soit annulée au motif qu'ils s'étaient mépris sur le profit escompté, en raison des redressements consécutifs à la mise en oeuvre par le service de la présomption de l'article 752 du CGI.
83L'erreur sur l'évaluation des forces de la succession, qui n'entre pas dans les prévisions des articles 783 et 1110 du Code civil, n'est pas une cause de nullité.